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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/4078/2017

AARP/404/2018 du 12.12.2018 sur JTDP/822/2018 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : USURE(DROIT PÉNAL) ; TRAVAIL AU NOIR ; RÉMUNÉRATION ABUSIVE
Normes : LEtr.116.al1.leta; LEtr.117.al1; LAVS.157.al1; CPP.147.al1; CP.47; CP.49; CP.42.al4; CP.106; CPP.433.al1; CPP.1; CPP.428.al3; CPP.429; CPP.442.al4; CPP.433.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4078/2017AARP/404/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 12 décembre 2018

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me K______, avocat, ______,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/822/2018 rendu le 25 juin 2018 par le Tribunal de police,

 

et

 

B______, domicilié ______, comparant par Me L______, avocat, ______,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par courrier déposé le 3 juillet 2018, A______ a annoncé appeler du jugement du 25 juin 2018, dont les motifs lui seront notifiés le 21 août 2018, par lequel le Tribunal de police l'a reconnu coupable d'infraction aux art. 116 al. 1 let. a et 117
al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr ; RS 142.20), ainsi qu'à l'art. 87 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du
20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) et d'usure (art. 157 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]), l'a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, sous déduction de deux jour-amende correspondant à deux jours de détention avant jugement, à CHF 50.- l'unité, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 1'200.- (peine privative de liberté de substitution : 12 jours) et à verser à B______ la somme de CHF 3'000.- à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, frais de la procédure par CHF 1'385.- à sa charge.

b. Le 7 septembre 2018, A______ forme la déclaration d'appel prévue à l'art. 399
al. 3 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) concluant à son acquittement du chef d'usure, à la réduction de sa peine et à ce que B______ soit débouté de ses conclusions en indemnisation. Il conclut également au versement d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP et à ce que les frais de la procédure soient mis à la charge de l'Etat.

c. Selon l'ordonnance pénale et de classement partiel du 11 octobre 2017 valant acte d'accusation, il est reproché ce qui suit à A______ :

Entre novembre 2015 et le 23 mai 2017, alors qu'il était propriétaire des enseignes C______ sises [rue] 1______ et [rue] 2______, A______ a employé notamment B______, ressortissant du Pakistan, et D______, ressortissant d'Inde, et exploité leur état de gêne en les sous-payant, soit en accordant au premier, pour six jours de travail par semaine, un salaire horaire d'environ CHF 5.- depuis novembre 2015, puis
CHF 8.10 à partir de novembre 2016, et un salaire horaire de CHF 7.50 au second pour une activité déployée à tout le moins entre quatre et cinq jours par semaine, durant huit heures à huit heures et demi par jour.

Il lui est également reproché d'avoir engagé ces derniers et fourni un hébergement à B______, alors qu'il savait qu'ils ne disposaient pas d'une autorisation d'exercer une activité lucrative en Suisse et a omis de s'acquitter de leurs cotisations sociales, faits non contestés en appel.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Par pli du 22 février 2017 au Ministère public, un dénommé E______ a dénoncé A______, au motif que ce dernier l'avait engagé à raison de douze heures par jour, sans pause, pour un salaire journalier de CHF 50.-. D'autres employés travaillaient également dans ces conditions.

b. Dans une lettre anonyme adressée le 20 mars 2017 à la police, il était fait état de ce que A______ employait illégalement un dénommé B______, un ressortissant pakistanais qui était arrivé en Suisse en février 2015 et s'était vu refuser l'asile.

c.a. Dans le cadre de l'enquête menée suite à ces deux lettres de dénonciation, la police a découvert, grâce aux images de la centrale de vidéoprotection, que trois hommes et une femme, plus tard identifiés comme étant B______, D______, E______ et F______, travaillaient dans les épiceries sises rue 3______, [rue] 1______ et rue 2______, appartenant à A______.Leur travail consistait à tenir la caisse ou à ranger des produits dans le magasin, tout en effectuant l'ouverture et la fermeture des magasins.

Lors de la perquisition dans les locaux de l'épicerie de la rue 1______, un contrat de travail entre A______ et G______ prévoyant une rémunération mensuelle de
CHF 1'920.- pour 41 heures de travail hebdomadaires avait été découvert sous le comptoir.

c.b. Le 23 mai 2017, lors d'un contrôle de l'épicerie de la rue 2______, la police a procédé à l'interpellation de B______ et D______, tous deux démunis d'autorisation de séjour et de papiers d'identité. Il a également été procédé à l'interpellation de A______dans l'enseigne de la rue 1______.

d. Entendu à la police et au Ministère public, B______, de nationalité pakistanaise et sans papiers, a expliqué avoir fait la connaissance de A______ en fréquentant son épicerie de la rue 1______. Il lui avait proposé ses services et A______ l'avait engagé, dès novembre 2015, pour travailler auprès de ladite enseigne, du mardi au dimanche, de 10h00 à 20h00, pour un salaire de CHF 50.- par jour, soit CHF 5.- de l'heure, remis en main propre à la fin de chaque journée. Il effectuait une dizaine de livraisons par jour, s'occupait du rangement dans le magasin et n'avait pas de vacances.Il avait ensuite travaillé dans l'enseigne de la rue 2______, de novembre 2016 à mai 2017, du lundi au samedi, de 10h00 à 20h00, pour un salaire de
CHF 2'000.- par mois, soit CHF 8.10 de l'heure.Ses heures supplémentaires n'étaient pas rémunérées, mais il recevait CHF 10.- par jour pour déjeuner.A______lui sous-louait également une chambre dans un appartement pour CHF 550.- par mois.

Il n'avait pas signé de contrat de travail et savait que A______ ne s'acquittait pas de ses cotisations sociales, mais celui-ci était gentil avec lui et le traitait bien.Il était désormais conscient que son salaire avait été trop bas par rapport au travail fourni et qu'il avait été exploité. Il n'avait pas de famille en Suisse et ne disposait pas de moyens de subsistance, dès lors qu'il ne travaillait plus.

B______ a déposé plainte pénale contre A______ pour ces faits.

e. Plusieurs employés et ex-employés de A______ ont été entendus :

e.a. F______ avait commencé à travailler pour A______ en octobre 2016 à 50%. Ses tâches consistaient à tenir la caisse, remplir les rayons, inventorier la marchandise et faire le nettoyage, du lundi au vendredi, de 14h00 à 19h00, avec une heure de pause.Elle percevait un salaire de CHF 60.- par jour, que A______ lui remettait en main propre à la fin de chaque semaine.En janvier 2017, elle avait signé un contrat de travail d'une durée d'un an. Les horaires convenus étaient de 14h00 à 19h00, avec une heure de pause, du mardi au samedi, pour un salaire de CHF 1'200.- par mois, soit CHF 15.- de l'heure.

Au mois d'avril 2017, elle avait travaillé à plein temps durant dix jours afin de remplacer A______ pour un salaire de CHF 1'748.-, mais son patron ne lui avait finalement remis que CHF 1'200.-.

F______ a déposé plainte pénale contre A______ le 23 mai 2017, avant de la retirer par pli du 19 février 2018 au motif qu'un accord avait été trouvé avec l'intéressé.

e.b. D______ avait commencé à travailler dans l'enseigne de la rue 2______ en avril 2016. Il n'avait pas signé de contrat de travail et savait que A______ ne s'acquittait pas de ses cotisations sociales. Il travaillait de 10h00 à 20h00, du mardi au dimanche, avec une pause de trente à quarante minutes. Il percevait CHF 60.- par jour, auxquels s'ajoutaient CHF 10.- pour ses déjeuners. Il savait être sous-payé mais s'en contentait. Deux autres personnes travaillaient également au magasin situé à la rue 2______, soit F______ et B______, lequel ne bénéficiait d'aucune autorisation de séjour et dormait dans la rue.

e.c. E______ était chargé de ranger les rayons du magasin et d'effectuer les livraisons. Il travaillait sur appel, parfois cinq ou six jours d'affilée. En 2017, il avait travaillé de janvier à avril, de 10h00 à 20h00, avec une pause d'une heure à midi. Son déjeuner était payé par A______, qui lui remettait CHF 10.- ou lui amenait de la nourriture. Il percevait CHF 60.- par jour pour 9h00 de travail, soit CHF 6.70.- de l'heure, remis en main propre à la fin de chaque journée. Il n'avait pas signé de contrat de travail et ignorait si A______ s'était acquitté de ses cotisations sociales. Ce dernier avait deux autres employés prénommés B______ et D______, qui travaillaient dans l'autre magasin.

e.d. H______ donnait "un coup de main" à A______ en travaillant "de temps à autre" dans l'enseigne de la rue 2______ et avait remarqué que deux autres employés y travaillaient, soit F______, uniquement les après-midis, et B______ "de temps en temps". Les employés étaient bien traités et travaillaient environ huit heures par jour.

e.f. I______, ami de longue date de A______, se rendait chaque semaine dans les deux épiceries exploitées par le précité pour l'aider et "voir du monde". Il arrivait généralement vers 13h30 pour repartir vers 17h00, mais les deux employés de l'épicerie - F______ et B______ - travaillaient longtemps et beaucoup plus que lui.

e.g. G______ avait été engagé par A______ le 1er février 2016, après une période d'essai, en qualité de caissier pour l'enseigne de la rue 1______. Contrairement à ce qui était indiqué sur le contrat qui avait été découvert par la police, il percevait une rémunération mensuelle de CHF 1'920.- pour 21 heures de travail hebdomadaires, correspondant à un tarif horaire d'approximativement CHF 22.80. Son contrat avait été préparé par A______ à la demande de son assistante sociale. Il avait effectivement perçu la rémunération convenue jusqu'à son licenciement, quelques mois plus tard.

f. A la police et au Ministère public, A______ a indiqué que l'épicerie de la rue 1______ était ouverte du mardi au dimanche, de 9h30 à 20h00 et qu'il y travaillait seul. Sa deuxième épicerie était ouverte du lundi au samedi, de 10h00 à 19h00-19h30, voire parfois 20h00. B______ avait initialement été engagé en tant que livreur pour l'épicerie de la rue 1______, à raison de huit heures quotidiennes, cinq jours par semaine, pour un salaire de CHF 50.- puis, de CHF 60.- par jour, avant d'être transféréà l'enseigne de la rue 2______, afin d' y travailler comme vendeur de l'ouverture à la fermeture du magasin, sans pause, six jours sur sept, pour un salaire mensuel de CHF 1'500.- pendant les quatre premiers mois, puis de CHF 2'000.-, auxquels s'ajoutaient CHF 10.- par jour pour les repas. Il ne s'était pas acquitté des cotisations sociales de B______, savait que sa demande d'asile avait été refusée et n'avait entrepris aucune démarche en vue de le régulariser.

Il n'employait pas d'autres personnes dans ses commerces mais lorsque de la marchandise arrivait ou qu'il devait livrer des produits à des commerces avoisinants, il faisait appel à cinq ou six connaissances d'origine indienne qui lui demandaient régulièrement du travail.

g.a. Lors de l'audience de jugement, B______ a expliqué avoir commencé à travailler pour A______ en novembre 2015, à raison de dix heures par jour, six jours par semaine, pour un salaire journalier de CHF 50.-. A partir de novembre 2016, lorsqu'il avait commencé à travailler dans l'enseigne de la rue 2______, son salaire était passé à CHF 2'000.- mais ses horaires n'avaient pas changé. Il avait accepté un salaire aussi bas parce qu'il ne parlait pas le français et n'avait pas d'autre choix. Il avait engagé une procédure par-devant le Tribunal des Prud'hommes, qui était actuellement pendante.

g.b. A______ a expliqué avoir engagé B______ à mi-temps d'octobre 2016 à janvier 2017, pour effectuer des livraisons ainsi que des déchargements de marchandise et l'avoir rémunéré CHF 1'500.- par mois, soit CHF 31.25 de l'heure pour quatre jours de travail par semaine à raison de trois heures environ par jour. B______ avait par la suite travaillé en tant que vendeur dans le magasin de la rue 2______ à temps partiel, de février à mai 2017, pour un salaire de CHF 2'000.- par mois, soit CHF 25.- de l'heure, pour cinq jours de travail par semaine à raison de quatre heures par jour. Certes, B______ restait pendant huit heures dans le magasin, mais ne travaillait pas durant tout ce laps de temps. Il savait que B______ ne bénéficiait pas d'une autorisation de séjour.

g.c. Dûment convoqué, D______ ne s'est pas présenté à l'audience de jugement.

C. a.a. A______ a expliqué devant la CPAR que la divergence entre ses premières déclarations à la police, confirmées devant le Ministère public, et celles devant le premier juge s'expliquait par le fait qu'il se trouvait en état de choc et avait préféré, en cours d'instruction, confirmer ses premières déclarations afin d'en finir le plus rapidement possible. Bien qu'il n'y eût pas d'horaire fixe, B______ arrivait vers
10 heures et se chargeait des livraisons, pour CHF 60.- par jour en plus du repas de midi. Il lui arrivait également de se rendre à l'épicerie et d'y passer du temps, essentiellement sur son téléphone, alors même qu'il n'y travaillait pas, car il n'avait rien d'autre à faire.

Il a produit un tirage du procès-verbal du 5 novembre 2018 devant le Tribunal des Prud'hommes, relatif à l'audition de H______, dont il ressort que ce dernier se rendait trois à quatre fois par semaine à l'enseigne de la rue 2______ durant la matinée et qu'il y avait vu B______ travailler en tant que vendeur. Lorsqu'il s'y rendait l'après-midi, B______ s'y trouvait également, mais il discutait avec une autre vendeuse, jouait sur son téléphone portable et ne semblait pas travailler.

a.b. Par l'intermédiaire de son conseil, A______ se prévaut de ce qu'il n'a jamais été confronté à D______, raison pour laquelle l'infraction d'usure aurait dû être classée le concernant. B______ ne se trouvait pas dans une situation de faiblesse lorsqu'il avait accepté de travailler dans l'épicerie, dès lors qu'il avait déjà un emploi dans un tabac. Il n'y avait pas non plus de disproportion évidente entre le salaire et la prestation fournie par B______, car il n'effectuait que des livraisons qui, dans un établissement de cette taille, n'étaient pas nombreuses. Compte tenu des heures effectivement travaillées, soit approximativement quatre heures par jour, son revenu mensuel de CHF 1'720.-, repas compris, correspondait en réalité à un salaire horaire d'approxi-mativement 24.-/heure. F______ travaillant tous les après-midis, la présence de B______ dans l'épicerie toute la journée ne se justifiait pas. Enfin, il n'avait jamais eu l'intention de profiter de la situation, ignorant tout de l'état de faiblesse dont se prévalait B______ et quelle était la rémunération adéquate dans ce domaine, étant précisé que le contrat qui avait été établi pour G______ avait été préparé par son comptable, en français, langue qu'il ne maîtrisait pas suffisamment pour en comprendre la teneur. Il se justifiait par conséquent de l'acquitter du chef d'usure et de réduire la peine qui lui avait été infligée.

a.c. Il produit une note d'honoraires de son avocat facturant, pour la procédure d'appel, un montant de CHF 3'150.-, pour sept heures et cinq minutes d'activité au tarif de CHF 400.-/heure, audience d'appel non comprise, frais de dossier et TVA inclus.

b.a. B______ fait valoir, par la voix de son conseil, que sa version des faits est corroborée par les témoins E______ et F______. A l'inverse, A______ n'avait cessé de revenir sur ses déclarations, aussi bien s'agissant des horaires que du montant de la rémunération de ses employés, allant jusqu'à prétendre avoir payé B______
CHF 31.25 par heure, soit bien plus que le tarif auquel il se rémunérait lui-même, ce qui était très peu crédible. En tant que Pakistanais, il ne pouvait ignorer la situation délicate dans laquelle se trouvait son compatriote, sans papiers, ni famille, ni domicile fixe. En Suisse depuis 20 ans, il savait ce qu'était une rémunération adéquate. Cela était d'autant plus vrai qu'il avait accordé à son autre employée, F______, une rémunération trois fois supérieure à celle de B______.

b.b. Il produit une note d'honoraires de son avocat facturant, pour la procédure d'appel, un montant de CHF 1'268.-, pour trois heures et dix minutes d'activité au tarif de CHF 400.-/heure, audience d'appel non comprise.

D. A______, né le ______ 1965 à M______ au Pakistan, de nationalité suisse, est marié et père de quatre enfants. Il est commerçant indépendant et se verse un revenu de CHF 4'800.- environ par mois. Le loyer de son appartement est de CHF 1'443.- et ceux de ses locaux professionnels s'élèvent à CHF 4'245.- et CHF 4'587.-. Il s'acquitte mensuellement de CHF 1'466.70 pour les primes d'assurance maladie de sa famille et dispose d'une fortune de CHF 59'000.- pour CHF 120'000.- de dettes.

Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent judiciaire.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale, du 5 octobre 2007 [CPP ; RS 312.0]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. L'art. 147 al. 1 1ère phrase CPP consacre le principe de l'administration des preuves en présence des parties durant la procédure d'instruction et les débats. Il en ressort que les parties ont le droit d'assister à l'administration des preuves par le ministère public et les tribunaux et de poser des questions aux comparants, cela dans le but d'établir ou de mettre en doute la crédibilité des déclarations de ces derniers (ATF 141 IV 220 = JdT 2016 IV 79 ; ATF 139 IV 25 = JdT 2013 IV 226 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_404/2012 du 4 décembre 2012). Ce droit spécifique de participer et de collaborer découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst., art. 107 al. 1 let. b CPP). Il présuppose la qualité de partie (ATF 140 IV 172 consid. 1.2.1 et 1.2.2 p. 174 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2014 du 22 décembre 2017
consid. 6.5.1). Il ne peut être restreint qu'aux conditions prévues par la loi (cf.
art. 108, 146 al. 4 et 149 al. 2 let. b CPP ; cf. aussi art. 101 al. 1 CPP et Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1166 s. ch. 2.4.1.3). Les preuves administrées en violation de l'art. 147 al. 1 CPP ne sont pas exploitables à la charge de la partie qui n'était pas présente (art. 147 al. 4 CPP ; ATF 143 IV 457 consid. 1.6.1 p. 459 ; ATF 140 IV 172 consid. 1.2.1 p. 175 ; ATF 139 IV 25 consid. 4.2 p. 29 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_228/2018 du
22 août 2018 consid. 2.1 ; 6B_321/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.5.1 =
SJ 2018 I 356).

2.1.2. Dans la mesure où les autorités de poursuite pénale se fondent sur les déclarations d'un prévenu ressortant d'une procédure conduite séparément, il faut tenir compte du droit à la confrontation. Les déclarations en cause ne peuvent être utilisées que si le prévenu a eu au moins une fois durant la procédure la possibilité de manière appropriée et suffisante de mettre en doute les déclarations à sa charge et de poser des questions au prévenu contre lequel une procédure séparée est menée
(ATF 141 IV 220 consid. 4.5 ; ATF 140 IV 172 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_228/2018 du 22 août 2018 consid. 2.1 ; 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 6.5.1).

2.1.3. Conformément à l'art. 6 par. 3 let. d CEDH, tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge. Il s'agit d'un des aspects du droit à un procès équitable institué à l'art. 6 par. 1 CEDH qui exige, dans la règle, que les éléments de preuve soient produits en présence de l'accusé lors d'une audience publique, en vue d'un débat contradictoire. Cette garantie exclut ainsi, en principe, qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les déclarants. Le droit du prévenu de faire poser des questions à un témoin à charge est absolu lorsque la déposition de cette personne constitue une preuve décisive. Néanmoins, lorsqu'il n'est plus possible de faire procéder à une audition contradictoire en raison du décès, de l'absence ou d'un empêchement durable du témoin, la déposition recueillie au cours de l'enquête peut être prise en considération alors même que l'accusé n'aurait pas eu l'occasion d'en faire interroger l'auteur, mais à condition qu'elle soit soumise à un examen attentif, que l'accusé puisse prendre position à son sujet et que le verdict de culpabilité ne soit pas fondé sur cette seule preuve (ATF 131 I 476 consid. 2.2 p. 480 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_704/2012 du 3 avril 2013 consid. 2.2).

La Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) a rappelé ces principes en soulignant qu'il y avait lieu d'examiner à titre préliminaire la question des motifs justifiant l'absence du témoin, dont le caractère non sérieux pouvait conduire, à lui seul, à une violation de l'art. 6 par. 1 et 3 let. d CEDH, indépen-damment du caractère « déterminant » des déclarations. Elle a, par ailleurs, précisé que ce terme doit, dans ce contexte, être appréhendé dans un sens étroit, comme désignant une preuve dont l'importance est telle qu'elle est susceptible d'emporter la décision sur l'affaire. Si la déposition d'un témoin n'ayant pas comparu au procès est corroborée par d'autres éléments, l'appréciation de son caractère déterminant dépendra de la force probante de ces autres éléments : plus elle sera importante, moins la déposition du témoin absent sera susceptible d'être considérée comme déterminante. Enfin, il faut examiner s'il existait des éléments compensateurs, notamment des garanties procédurales solides, suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense et assurer, de cette manière, l'équité de la procédure dans son ensemble (arrêts CourEDH Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni du
15 décembre 2011, § 119, 120 ss, 126 ss et 131 et Schatschaschwili c. Allemagne du 15 décembre 2015, § 100 ss). En somme, l'utilisation de telles dépositions n'est admissible au regard de la Convention que moyennant des garanties supplémentaires rétablissant l'équilibre du procès (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_862/2015 du
7 novembre 2016 consid. 4.3.2).

2.2. En l'espèce, D______ n'a été entendu qu'une seule fois, en qualité de prévenu, le 23 mai 2017. Il ne s'est pas présenté à l'audience de jugement, alors qu'il y avait été convoqué, en qualité de témoin, par le premier juge, à la demande de l'appelant. Ce dernier n'a par conséquent été confronté à D______ à aucun stade de la procédure, que ce soit en qualité de prévenu ou de témoin.

Or force est de constater que, s'agissant du chef d'usure commis au détriment de D______, la culpabilité de l'appelant repose exclusivement sur les déclarations de la victime supposée et que celles-ci ne sont que très partiellement corroborées par les autres éléments du dossier. En effet, si la présence de l'intéressé dans le magasin a été évoquée par certains témoins, rien au dossier ne confirme ses horaires, ni la nature de ses activités.

Partant, à l'instar de ce qui a prévalu pour E______ dans le jugement querellé, en l'absence de confrontation, les déclarations de D______ ne peuvent être utilisées, à elles seules, pour fonder la culpabilité de l'appelant.

L'appelant doit par conséquent être acquitté du chef d'usure au préjudice D______.

3. 3.1.1. Au terme de l'art. 157 ch. 1 CP, celui qui aura exploité la gêne, la dépendance, l'inexpérience ou la faiblesse de la capacité de jugement d'une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d'une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.1.2. L'infraction consiste à obtenir ou à se faire promettre une contre-prestation disproportionnée en exploitant la faiblesse de l'autre partie. Il faut non seulement qu'il y ait un contrat onéreux et une disproportion entre les prestations échangées, mais encore que cette disproportion provienne d'une exploitation par le bénéficiaire de la position de faiblesse particulière dans laquelle se trouve l'autre partie. L'évaluation des prestations doit être objective (ATF 130 IV 108 consid. 7.2). La jurisprudence considère comme décisive la valeur patrimoniale effective, c'est-à-dire la valeur de la prestation calculée en tenant compte de toutes les circonstances. Dans la mesure où ils existent, on se fondera sur les prix usuels (ATF 93 IV 87 consid. 2).

3.1.3. La victime se trouve dans un état de gêne économique lorsqu'elle est dans l'impossibilité de repousser le contrat qui lui est proposé ou les conditions qui lui sont faites. Elle se trouve ainsi réduite à une telle extrémité, soit à la "merci" de l'usurier (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 5, ad. art. 157).

3.1.4. Constitue par exemple une situation de gêne le fait, pour une personne en situation irrégulière, de payer le prix fort pour la location d'un appartement, dans la mesure où elle n'ose pas se plaindre, sous peine d'être envoyée dans son pays (arrêt du Tribunal fédéral 6S_6/2007 du 19 février 2007).

3.1.5. Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, mais le dol éventuel suffit. Il faut donc que l'auteur sache, au moins sous la forme du dol éventuel, que l'autre partie se trouve dans une situation de faiblesse. Il doit également connaître, au moins sous la forme du dol éventuel, la disproportion entre les prestations. Enfin, il doit avoir conscience, au moins sous la forme du dol éventuel, que la situation de faiblesse motive l'autre partie à accepter la disproportion évidente entre les prestations (ATF 106 IV 106 consid. 7.2).

3.2. Il est établi, à teneur du dossier,que l'appelant, un commerçant indépendant résidant en Suisse depuis 20 ans, a engagé l'intimé, ressortissant Pakistanais arrivé récemment, dépourvu de papiers d'identité et de permis en Suisse, pour travailler dans ses deux épiceries aux ______ [rue 1______, rue 3______].

L'appelant, qui a immédiatement proposé un logement à son employé, connaissait la situation précaire de ce dernier et savait que sa demande d'asile avait été rejetée. Au demeurant, ayant lui-même émigré du Pakistan en Suisse, il ne pouvait qu'être conscient des difficultés rencontrées par son compatriote, qui ne parlait pas français et n'avait pas de domicile fixe.

Si les déclarations des parties concordent sur le montant de la rémunération globale accordée à l'intimé, soit, pendant les premiers mois, à tout le moins CHF 50.- par jour, aux dires de l'intimé (correspondant à CHF 1'200.- mensuels), mais au maximum CHF 1'500.- mensuels, selon les déclarations de l'appelant, puis
CHF 2'000.- par mois, auxquels s'ajoutent CHF 10.- par jour pour les repas, elles divergent sur la question du taux d'activité pratiqué par l'intimé.

Les déclarations de l'intimé qui a allégué, de manière constante, avoir travaillé, dès novembre 2015, dix heures par jour, six jours par semaine, sont en contradiction avec celles - très fluctuantes - de l'appelant qui a déclaré tour à tour que son employé avait travaillé huit heures par jour, cinq jours par semaine, puis six jours par semaine, de l'ouverture à la fermeture du magasin, soit au moins dix heures d'affilée, avant d'affirmer, devant les premiers juges, que l'intéressé avait en réalité toujours travaillé à temps partiel, le matin, à raison de quatre heures par jour, quatre, puis cinq jours par semaine.

Les témoins H______ et I______, qui se rendaient plusieurs fois par semaine dans l'épicerie de la rue 2______, ont déclaré y avoir vu l'intimé les après-midis, le premier affirmant que l'intéressé y était huit heures par jour et le second qu'il y travaillait "longtemps" et "beaucoup". A cet égard, il importe peu que, comme l'a indiqué le témoin H______, l'intimé jouât sur son portable ou qu'il n'eût que quelques livraisons à effectuer, dès lors qu'il apparaît que son activité consistait également à ranger le magasin et s'occuper de la caisse.

A cela s'ajoutent les témoignages de D______ et E______, qui ont rapporté avoir travaillé selon des horaires identiques à ceux décrits par l'intimé, ce qui accroît la crédibilité de ses déclarations. Bien que ceux-ci n'aient pas été confrontés à l'appelant, leurs témoignages peuvent ici être retenus, en tant qu'élément de preuve supplémentaire, dès lors qu'ils ne fondent pas, à eux seuls, la culpabilité de l'appelant.

L'appelant n'est pas crédible lorsqu'il prétend que l'intimé, qui ne travaillait que le matin, restait néanmoins toute la journée dans l'épicerie de sa propre initiative et percevait CHF 31.25 par heure, dès lors qu'une telle rémunération est deux fois supérieure à celle du témoin F______, alors que rien ne vient justifier une telle différence.

Partant, en prenant en considération les montant admis par l'appelant, soit
CHF 1'740.- (CHF 1'500.- + CHF 240.- pour les repas sur une base de CHF 10.- par jour, six jours par semaine, quatre semaines par mois), durant les premiers mois, puis CHF 2'240.- (CHF 2'000.- + CHF 240.- pour les repas), il en découle pour l'intimé un salaire horaire oscillant entre CHF 7.25 et CHF 9.35, ce qui constitue une rémunération excessivement faible par rapport à la prestation concrètement fournie en échange par l'intimé.

L'appelant ne convainc pas lorsqu'il prétend qu'il ignorait qu'une telle rémunération était inadéquate. En effet, le tarif horaire appliqué à l'intimé est deux voire trois
fois inférieur à ceux proposés à F______ (approximativement CHF 15.-/heure)
et G______ (approximativement CHF 22.80/heure), lesquels exerçaient pourtant
le même emploi que l'intimé. De surcroît, l'appelant, qui connaît nécessairement le coût de la vie en Suisse, dès lors qu'il y habite depuis 20 ans, ne pouvait ignorer que le salaire proposé était insuffisant pour vivre dignement. L'existence d'une disproportion économique est par conséquent incontestable. D'ailleurs, l'appelant prétend que le salaire qu'il a payé était supérieur, mais ne conteste pas qu'avérée, une telle rémunération est largement insuffisante.

L'appelant ne saurait non plus être suivi lorsqu'il prétend ne pas avoir saisi la teneur du contrat conclu avec G______, au motif qu'il ne comprendrait pas bien le français. En effet, l'appelant, de nationalité suisse, s'est correctement exprimé en français durant les débats d'appel, alors même qu'un interprète était présent, prouvant ainsi sa maîtrise de la langue de la procédure. Au demeurant, il ressort du dossier qu'il a bel et bien versé à G______ le salaire convenu pendant plusieurs mois.

Au vu de ce qui précède, il doit être retenu que l'appelant, fort de son expérience, connaissait les salaires usuels de la branche et savait que la rémunération proposée n'était pas adéquate.

Il appert ainsi que c'est parce qu'il savait que l'intimé était en situation irrégulière
et qu'il ne protesterait pas contre une rémunération aussi faible, que l'appelant
lui a proposé un salaire en totale disproportion avec la prestation effectuée,
dans le but d'obtenir un avantage pécuniaire. Il en découle que l'appelant a agi intentionnellement.

A cet égard, il importe peu que l'intimé travaillât dans un tabac au moment où il avait accepté l'offre d'emploi de l'appelant - ce qui n'est, au demeurant, étayé par aucune pièce au dossier - dès lors qu'une telle activité ne paraît pas propre à placer l'intimé, sans papiers, ni permis, ni domicile, dans une situation suffisamment confortable pour exiger une rémunération correcte.

Par voie de conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il reconnaît l'appelant coupable d'usure.

4. 4.1. L'infraction d'usure est sanctionnée d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire et celles prévues aux art. 116 al. 1 let. a et 117 al. 1 LEtr par une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire. L'infraction à l'art. 87 al. 2 LAVS prévoit quant à elle une peine pécuniaire de
180 jours-amende au plus.

4.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments
objectifs pertinents qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité
de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_660/2013 du 19 novembre 2013 consid. 2.2).

4.2.2.1. D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion.

4.2.2.2. L'exigence, pour appliquer l'art. 49 al. 1 CP, que les peines soient de même genre, implique que le juge examine, pour chaque infraction commise, la nature de la peine à prononcer pour chacune d'elle. Le prononcé d'une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation contenu à l'art. 49 CP n'est ensuite possible que si le juge choisit, dans le cas concret, le même genre de peine pour sanctionner chaque infraction commise. Que les dispositions pénales applicables prévoient abstraitement des peines de même genre ne suffit pas (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1394/2017 du 2 août 2018 consid. 8.3.1). Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulative-ment (ATF 142 IV 265 consid. 2.3.2 = JdT 2017 IV 129 ; ATF 138 IV 120
consid. 5.2 p. 122 s. = JdT 2013 IV 43). La peine privative de liberté et la peine pécuniaire ne sont pas des sanctions du même genre (ATF 144 IV 217 consid. 2.2, 3.3 et 3.4 ; ATF 137 IV 57 consid. 4.3.1 p. 58 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_559/2018 du 26 octobre 2018 consid. 1.1.1 destiné à la publication). Le prononcé d'une peine unique dans le sens d'un examen global de tous les délits à juger n'est pas possible (ATF 144 IV 217 consid. 3.5).

4.2.2.3. Lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement - d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner - la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (cf. ATF 127 IV 101 consid. 2b p. 104 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_559/2018 du 26 octobre 2018 consid. 1.1.2 destiné à la publication ; 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 2.1 ; 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 27.2.1). Cette disposition ne prévoit aucune exception à la méthode concrète (ATF 144 IV 217 consid. 3.5.4).

4.2.3. Sur le plan objectif, les peines privatives de liberté de six mois à deux ans ou les peines pécuniaires peuvent être assorties du sursis total (cf. art. 42 al. 1 CP).

4.2.4. Selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 CP. Celles-ci entrent en ligne de compte en matière de délinquance de masse (Massendelinquenz), lorsque le juge souhaite prononcer une peine privative de liberté ou pécuniaire avec sursis, mais qu'une sanction est néanmoins perceptible pour le condamné, dans un but de prévention spéciale (ATF 135 IV 188 consid. 3.3. ; 134 IV 60 consid. 7.3.1).

Il résulte de la place de cette disposition dans la loi que la peine privative de liberté ou la peine pécuniaire assorties du sursis a un poids primordial et que la peine pécuniaire ou l'amende sans sursis qui vient s'ajouter ne revêt qu'un rôle secondaire (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2.). Elles ne doivent pas conduire à aggravation de la peine ou au prononcé d'une peine additionnelle. Ainsi, pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20 %, de la peine principale
(ATF 135 IV 188 consid. 3.4.4. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_220/2015 du
10 février 2016 consid. 4.1).

À teneur de l'art. 106 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de CHF 10'000.- (al. 1). Celle-ci, de même que la peine privative de liberté de substitution, doit être fixée en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3). À l'instar de toute autre peine, l'amende doit donc être fixée conformément à l'art. 47 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_337/2015 du 5 juin 2015 consid. 4.1 ; 6B_988/2010 du 3 mars 2011 consid. 2.1 et 6B_264/2007 du 19 septembre 2007 consid. 4.5). Le juge doit ensuite, en fonction de la situation financière de l'auteur, fixer la quotité de l'amende de manière qu'il soit frappé dans la mesure adéquate (ATF 129 IV 6 consid. 6.1; 119 IV 330 consid. 3
p. 337). La situation économique déterminante est celle de l'auteur au moment où l'amende est prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_547/2012 du 26 mars 2013 consid. 3.4 et les références citées).

4.2.5. Le nouveau droit des sanctions en vigueur depuis le 1er janvier 2018 n'étant pas plus favorable à l'appelant, il n'en sera pas fait application (art. 2 al. 2 CP "a contrario").

4.3. La faute de l'appelant est grave. Il a volontairement exploité l'état de gêne de sa victime pendant près de 18 mois, économisant ainsi plusieurs milliers de francs, et n'a pas hésité à engager des travailleurs en situation irrégulière, omettant au passage de s'acquitter de leurs cotisations sociales, au mépris des lois en vigueur. Son mobile est égoïste et il a agi par appât du gain.

L'appelant étant à la tête de deux épiceries et jouissant d'une situation confortable, rien dans sa situation personnelle ne saurait expliquer ses actes.

L'appelant ne semble pas avoir totalement pris conscience de la gravité ni des conséquences de ses actes, dès lors qu'il persiste à contester l'infraction d'usure.

Il a néanmoins immédiatement admis les infractions aux art. 116 al. 1 let. a, 117 al. 1 LEtr et 87 al. 2 LAVS, de sorte que sa collaboration à la procédure doit être qualifiée de moyenne.

Il y a également lieu de tenir compte de l'acquittement prononcé pour les faits en relation avec D______.

Il y a concours entre l'infraction d'usure (art. 157 CP) et celles prévues aux art. 116 al. 1 let. a LEtr, 117 al. 1 LEtr et 87 al. 2 LAVS, toutes sanctionnées d'une peine pécuniaire et, à l'exception de la dernière, d'une peine privative de liberté. S'agissant de la première condamnation de l'appelant, une peine pécuniaire paraît à même de le dissuader de commettre de nouvelles infractions. Les actes abstraitement les plus graves au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont ceux qualifiés d'usure. Aussi, la CPAR juge appropriée une peine pécuniaire de 60 jours-amende en relation avec cette première infraction. A cette peine s'ajouteront 30 jours-amende afin de tenir compte du concours avec les autres infractions, d'où une peine pécuniaire d'ensemble de
90 jours.

La quotité du jour-amende, fixée par le premier juge à CHF 50.-, est adéquate et sera confirmée.

Le sursis est acquis à l'appelant et le délai d'épreuve a judicieusement été arrêté à trois ans.

Enfin, en l'absence de véritable prise de conscience, il sied de donner un signal concret à l'appelant, afin qu'il ne banalise pas la gravité de son comportement. Il y a par conséquent lieu de lui infliger une amende de CHF 900.- à titre de sanction immédiate (art. 106 CP), la peine privative de liberté de substitution étant arrêtée à neuf jours, par référence à un taux de conversion de CHF 100.-/jour.

Le jugement entrepris sera dès lors réformé sur ces points.

5. 5.1. Dans le cadre du recours, les frais de la procédure sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé (art. 428 al. 1 CPP).

En cas d'acquittement ou d'abandon partiel des poursuites, il se verra attribuer les frais proportionnellement, dans la mesure des infractions pour lesquelles il est reconnu coupable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_774/2014 du 22 mai 2012
consid. 6.1 ; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 6 ad art. 426).

5.2. Si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure (art. 428 al. 3 CPP).

5.3.1. En définitive, deux des cinq chefs d'accusation à l'origine du renvoi en jugement ont été abandonnés. Trois cinquièmes des frais de la procédure de première instance seront partant mis à la charge de l'appelant et le solde à l'Etat.

5.3.2. En appel, l'intéressé succombe sur le principe, un verdict de culpabilité subsistant, mais obtient néanmoins un acquittement et voit sa peine réduite, ce qui conduit à mettre à sa charge la moitié des frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument de CHF 2'000.- (art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, du 22 décembre 2010 [RTFMP ; RS-GE E 4 10.03]), le solde étant laissé à celle de l'Etat.

6. 6.1.1. À teneur de l'art. 429 CPP, le prévenu a notamment droit, s'il est
acquitté totalement ou en partie, à une indemnité pour les dépenses occasionnées
par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a.). La question de l'indemnisation du prévenu (art. 429 CPP) doit être traitée en relation avec celle des frais (art. 426 CPP). Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. En revanche, si l'État supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2). La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1 ; 6B_620/2016 du
17 mai 2017 consid. 2.2.2 et les références citées ; 6B_792/2016 du 18 avril 2017 consid. 3.3). Si le prévenu est libéré d'un chef d'accusation et condamné pour un autre, il sera condamné aux frais relatifs à sa condamnation et aura respectivement droit à une indemnité correspondant à son acquittement partiel (arrêts du Tribunal fédéral 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1 ; 6B_67/2016 du 31 octobre 2016 consid. 1.2 ; 6B_187/2015 du 28 avril 2015 consid. 6.1.2).

Lorsque la condamnation aux frais n'est que partielle, la réduction de l'indemnité devrait s'opérer dans la même mesure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1191/2016 du
12 octobre 2017 consid. 2.1).

6.1.2. L'Etat ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires étaient ainsi justifiés (ATF 142 IV 45).

6.1.3. L'indemnité visée par l'art. 429 al. 1 let. a CPP doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1183/2017 du 24 avril 2018 consid. 3.1 et 6B_47/2017 du 13 décembre 2017 consid. 1.1).

La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de
CHF 450.- (ACPR/112/2014 du 26 février 2014, renvoyant à SJ 2012 I 175 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014, ACPR/21/2014 du 13 janvier 2014) ou de
CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné avait lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013).

6.2. En l'espèce, l'appelant a obtenu des acquittements partiels, en première instance et en appel. A l'aune de la ventilation des frais de la procédure, il convient de lui allouer une indemnité de procédure couvrant la moitié de ses dépenses pour la procédure d'appel, pour autant qu'elles répondent aux exigences de nécessité de l'activité et d'adéquation du tarif pratiqué. Tel est le cas du montant total facturé par son avocat. Les conclusions en indemnisation seront partant admises à concurrence de la moitié, soit CHF 1'825.-, audience d'appel comprise, étant encore précisé que l'appelant n'avait pas pris de conclusions en indemnisation pour la procédure de première instance.

7. Conformément à l'art. 442 al. 4 CPP, la créance de l'appelant y relative sera compensée avec les frais de procédure mis à sa charge (ATF 143 IV 293 consid. 1).

8. 8.1. L'art. 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b). La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat de la partie plaignante (arrêts du Tribunal fédéral 6B_549/2015 du 16 mars 2016 consid. 2.3 = SJ 2017 I 37).

8.2. En l'espèce, l'intimé obtient gain de cause, si bien que le principe de l'indemnisation de ses dépenses nécessaires pour la procédure d'appel lui est acquis. L'activité déployée en appel par son conseil, correspondant à 4h25, durée de l'audience comprise, est en adéquation avec la nature et la difficulté de l'affaire.

L'appelant sera dès lors condamné à verser CHF 1'766.70 à l'intimé.

9. Par souci de clarté, le dispositif sera entièrement reformulé.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/822/2018 rendu le 25 juin 2018 par le Tribunal de police dans la procédure P/4078/2017.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (art. 116 al. 1
let. a et 117 al. 1 LEtr), d'infraction à la Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 87 al. 2 LAVS) et d'usure (art. 157 ch. 1 CP).

Acquitte A______ du chef d'infraction d'usure (art. 157 ch. 1 CP) au préjudice de D______ et E______ (art. 157 ch. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction de deux jours-amende, correspondant à deux jours de détention avant jugement.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans.

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Condamne A______ à une amende de CHF 900.-.

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 9 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Constate que les tous les objets séquestrés ont déjà été restitués au prévenu, ainsi qu'à J______.

Condamne A______ à verser à B______ CHF 3'000.-, à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure de première instance et CHF 1'766.70 pour la procédure d'appel.

Condamne A______ aux trois cinquièmes des frais de la procédure de première instance par CHF 1'385.-, et à la moitié de ceux d'appel, qui comprennent un émolument d'arrêt de CHF 2'000.-.

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'Etat.

Condamne l'Etat à verser à A______ une indemnité de CHF 1'825.- à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

Compense à due concurrence la créance de CHF 1'825.- de A______ envers l'Etat avec celle de ce dernier en paiement de la part des frais de procédure mis à la charge du condamné.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service des contraventions.

Siégeant :

Madame Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, présidente ; Monsieur Pierre MARQUIS, juge ; Monsieur Louis PEILA, juge suppléant ; Madame Lorena HENRY, greffière-juriste.

 

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.


 

P/4078/2017

ÉTAT DE FRAIS

AARP/404/2018

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

Condamne A______ aux 3/5èmes des frais de procédure de
1ère instance. Laisse le solde à la charge de l'Etat.

CHF

1'985.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

50.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

Condamne A______ à la moitié des frais de procédure d'appel.(Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

 

 

2'185.00

 

 

Total général (première instance + appel) : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9. Attention, calculer d'abord le « Total des frais de la procédure d'appel » avant le « Total général (première instance + appel »)

CHF

4'170.00

Compense à due concurrence la créance de CHF 1'825.- de A______ envers l'Etat avec celle de ce dernier en paiement de la part des frais de procédure mis à la charge du condamné.