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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1568/2022

ATAS/143/2023 du 02.03.2023 ( LPP ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1568/2022 ATAS/143/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 mars 2023

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, CHÊNE-BOURG

 

demandeur

 

contre

CAP CAISSE D’ASSURANCE DU PERSONNEL DE LA VILLE DE GENÈVE ET DES SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE, sise Rue de Lyon 93, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Alexia RAETZO

 

 

 

défenderesse

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1934, a travaillé pour les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) à compter de mars 1966. À ce titre, il était affilié pour la prévoyance professionnelle auprès de la CAISSE D’ASSURANCE DU PERSONNEL DE LA VILLE DE GENÈVE ET DES SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE (ci-après : la caisse).

b. Par pli du 20 février 1991, l’assuré a fait part à la caisse de son souhait de transformer une partie de son droit à la pension de retraite en capital. Il a en outre annoncé qu’il comptait en principe mettre un terme à son activité professionnelle fin mars 1994.

c. Le 25 février 1991, la caisse a accusé réception de ce courrier et précisé à l’assuré qu’une partie de la prestation de vieillesse ainsi convertie en capital devait être obligatoirement affectée, soit à l’acquisition d’un logement servant à ses propres besoins, soit à l’amortissement d’une dette hypothécaire grevant un logement dont il était propriétaire.

d. Par pli du 7 décembre 1993, les Service industriels de Genève (ci-après : SIG) ont pris acte de la volonté de l’assuré – dont il leur avait fait part le mois précédent – de mettre un terme à son activité professionnelle le 31 mars 1994 et de faire valoir son droit à une pension de retraite dès le 1er avril 1994.

e. Le 11 mars 1994, la caisse a indiqué à l’assuré qu’elle acceptait de convertir une partie de sa pension en capital afin de lui permettre de rembourser l’ensemble des dettes hypothécaires grevant ses résidences principale et secondaire.

f. Par courrier du 18 avril 1994, la caisse a transmis à l’assuré le décompte de
la pension de retraite à laquelle il avait droit dès le 1er avril 1994 :

-          pension de retraite

CHF

4’212.05

-          avance AVS

CHF

1’240.80

-          participation cotisation caisse-maladie

CHF

110.65

total

CHF

5’563.50

Dans ce même courrier, la caisse a rendu l’assuré attentif au fait que l’avance d’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) qui lui était versée devrait être remboursée viagèrement, dès le mois suivant son 65ème anniversaire, conformément à son règlement, d’une part, qu’il demeurait astreint au paiement de cotisations à l’AVS jusqu’à 65 ans et donc tenu de s’annoncer à la caisse cantonale de compensation, d’autre part. Pour leur part, les SIG prendraient à leur charge la moitié des cotisations AVS sur la pension versée par la caisse.

g. Le 26 juillet 1995, la caisse a fait savoir à l’assuré que, selon les instructions qu’elle avait reçues des SIG, elle retiendrait sur sa pension d’août 1995 un montant de CHF 65.- correspondant à la cotisation « DAS Protection juridique privée » et à la cotisation « DAS véhicule » pour la période du 1er juillet au 31 décembre 1995. Par la suite, les cotisations annuelles relatives à ces assurances, représentant un total de CHF 130.-, seraient retenues chaque année sur sa pension de janvier.

h. Par courrier du 16 avril 1999, la caisse a rappelé à l’assuré que, conformément à son règlement, l’avance AVS devait être remboursée viagèrement dès le mois suivant son 65ème anniversaire, qu’il avait fêté le 12 mars 1999, raison pour laquelle elle retiendrait un montant de CHF 639.20 sur sa pension dès le 1er avril 1999.

i. Le 19 décembre 2018, la caisse a délivré à l’assuré une attestation de pension pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018, détaillant les prestations fournies et les déductions opérées :

rente de retraite

-          rente de base

CHF

50’544.60

-          rente d’indexation

CHF

8’320.20

-          allocation unique

CHF

1’846.20

total brut

CHF

60’710.95

retenues

-          remboursement viager de l’avance

CHF

-7’670.40

-          retenue DAS

CHF

-130.00

 

total net

CHF

53’910.55

j. En décembre 2019 et 2020, la caisse a transmis à l’assuré des attestations annuelles de pension semblables à celle délivrée pour l’année 2018, si ce n’est la suppression de l’allocation unique en 2019 et son rétablissement en 2020. Pour le reste, le montant des retenues opérées au titre du remboursement viager de l’avance AVS et des cotisations en faveur de la société d’assurance DAS demeurait inchangé, en 2019 comme en 2020.

B. a. Par pli du 3 mai 2021, l’assuré s’est adressé à la Cour des comptes. Il a expliqué être entré aux SIG en 1967 et avoir, après 27 années de service, pris sa retraite avec deux ans d’avance, l’âge normal étant de 62 ans. C’était après deux infarctus, dus en grande partie à la mauvaise ambiance qui régnait dans sa division, qu’il avait décidé de quitter l’entreprise avec une retraite quelque peu diminuée. Cette situation l’avait incité à demander une avance AVS jusqu’à l’âge de 65 ans, dont il avait retiré environ CHF 75’000.- sur cinq ans. À partir de 65 ans, il avait commencé à rembourser cette avance sans limite de temps, de sorte que les montants versés à ce titre totalisaient désormais CHF 168’748.- environ, soit un montant dépassant de loin les CHF 75’000.- reçus, raison pour laquelle il s’estimait en droit d’exiger de la caisse, non seulement l’arrêt des prélèvements mensuels effectués au titre du remboursement de l’avance AVS, mais aussi le remboursement du montant payé en trop.

b. Le 18 mai 2021, la Cour des comptes a informé l’assuré que les questions qu’il lui avait soumises n’étaient pas de son ressort.

c. Par courrier du 10 septembre 2021, l’assuré a demandé à la caisse de cesser de prélever mensuellement CHF 639.20 sur sa rente de retraite, arguant que l’avance AVS dont il avait bénéficié représentait environ CHF 75’000.- sur cinq ans et que les prélèvements effectués en vue de son remboursement atteignaient environ CHF 170’000.- ; il a également invité la caisse à lui rembourser le trop-perçu.

d. Le 28 octobre 2021, la caisse lui a répondu qu’en application de ses statuts, tels qu’en vigueur au 1er janvier 1985, le bénéficiaire d’une pension de retraite avait droit, jusqu’à l’ouverture de son droit aux prestations AVS, à une avance calculée en fonction de la rente de vieillesse annuelle simple présumée. Il était néanmoins possible, pour la personne assurée, de renoncer à cette avance, moyennant un avis écrit donné avant la mise au bénéfice de la pension de retraite.

Les mêmes statuts prévoyaient que les montants versés au titre d’avance AVS étaient remboursables, soit viagèrement, soit en 12 ans, dès que le pensionné avait droit à la rente de vieillesse AVS. À moins que l’assuré ne se fût déterminé par écrit quant à la durée du remboursement de l’avance AVS avant la mise au bénéfice d’une pension de retraite, le remboursement s’effectuait de manière viagère.

Les statuts de l’époque offraient ainsi la possibilité au bénéficiaire d’une pension de retraite, moyennant avis écrit avant la survenue du cas d’assurance, de renoncer à l’avance AVS, voire de choisir un mode de remboursement sur 12 ans, en lieu et place d’un remboursement viager.

Dès lors qu’il ressortait du dossier que l’assuré n’avait ni renoncé à percevoir l’avance AVS, ni souhaité rembourser celle-ci sur une durée fixe de 12 ans, en dépit des courriers des 18 avril 1994 et 16 avril 1999 qui le rendaient attentif
au fait que l’avance était remboursable viagèrement et que le remboursement commencerait le mois suivant son 65ème anniversaire, il n’était pas possible de donner une suite favorable à sa demande.

C. a. Le 16 mai 2022, l’assuré a saisi la Cour de céans d’une demande concluant à ce que la caisse cesse ses prélèvements mensuels de « CHF 672.- » sur sa rente de vieillesse et soit condamnée au remboursement de tout ou partie de la part excédant le montant d’environ CHF 75’000.- dont il avait bénéficié durant les cinq ans précédant l’ouverture de son droit aux prestations de l’AVS.

À l’appui de ses conclusions, le demandeur reprend en substance les arguments présentés dans son courrier du 3 mai 2021 à la Cour des comptes, en précisant que les prélèvements opérés sur sa rente de vieillesse représentent désormais plus de CHF 180’000.-.

b. Invitée à se déterminer, la défenderesse a conclu au rejet de la demande en faisant valoir en substance que le remboursement viager de l’avance AVS est prévu par ses statuts – opposables au demandeur, puisque publiés.

Elle fait remarquer que l’assuré n’a pas réagi à ses courriers des 18 avril 1994 et 16 avril 1999 pour demander d’éventuels éclaircissements sur la durée du remboursement de l’avance en question. Dans ces conditions, la défenderesse considère qu’elle était fondée à considérer que le demandeur avait saisi la portée de la notion de « remboursement viager » à l’époque desdits courriers,
si bien que l’argument tiré – pour la première fois en 2021 – de son caractère excessif n’était pas pertinent plus de 22 ans après le début du remboursement de l’avance.

c. Dans sa réplique du 12 août 2022, le demandeur, alléguant qu’il a été victime de deux infarctus entre l’âge de 58 et 59 ans, argue que, dans ces circonstances, au moment de prendre sa retraite, ses préoccupations portaient davantage sur son état de santé que sur le choix du remboursement, dont il soutient qu’il ne lui a jamais été donné. Contrairement à ce que soutient la défenderesse, il n’a pas renoncé à un remboursement sur une durée de 12 ans ; la défenderesse lui a tout simplement annoncé que le remboursement serait viager. Il souligne la différence entre le montant avancé par la défenderesse et la somme remboursée par ses soins, le qualifie de « remboursement perpétuel » et fait valoir que cela mérite une réflexion autre que le raisonnement développé par la défenderesse.

d. Le 18 août 2022, celle-ci a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l’art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit,
y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220] ; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             En matière de prévoyance professionnelle, le for de l’action est au siège ou au domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP).

En l’occurrence, l’assuré est domicilié dans le canton de Genève et a travaillé pour une entreprise ayant son siège dans ce canton.

La Cour de céans est donc compétente à raison du lieu et de la matière pour juger du cas d’espèce.

3.             L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984).

La demande respecte en outre la forme prévue à l’art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Partant, elle est recevable.

4.             Le litige porte sur l’admissibilité d’un remboursement viager, par le demandeur, de l’avance AVS que dont il a bénéficié durant cinq ans de la part de la défenderesse, suite à un départ anticipé à la retraite à l’âge de 60 ans.

5.              

5.1 Selon les principes généraux, l’on applique, en cas de changement de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques. Ces principes valent également en cas de changement de dispositions réglementaires ou statutaires des institutions de prévoyance (ATF 138 V 176 consid. 7.1 ; 121 V 97 consid. 1a et les références).

En l’occurrence, les statuts de la caisse, dans leur teneur en vigueur à compter du 1er janvier 1985, sont applicables – sans que cela soit contesté par les parties –, le demandeur ayant été mis au bénéfice d’une pension de retraite et d’une avance AVS le 1er avril 1994.

5.2 L’art. 31 de ces statuts prévoit que la pension de retraite est calculée en fonction des années d’assurance, du dernier traitement assuré et du taux moyen d’activité. Chaque année d’assurance donne droit à une pension de retraite égale à 2% du dernier traitement assuré. Si l’assuré fait valoir son droit à la pension de retraite avant l’âge de 60 ans révolus, le montant de la pension est réduit de 5% de son montant pour chaque année complète de différence entre l’âge de l’intéressé au premier jour du mois au cours duquel débute le service de la pension et l’âge de 60 ans révolus. La réduction pour une fraction d’année est calculée prorata temporis. Le taux maximum de la pension de retraite n’excède en aucun cas 70%.

Aux termes de l’art. 33 des statuts, le bénéficiaire d’une pension de retraite a droit, jusqu’à l’ouverture de son droit aux prestations de l’AVS, à une avance non réversible calculée en fonction de la rente de vieillesse annuelle simple complète maximum de l’AVS. Cette avance n’est versée que pour autant que le montant des annuités prévues pour son remboursement ultérieur n’excède pas celui de la pension annuelle de retraite. L’assuré peut, par avis écrit donné avant la mise au bénéfice de la pension de retraite, renoncer à l’avance.

L’art. 34 précise que les montants versés au titre d’avance AVS sont remboursables, soit viagèrement, soit en 12 ans, dès que le pensionné a droit à la rente de vieillesse AVS. Si l’assuré ne se détermine pas par avis écrit quant à la durée du remboursement de l’avance AVS avant la mise au bénéfice de la pension de retraite, le remboursement se fera viagèrement.

L’art. 35 des statuts contient les échelles de remboursement de l’avance. En cas de remboursement de l’avance en 12 ans (let. a), cette disposition prévoit ce qui suit pour les hommes : en cas de retraite à 60 ans un taux de remboursement de 41% pour un taux d’avance de 59%, en cas de retraite à 61 ans un taux de remboursement de 35% pour un taux d’avance de 65%, en cas de retraite à 62 ans un taux de remboursement de 28% pour un taux d’avance de 72%, en cas de retraite à 63 ans un taux de remboursement de 20% pour un taux d’avance de 80%, en cas de retraite à 64 ans un taux de remboursement de 11% pour un taux d’avance de 89%. S’agissant du remboursement viager, l’art. 35 let. b des statuts arrête pour les hommes en cas de retraite à 60 ans un taux d’avance de 66% et un taux de remboursement de 34%, en cas de retraite à 61 ans un taux d’avance de 71% et un taux de remboursement de 29%, en cas de retraite à 62 ans un taux d’avance de 77% et un taux de remboursement de 23%, en cas de retraite à 63 ans un taux d’avance de 84% et un taux de remboursement de 16% et en cas de retraite à 64 ans un taux d’avance de 91% et un taux de remboursement de 9%.

Aux termes de l’art. 79 des statuts, chaque année, le comité de gestion informe les assurés et pensionnés de la caisse sur la marche de cette dernière en leur remettant un rapport d’activité.

5.3 La défenderesse étant une institution de droit public, le sens des dispositions
y relatives doit être recherché selon les règles applicables en matière d’interprétation des lois (ATF 139 V 66 consid. 2.1 ; 138 V 98 consid. 5.1 ; 133 V 314 consid. 4.1). À cet égard, il convient de se fonder en premier lieu sur la lettre de la disposition en cause. Lorsque son texte est clair, c’est-à-dire sans équivoque, il n’est possible de s’en écarter que s’il existe une raison valable de penser que la lettre de cette disposition ne correspondrait pas à son sens véritable. Les raisons d’une telle supposition peuvent résulter de la genèse de la disposition en cause (interprétation historique), de son but (interprétation téléologique) ou de son rapport avec d’autres dispositions (interprétation systématique), notamment lorsque l’interprétation littérale conduit à un résultat que le législateur ne peut avoir voulu (ATF 142 V 402 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_891/2017 du 14 septembre 2018 consid. 4.2.2).

5.4 Déjà appelée à statuer sur des litiges de même nature, régis par les mêmes dispositions statutaires (cf. ci-dessus : consid. 5.2) et opposant chaque fois le bénéficiaire d’une avance AVS à la défenderesse (cf. arrêts ATAS/943/2016 du 16 novembre 2016, ATAS/1160/2011 du 29 novembre 2011 ; ATAS/977/2005 du 14 novembre 2005), la Cour de céans n’a considéré dans aucun de ces arrêts que la notion de remboursement viager, telle qu’elle ressort de l’art. 34 des statuts, aurait un sens qui serait différent du vocabulaire usuel. Aussi la Cour de céans a-t-elle constaté, dans l’arrêt ATAS/943/2016 précité, que le versement d’une avance AVS à rembourser de manière viagère est prévu de manière parfaitement claire dans les statuts et que ceux-ci ne recèlent aucune ambiguïté sur ce point.

5.5 Les dispositions statutaires litigieuses, en particulier leur art. 34, appellent néanmoins quelques observations complémentaires par rapport à l’ordre juridique dans lequel elles s’inscrivent.

5.5.1 Des conventions collectives de travail et des règlements de prévoyance peuvent prévoir le versement d’une rente-pont entre le moment de la retraite anticipée et l’atteinte de l’âge ordinaire de la retraite. À partir de l’âge de la retraite anticipée, la personne assurée reçoit alors, en sus de sa rente du deuxième pilier, une rente temporaire, dont le montant correspond à la rente AVS normalement servie à l’âge ordinaire de la retraite augmenté, cas échéant, de tout ou partie des cotisations AVS devant être acquittées. Une telle rente-pont peut être financée par l’employeur (cotisations spécifiques ou rachats de prestations), un éventuel fonds de secours, l’institution de prévoyance (cotisations paritaires spécifiques ou fonds libres) ou la personne assurée elle-même, c’est-à-dire par des cotisations spécifiques, des rachats de prestations ou une réduction de la rente. Dans cette dernière éventualité, il s’agit d’une avance AVS mise à la charge de l’assuré (Sylvie PÉTREMAND, La fixation de l’âge de la retraite en droit international, européen et suisse de la sécurité sociale, 2013, p. 429, n. 1309-1310). On ajoutera que la rente-pont AVS et son remboursement viager sont des institutions usuelles en prévoyance professionnelle. Ainsi, dans l’ouvrage de conseils pratiques édité par Beobachter, il est souligné qu’en cas de retraite anticipée, certaines caisses de pension proposent une rente-pont, ce qui signifie qu’elles versent une prestation supplémentaire jusqu’à ce que l’assuré atteigne l’âge de la rente AVS. Les auteurs recommandent dans un tel cas de s’intéresser au financement de cette prestation, qui est dans la plupart des cas déduite de l’avoir de vieillesse, ce qui signifie qu’elle est financée par l’assuré. Le versement d’une rente-pont conduit alors à ce qu’une rente de vieillesse réduite soit versée dès l’âge AVS. À cette date, la caisse de pension procède à un nouveau calcul en déduisant de l’avoir de vieillesse le montant consacré à la rente-pont. L’avoir
de vieillesse ainsi diminué conduit au versement viager d’une rente réduite
(Ueli KIESER/Jürg SENN, Pensionskasse, Vorsorge, Finanzierung, Sicherheit, Leistung, Zurich, 2009, p. 139-140). Les institutions de prévoyance peuvent prévoir le remboursement de l’avance AVS de manière viagère ou sur une période fixe (Meinrad PITTET, Les caisses de pension de droit public dans la prévoyance professionnelle suisse, 2007, p. 177 notamment). Le montant de l’avance AVS et son remboursement sont déterminés au moyen d’un calcul actuariel fondé sur des données statistiques (ATAS/1160/2011 précité, consid. 9).

5.5.2 Si l’anticipation de l’âge de la retraite est avantageuse pour certains assurés alors qu’elle ne l’est pas pour d’autres, la nature même des retraites anticipées impose de prévoir des solutions générales qui peuvent avoir des effets différents pour les intéressés selon l’âge et la durée d’assurance, sans que cela ne porte atteinte au principe d’égalité de traitement (ATF 127 V 252 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 31/02 du 10 octobre 2002 consid. 1.4).

6.              

6.1 En l’occurrence, le demandeur fait valoir en substance que l’avance AVS dont il a bénéficié pendant cinq ans jusqu’à fin mars 1999 a été remboursée en l’espace de dix à douze ans par le biais des prélèvements opérés par la défenderesse sur sa pension de retraite à raison de CHF « 672.- » (recte : CHF 639.20) par mois depuis avril 1999. Estimant qu’il n’est pas tenu de rembourser davantage que le montant de l’avance AVS dont il a bénéficié – soit CHF 75’000.- environ –, il estime légitime d’obtenir la cessation immédiate des prélèvements litigieux et la restitution de l’excédent.

En l’espèce, le plan de prévoyance de la défenderesse est en primauté des prestations (cf. art. 31 des statuts). Cela a notamment pour conséquence que le financement de l’institution de prévoyance repose sur le principe de l’équivalence collective (cf. à ce sujet Carl HELBLING, Personalvorsorge und BVG, 7ème éd. Berne 2000, p. 205 s. et 237). Dans le système de la primauté des prestations, les rentes ne correspondent pas nécessairement aux cotisations individuelles, mais l’équilibre entre les prestations et les cotisations est établi dans le cadre du collectif assuré concerné. Dans ce contexte, les jeunes assurés versent généralement, dans une mesure variable, des cotisations de solidarité pour les assurés plus âgés, dont le taux de cotisation devrait être plus élevé sur le plan actuariel pour des prestations identiques. À l’inverse, le fait que des assurés plus âgés ne fassent pas usage de la possibilité de prendre une retraite anticipée avec la rente de vieillesse maximale obtenue grâce à un rachat et continuent à verser des cotisations peut être considéré comme une prestation de solidarité envers les jeunes assurés (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 63/01 du 14 février 2002 consid. 1b). Bien que cet arrêt traite d’une problématique différente du remboursement d’une avance AVS et concerne le rachat de trois années de prévoyance effectué par un assuré en vue de pouvoir bénéficier d’une rente maximale tout en prenant une retraite anticipée, le Tribunal fédéral des assurances n’en a pas moins estimé que, même si, dans l’affaire qui lui était soumise, l’assuré avait renoncé, in fine, à prendre une retraite anticipée, il ne disposait pas pour autant d’une créance en restitution de la somme versée. Non seulement parce que le rachat rétroactif d’années d’assurance n’est pas une simple opération d’épargne, mais aussi parce que le principe d’équivalence collective ne permet pas de considérer que l’institution de prévoyance se serait trouvée enrichie de manière illégitime au sens de l’art. 62 al. 2 CO (cf. l’arrêt B 63/01 précité, consid. 1b).

Le principe d’équivalence collective s’appliquant également à la défenderesse, on ne saurait non plus retenir, à la lumière de ce qui précède, qu’un remboursement viager de l’avance AVS, dépassant au fil du temps la somme représentée par cette avance (du fait de la longévité du bénéficiaire de la rente), serait constitutif d’un enrichissement illégitime de la défenderesse aux dépens du demandeur. On ajoutera que tout plan de prévoyance est établi sur la base d’évaluations actuarielles précises qui définissent le coût des prestations et le taux des primes. Dans ce contexte, l’âge à partir duquel une personne assurée peut prétendre la rente de vieillesse constitue un facteur de calcul essentiel. Or, sachant que le taux de remboursement est supérieur sur une période fixe de 12 ans que sur une période qui s’achève avec le décès du bénéficiaire de la rente (cf. art. 35 des statuts), il n’est pas contestable que le fait de restreindre, a posteriori, à un nombre d’années limité l’obligation, en principe viagère, du remboursement de l’avance AVS reviendrait à imposer à la défenderesse des engagements nouveaux dont le financement n’était pas prévu au moment de l’adoption du plan de prévoyance sur lequel est fondé le droit aux prestations de vieillesse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2011 du 12 mars 2012 consid. 8.3.1 pour un cas et un raisonnement similaire ; cf. aussi ATF 140 V 154 consid. 7.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_78/2020 du 27 novembre 2020 consid. 5.1). Or, de manière plus générale, le Tribunal fédéral a répété à plusieurs reprises que l’art. 8 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ne permet pas, dans le cadre de la prévoyance plus étendue pratiquée par une institution de prévoyance, d’introduire une charge de prestations nouvelles qui n’était pas prévue par le règlement de prévoyance (ATF 123 V 189 consid. 4f ; 120 V 312 consid. 3). De plus, on l’a vu, l’institution de prévoyance dispose, dans le contexte évoqué ci-dessus (consid. 5.5.2), d’une large autonomie pour définir le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation applicable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2011 précité consid. 8.3.2).

Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de s’écarter de l’art. 34 des statuts, le système de remboursement de l’avance AVS qu’il prévoit n’étant pas contraire au droit.

Il s’ensuit que le demandeur ne peut prétendre ni la cessation immédiate du remboursement de l’avance AVS, ni le remboursement des prélèvements mensuels opérés sur sa rente dans la mesure où ceux-ci excèdent la somme de l’avance AVS dont il a bénéficié entre l’âge de 60 et 65 ans.

6.2 Le demandeur reproche en outre à la défenderesse de ne jamais lui avoir proposé de rembourser l’avance AVS sur 12 ans.

6.2.1 L’art. 86b LPP, régissant l’information des assurés, a été introduit par la première révision LPP ; il est entré en vigueur le 1er janvier 2005 pour son
1er alinéa et le 1er avril 2004 pour son 2ème alinéa. Cette disposition prévoit que l’institution de prévoyance renseigne chaque année ses assurés de manière adéquate sur : leurs droits aux prestations, le salaire coordonné, le taux de cotisation et l’avoir de vieillesse (let. a) ; l’organisation et le financement (let. b) ; les membres de l’organe paritaire selon l’art. 51 (let. c ; al. 1). Les assurés peuvent demander la remise des comptes annuels et du rapport annuel. L’institution de prévoyance doit en outre informer les assurés qui le demandent sur le rendement du capital, l’évolution du risque actuariel, les frais d’administration, les principes de calcul du capital de couverture, les provisions supplémentaires et le degré de couverture (al. 2). Les institutions de prévoyance collectives ou communes doivent informer l’organe paritaire, sur demande, des cotisations non transférées par l’employeur. L’institution de prévoyance doit informer d’office l’organe paritaire lorsque les cotisations réglementaires n’ont pas été transférées dans les trois mois suivant le terme d’échéance convenu (al. 3). L’art. 75 est applicable (al. 4).

L’entrée en vigueur de cette disposition est toutefois postérieure à la survenance du cas de prévoyance du demandeur, si bien qu’il ne peut s’en prévaloir, conformément aux principes de droit intertemporel exposés ci-dessus.

6.2.2 Jusqu’à la première révision LPP, seul existait un devoir d’information de l’employeur, tenu en vertu de l’art. 331 al. 4 CO de donner au travailleur les renseignements nécessaires sur ses droits envers une institution de prévoyance professionnelle ou en faveur du personnel ou envers un assureur.

Le Conseil fédéral avait en outre émis des directives sur l’obligation pour les institutions de prévoyance enregistrées de renseigner leurs assurés, datées du 11 mai 1988 (FF 1988 II p. 629). Ces directives prévoyaient notamment que les institutions de prévoyance renseignent les assurés sur le montant et les bases de calcul du droit aux prestations de prévoyance lors de la réalisation du risque assuré (chiffre 221).

Quant aux institutions de prévoyance, avant l’introduction de l’art. 86b LPP, leurs obligations d’informer portaient uniquement sur la possibilité de conclure une assurance complémentaire en cas de mise en gage ou de versement anticipé
(art. 30f let. e aLPP dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2004), et sur la prestation de sortie réglementaire (art. 24 al. 1 de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [LFLP - RS 831.42] dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2004). Ces deux dispositions n’ont au demeurant été introduites que le 1er janvier 1995 (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 61/02 du 17 août 2005 consid. 5.3).

Ainsi, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’art. 86b LPP, exception faite des points qui précèdent, l’obligation des institutions de prévoyance de renseigner leurs assurés avait pour unique fondement le devoir de loyauté découlant du principe de la confiance, ancré à l’art. 2 al. 1 CC, qui commande aux cocontractants de se comporter de manière loyale et avec les égards mutuels. En tant qu’il fonde une obligation de renseigner, ce devoir de loyauté présuppose que la partie tenue d’informer reconnaisse le besoin d’information du cocontractant et puisse lui fournir sans autre les informations nécessaires (ATF 136 V 331 consid. 4.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 160/06 du 7 novembre 2007 consid. 4.3.1).

6.2.3 En l’espèce, la rente-pont AVS et son remboursement ne font pas partie des points sur lesquels l’institution de prévoyance était tenue de renseigner les assurés avant l’entrée en vigueur de l’art. 86b LPP. En outre, il n’apparaît pas que le demandeur ait manifesté un besoin d’information particulier que la défenderesse aurait dû satisfaire conformément au principe de la bonne foi. En effet, il ne ressort, ni des allégations des parties, ni des pièces du dossier, qu’à la suite des courriers de la défenderesse des 18 avril 1994 et 16 avril 1999, mentionnant que l’avance était remboursable viagèrement, le demandeur aurait demandé des explications sur la notion de remboursement viager. Or, à l’instar de ce que la Cour de céans a jugé dans l’arrêt ATAS/1160/2011 précité, il appartenait au demandeur de se renseigner sur la durée du remboursement, quel qu’ait été son état de santé à ce moment. Dès lors qu’il n’a pas interpellé la défenderesse sur la signification de la mention du remboursement viager, celle-ci était fondée à considérer qu’il en avait saisi la portée.

Il s’ensuit qu’aucune violation de l’obligation de renseigner ne peut être retenue dans le cas d’espèce.

6.2.4 S’agissant enfin du point de savoir si le demandeur a obtenu un exemplaire des statuts, il peut rester ouvert en l’espèce.

En effet, le principe fondamental qui gouverne les rapports entre les administrés et l’administration est celui selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi ». Le citoyen devant avoir la possibilité de connaître le droit pour s’y soumettre, la publication des lois, règlements et arrêtés est en principe une condition nécessaire pour qu’ils soient applicables et juridiquement contraignants. La forme de la publication qui est exigée dépend de la législation de l’entité publique. Lorsqu’aucun mode de publication officielle n’est prévu, il faut tout de même, pour que les obligations figurant dans un texte ayant force obligatoire puissent être opposables aux intéressés, que ceux-ci aient pu en avoir connaissance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_951/2014 du 16 avril 2015 consid. 3.1.1).

Le Tribunal fédéral a certes considéré que l’obligation d’informer au sens de l’art. 86b LPP l’emporte sur la règle selon laquelle les lois sont réputées connues par leur publication officielle et que nul ne peut se prévaloir de son ignorance (ATF 136 V 331 consid. 4.3.2.1, cf. également dans les domaines régis par la LPGA dont l’art. 27 a une portée similaire à l’art. 86b LPP l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2009 du 14 octobre 2009 consid. 3.3). Cependant, eu égard au fait que l’art. 86b LPP n’est pas applicable en l’espèce, le demandeur doit se voir opposer le contenu des statuts de la défenderesse dès lors que ceux-ci ont été publiés (cf. ATAS/943/2016 précité, consid. 8d et pièce 10 défenderesse), sans qu’il soit nécessaire qu’il en ait reçu un exemplaire.

7.             Compte tenu de ce qui précède, la demande, mal fondée, est rejetée.

Selon l’art. 73 al. 2, 1ère phr., LPP, les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe gratuite. Selon la jurisprudence, ce principe exclut l’octroi de dépens à une organisation chargée de tâches de droit public (dont les institutions de prévoyance font partie) obtenant gain de cause, sauf en cas de témérité ou de légèreté (ATF 126 V 143 consid. 4 ; cf. aussi Ulrich MEYER/ Laurence UTTINGER, in Schneider, Geiser, Gächter [éd.], Commentaire LPP et LFLP, 2ème éd., 2020, n. 94 ad art. 73 LPP). Ces exceptions n’étant pas réalisées en l’espèce, la défenderesse ne saurait se voir allouer une indemnité à titre de dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et art. 89H al. 1 LPA).

 

*****

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande du 16 mai 2022 recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le