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C/4490/2022

ACJC/1209/2022 du 13.09.2022 sur OTPI/374/2022 ( SP ) , CONFIRME

Normes : CPC.261
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4490/2022 ACJC/1209/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 13 SEPTEMBRE 2022

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Malte, appelant d'une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 3 juin 2022, comparant par Me Romanos SKANDAMIS, avocat, SKANDAMIS AVOCATS SA, rue du Marché 18,
1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Daniel TUNIK, avocat,
Lenz & Staehelin, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/374/2022 du 3 juin 2022, reçue par les parties le 10 juin 2022, le Tribunal de première instance a rejeté la requête de mesures provisionnelles formée par A______ contre [la banque] B______ (ch. 1 du dispositif), révoqué en conséquence l'ordonnance rendue le 9 mars 2022 sur mesures superprovisionnelles (ch. 2), mis à la charge de A______ les frais judiciaires arrêtés à 1'000 fr. (ch. 3), l'a condamné à verser à B______ 1’000 fr. de dépens (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Le 20 juin 2022, A______ a formé appel de cette ordonnance, concluant à ce que la Cour de justice l'annule, ordonne à B______, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, d'ajouter la mention "contesté par l'intéressé" à la donnée le recensant en qualité d'ayant droit économique de la relation bancaire numéro 1______, le dispense de fournir des sûretés et lui fixe un délai de 60 jours pour ouvrir action au fond, avec suite de frais et dépens.

b. Le 18 juillet 2022, B______ a conclu à la confirmation de l'ordonnance querellée, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont été informées le 10 août 2022 de ce que la cause était gardé à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. C______ LTD est une société sise à K______ [Caraïbes], qui exerce ses activités notamment dans le domaine du shipping.

D______, son administratrice présidente, en est l'unique actionnaire.

A______, époux de D______, en est l'administrateur secrétaire. E______ et F______ ont été administrateurs de la société jusqu'en octobre 2016.

Les administrateurs de C______ LTD bénéficiaient de la signature individuelle.

b.a En 2008, D______, en qualité d'administratrice présidente de C______ LTD et pour le compte de celle-ci, a ouvert une relation bancaire (n° 1______) auprès de la succursale genevoise de la banque B______.

A cette occasion, elle a complété et signé, le 1er février 2008, un "formulaire A", indiquant que la partie contractante de la banque était C______ LTD et qu'elle-même, A______, F______, E______ et G______, tous domiciliés à la même adresse à H______ [Grèce], étaient les ayants droit économiques des avoirs déposés sur le compte. Le formulaire indique que le concept d'ayant droit économique fait référence à la personne qui est le propriétaire final ("ultimate owner") des avoirs déposés. Il est précisé que le formulaire en question est un titre au sens de l'art. 110 al. 5 du Code pénal suisse et que la fourniture de fausses indications sur ledit formulaire est passible de sanctions pénales, soit la prison jusqu'à 5 ans.

En 2008, 22'788'000 USD ont été crédités sur ce compte.

b.b Le 4 octobre 2016, D______ a signé un nouveau "formulaire A" remplaçant le précédent, à teneur duquel seuls elle-même et A______, domiciliés à Malte, demeuraient ayants droit économiques des avoirs déposés sur le compte précité.

c. Le 23 mars 2017, D______ et A______ ont fourni à la demande de B______ un formulaire "Tax or Legal Advisor Confirmation Regarding Tax Compliance" en lien avec le compte de C______ LTD. Ce formulaire, signé par I______, senior manager auprès de la société J______ à Malte, spécialisée dans la fiscalité internationale, indique que D______ et A______ sont les ayants droit économiques du compte n° 1______.

I______ confirme dans ce document que ces ayants droit économiques n'ont aucune obligation de faire des déclarations aux autorités fiscales en lien avec le compte précité, de sorte que les avoirs y figurant ne doivent pas figurer dans leurs déclarations fiscales.

d. Le compte 1______ de C______ LTD a été clôturé le 19 décembre 2016.

e. En décembre 2016, un litige a surgi entre A______ et B______ en lien avec les frais de garde prélevés par la banque pour ce compte.

A______ s'est plaint de ce que des frais excessifs avaient été prélevés par la banque, relevant notamment que celle-ci n'était pas autorisée à débiter des montants du compte sans l'accord de l'ayant droit économique de celui-ci.

Suite à plusieurs échanges de courriels, auxquels D______ n'a pas participé, un accord a été conclu le 24 mai 2018 entre B______, C______ LTD, A______ et D______, à teneur duquel la banque s'engageait à rembourser un montant de 360'000 USD sur le compte joint des époux A______/D______.

Dans le cadre de ces discussions, ces derniers ont remis à la banque, le 17 mai 2018, une note manuscrite signée par chacun d'eux et ayant la teneur suivante :

"C______ LTD, K______[Caraïbes], Beneficial Ownership. With this letter we would like to clarify the following : D______ has been and continues to be the sole registered holder of the subject company shares. However, given that we have been married and share our life together for the last 40 years, we consider that including both of our names as beneficial owners on the form A of your Bank dated 04.10.2016 is depicting the reality".

Dans cet accord du 24 mai 2018, D______ et A______ confirmaient en outre l'exactitude des indications relatives à leur statut fiscal fournies par leur conseiller I______ le 23 mars 2017.

f. Le 30 juillet 2019, l'Independant Authority for Public Revenue de Grèce a adressé une demande d'assistance administrative à l'Administration fédérale des contributions (ci-après : AFC) visant notamment à obtenir des informations sur les comptes dont A______ était le bénéficiaire pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

L'AFC y a donné suite le 1er novembre 2019 en enjoignant à B______ de lui indiquer toutes les relations bancaires pour lesquelles A______ était ayant droit économique durant les périodes concernées.

Le 25 novembre 2019, B______ a fait savoir à l'AFC que A______ était, entre autres, ayant droit économique du compte ouvert au nom de la société C______ LTD.

g. Le 14 avril 2020, D______, A______, F______ et E______ ont signé, en leurs qualités d'administrateurs de C______ LTD, une déclaration attestant que, entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015, D______ était l'unique actionnaire et ayant droit économique de toutes les actions de C______ LTD.

h. Suite à l’opposition formée par D______, A______ et C______ LTD à la communication d'informations à l'autorités grecque, l’AFC a rendu le 22 juillet 2020 une décision par laquelle elle a accordé l’assistance administrative concernant A______. Elle informait notamment l'autorité grecque que, selon les informations fournies par B______, celui-ci était l'ayant droit économique et le signataire autorisé de la relation bancaire n° 1______ au nom de C______ LTD et lui a transmis les relevés de ce compte pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

D______, A______ et C______ LTD ont fait recours au Tribunal fédéral administratif contre cette décision. Cette procédure est actuellement pendante.

i. Le 3 juin 2021, B______ a refusé de donner suite à la requête de A______ visant à ce que l'ayant droit économique du compte de C______ LTD soit modifié rétroactivement, au motif que la relation bancaire concernée avait déjà été clôturée.

j. Le 23 novembre 2021, A______ a réitéré sa demande visant à ce que B______ rectifie sa communication aux autorités fiscales suisses, respectivement ses propres "registres", en ce sens que A______ n'avait jamais été ayant droit économique de C______ LTD.

B______ lui a répondu le 18 janvier 2022 que, selon les formulaires A relatifs au compte de C______ LTD qu'elle lui transmettait en copie, A______ était bien l'un des ayants droit économiques de sorte que la demande de rectification n'avait pas lieu d'être.

k. Le 9 mars 2022, A______ a formé par-devant le Tribunal une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, concluant notamment, sur mesures provisionnelles, à titre principal, à ce que le Tribunal ordonne à B______ de rectifier les données concernant l'identité des ayants droit économiques de la relation bancaire n° 1______ en supprimant provisoirement la donnée le recensant en qualité d'ayant droit économique de cette relation. Subsidiairement, il a pris, entre autres, les mêmes conclusions que celles figurant dans son appel.

Il a fait notamment valoir que c'était par erreur et à son insu que D______ l'avait inscrit en qualité d'ayant droit économique lors de l'ouverture du compte n° 1______ au nom de C______ LTD. Les données traitées par sa partie adverse étaient erronées sur ce point et devaient être rectifiées en application des dispositions de la LPD. A défaut il subirait un préjudice difficilement réparable si cette donnée erronée était transmise aux autorités grecques.

l. Par ordonnance du 9 mars 2022, statuant sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal a ordonné à B______ d'ajouter la mention "contesté par l'intéressé" à la donnée recensant A______ en qualité d'ayant droit économique de la relation bancaire n° 1______.

m. B______ a conclu à ce que le Tribunal rejette la requête et annule l'ordonnance de mesures superprovisionnelles.

n. A l’audience du Tribunal du 25 avril 2022 les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de cette audience.

EN DROIT

1. 1. L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC). Dans les affaires patrimoniales, il est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

En matière d'entraide internationale, la cause est de nature patrimoniale lorsqu'elle concerne la transmission d'informations fiscales, même si le litige est fondé sur la violation des droits de la personnalité (ATF 139 II 404 consid. 12.3).

En l'espèce, l'appelant chiffre la valeur litigieuse à 30'000 fr. et l'intimée ne conteste pas ce montant, qui peut être retenu au regard des faits de la cause.

La voie de l'appel est par conséquent ouverte.

1.2 L'appel a été formé dans le délai utile de 10 jours (art. 142 al. 3, 248 let. d et 314 al. 1 CPC) et respecte les exigences de forme prescrites par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC). Il est par conséquent recevable.

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

En outre, dans le cadre de mesures provisionnelles, instruites selon la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est circonscrite à la vraisemblance des faits allégués ainsi qu'à un examen sommaire du droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5). Les moyens de preuve sont, en principe, limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (art. 254 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, p. 283 n° 1556).

2. Le Tribunal a retenu qu'il n'était pas rendu vraisemblable que les données litigieuses étaient inexactes. L'épouse de l'appelant, administratrice présidente de C______ LTD, ne s'était vraisemblablement pas trompée en indiquant que l'appelant était ayant droit économique, ce d'autant plus qu'à retenir cette hypothèse, il faudrait alors admettre que la confusion se serait étendue aux trois autres administrateurs de la société. Tant l'appelant que son épouse avaient de plus confirmé le 23 mars 2017 qu'ils étaient ayants droit économiques de la société. L'appelant n'avait pas rendu vraisemblable qu'il risquait de subir un préjudice difficilement réparable si la donnée litigieuse était transmise aux autorités grecques.

L'appelant fait valoir qu'il existe des doutes sur l'exactitude de la donnée litigieuse de sorte que la mention du fait que celle-ci est contestée doit être apposée par sa partie adverse, conformément à l'art. 15 al. 2 LPD, puisque cette dernière n'a pas démontré qu'il était ayant droit économique du compte bancaire concerné. La mention de son nom en cette qualité sur le formulaire A résultait d'une erreur car son épouse et lui-même ne maîtrisaient pas le concept d'ayant droit économique. Ils avaient considéré à tort que, vu la durée de leur mariage, il bénéficiait indirectement de la fortune de son épouse. Le fait que celle-ci était administratrice et présidente de C______ LTD n'était pas pertinent, pas plus que le fait que son erreur s'était, dans un premier temps, étendue aux autres membres de sa famille "qui étaient susceptibles de bénéficier de sa richesse personnelle". Les indications figurant dans le formulaire signé par I______ n'étaient pas décisives car aucun élément du dossier n'attestait qu'il avait le pouvoir de représenter les époux A______/D______ ou C______ LTD, ni qu'il connaissait leur situation ainsi que la notion d'ayant droit économique en droit suisse. L'appelant n'était pas actionnaire de C______ LTD et les fonds déposés sur le compte de celle-ci provenaient de la fortune familiale de D______ générée par des activités de shipping. Il était cardiologue et n'avait jamais contribué à alimenter le compte en question. Il n'avait pas conclu d'accord fiduciaire avec C______ LTD prévoyant que celle-ci détiendrait des actifs pour son compte, ce qui avait été confirmé par les déclarations signées par les administrateurs de la société. La reconnaissance par le Tribunal du caractère litigieux de sa qualité d'ayant droit économique du compte bancaire concerné lui donnerait la possibilité "de faire valoir ses droits au fond et suspendre la procédure par-devant le Tribunal administratif fédéral jusqu'à droit jugé sur l'exactitude des registres de B______". L'appelant ajoute que "en l'absence de décision provisionnelle, le Tribunal administratif fédéral pourrait ordonner la transmission de données erronées à la Grèce [lui] causant un préjudice irréparable ( )" car il "se verrait opposer la titularité de sommes ne lui ayant jamais appartenu ( ). De telles informations transmises par les autorités suisses auraient un caractère irréfutable aux yeux des autorités grecques" qui seraient susceptibles d'ouvrir des procédures fiscales en Grèce. L'intimée n'encourrait quant à elle aucun préjudice en mentionnant le caractère contesté de la donnée.

2.1.1 Le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC).

Le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment un ordre donné à des tiers (art. 262 let. a CPC).

L'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; Bohnet, Commentaire romand, N 3 ss ad art. 261 CPC).

Le requérant doit rendre également vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. En d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets. Est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

Le dommage difficilement réparable est principalement de nature factuelle; il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès. Il est constitué, pour celui qui requiert les mesures provisionnelles, par le fait que, sans celles-ci, il serait lésé dans sa position juridique de fond (ATF 138 III 378 consid. 6.3).

Rendre vraisemblable signifie qu'il n'est pas nécessaire que le juge soit convaincu de l'exactitude de l'allégué présenté; il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, le juge acquière l'impression que les faits invoqués se sont produits, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'ils aient pu se dérouler autrement (ATF
139 III 86 consid. 4.2; 132 III 715 consid. 3.1; 130 III 321 consid. 3.3). La vraisemblance requiert plus que de simples allégués: ceux-ci doivent être étayés par des éléments concrets ou des indices et être accompagnés de pièces (ATF
138 III 636 consid. 4.3.2 et 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_893/2013 du 18 février 2014 consid. 3).

Le juge peut en outre se limiter à un examen sommaire des questions de droit (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5P.422/2005 du 9 janvier 2006 consid. 3.2; Bohnet, op. cit., N 4 ad art. 261 CPC et les références citées).

2.1.2 Selon la jurisprudence, est ayant droit économique celui qui a la possibilité de fait de disposer de valeur patrimoniales et donc celui à qui ces valeurs appartiennent sous l'angle économique. L'attribution des valeurs patrimoniales doit être faite selon des critères économiques, les constructions juridiques formelles étant sans importance (ATF 125 IV 139 consid. 3 c), SJ 2000 I 145, p. 150; ATF 136 IV 127 consid. 3.1.1).

Les ayants droit économiques et les actionnaires d'une société peuvent être des personnes différentes. Pour identifier les ayants droit économiques, ce n'est pas la provenance des fonds, mais le pouvoir de disposer de ceux-ci qui est déterminant; la personne qui a généré le patrimoine n'est pas décisive à cet égard (Avis du Conseil fédéral du 12 février 2014, Interpellation sur la transparence totale sur les montages juridiques et ayants droit économiques; Bauen/Rouiller, Relations bancaires en Suisse – Un aperçu pour le client des banques et ses conseillers, 2011, p. 158 ss; Aperçu de la jurisprudence de la Commission de surveillance pour la période 2001- 2005, ch. 2.18 et 2.32; Emch/Renz/Arpagaus, Das Schweizerische Bankgeschäft, 2004, n. 568, p. 182)

Le cocontractant doit indiquer dans le formulaire applicable des données liées à l’identification de l’ayant droit économique. Ces données comprennent le nom, le prénom, la date de naissance, la nationalité et l’adresse effective de l’ayant droit économique. Après la signature du cocontractant, le formulaire est conservé par la banque. La signature de l’ayant droit économique n’est pas requise. Les données liées à l’identification de l’ayant droit économique constituent des données personnelles au sens de l’art. 3 lit. a LPD (Podat, Les effets en droit privé de l'obligation d'identifier l'ayant droit économique, 2019, p. 93 et 94).

2.1.3 Selon l'art. 5 al. 1 LPD, celui qui traite des données personnelles doit s’assurer qu’elles sont correctes. Il prend toute mesure appropriée permettant d’effacer ou de rectifier les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées.

A teneur de l'art. 15 al. 1 LPD, les actions concernant la protection de la personnalité sont régies par les art. 28, 28a et 28l du code civil. Le demandeur peut requérir en particulier que le traitement des données, notamment la communication à des tiers, soit interdit ou que les données soient rectifiées ou détruites. Si ni l’exactitude, ni l’inexactitude d’une donnée personnelle ne peut être établie, le demandeur peut requérir que l’on ajoute à la donnée la mention de son caractère litigieux (al. 2).

Si le demandeur établit l'inexactitude de la donnée, celle-ci sera rectifiée, voire supprimée. S'il échoue à prouver l'inexactitude, mais qu'il existe des doutes sur l'exactitude, il peut néanmoins obtenir la mention du caractère litigieux de la donnée, sauf si l'auteur parvient pour sa part à en établir l'exactitude. L'auteur du traitement ne pourra pas invoquer un motif justificatif, par exemple un intérêt prépondérant à ne pas modifier la donnée douteuse, dans un tel cas (Meier, Protection des données, 2011, n. 1758, p. 573).

2.2 En l'espèce, la qualité de l'appelant en tant qu'ayant droit économique du compte n° 1______ ouvert au nom de C______ LTD constitue une donnée traitée par l'intimée. La présente procédure étant régie par la procédure sommaire et le juge ne statuant que sur la vraisemblance du droit, il convient d'examiner si l'appelant a rendu vraisemblable que cette donnée était inexacte, voire qu'il existe un doute sur cette question au sens de l'art. 15 al. 2 LPD.

La qualité de l'appelant comme ayant droit économique des avoirs déposés sur le compte précité est attestée par la teneur des formulaires A signés les 1er février 2008 et 4 octobre 2016 par D______, administratrice présidente et unique actionnaire de C______ LTD.

D______ n'a vraisemblablement pas commis une erreur en indiquant le nom de son époux sur ces deux formulaires.

Le formulaire signé le 1er février 2008 indique clairement quelle est la définition de l'ayant droit économique, en précisant qu'il s'agit du "propriétaire final" des avoirs déposés. Aucun élément du dossier ne permet de retenir que D______ n'avait pas compris le sens de cette notion. En inscrivant son nom et celui de son époux sur ces formulaires, elle a confirmé qu'elle considérait que les deux époux étaient propriétaires des avoirs en question.

Une erreur est d'autant plus invraisemblable qu'il est précisé sur les formulaires en question que ceux-ci constituent des titres au sens du droit pénal suisse et qu'une fausse déclaration est passible de sanctions pénales. En lisant cet avertissement, D______ ne pouvait ignorer que les indications portées sur ces documents étaient importantes et ne devaient pas être mentionnées à la légère.

Le fait que les informations fournies dans le premier formulaire au sujet de l'appelant ont été confirmées plusieurs années plus tard dans un second formulaire exclut de plus toute possibilité d'une erreur dans la rédaction du premier formulaire.

Comme l'a relevé pertinemment le Tribunal, il n'est pas concevable que D______, administratrice présidente et actionnaire unique d'une société de shipping ayant un chiffre d'affaires de plusieurs dizaines de millions de dollars américains, ne comprenne pas la teneur de formulaires signés en lien avec l'ouverture d'un compte bancaire. Il n'est pas allégué par ailleurs que D______ aurait agi dans ce cadre comme "homme de paille", sans comprendre ce qu'elle faisait.

Les affirmations de l'appelant selon lesquelles son nom a été inscrit sur ces deux formules A à son insu sont également invraisemblables. L'appelant, en tant qu'administrateur et signataire autorisé de C______ LTD, ne pouvait ignorer qu'il était considéré comme ayant droit économique des avoirs déposés sur le compte de cette dernière.

Il a d'ailleurs lui-même fait état de sa qualité d'ayant droit économique de ces avoirs, à plusieurs reprises, entre 2016 et 2018, dans le cadre du litige qui l'a opposé à l'intimée en lien avec les frais débités du compte ouvert au nom de C______ LTD.

La lettre manuscrite datée du 17 mai 2018 et signée par les deux époux confirme quant à elle sans ambiguïté que tant D______ que A______ étaient à l'époque ayants droit économiques du compte de C______ LTD.

Le versement sur le compte joint des époux du montant de 360'000 USD, qui devait revenir à cette société en exécution de l'accord du 24 mai 2018, confirme que ceux-ci considéraient tous deux que les valeurs patrimoniales figurant sur le compte de C______ LTD leur appartenaient.

Ce qui précède est en outre corroboré par la déclaration signée le 23 mars 2017 par I______. Contrairement à ce que soutient l'appelant, ce dernier, associé d'un cabinet d'experts comptables et spécialiste en fiscalité internationale, connaissait certainement la définition de la notion d'ayant droit économique en droit suisse ainsi que la situation des parties. Le fait qu'il avait été mandaté par l'appelant et son épouse est attesté par la teneur de l'accord du 24 mai 2018 conclu avec l'intimée, lequel précise expressément que l'appelant et son épouse ont fourni à cette dernière cette attestation à titre de preuve de leur statut fiscal.

Le fait que l'appelant ne soit pas actionnaire de C______ LTD n'est pas pertinent, car la qualité d'actionnaire d'une société ne correspond pas forcément à celle d'ayant droit économique du compte bancaire ouvert au nom de la même société. La manière dont les activités de C______ LTD ont été financées n'est pas non plus décisive dans ce cadre. En tout état de cause, les affirmations de l'appelant sur la provenance des fonds déposés sur le compte litigieux ne sont corroborées par aucune pièce.

La déclaration signée le 14 avril 2020 par l'appelant, son épouse et deux autres membres de sa famille, à savoir F______ et E______, à teneur de laquelle l'appelant n'était pas ayant droit économique de C______ LTD pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 a, quant à elle, été de toute évidence établie pour les besoins de la cause. Au regard des liens familiaux unissant les signataires de ce document et du fait que cette déclaration a été établie après l'ouverture de la procédure d'entraide fiscale, cette déclaration est dénuée de toute force probante.

Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'a pas rendu vraisemblable l'inexactitude de la donnée selon laquelle il est ayant droit économique des valeurs déposées sur le compte ouvert au nom de C______ LTD. Il n'a pas non plus rendu vraisemblable qu'il existait un doute sur cette question.

Les conditions posées par l'art. 15 al. 2 LPD ne sont pas réalisées, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner à l'intimée d'ajouter, en regard de la donnée en question, la mention de son caractère litigieux.

A cela s'ajoute que l'appelant n'a pas non plus rendu vraisemblable que la mesure qu'il sollicite est propre à prévenir le préjudice qu'il allègue.

Il fait valoir sur ce point que la reconnaissance, dans la présente procédure, du caractère litigieux de sa qualité d'ayant droit économique lui donnerait la possibilité de faire suspendre la procédure pendante devant le Tribunal administratif fédéral jusqu'à droit jugé sur l'exactitude des registres de l'intimée. Or, aucun élément du dossier n'atteste que la décision du Tribunal administratif fédéral sur une requête de suspension formée par l'appelant serait différente dans l'hypothèse où la Cour de céans ordonnait à l'intimée d'apposer la mention requise par ce dernier. Une telle mention ne lierait probablement pas le Tribunal administratif fédéral.

Elle ne lierait pas non plus les autorités fiscales grecques, devant lesquelles l'appelant pourra vraisemblablement faire valoir directement les arguments qu'il invoque dans la présente procédure.

L'ordonnance querellée sera par conséquent confirmée.

3. L'appelant, qui succombe, sera condamné aux frais de l'appel (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront fixés à 1'000 fr. et partiellement compensés avec l'avance fournie par l'appelant, en 800 fr., acquise à l'Etat de Genève (art. 31 et 37 RTFMC; art. 111 CPC). L'appelant sera condamné à verser le solde en 200 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Les dépens dus à l'intimée seront fixés à 1'500 fr., débours et TVA inclus (art. 85, 88, 90 RTFMC).

 

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre l'ordonnance OTPI/374/2022 rendue le 3 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4490/2022 SP.

Au fond :

Confirme l'ordonnance querellée.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met à la charge de A______ les frais judiciaires d'appel, fixés à 1'000 fr. et partiellement compensés avec l'avance fournie de 800 fr., acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 200 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, au titre des frais judiciaires d'appel.

Condamne A______ à verser 1'500 fr. de dépens d'appel à B______.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.