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Décisions | Sommaires

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C/10468/2022

ACJC/1387/2022 du 20.10.2022 sur JTPI/8351/2022 ( SFC ) , IRRECEVABLE

Normes : LP.33.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10468/2022 ACJC/1387/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du jeudi 20 OCTOBRE 2022

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______[GE], recourante contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 juillet 2022, comparant par Me Ivan HUGUET, avocat, HUGUET BACHARAN LEGAL, rue Sautter 29, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ CAISSE DE COMPENSATION, sise ______, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 6 juillet 2022, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite sans poursuite préalable de A______ Sàrl le jour même à 10h00 (ch. 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr. (ch. 2 et 3), montant qu’elle a été condamnée à verser à B______ CAISSE DE COMPENSATION qui en avait fait l’avance (ch. 4), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a. Par acte expédié le 25 août 2022 à la Cour de justice, A______ Sàrl a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu, préalablement, à ce qu’il soit procédé à l’audition de C______ et, principalement, à l’annulation du prononcé de sa faillite et à la rectification en conséquence du registre du commerce en ce sens, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal, le tout avec suite de frais.

b. B______ CAISSE DE COMPENSATION n'a pas déposé de réponse au recours dans le délai qui lui avait été imparti.

c. Les parties ont été informées le 21 septembre 2022 par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. a. Par requête adressée au Tribunal le 1er juin 2022, B______ CAISSE DE COMPENSATION a requis la faillite sans poursuite préalable de A______ Sàrl, dont D______ est l'unique associé gérant depuis mars 2022.

Elle a notamment exposé que A______ Sàrl était débitrice de cotisations paritaires pour un montant total de 68'545 fr. 30 et que celles-ci n'étaient jamais payées dans les délais légaux.

b. Par ordonnance du 14 juin 2022, reçue le 18 juin 2022 par A______ Sàrl, le Tribunal a cité la précitée à comparaître à son audience du 6 juillet 2022.

c. Lors de l'audience du 6 juillet 2022, aucune des parties n'était présente ni représentée. A______ Sàrl allègue que son associé gérant, D______, est arrivé quelques minutes en retard et que lorsqu’il s’est présenté, il lui a été indiqué que l’audience était terminée.

d. Dans son jugement du 6 juillet 2022, communiqué à A______ Sàrl pour notification le 13 juillet 2022, le Tribunal a considéré que B______ CAISSE DE COMPENSATION avait rendu vraisemblable sa qualité de créancière, en raison de l'affiliation de A______ Sàrl à la caisse de compensation et en produisant les extraits de compte au 1er juin 2022. En outre, selon l'extrait du registre de l'Office des poursuites du ______ 2022, A______ Sàrl faisait l'objet de 52 poursuites, dont 3 au stade de la commination de faillite et de 20 actes de défaut de biens pour un montant total de 159'090 fr. 29 Elle avait manifestement cessé de payer les impôts fédéraux, les charges sociales et les compagnies d'assurance, ainsi que des fournisseurs et ne s'était pas présentée, ni faite représenter, à l'audience du 6 juillet 2022. Il était rendu vraisemblable qu'elle avait suspendu ses paiements, de sorte que sa faillite était prononcée, avec suite de frais.

Ce jugement a été communiqué à A______ Sàrl pour notification le 13 juillet 2022 et celle-ci a été avisée pour retrait le lendemain. Elle n'a pas réclamé le pli recommandé contenant le jugement, qui lui a été adressé par pli simple le 26 juillet 2022.

EN DROIT

1. L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 al. 1 par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP).

Le recours a été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 174 al. 1 LP et 120 al. 1 let. a LOJ), et selon la forme prescrite. Il est partant recevable à cet égard.

2 Le recours doit être formé dans le délai utile de 10 jours (art. 174 al. 1 LP).

La recourante ne conteste pas que son acte déposé le 25 août 2022 est tardif, mais elle sollicite la restitution du délai pour former recours, se fondant sur l'art. 33 al. 4 LP. Elle expose que son gérant se trouvait à l'étranger du 14 juillet au 15 août 2002 et qu'il n'avait pris connaissance du jugement attaqué que le 16 août 2022. Ne s'étant pas présentée à l'audience du 6 juillet 2022, elle ne pouvait pas s'attendre à ce que la cause soit immédiatement gardée à juger, tant en raison de son manque d'expérience que du fait qu'elle ne pensait pas qu'une décision aussi grave puisse être prise sans qu'elle ait pu s'exprimer. Sa présence à l’étranger n’était pas fautive, de sorte que le délai pour recourir devait être restitué.

2.1
2.1.1
Aux termes de l'art. 33 al. 4 LP, quiconque a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé peut demander à l'autorité de surveillance ou à l'autorité judiciaire compétente qu'elle lui restitue ce délai. L'intéressé doit, à compter de la fin de l'empêchement, déposer une requête motivée dans un délai égal au délai échu et accomplir auprès de l'autorité compétente l'acte juridique omis.

La restitution de délai ne peut être accordée que si l'empêchement n'est entaché d'aucune faute. Entrent en ligne de compte non seulement l'impossibilité objective ou la force majeure, mais aussi l'impossibilité due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusable. Ces circonstances doivent être appréciées objectivement en ce sens qu'est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un intéressé, respectivement son représentant, consciencieux d'agir dans le délai fixé (arrêts du Tribunal fédéral 5A_149/2013 du 10 juin 2013 consid. 5.1.1 et les références citées; 5A_896/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.2; 5A_30/2010 du 23 mars 2010 consid. 4.1 et les références citées; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, t. I, 1999, n° 40 ad art. 33 LP). La faute du représentant est assimilée à la faute de l'intéressé conformément aux règles sur la représentation directe (Gilliéron, op. cit., n° 42 ad art. 33 LP).

L'art. 33 al. 4 LP constitue une lex specialis par rapport à l'art. 148 CPC, qui s'applique aux procédures devant les offices de poursuite et faillite, mais également aux autorités judiciaires pour les délais figurant dans la LP (Nordmann/Oneyser, Basler Kommentar SchKG, 3ème éd., 2021, n. 2a ad art. 33 LP).

Aux termes de l'art. 148 CPC, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire ou citer les parties à une nouvelle audience lorsque la partie défaillante en fait la requête et rend vraisemblable que le défaut ne lui est pas imputable ou n'est imputable qu'à une faute légère (al. 1). L'art. 148 al. 1 CPC est ainsi moins sévère que les art. 50 al. 1 LTF, 13 al. 1 PCF, 33 al. 4 LP et 94 al. 1 CPP, lesquelles dispositions subordonnent la restitution à l'absence de toute faute. La faute légère vise tout comportement ou manquement qui, sans être acceptable ou excusable, n'est pas particulièrement répréhensible, tandis que la faute grave suppose la violation de règles de prudence vraiment élémentaires qui s'imposent impérieusement à toute personne raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_20/2019 du 29 avril 2019 consid. 2; 4A_52/2019 du 20 mars 2019 consid. 3.1 et les nombreuses références).

2.1.2 La partie qui, pendant une procédure, s'absente un certain temps du lieu dont elle a communiqué l'adresse aux autorités, en omettant de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux parvenant à cette adresse lui soient transmis, ou de renseigner l'autorité sur l'endroit où elle peut être atteinte, ou encore de désigner un représentant habilité à agir en son nom, ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d'une communication officielle à son adresse habituelle, si elle devait s'attendre avec quelque vraisemblance à recevoir une telle communication (ATF 141 II 429 consid. 3.1; 139 IV 228 consid. 1.1 et les références; 119 V 89 consid. 4b/aa; 117 V 131 consid. 4a). Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3). Il en découle que le destinataire d'actes judiciaires non seulement peut, mais également doit, lorsqu'il estime qu'une notification ne pourra aboutir au lieu connu des autorités, désigner une adresse où il pourra être atteint (arrêt du Tribunal fédéral 5D_211/2019 du du 29 mai 2020, consid. 1.3).

2.2 En l'espèce, la question de savoir si la restitution du délai d'appel contre un jugement de faillite est un délai fixé par la LP ou le CPC – puisque selon l'art. 174 al. 1 LP, la décision du juge de la faillite peut faire l’objet d’un recours au sens du CPC dans les dix jours, soit le délai qui résulte de l'art. 321 al. 2 CPC – peut se poser. Le fait que ce délai figurait dans la LP avant l'entrée en vigueur du CPC devrait permettre de retenir qu'il s'agit d'un délai fixé par cette loi, comme semble d'ailleurs le retenir la recourante, qui invoque l'art. 33 al. 2 LP à l'appui de sa requête de restitution. La réponse à cette question n'est toutefois pas déterminante au vu des considérations qui suivent.

La recourante ne conteste pas avoir été valablement convoquée à l'audience du Tribunal du 6 juillet 2022 à laquelle elle était ni présente ni représentée et elle n’a pas sollicité la restitution de ladite audience.

La recourante soutient en revanche devant la Cour que son unique associé gérant a pensé de bonne foi qu’une nouvelle audience serait convoquée dans la mesure où elle n’avait pas été en mesure de se déterminer sur la requête et qu’en l’absence de nouvelle du Tribunal, il s’était rendu au Kosovo du 14 juillet au 15 août 2022. La recourante admet ainsi qu’elle n’ignorait pas qu’elle pourrait recevoir une communication de la part du Tribunal à la suite de l’audience à laquelle elle n’avait pas participé. Elle n’explique cependant pas pourquoi, alors qu’elle s’attendait à une telle communication, elle n’a pas signalé au Tribunal l'absence de son unique associé gérant. Elle ne peut à cet égard se prévaloir de "l’absence de nouvelle" du Tribunal pour justifier le départ du précité à l’étranger huit jours seulement après l’audience du Tribunal. Elle aurait en tout état de cause pu se renseigner auprès de ce dernier sur la suite de la procédure lorsqu’elle s’est présentée à l’audience dont il lui a été indiqué qu’elle était déjà terminée, voire avant le départ pour l'étranger de son unique associé gérant, ce qu'elle n'a pas pris la peine de faire. La recourante souligne également la gravité de la décision de faillite rendue à son encontre. Elle connaissait donc l'importance de la procédure en cours, ce qui devait d’autant plus inciter son associé gérant à s’inquiéter auprès du Tribunal de la suite qui serait donnée à la procédure, et à ne pas simplement s’absenter pendant une longue période sans le signaler au Tribunal.

Il doit dès lors être retenu que, bien que se sachant partie à une procédure dont l’enjeu était essentiel pour la poursuite de ses activités, la recourante, dont l'unique associé gérant s’est absenté un mois sans le signaler au Tribunal et sans se renseigner sur la suite qui serait donnée à la procédure après qu’il ne s’était pas présenté à l’audience à laquelle la recourante était convoquée, a commis une faute, laquelle ne devrait pas être qualifiée de légère si l'art. 148 CPC s'appliquait. Les conditions pour l’octroi d’une restitution du délai de recours ne sont dès lors pas réunies.

Il sera encore relevé que la recourante a sollicité l’audition de son associé gérant sans exposer ce que celle-ci apporterait de plus que les explications qu’elle a déjà fournies dans son recours à l'appui de sa requête de restitution. Une telle audition n'apparaît en tout état de cause pas utile ou nécessaire pour l’issue du litige.

Il résulte de ce qui précède que le recours est tardif et qu'il sera, partant, déclaré irrecevable.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée au frais judiciaires du recours (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 750 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l’avance fournie, qui reste acquise à l’Etat de Genève. Le solde de l'avance fournie sera restitué à la recourante.

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, qui comparaît en personne et n'a pas répondu au recours (art. 95 al. 3 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 25 août 2022 par A______ SÀRL contre le jugement JTPI/8351/2022 rendu le 6 juillet 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10468/2022-8 SFC.

Arrête les frais judiciaires de recours à 750 fr., les met à la charge de A______ Sàrl, et dit qu’ils sont compensés avec l’avance fournie, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 200 fr. à A______ Sàrl.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.