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Décisions | Sommaires

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C/9905/2021

ACJC/822/2022 du 09.06.2022 sur OSQ/64/2021 ( SQP ) , JUGE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9905/2021 ACJC/822/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du JEUDI 9 JUIN 2022

 

Entre

SCI A______, sise ______, France, recourant contre un jugement rendu par la Présidente du Tribunal de première instance de ce canton le 6 décembre 2021, comparant par Me François Logoz, avocat, Gross & Associés, avenue des Mousquines 20, case postale 805, 1001 Lausanne (VD), en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, comparant par Me Laurent Moreillon et Elise Deillon-Antenen, avocats, Mazou Avocats SA, avenue Mon-Repos 14, case postale 5780, 1002 Lausanne (VD), en l'étude desquels il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement OSQ/64/2021 du 6 décembre 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré irrecevables les oppositions formées le 12 juillet 2021 par SCI C______ et D______ contre l'ordonnance de séquestre du 28 mai 2021 (chiffres 1
et 2 du dispositif), déclaré recevable l'opposition formée le même jour par B______ contre cette même ordonnance (ch. 3), admis cette opposition (ch. 4) et révoqué en conséquence l'ordonnance précitée (ch. 5). Sur les frais, le Tribunal a fait masse des frais judiciaires et dépens de l'ordonnance de séquestre (ch. 6), les a mis à la charge de SCI A______ (ch. 7), a arrêté les frais judiciaires à 2'000 fr., les a compensés avec l'avance fournie par les parties et a condamné SCI A______ à verser à B______ la somme de 1'000 fr. à ce titre (ch. 8), et a condamné SCI A______ à verser à B______ la somme de 3'500 fr. TTC à titre de dépens (ch. 9). Enfin, il a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 10).

S'agissant des éléments pertinents dans la procédure de recours, le Tribunal a considéré que la créance en 700'767 fr. que SCI A______ exposait détenir à l'encontre de B______ n'avait pas de lien suffisant avec la Suisse, de sorte que le séquestre n'aurait pas dû être ordonné.

B. a. Par acte du 17 décembre 2021, dirigé contre B______,
SCI C______ et D______, SCI A______ recourt contre cette décision, qu'elle a reçue le 8 décembre 2021, dont elle requiert l'annulation des chiffres 3 à 10 de son dispositif. Cela fait, elle conclut au rejet de l'opposition à séquestre formée par B______, avec suite de dépens de première instance, et, subsidiairement, au renvoi de la cause en première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

En substance, la société reproche au Tribunal d'avoir nié l'existence d'un cas de séquestre. Elle fait valoir que la créance invoquée à l'appui du séquestre présenterait un lien suffisant avec la Suisse à deux égards : en raison du domicile en Suisse de l'ayant droit économique majoritaire de la créancière séquestrante (qui est une succession ouverte en Suisse) ainsi qu'en raison de l'intervention d'une succursale suisse d'une banque. Se fondant sur une nouvelle argumentation juridique, elle se prévaut, en outre, du fait qu'elle serait en possession d'une reconnaissance de dette.

b. Par décision du 20 décembre 2021, la Cour de céans a constaté, à titre superprovisionnel et provisionnel, que la requête de suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris était sans objet, vu l'art. 278 al. 4 LP.

c. Dans leur réponse du 17 janvier 2022, B______, SCI C______ et D______, comparant par le même avocat, ont conclu au rejet du recours.

d. SCI A______ a répliqué le 28 janvier 2022, persistant dans ses conclusions.

e. Les parties ont produit plusieurs pièces nouvelles en cours de procédure de seconde instance, avant que la cause ne soit gardée à juger par l'autorité de céans, le 25 février 2022.

SCI A______ a produit deux décisions rendues dans le cadre de la procédure de mainlevée C/1______/2021 ouverte entre les mêmes parties en lien avec le même complexe de faits.

B______ a versé l'acte de décès de son épouse du ______ 2021, l'acte de recours déposé le 17 janvier 2022 dans la procédure C/1______/2021, ainsi que l'action en libération de dette déposée le 25 janvier 2022 par-devant les juridictions genevoises, accompagnée de son bordereau de pièces. SCI A______ soutient que les pseudo nova contenus dans cet acte seraient irrecevables, car ils auraient pu être invoqués en première instance.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. SCI A______ est une société civile immobilière de droit français immatriculée à E______ (France).

Elle est détenue à 99 % par la succession de feu F______ (ressortissant et résident suisse décédé dans le canton de Fribourg en 2012), laquelle est composée de la veuve du précité, G______ (domiciliée à E______) et du fils du défunt, H______ (domicilié dans le canton de Fribourg). Me I______, avocat et notaire à Fribourg, agit en qualité d'exécuteur testamentaire de ladite succession. La dernière part de la société est détenue par G______, elle-même gérante de l'entreprise.

b. Par acte du 9 septembre 2020, cette société a promis de vendre à B______ et son épouse, J______, résidents français, la villa
"A______" sise sur la commune de K______ (Var, France), au prix de 8'000'000 euros en cas de signature de l'acte authentique avant le
31 décembre 2020 et de 8'040'000 euros en cas de signature après cette date.

Cette promesse unilatérale de vente, instrumentée par un notaire à L______ (France), a été consentie pour une durée arrivant à échéance le 31 janvier 2021 à 18h00. Dans ce délai, l'acte authentique devait être signé et le prix de vente
(frais compris) acquitté. A défaut, la promesse devenait caduque sans aucune formalité ni mise en demeure.

Une indemnité forfaitaire d'immobilisation de 800'000 euros a été stipulée.
Celle-ci ne constituait pas des arrhes, mais le prix forfaitaire de l'indisponibilité du bien. Une partie de l'indemnité, à savoir 160'000 euros, devait être versée par les époux dans les dix jours suivant la signature de la promesse de vente au notaire E______ assistant la société. Le solde en 640'000 euros devait être versé à la société dans les huit jours suivant l'expiration du délai de réalisation de la promesse de vente. En cas de vente, l'intégralité de l'indemnité serait imputée sur le prix. Si la vente n'intervenait pas du seul fait des époux, ladite indemnité serait intégralement acquise à la société, indépendamment de la durée effective de l'immobilisation. Si, en revanche, la non réalisation de la vente était imputable exclusivement à la société ou si l'un des motifs énoncés dans la promesse de vente se réalisait, l'indemnité serait alors restituée aux époux, pour autant que ceux-ci s'en prévalent par écrit dans les sept jours suivant la date d'expiration de la promesse de vente. Ces motifs étaient les suivants : (1) l'une des conditions suspensives stipulées dans la promesse de vente venait à défaillir selon les modalités et délais prévus dans la promesse de vente, (2) les biens promis se révélaient faire l'objet de servitudes (quelle qu'en soit leur origine) ou de mesures administratives de nature à en déprécier la valeur ou à les rendre impropres à leur usage, (3) les biens promis se révélaient être grevés de privilèges, hypothèques, antichrèses ou saisies déclarées ou non, et dont la mainlevée amiable ne pourrait être obtenue des créanciers inscrits par le paiement de leur créance lors de la signature de l'acte de vente authentique au moyen des deniers provenant du prix, (4) les biens vendus venaient à faire l'objet d'une destruction totale ou partielle ou de dégradations telles qu'elles ne permettraient pas leur jouissance dans des conditions normales, (5) les biens vendus venaient à faire l'objet d'une location ou occupation non déclarée à la promesse de vente, (6) la société n'avait pas communiqué son titre de propriété et ne justifiait pas d'une origine de propriété régulière et trentenaire, (7) la société ou les précédents propriétaires avaient commis une infraction à une obligation administrative ou légale relative aux biens promis, (8) la société venait à manquer de la capacité, des autorisations et des pouvoirs nécessaires à la vente amiable, (9) la non réalisation de la vente promise était imputable à la seule société.

Trois conditions suspensives étaient stipulées : (1) aucune servitude susceptible de rendre le bien impropre à l'usage que les époux envisageaient de lui donner ne devait exister, (2) il devait être procédé à la purge de tout droit de préemption ou de préférence éventuels, (3) et l'état hypothécaire afférent au bien ne devait révéler aucune inscription pour un montant supérieur au prix de vente ou d'une publication de commandement de saisie ni l'existence d'autres droits réels que ceux éventuellement énoncés faisant obstacle à la libre disposition du bien ou susceptible d'en diminuer sensiblement la valeur.

c. En vue de cette acquisition, B______ et feue J______ ont pris contact avec la succursale genevoise de M______ SA. Par courrier du
29 janvier 2021, celle-ci a consenti à leur octroyer un prêt hypothécaire, à condition, en particulier, que la société SCI C______, dont les époux étaient tous deux actionnaires, ouvre préalablement un compte auprès dudit établissement, que les parts de celle-ci soient nanties et que B______ apporte des garanties personnelles.

d. Les époux n'ont pas levé l'option dans le délai imparti. La somme de 640'000 euros n'a, en outre, pas été versée. Seul le montant de 160'000 euros a été libéré en mains du notaire E______ assistant la société.

e. A la demande des époux, le délai de réalisation de la promesse unilatérale de vente a, par avenant du 10 février 2021, été prorogé au 15 mars 2021 à 18h00, moyennant le versement de la somme complémentaire de 240'000 euros au plus tard le 8 mars 2021 au notaire instrumentateur de l'acte à titre d'indemnité d'immobilisation, faute de quoi la promesse de vente et son avenant seraient réputés nuls et non avenus, à l'exception de l'indemnité d'immobilisation profitant à la société.

f. Le 19 février 2021, B______ et la SCI C______ ont signé un contrat de prêt avec M______ SA, succursale de Genève, visant à financer une partie du prix d'achat de la villa. Pour obtenir ce crédit, B______ devait remplir des garanties financières comprenant, notamment, mais non exclusivement, le nantissement d'un compte ainsi que le nantissement d'un portefeuille d'une valeur de marché de 5'400'000 euros et d'une valeur lombard d'un minimum de 2'000'000 euros. Aux termes de ce contrat de prêt, B______ était débiteur solidaire de l'emprunt souscrit par SCI C______. Le 26 février 2021, avec effet au 19 février 2021, B______ s'est porté garant et codébiteur solidaire dudit prêt.

g. La somme de 240'000 euros n'a pas été versée dans le délai fixé au
8 mars 2021. L'acte de vente n'a pas été signé dans le délai contractuel prolongé au 15 mars 2021, ni le prix d'achat de la villa acquitté. La somme de 640'000 euros est demeurée impayée.

h. Par courrier du 16 mars 2021, le notaire E______ assistant la société a informé le notaire instrumentateur de l'acte de ce que la société entendait obtenir la libération de la part de l'indemnité d'immobilisation de 160'000 euros séquestrée en ses mains.

i. Par décision de référé du 7 mai 2021, le Tribunal judiciaire de E______ a constaté que l'indemnité d'immobilisation de 800'000 euros était due et a condamné B______ et J______ à la verser à SCI A______. Il a ordonné la libération en faveur de la société du montant de 160'000 euros séquestré chez le notaire.

Le recourant a appelé de cette décision.

j. Par acte du 26 mai 2021, SCI A______ a requis du Tribunal de première instance de Genève le séquestre, fondé sur l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, à concurrence de 700'767 fr. (équivalents à 640'000 euros), en mains de M______ SA, succursale de Genève (intérêts en sus) de tous comptes, avoirs, espèces, valeurs, titres, créances et autres biens ou actifs dont B______ et/ou J______ (en qualité de débiteurs solidaires) étaient titulaires, co-titulaires ou propriétaires et seraient inscrits dans les livres de la banque à leurs noms, au nom de l'un d'entre eux ou sous un nom de fantaisie ou une désignation numérique, ou au nom d'un tiers dont il étaient le ou les ayant droit économiques.

Ce séquestre a été admis par ordonnance du 28 mai 2021 et exécuté le jour-même, avec pour unique débiteur B______ ; celui-ci a été condamné aux frais judiciaires de 1'000 fr. et à des dépens arrêtés à 3'500 fr.

Par décision du 31 mai 2021, le Service des séquestres de l'Office cantonal des poursuites a décidé de ne pas exécuter l'ordonnance de séquestre en ce qui concernait les biens désignés de façon générique dont B______ n'était pas formellement titulaire auprès de l'établissement bancaire en question.

B______ a été informé de l'existence du séquestre le 1er juillet 2021, par la transmission du procès-verbal du séquestre. Les coûts dudit procès-verbal ont été de 1'262 fr. 20.

Il s'y est opposé le 12 juillet 2021. SCI C______ et D______, sociétés détenue par les époux, ont en fait de même. Tous trois ont soutenu que la créance n'offrait pas de lien suffisant avec la Suisse.

Dans ses déterminations du 9 novembre 2021, la créancière séquestrante a conclu au rejet des oppositions précitées. Selon elle, la créance invoquée à l'appui du séquestre présentait un lien suffisant avec la Suisse.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal le 15 novembre 2021, à l'issue d'une audience lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

k. En parallèle, en date du 6 juillet 2021, SCI A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 2______, portant sur le montant de 700'767 fr. (intérêts en sus), ainsi que sur les montants de 3'500 fr. (correspondant aux dépens fixés dans l'ordonnance de séquestre du 28 mai 2021) et de 1'262 fr. 20 (correspondant au coût du procès-verbal de séquestre). B______ y a formé opposition.

Par requête enregistrée sous cause n° C/1______/2021du 23 juillet 2021, SCI A______ a requis la mainlevée provisoire de cette opposition.

Par jugement JTPI/15991/2021 du 17 décembre 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée de l'opposition précitée à concurrence de 700'767 fr. Il a refusé de prononcer la mainlevée des sommes de 3'500 fr. et 1'262 fr. 20, dès lors qu'il s'agissait de frais de poursuite, lesquels suivaient le sort de la poursuite et seraient remboursés d'office au poursuivant si la poursuite aboutissait.

Par acte du 17 janvier 2022, B______ a recouru contre cette décision, requérant son annulation. Par arrêt du 26 janvier 2022, la Cour a rejeté sa requête tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris.
Par arrêt de ce jour, elle a rejeté le recours.

EN DROIT

1.             1.1 Le recours est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), par une partie qui y a intérêt
(art. 59 al. 2 let. a CPC), dans le délai utile de dix jours applicable en procédure sommaire et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3,
251 let. a, et 321 al. 1 et 2 CPC), contre une décision statuant sur opposition à séquestre, laquelle ne peut pas faire l'objet d'un appel (art. 278 al. 3 LP ; art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC).

1.2 Le Tribunal a rendu un seul jugement contre tous les opposants au séquestre. Il a déclaré irrecevables les oppositions formées par SCI C______ et D______ et a admis l'opposition formée par B______.

Bien que formellement dirigé contre les trois opposants précités, le recours tend uniquement à faire annuler l'ordonnance querellée en ce qu'elle concerne l'action de B______. Le sort réservé aux oppositions des sociétés susnommées n'est pas remis en cause.

Dans la mesure où la consorité est, in casu, simple au sens de l'art. 71 CPC, le jugement entrepris contient matériellement autant de décisions qu'il y a de consorts (ATF 147 III 529 consid. 4.3.1 et les références citées). Il s'ensuit que la recourante pouvait attaquer de manière séparée et indépendante la partie du jugement qui ne concernait qu'un seul d'entre eux. Non concernés par cette procédure de recours, les autres consorts ne disposent pas de la qualité de partie. Dès lors que ces derniers n'ont pas contesté le jugement querellé, celui-ci a acquis l'autorité de la chose jugée en ce qui les concerne (ATF 140 III 520 consid. 3.2.2).

Le présent arrêt sera, par conséquent, rendu entre la recourante et B______ exclusivement.

Il sied ici de préciser que la recourante doit être qualifiée de personne morale étrangère dotée d'une personnalité juridique propre, dès lors qu'il s'agit d'une société civile immobilière de droit français immatriculée au registre du commerce et des sociétés de E______ (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_729/2019 du
7 juillet 2020 consid. 4.4). Ni le fait que la recourante n'exerce aucune activité commerciale, ni le fait qu'elle soit transparente, ni le fait que ses ayants droit économiques soient des personnes physiques n'exercent d'influence sur sa qualification de personne morale (arrêt du Tribunal fédéral 4A_454/2016 du
16 décembre 2016 consid. 3.3).

1.3 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC ; art. 278 al. 3 LP). Par ailleurs, la procédure sommaire étant applicable, elle statue en se fondant sur la simple vraisemblance des faits (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_870/2010 du 15 mars 2011 consid. 3.2 ; sur la simple vraisemblance en général, cf. ATF 130 III 321 consid. 3.3) et après un examen sommaire du droit (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1).

La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases aux maximes de disposition et des débats (art. 58 al. 2 CPC ; art. 255 CPC a contrario).

1.4 Les parties ont produit des pièces nouvelles. La recourante s'est en outre prévalue pour la première fois de l'existence d'une reconnaissance de dette fondant le cas de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP.

1.4.1 Dans la procédure de recours en matière d'opposition au séquestre, les parties peuvent alléguer des faits nouveaux (art. 278 al. 3, 2ème phrase, LP).
Il s'agit d'un régime dérogatoire au sens de l'art. 326 al. 2 CPC.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, tant les vrais nova que les pseudo nova peuvent être invoqués, aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC, applicable par analogie (ATF 145 III 324 consid. 6.6). Les faits nouveaux doivent par conséquent être invoqués ou produits sans retard (let. a) et, pour les pseudo nova, être excusables, c’est-à-dire ne pas avoir pu être invoqués ou produits en première instance malgré la diligence requise (let. b).

Le Tribunal fédéral n'a pas tranché la question de savoir jusqu'à quel moment les vrais et pseudo nova doivent être présentés dans la procédure de recours sur opposition au séquestre (ATF 145 III 324 précité consid. 6.6.4 in fine ; cf. également ATF 139 III 491 consid. 4.4 in fine). Dans l'ATF 145 III 324, il a toutefois renvoyé à l'ATF 142 III 413 consid. 2.2.3 ss, publié in JdT 2017 II p. 153, qui précise que les nova doivent être invoqués sans retard, donc en principe dans le mémoire d'appel ou dans la réponse (consid. 2.2.4), qu'ils peuvent également l'être jusqu'aux délibérations de la juridiction d'appel, pour autant que les conditions strictes de l'art. 317 al. 1 CPC soient respectées (consid. 2.2.5) et qu'après les délibérations, les pseudo nova ne peuvent être invoqués que par la voie de la révision (art. 328 al. 1 let. a CPC) et les vrais nova par le biais d'une nouvelle demande (consid. 2.2.6).

Une nouvelle motivation juridique doit être distinguée des faits nouveaux. Elle n'est pas visée par l'art. 326 al. 1 CPC et peut, dès lors, être présentée tant en appel que même devant le Tribunal fédéral, dans le cadre de l'objet du litige
(ATF 136 V 362 consid. 4.1 par analogie ; cf. également, en lien avec l'art. 317 al. 1 CPC : arrêt du Tribunal fédéral 4A_486/2017 du 23 mars 2018 consid. 3.2.1 et 3.2.2). Ceci résulte en particulier du principe de l'application du droit d'office (art. 57 CPC ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_351/2015 du 1er décembre 2015 consid. 4.3).

1.4.2 En l'espèce, la recourante a produit deux décisions judiciaires rendues dans une cause parallèle ouverte entre les mêmes parties et traitée, en seconde instance, par la Cour. Il peut ainsi être considéré qu'il s'agit de faits immédiatement connus du Tribunal ("gerichtsnotorische Tatsachen"), qui n'ont par conséquent pas à être prouvés et ne sont partant pas nouveaux (ATF 143 II 224 consid. 5.1 ; parmi plusieurs : arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.3 ; 5A_610/2016 du 3 mai 2016 consid. 3.1 et 3.2). En tout état, les décisions précitées ont été rendues postérieurement à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal, le 15 novembre 2021, et ont été produites sans retard en seconde instance, avant la phase de délibérations. Elles doivent donc, dans tous les cas, être prises en considération par la Cour.

L'acte de recours déposé le 17 janvier 2022 par l'intimé dans le cadre de cette procédure parallèle, ainsi que l'action en libération de dette déposée le
25 janvier 2022 par ce dernier à l'encontre de la recourante auprès des instances genevoises sont, en tant que tels, recevables, dès lors qu'ils ont été établis après que la cause a été gardée à juger par le Tribunal et que ces pièces ont été produites avant le début des délibérations de l'instance de recours. Cela étant, les faits qu'ils comportent qui n'ont pas été soumis au premier juge alors qu'ils étaient déjà connus de l'intimé sont irrecevables, l'intimé n'exposant pas les motifs de ce retard. Il en va ainsi de tous les faits allégués pour la première fois par l'intimé devant l'instance de recours en lien avec l'inexistence de la créance eu égard à la crise sanitaire et à la maladie de feue son épouse (lesquels ont été résumés aux allégués 61 à 64 de ses déterminations spontanées du 26 janvier 2022).

L'acte de décès du 24 août 2021 de l'épouse de l'intimé est également irrecevable, dès lors que ce dernier n'a pas exposé les motifs de son retard.

Enfin, la nouvelle argumentation juridique de la recourante est recevable, étant précisé que les éléments sur lesquels elle se fonde existaient déjà à la procédure et ne sont, partant, pas nouveaux. L'intimé a, en outre, eu la possibilité de se prononcer à son sujet, dans le respect de son droit d'être entendu.

2. La société reproche au Tribunal d'avoir nié l'existence d'un cas de séquestre.

2.1 A teneur de l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu'on est en présence d'un cas de séquestre (ch. 2) et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3).

Il appartient au créancier de rendre vraisemblable que ces trois conditions sont réalisées. Le degré de la preuve est celui de la simple vraisemblance ("Glaubhaftmachung"). Le créancier n'a pas à apporter la preuve stricte des faits qu'il allègue pour convaincre le juge d'ordonner le séquestre (Pahud, Le séquestre et la protection provisoire des créances pécuniaires, 2018, p. 47 n. 144 ; Stoffel/Chabloz, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005,
n. 15 ad art. 271 LP et n. 3 ad art. 272 LP). L'exigence de vraisemblance est satisfaite lorsque le juge, se fondant sur des éléments objectifs, acquiert l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1). De son côté, le poursuivi doit s'efforcer de démontrer, en s'appuyant sur les moyens de preuve à sa disposition, que son point de vue est plus vraisemblable que celui du créancier séquestrant (arrêt du Tribunal fédéral 5A_10/2021 du 1er juillet 2021 consid. 3.3.2 et la référence citée).

2.2 La loi entend par "cas de séquestre" n'importe laquelle des six situations visées exhaustivement à l'art. 271 al. 1 LP : absence de domicile fixe (ch. 1), dissimulation des biens, fuite ou risque de fuite (ch. 2), débiteur de passage ou forain (ch. 3), "séquestre des étrangers" (ch. 4), acte de défaut de biens contre le débiteur (ch. 5) ou titre de mainlevée définitive (ch. 6).

Le "séquestre des étrangers" de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP ("Ausländerarrest" ; "sequestro degli stranieri") a été prévu pour permettre au créancier d'appréhender les actifs détenus en Suisse par un débiteur – peu importe qu'il soit de nationalité suisse ou étrangère – qui n'a ni siège ni domicile en Suisse, de sorte qu'il n'existe pas de for de poursuite en Suisse pour la créance en cause (Jeandin, Aspects judiciaires relatifs à l'octroi du séquestre, in SJ 2006 II p. 51 ss, p. 55).

Ce séquestre ne peut être requis que si la créance présente un lien suffisant avec la Suisse ou qu’elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l’art. 82 al. 1 LP. Ces restrictions ont été introduites par le législateur en 1994 afin d'éviter qu'un créancier ne puisse séquestrer les actifs d'un débiteur domicilié à l'étranger et n'ayant d'autres liens avec la Suisse que la présence desdits actifs (Jeanneret/De Both, Séquestre international, for du séquestre en matière bancaire et séquestre de biens détenus par des tiers, in SJ 2006 II p. 169 ss,
p. 171).

2.2.1 La notion de "lien suffisant avec la Suisse" ne doit pas être interprétée restrictivement (ATF 135 III 608 consid. 4.5 ; 124 III 219 consid. 3 ; 123 III 494 consid. 3a et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_60/2013 du
27 mai 2013 consid. 4.2.1). Lors de la révision de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, entrée en vigueur en 1997, le législateur a délibérément préféré le terme "suffisant" au terme "étroit", afin de ne pas trop limiter les conditions du séquestre et de laisser à la pratique une marge d'appréciation (Gillieron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite,
art. 271-352 LP, 2003, n. 63 ad art. 271 LP ; Patocchi/Lembo, Le lien suffisant de la créance avec la Suisse en tant que condition de recevabilité du séquestre selon la nouvelle teneur de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP - Quelques observations,
in Schuldbetreibung und Konkurs im Wandel : FS 75 Jahre Konferenz der Betreibungs- und Konkursbeamten der Schweiz, 2000, p. 385 ss, p. 386-389).
La créance peut avoir un lien suffisant avec la Suisse même si elle en présente un plus étroit avec un autre pays (arrêt du Tribunal fédéral 5A_581/2012 du
9 avril 2013 consid. 5.2.4). L'autorité de séquestre doit apprécier l'existence d'un lien suffisant à la lumière de l'ensemble des circonstances, en mettant en balance les intérêts du créancier et ceux du débiteur. Ainsi, le lien de la créance avec la Suisse est suffisant lorsque l'intérêt du créancier à poursuivre le débiteur au lieu du séquestre se base sur un point de rattachement avec la Suisse qui l'emporte, au regard de l'ensemble des circonstances, sur l'intérêt du débiteur à conserver intacte sa possession (arrêts du Tribunal fédéral 5A_519/2018 du 1er mai 2019
consid. 3.3 ; 5A_222/2012 précité consid. 4.2).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, à la suite d'une large majorité de la doctrine, la créance a un lien suffisant avec la Suisse lorsque le créancier séquestrant y est domicilié ou y a son siège (arrêts du Tribunal fédéral 5A_832/2015 du 19 février 2016 consid. 3.1 ; 5A_501/2010 du 20 janvier 2011 consid. 2.3.2 et les références citées).

La jurisprudence retient également notamment comme point de rattachement le lieu d'exécution en Suisse de la prestation du créancier séquestrant ou de celle du débiteur séquestré (ATF 123 III 494 consid. 3a). Ainsi, le paiement sur un compte en Suisse en relation avec le contrat litigieux peut constituer un lien suffisant avec la Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_222/2012 du 2 novembre 2012 consid. 4.1.1 et les références citées). Certains auteurs soutiennent qu'entrerait aussi en considération comme point de rattachement pertinent l'activité commerciale que le débiteur exerce en Suisse. Ainsi, lorsque la créance invoquée pour obtenir le séquestre est en lien avec l'activité commerciale exercée par le débiteur en Suisse, la condition du lien suffisant serait réalisée, quand bien même la créance n'est pas soumise au droit suisse. A cet égard, certains auteurs affirment que l'intervention d'une banque sise en Suisse dans une opération de crédit documentaire pourrait conduire à admettre que le débiteur développe une activité commerciale en Suisse. La majorité d'entre eux précise toutefois qu'il faut que la banque suisse ait assumé un engagement de paiement (banque émettrice – soit la banque qui émet un crédit – ou banque confirmante – soit la banque qui ajoute, en sus de la banque émettrice, sa confirmation et son engagement dans le cadre d'un crédit documentaire irrévocable et confirmé) ou ait joué au moins un rôle actif. Selon une autre partie de la doctrine, le lien suffisant doit déjà être retenu lorsque la banque assume un rôle même marginal dans la relation contractuelle en cause (arrêt du Tribunal fédéral 5A_222/2012 précité consid. 4.1.2 et les nombreuses références doctrinales). Pour l'heure, le Tribunal fédéral n'a pas tranché cette question.

2.2.2 Selon le texte de la loi, l'existence d'une reconnaissance de dette suffit pour prononcer un séquestre, sans égard au lien suffisant avec la Suisse de la créance reconnue (Mumenthaler, Le séquestre des biens du débiteur domicilié à l'étranger selon l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP – le lien suffisant de la créance avec la Suisse, in AJP/PJA 1999, p. 302 ss, p. 303).

Sur la notion de reconnaissance de dette, le législateur renvoie expressément à l'art. 82 al. 1 LP. Toute la casuistique développée par la jurisprudence en la matière, y compris la jurisprudence cantonale, s'impose dès lors au juge du séquestre (Jeanneret/De Both, Séquestre international, for du séquestre en matière bancaire et séquestre de biens détenus par des tiers, in SJ 2006 II p. 169 ss, p. 173). Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier l'acte authentique ou sous seing privé signé par le poursuivi – ou son représentant (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les arrêts cités) –, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1 ; 139 III 297 consid. 2.3.1 et les arrêts cités).

2.3 En l'espèce, par convention du 9 septembre 2020, signée devant un notaire français, l'intimé s'est engagé à verser à la recourante une indemnité correspondant à 10% du prix de vente de la villa en contrepartie du droit d'exclusivité qui lui a été conféré. En effet, la recourante s'est engagée auprès de l'intimé (et de feu son épouse) à lui réserver son bien immobilier durant une période limitée de cinq mois, échéant le 31 janvier 2021, délai durant lequel elle ne pouvait pas proposer l'immeuble à un autre acquéreur.

Dans la mesure où l'intimé ne s'est prévalu d'aucune des conditions suspensives ou des motifs stipulés dans la promesse unilatérale de vente pour se libérer de son obligation, ces éléments suffisent à retenir qu'il s'est engagé de manière ferme, dans un acte authentique, à payer à la recourante une somme d'argent déterminée.

Partant, la promesse unilatérale de vente du 9 septembre 2020 constitue un titre de mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 al. 1 LP, lequel permet de fonder un cas de séquestre au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP.

Il n'est pas contesté que les autres conditions du prononcé du séquestre sont réalisées.

C'est par conséquent à tort que le premier juge a admis l'opposition à séquestre formée par l'intimé et révoqué en conséquence l'ordonnance de séquestre du
28 mai 2021.

Ce qui précède scelle le sort du litige, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le lien suffisant de la créance avec la Suisse, les conditions posées par l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP étant alternatives, et non cumulatives (cf. ATF 135 III 608 consid. 4.3).

Le jugement querellé sera par conséquent annulé et l'opposition au séquestre rejetée.

le recours formé le 17 décembre 2021 par SCI A______ contre l'ordonnance de refus de séquestre OSQ/64/2021 rendue le 6 décembre 2021 par la Présidente du Tribunal de première instance dans la cause C/9905/2021-4 SQP.

Au fond :

Annule les chiffres 4 à 9 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ces points :

Rejette l'opposition à séquestre formée le 12 juillet 2021 par B______.

Confirme l'ordonnance de séquestre rendue le 28 mai 2020 dans la cause C/9905/2021.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 2'000 fr., les met intégralement à la charge de B______ et les compense avec les avances versées par les parties, qui restent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence B______ à verser à SCI A______ la somme de 1'000 fr. à titre de remboursement de l'avance fournie.

Condamne B______ à verser à SCI A______ la somme de 3'500 fr. à titre de dépens de première instance.

Confirme le jugement querellé pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'500 fr., les met intégralement à la charge de B______ et les compense avec l'avance versée par SCI A______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence B______ à verser 1'500 fr. à SCI A______ à titre de remboursement de l'avance fournie.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente ; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges ; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.