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Décisions | Sommaires

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C/24915/2021

ACJC/203/2023 du 06.02.2023 sur JTPI/13576/2022 ( SML ) , RENVOYE

Normes : Cst.29
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24915/2021 ACJC/203/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du LUNDI 6 FEVRIER 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 6ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 novembre 2022, comparant par Me David PAPAUX, avocat, place de Longemalle 1, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ [BE], intimée, comparant par
Me Annette MICUCCI, avocate, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a.a. Par requête reçue le 15 décembre 2021 par le Tribunal de première instance, B______, comparant en personne, a requis le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 27'500 fr.

Elle a mentionné dans sa requête que la poursuite se fondait sur une décision du Tribunal civil de Zurich de 2003 et un jugement de 2021 d'avis au débiteur. Elle a indiqué, s'agissant du titre de mainlevée : "décision de 2003 et de 2021".

Elle a notamment produit une copie du jugement JTPI/14737/2021 du 22 novembre 2021 qui a considéré que le jugement rendu le 22 septembre 2003 par le Tribunal de district de Zurich condamnant A______ à verser une contribution à l'entretien de sa fille B______ constituait un titre de mainlevée définitive, et de l'arrêt de la Cour de justice ACJC/1536/2021du 23 novembre 2021 faisant droit à ses conclusions en prononcé d'un avis aux débiteurs, de même qu'un "Certificate of Enrollment", établi le 10 décembre 2021 par l'Université de C______ (Allemagne) et des immatriculations auprès de l'université de D______ (Autriche), pour les semestres d'hiver 2020 et d'automne 2021.

a.b. A l'audience du Tribunal du 1er avril 2022, A______ a déposé un chargé de pièces et a conclu au rejet de la requête de mainlevée, avec suite de frais et dépens. Il a exposé que le titre de mainlevée (le jugement de 2003) n'avait pas été versé à la procédure et que sa fille ne poursuivait pas des études suivies. Il a affirmé n'avoir jamais perçu les allocations familiales.

B______ a exposé que A______ avait connaissance du jugement de 2003. Elle avait omis de le joindre à sa demande et s'engageait à le verser au Tribunal à brève échéance.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

a.c. Le même jour, B______ a fait parvenir au Tribunal un courrier auquel était annexé une copie du jugement rendu par les autorités zurichoises.

Cette pièce n'a pas été transmise à A______.

a.d. Par jugement JTPI/4270/2022 du 4 avril 2022, le Tribunal de première instance, considérant que B______ bénéficiait d'un titre de mainlevée, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif) et mis les frais de la procédure à la charge de A______ (ch. 2-4).

Le Tribunal a considéré que "la pièce produite par la partie requérante [était] un titre de mainlevée définitive", au sens de l'art. 80 LP.

b.a Par acte expédié le 14 avril 2022 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu à ce que la Cour rejette la requête de mainlevée formée par B______, sous suite de frais et dépens.

b.b Dans sa réponse du 5 mai 2022, B______ a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

b.c Par arrêt ACJC/1147/2022 du 2 septembre 2022, la Cour de justice a annulé le jugement JTPI/4270/2022 du 4 avril 2022 et renvoyé la cause au Tribunal pour qu'il transmette à A______ le courrier de B______ du 1er avril 2022 et son annexe, se prononce sur l'argument de A______ et rendre une nouvelle décision.

Elle a considéré qu'il n'était pas possible de déterminer quelle pièce avait été considérée comme titre de mainlevée définitive par le Tribunal et que ce dernier ne s'était pas prononcé sur l'argument d'absence d'études régulièrement suivies que A______ avait soulevé, ce qui constituait un déni de justice. Elle a également considéré qu'en ne transmettant pas au précité, avant de rendre sa décision, le courrier et son annexe versés par B______ à la procédure le 1er avril 2022, le Tribunal avait violé le droit d'être entendu de A______.

c. Par ordonnance du 7 novembre 2022, reçue le lendemain par A______, le Tribunal a transmis au précité copie du courrier de B______ du 1er avril 2022 et de son annexe et dit qu'il rendrait une nouvelle décision motivée.

B. a. Par jugement du 15 novembre 2022, communiqué aux parties pour notification le 17 novembre 2022, le Tribunal a rendu un jugement prononçant la mainlevée définitive de l’opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), avec suite de frais (ch. 2 et 3).

b. Le 18 novembre 2022, A______ a adressé au Tribunal, par courriel sécurisé, ses déterminations sur le courrier de B______ du 1er avril 2022.

Il a reçu le même jour le jugement du Tribunal du 15 novembre 2022.

C. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 28 novembre 2022, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et au rejet de la requête de mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, avec suite de frais.

Il a invoqué une violation de son droit d'être entendu.

b. Dans sa réponse du 23 décembre 2022, B______ s'en est rapportée à l'appréciation de la Cour quant à l'admissibilité du grief soulevé et conclu à ce que les frais soient laissés à la charge de l'Etat de Genève.

c. En l'absence de réplique, les parties ont été informées, le 5 janvier 2023, de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

Le recours a été formé dans le délai et la forme prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait.

2. Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu au motif que le Tribunal a rendu son jugement avant qu'il se soit déterminé à la suite de la communication du 7 novembre 2022 du Tribunal.

2.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu garantit notamment au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur la décision à rendre (arrêt 8D_7/2021 du 5 septembre 2022 consid. 2.1; ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; ATF 142 III 48 consid. 4.1.1). Il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 139 I 189 consid. 3.2).

Pour que le droit de réplique soit garanti, il faut que le tribunal laisse un laps de temps suffisant à la partie concernée, entre la remise de la prise de position ou des pièces nouvelles et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire à la défense de ses intérêts (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1). A cet égard, le Tribunal fédéral considère qu'un délai inférieur à dix jours ne suffit pas à garantir l'exercice du droit de répliquer, tandis qu'un délai supérieur à vingt jours permet, en l'absence de réaction, d'inférer qu'il a été renoncé au droit de répliquer (arrêt du Tribunal fédéral 9C_345/2021 du 11 août 2021 consid. 3.1). En d'autres termes, une autorité ne peut considérer, après un délai de moins de dix jours depuis la communication d'une détermination à une partie, que celle-ci a renoncé à répliquer et rendre sa décision (arrêt du Tribunal fédéral 1C_338/2020 du 19 janvier 2021 consid. 2.3). Ces principes valent également au stade d'un second échange d'écritures (arrêt du Tribunal fédéral 1C_398/2020 du 16 octobre 2020 consid. 2.1).

La jurisprudence admet qu'un manquement au droit d'être entendu puisse être considéré comme réparé lorsque la partie lésée a bénéficié de la faculté de s'exprimer librement devant une autorité de recours, pour autant que celle-ci dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et puisse ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références citées).

2.2 En l'espèce, la Cour a renvoyé la cause au Tribunal au motif qu'il avait violé le droit d'être entendu du recourant en ne lui transmettant pas le courrier de l'intimée du 1er avril 2002 et son annexe. Le Tribunal a, à la suite de ce renvoi, adressé au recourant, le 7 novembre 2022, les documents précités.

Après cet envoi, le Tribunal devait laisser au recourant un délai suffisant pour lui permettre, le cas échéant, de répliquer, faute de quoi l'envoi du 7 novembre 2022 ne présentait, en lui-même, aucune utilité. Ayant reçu cet envoi le lendemain, le recourant disposait d'un délai pour répliquer qui venait à échéance le 18 novembre suivant et il a adressé dans ce délai ses déterminations au Tribunal.

Le Tribunal a toutefois rendu un nouveau jugement avant l'échéance du délai dont le recourant disposait pour prendre position et il n'a pas tenu compte des déterminations du recourant. Il a dès lors une nouvelle fois violé le droit d'être entendu de ce dernier.

Le recours est dès lors fondé. Le jugement attaqué sera annulé et la cause sera retournée au Tribunal, le droit d'être entendu du recourant n'étant pas susceptible d'être réparé puisque la Cour ne dispose pas du même pouvoir d'examen que le Tribunal.

3. Les frais judiciaires de recours seront laissés à la charge de l'Etat de Genève au vu de l'issue du litige (art. 107 al. 2 CPC). L'avance de frais effectuée par le recourant lui sera restituée.

Il ne sera pas alloué de dépens de recours dans la mesure où l'art. 107 al. 2 CPC permet uniquement de mettre à la charge du canton les frais judiciaires, conformément à son texte qui ne mentionne que ceux-ci, à l'exclusion des dépens (arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2014 du 14 août 2014 consid. 4.1).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 28 novembre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/13576/2022 rendu le 15 novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24915/2021-6 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Laisse les frais judiciaires de recours à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer la somme de 600 fr. à A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.