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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3325/2021

ATAS/58/2023 du 01.02.2023 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3325/2021 ATAS/58/2023

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 1er février 2023

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Madame B______, à LE GRAND-SACONNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Mélanie MATHYS DONZE

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimé

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1976, a déposé une demande de prestations invalidité en date du 17 juin 2019, en indiquant avoir fait l’objet de très nombreuses incapacités de travail, depuis une opération subie en 1995 et souffrir de lombalgies, ainsi que de troubles à l’épaule droite.

b. Il indiquait être suivi, respectivement, par le docteur C______, spécialiste en médecine interne, depuis le 31 août 2017, et par le docteur D______, rhumatologue, depuis le 10 janvier 2019.

c. Sur interpellation de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé), le Dr D______ a répondu, par courrier du 26 juin 2019, que l’assuré souffrait, depuis 1995, d’une récurrence chronique de lombalgies et parfois sciatalgies accompagnantes, fluctuantes et en nette aggravation depuis environ trois ans, avec une douleur principalement lombaire, plus importante que l’irradiation au membre inférieur, touchant généralement la jambe gauche plutôt que la jambe droite, dans la partie postérieure de cuisse et du mollet. Il posait un diagnostic de lombosciatalgie mécanique chronique dans un contexte de status après spondylodèse L5-S1 avec cage intervertébrale toujours en place et lyse isthmique ; une discopathie L5-S1 avec listhésis de grade I, modique type I-II et arthrose articulaire postérieure ; une hyperlordose relative dans un contexte d’incidence pelvienne haute avec surcharge lombaire basse et des articulaires postérieures localement et un déconditionnement musculaire global, en particulier du tronc et de la région abdo-lombaire. À cela s’ajoutait un status post-entorse acromio-claviculaire droite, en 2001, opérée par laçage avec une dyskinésie de l’omoplate droit et un conflit sous-acromial dynamique séquellaire. Selon le médecin traitant, il était difficile de se prononcer de manière objective et formelle sur les restrictions fonctionnelles, un bilan en ergothérapie préprofessionnel serait alors intéressant pour plus de précisions. Une position statique debout ou assise et le port de charges risquaient d’être fortement limités. Dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles, le Dr D______ considérait que l’assuré pouvait avoir une activité à 100 % et ce probablement rapidement. Un rapport d’IRM de la colonne lombaire effectué le 1er mars 2019 et signé par le docteur E______, radiologue, appuyait, en annexe, les diagnostics du Dr D______.

d. Lors d’un entretien d’évaluation (IPT) daté du 16 janvier 2021, l’assuré a relaté son parcours scolaire et professionnel, sa situation médicale et le fait qu’il vivait grâce aux prestations de l’Hospice général (ci-après : l'hospice) depuis le 1er septembre 2018. Sur le plan des perspectives professionnelles, l’assuré espérait pouvoir travailler, sans toutefois savoir quelle activité pouvait être envisageable, au vu de sa situation médicale. Le gestionnaire de l’OAI a conseillé à l’assuré de consulter le centre multidisciplinaire de la douleur des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).

e. Interpellé par l’OAI, le Dr C______ a complété un questionnaire médical intermédiaire en date du 23 juillet 2020 en reprenant les diagnostics du Dr D______. Il précisait avoir été consulté, le 26 mai et le 14 juillet 2020, par son patient et indiquait n’avoir constaté aucune amélioration suite à des séances de physiothérapie. Selon lui, les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : charge limitée, station debout et assise limitée et concentration limitée en raison des douleurs. Il mentionnait ne pas savoir quel type d’activité professionnelle l’assuré pouvait entreprendre.

f. Dans un rapport du 16 mars 2021, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI, sous la plume du docteur F______, a rappelé que l’assuré avait déjà déposé une demande, pour les mêmes atteintes, qui avait abouti, en 2006, à un refus de toute prestation. Résumant les appréciations médicales des Drs C______ et D______, le SMR a relevé que la doctoresse G______, rhumatologue, avait préconisé une consultation neurologique auprès de la doctoresse H______, neurologue, mais sans savoir si l’assuré avait entrepris cette démarche. Le SMR admettait une dégradation progressive de l’état de santé de l’assuré, depuis 2007, en raison des lombalgies chroniques et concluait que la capacité de travail dans l’activité habituelle n’était pas déterminée, mais que dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, l’assuré bénéficiait d’une capacité de travail de 100 % depuis toujours. Le SMR considérait que les limitations fonctionnelles se limitaient à une épargne du dos, soit pas de position penchée en avant ou en porte-à-faux, pas de mouvements répétés de rotation ou de flexion extension du tronc, pas de port de charges de plus de 10 kg, changements de position assise / debout à la demande, pas de station debout ou de marche prolongée.

B. a. Par projet de décision du 8 juin 2021, l’OAI a refusé toute prestation invalidité après avoir calculé que le revenu sans invalidité de l’assuré s’élevait à CHF 61'153.-, alors que son revenu avec invalidité s’élevait à CHF 57'159.-. Il en résultait une perte de gain de CHF 3’994.-, soit 6.53 %. Le taux étant inférieur à 20 %, des mesures de reclassement professionnel étaient également exclues.

b. Par décision du 23 août 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations invalidité déposée par l’assuré, en reprenant la motivation exposée dans son projet de décision du 8 juin 2021.

C. a. Par courrier posté le 29 septembre 2021, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), contre la décision du 23 août 2021. Le recours n’étant pas motivé, un délai lui a été fixé pour compléter son recours, ce qu’il a fait par acte de son conseil, déposé auprès du greffe de la chambre de céans en date du 22 octobre 2021. Le recourant concluait, préalablement, à son audition, et principalement à ce qu’une rente entière d’invalidité lui soit accordée. Il était reproché à l’OAI d’avoir effectué une instruction lacunaire, sans tenir compte de l’aggravation de ses problèmes de santé et des attestations médicales de ses médecins traitants qui confirmaient son incapacité de travail durable à 100 %. De surcroît, l’OAI n’avait pas procédé correctement à la comparaison des revenus en se fondant sur les tableaux ESS alors même que le dernier emploi du recourant était celui de gemmologue et qu’il fallait donc se fonder sur le salaire qu’il avait gagné dans son dernier emploi et non pas sur un salaire sans invalidité reposant sur les tableaux ESS.

b. Par réponse du 25 novembre 2021, l’intimé a relevé que le médecin traitant du recourant, soit le Dr D______, estimait dans son rapport médical du 28 juillet 2020 que le recourant était susceptible de reprendre une activité professionnelle à 100 % à condition de respecter les limitations fonctionnelles. S’agissant du second médecin traitant, le Dr C______, ce dernier exposait dans son rapport du 4 août 2020 que les lombosciatalgies limitaient la position debout ou assise prolongée. Selon le service de réadaptation professionnelle, au vu des limitations fonctionnelles médicalement décrites, le marché du travail offrait un nombre significatif d’activités simples et légères encore accessibles et ne nécessitant aucune formation complémentaire particulière, ce qui écartait la nécessité de mesures d’ordre professionnel. Enfin, en ce qui concernait la fixation du salaire sans invalidité, dès lors que le recourant percevait des prestations de l’hospice et n’exerçait plus aucune activité lucrative depuis 2013, il se justifiait de se fonder sur le salaire statistique conforme aux ESS, niveau 1, pour fixer le revenu avec et sans invalidité. L’intimé concluait au rejet du recours.

c. Par réplique du 20 décembre 2021, le recourant a communiqué à la chambre de céans deux rapports complémentaires. Le premier rapport, établi par le Dr C______ en date du 12 décembre 2021, exposait que l’autonomie du patient était réduite en raison de l’intensité de ses douleurs dorsales invalidantes et que depuis son précédent rapport, l’évolution était malheureusement défavorable, raison pour laquelle il confirmait une capacité de travail de 0 %, « comme depuis 2019 ». Le second rapport, établi par le Dr D______ en date du 13 décembre 2021, confirmait une évolution défavorable, avec une persistance de douleurs qui impactaient aussi bien la mobilité, les capacités de station statique, assise ou debout, les ports de charges, mais aussi les capacités de concentration et d’attention, fréquemment diminuées dans un contexte algique chronique, voire de médication, pour ces problématiques. Il estimait que la capacité de travail depuis 2019 était stationnaire, c’est-à-dire de 0 %. Il relevait que le patient avait montré, dans un premier temps, une volonté de pouvoir se réinsérer de lui-même puis, par la suite, devant un échec flagrant et une persistance de limitations et de douleurs, il avait fait une approche classique auprès des aides sociales connues, mais se retrouvait dans une impasse. Le médecin traitant évoquait la possibilité d’une expertise, voire d’un bilan avec une véritable évaluation préprofessionnelle en ergothérapie.

d. Par courrier du 27 janvier 2022, l’intimé, se fondant sur un avis médical de son SMR, daté du 18 janvier 2022, s’est rallié à ce qu’une expertise rhumatologique soit ordonnée, afin de déterminer la capacité de travail exigible dans une activité adaptée, en tenant compte de l’ensemble des atteintes.

e. Par observations du 14 février 2022, le conseil du recourant a maintenu ses conclusions tout en acquiesçant à ce qu’une expertise judiciaire rhumatologique soit ordonnée à titre de mesure d’instruction préalable.

f. La chambre de céans a proposé de mandater en tant qu’expert le docteur I______, rhumatologue. Par courriers respectivement du 22 et du 31 mars 2022, les parties ont acquiescé.

g. Un projet de mission d’expertise a été soumis par la chambre de céans aux parties, qui ont acquiescé par courriers, respectivement, du 5 et du 6 septembre 2022.

 

EN DROIT

 

1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4. Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu du fait que l’OAI n’a pas été en mesure de démontrer à quelle date sa décision avait été effectivement notifiée à l’assuré, le recours est recevable.

6. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OAI du 23 août 2021 de refuser toute prestation invalidité en faveur de l’assuré.

7.

7.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

7.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

7.4 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

7.5 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

8.

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

8.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

8.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

8.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références). 

9. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

10. Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

11. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

12. En l’espèce, le médecin traitant rhumatologue de l’assuré a, dans un premier temps, considéré que ce dernier disposait d’une capacité de travail de 100 % dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Le SMR de l’intimé a, de son côté, estimé que l’assuré subissait une perte de gain inférieure à 20 % et n’avait donc droit à aucune prestation invalidité. Toutefois, après lecture des rapports complémentaires communiqués par les médecins traitants de l’assuré dans le cadre du recours, le SMR de l’OAI s’est rallié à la mise en place d’une expertise rhumatologique, afin de déterminer plus précisément la capacité de travail exigible dans une activité adaptée, en tenant compte de l’ensemble des atteintes à la santé de l’assuré.

Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère qu’une instruction complémentaire doit être menée, sous la forme d’une expertise judiciaire, effectuée par un rhumatologue.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I. Ordonne une expertise médicale de Monsieur A______.

Commet à ces fins le docteur I______, spécialiste FMH en rhumatologie, à Genève.

Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.  Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.  Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier les docteurs C______, spécialiste FMH en médecine interne et générale, et D______, rhumatologue.

C.  Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d'autres examens.

D.  Charge le Dr I______ d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.             Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.             Plaintes de la personne expertisée

3.             Status et constatations objectives

4.             Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogenèse)

4.1. Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1   Dates d'apparition

4.2         Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1   Dates d'apparition

4.3         Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4         Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée correspondent-elles à un substrat organique objectivable ?

4.5         L’état de santé de la personne expertisée s’est-il amélioré / détérioré depuis juin 2019 et le moment où la décision querellée a été prise en août 2021 ?

4.6         Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.7         Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.8 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

4.9 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

4.10 Est-ce que ce qui est connu de l’évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

5.             Limitations fonctionnelles

5.1         Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.1   Dates d’apparition

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

6.             Capacité de travail

6.1         Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

6.2         La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

6.2.1   Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

6.2.2   Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite / nulle ?

6.3         La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ?

6.3.1   Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

6.3.2   Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

6.3.3   Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

6.4         Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis juin 2019 ?

6.5         Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

6.6         Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

7.             Traitement

7.1         Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

7.2         En cas de prise de traitement psychotrope et de traitement antalgique, effectuer un dosage sanguin.

7.3         Est-ce que la personne expertisée s’est engagée ou s’engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n’a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

7.4         Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

7.5         Les médicaments pris régulièrement par l’expertisé induisent-t-ils des effets secondaires, si oui, lesquels ?

7.6         Les médicaments ont-ils un impact sur les capacités fonctionnelles de l’expertisé ? Si oui, lesquels ?

8.             Appréciation d'avis médicaux du dossier

8.1         Êtes-vous d'accord avec l’avis du docteur F______, du SMR de l’OAI, du 16 mars 2021 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation de la capacité de travail ? Si non, pourquoi ?

8.2         Êtes-vous d’accord avec les avis du Dr C______, respectivement du 23 juillet 2020 et du 12 décembre 2021 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation de la capacité de travail ? Si non, pourquoi ?

8.3         Êtes-vous d'accord avec les avis du Dr D______, respectivement du 8 juin 2020 et du 13 décembre 2021 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation de la capacité de travail ? Si non, pourquoi ?

9.             Quel est le pronostic ?

10.         Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

11.         Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

E.   Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, un rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

II. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le