Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/3142/2022

DCSO/79/2023 du 08.03.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : lp.33.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3142/2022-CS DCSO/79/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MERCREDI 8 MARS 2023

 

Plainte 17 LP (A/3142/2022-CS) formée en date du 27 septembre 2022 par A______ SÀRL, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______ SÀRL

______

______.

- B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ SARL, inscrite le ______ 2020 au Registre du commerce de Genève, a pour adresse route 1______ no. ______ à C______ (GE). Cette adresse correspond à celle de la fiduciaire D______ SA, auprès de laquelle A______ SARL est domiciliée.

Jusqu'au 29 septembre 2022, E______ a occupé les fonctions de directeur de A______ SARL, avec signature individuelle.

E______ était par ailleurs, et demeure, administrateur de D______ SA, avec signature individuelle.

b. Par réquisition datée du 11 août 2022, B______ a engagé à l'encontre de A______ SARL une poursuite ordinaire en vue du recouvrement des montants de 52'800 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 7 mars 2022 et de 25'938 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 7 mars 2022, allégués être dus au titre de remboursement d'acomptes versés en prévision de travaux finalement non exécutés.

c. Un commandement de payer, poursuite n° 2______, a été établi le
30 août 2022 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) et notifié le 1er septembre 2022 à la poursuivie, dans les locaux de la fiduciaire D______ SA sis 1______ no. ______ à C______. Selon le procès-verbal de notification figurant au verso du commandement de payer, la notification serait intervenue en mains de "E______, Administrateur".

L'instruction a toutefois permis d'établir que E______, qui souffrait alors d'un COVID long, n'était pas présent le 1er septembre 2022 dans les locaux de D______ SA. Selon ses déclarations, le commandement de payer a en réalité été réceptionné par une collaboratrice de D______ SA, qui l'avait ensuite probablement placé sur son bureau. E______, qui nonobstant sa maladie "passai[t] quand même de temps en temps dans les bureaux de D______ SA", n'avait pris aucune disposition relative au traitement des actes de poursuite notifiés en son absence. Ce n'est qu'à la moitié ou à la fin du mois de
septembre 2022 que, après avoir reçu un appel téléphonique de F______, associé gérant de A______ SARL, E______ avait entrepris des recherches et avait retrouvé le commandement de payer, qui se trouvait dans la "pile" des courriers adressés à A______ SARL. Lors de son audition en qualité de témoin, E______ a précisé à cet égard qu'un associé ou un employé de A______ SARL était supposé venir prendre réception du courrier adressé à la société chaque semaine, mais que cela n'avait plus été le cas depuis le mois de juin 2022.

d. Aucune opposition n'a été formée au commandement de payer dans le délai de dix jours à compter de la notification prévu par l'art. 74 al. 1 LP.

e. Par courrier recommandé adressé le 27 septembre 2022 à l'Office, A______ SARL a formé opposition au commandement de payer notifié le 1er septembre 2022. Elle a expliqué que le délai de dix jours prévu par l'art. 74 al. 1 LP avait en réalité commencé à courir le 22 septembre 2022, date à laquelle elle avait effectivement eu connaissance de cet acte de poursuite par l'entremise de son directeur E______. Selon elle, la notification intervenue le 1er septembre 2022 était viciée en ce qu'elle avait été faite non pas en mains de E______, contrairement à ce qu'indiquait le procès-verbal de notification, mais à un employé de la fiduciaire D______ SA.

L'Office n'a pas encore statué sur la recevabilité de l'opposition formée le
27 septembre 2022.

B. a. Par acte adressé le 27 septembre 2022 à la Chambre de surveillance, A______ SARL a requis la restitution du délai pour former opposition au commandement de payer notifié le 27 septembre 2021. Elle a exposé à cet égard que, contrairement à ce qu'indiquait le procès-verbal de notification, le commandement de payer n'avait pas été remis à son directeur E______. Celui-ci, souffrant d'un COVID long sévère limitant sa capacité de travail à hauteur de 80% depuis le mois de mars 2022, était en effet en arrêt de travail complet depuis le 1er septembre 2022. Le commandement de payer litigieux avait donc vraisemblablement été notifié à un collaborateur de D______ SA. Il n'a toutefois été remis à E______ que le 22 septembre 2022 après que celui-ci, alerté par un associé-gérant de A______ SARL qui en avait entendu parler par un autre biais, ait entrepris des investigations.

b. Dans ses observations du 6 octobre 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte (recte : de la demande de restitution).

c. La Chambre de surveillance a tenu une audience, le 22 février 2022, lors de laquelle A______ SARL, dûment citée, ne s'est ni présentée ni fait représenter.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

 

EN DROIT

1. La recevabilité de la requête de restitution de délai formée par la poursuivie suppose que celle-ci ait effectivement laissé expirer sans l'utiliser le délai d'opposition prévu par l'art. 74 al. 1 LP. Il convient donc d'examiner à titre préalable si, comme la requérante le soutient dans le courrier d'opposition qu'elle a adressé le 27 septembre 2022 à l'Office, son opposition serait en réalité intervenue en temps utile compte tenu d'un vice ayant entaché la notification du
1er septembre 2022.

1.1.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise de l'acte en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 al. 1 à 3 LP). La notification est opérée par le préposé ou un employé de l'Office ou par la Poste (art. 72 al. 1 LP); dans cette dernière hypothèse, l'employé postal agit en qualité d'auxiliaire de l'Office, auquel ses actes sont imputables (ATF 119 III 8 cons. 3b). La notification donne lieu à l'établissement par l'agent notificateur d'un procès-verbal, par lequel ce dernier doit attester, sur chaque exemplaire de l'acte, la date à laquelle il a été remis, l'endroit de cette remise et la personne qui l'a reçu (art. 72 al. 2 LP). Ce procès-verbal constitue un titre authentique au sens de l'art. 9 al. 1 CC, avec pour conséquence que les faits qu'il constate et dont l'inexactitude n'est pas prouvée sont réputés établis (art. 9 al. 1 CC; ATF 120 III 117 consid. 2). La preuve de leur inexactitude n'est soumise à aucune forme particulière (art.9al. 2 CC).

1.1.2 L'art. 65 al. 1 ch. 2 LP prescrit que les actes de poursuite destinés à une société à responsabilité limitée doivent être notifiés à leur représentant, c'est-à-dire à un membre de l'administration, à un directeur ou à un fondé de procuration. Lorsque le ou les représentants légaux de la société poursuivie sont temporairement absents des bureaux de celle-ci, l'employé postal, le fonctionnaire ou l'auxiliaire de l'office des poursuites peut, en substitution, notifier l'acte de poursuite à un employé de la débitrice se trouvant dans les locaux de cette dernière (art. 65 al. 2 LP; ATF 117 III 10 consid. 5a). Par employé, il faut entendre toute personne au service de la débitrice et qui lui est subordonnée, même si elle déploie son activité à titre bénévole (Jeanneret/Lembo, in CR LP, 2005, N 25 ad art. 64 LP). La notification est aussi valable si elle est faite en mains d'un employé d'une autre société exerçant son activité dans les mêmes locaux (ATF 96 III 4 consid. 1) ou, lorsqu'une société est domiciliée auprès d'une autre société, en mains d'un employé de cette autre société (ATF 120 III 64 consid. 3).

Lorsque la notification intervient régulièrement en mains d'une personne de substitution au sens des art. 64 al. 1 et 65 al. 2 LP, elle est réputée effectuée lors de la remise de l'acte à cette personne. Le fait que celle-ci, par la suite, ne remette par hypothèse pas l'acte ou ne le remette que tardivement au débiteur ou à son représentant au sens de l'art. 65 al. 1 LP n'affecte ni la validité de la notification ni la date à compter de laquelle elle déploie ses effets (Jaques, De la notification des actes de poursuite, in BlSchK 2011, pp. 177 ss., pp. 184-186, §§ 5.1 et 5.2 et les références citées).

1.1.3 Un vice affectant la procédure de notification au sens des art. 64 et ss LP entraîne la nullité de cette dernière si l'acte notifié n'est pas parvenu à la connaissance du débiteur (ATF 110 III 9 consid. 2). Si en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF 128 III 101 consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF 128 III 101consid. 2).

1.2.1 Il est en l'espèce établi que le commandement de payer litigieux a été notifié le 1er septembre 2022 dans les locaux de la fiduciaire D______, auprès de laquelle la requérante s'était déclarée domiciliée.

Contrairement à ce qui ressort du procès-verbal de notification figurant au dos du commandement de payer, l'acte n'a pas été remis à E______ mais, en son absence, à un employé de D______ SA, conformément à l'art. 65 al. 2 LP et aux principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus.

La notification était donc valable.

1.2.2 En l'absence de vice dans la notification, le délai d'opposition de dix jours prévu par l'art. 74 al. 1 LP a commencé à courir le 2 septembre pour expirer le
12 septembre 2022, de telle sorte que l'opposition formée le 27 septembre 2022 est tardive.

Il convient donc d'examiner la requête de restitution du délai pour former opposition.

2. 2.1.1 L'art. 33 al. 4 permet à quiconque a été empêché sans sa faute d'agir dans un délai fixé de demander à l'autorité de surveillance la restitution de ce délai. La requête de restitution de délai doit respecter la forme écrite et comporter une motivation, laquelle doit porter sur la nature, le début et la fin de l'empêchement invoqué (Russenberger/Minet, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 27 ad art. 33 LP). Cette requête doit être formée dans un délai égal au délai échu et non respecté. Le requérant doit par ailleurs, dans le même délai, accomplir auprès de l'autorité compétente l'acte omis.

2.1.2 Le délai dont la restitution est requise est en l'occurrence celui de dix jours pour former opposition au commandement de payer (art. 74 al. 1 LP). L'empêchement invoqué par la requérante – soit son ignorance de la poursuite – ayant selon elle pris fin le 22 septembre 2022, il lui appartenait de former sa requête de restitution auprès de l'autorité de surveillance – soit la Chambre de céans – dans un délai expirant le lundi 3 octobre 2022, ce qu'elle a fait. Elle a également, dans le même délai, accompli auprès de l'autorité compétente – l'Office – l'acte omis, soit la formulation de son opposition à la poursuite. Enfin, la requête comporte une motivation relative à l'empêchement invoqué – l'ignorance de la poursuite – et à la date de sa disparition.

La requête est donc recevable.

2.2.1 Le délai de dix jours pour former opposition prévu par l'art. 74 al. 1 LP peut être restitué aux conditions de l'art. 33 al. 4 LP, soit lorsque le débiteur a été empêché sans sa faute d'agir en temps utile. Pour qu'un empêchement non fautif puisse être retenu, il faut que la partie n'ayant pas respecté le délai se soit trouvée, de manière imprévue et sans aucune faute de sa part, dans l'impossibilité non seulement d'accomplir elle-même l'acte omis mais également de mandater une tierce personne à cette fin (ATF 112 V 255 consid. 2a; 119 II 86 consid. 2a; Russenberger/Minet, op. cit., N 22 ad art. 33 LP; Nordmann, in BK SchKG I, n° 11 ad art. 33 LP). Tel sera le cas, par exemple, en cas d'accident, de maladie grave et soudaine, de service militaire, de faux renseignement donné par l'autorité ou encore d'erreur de transmission (Nordmann, op. cit., n° 11 ad art. 33 LP et références citées; Erard, in CR LP, 2005, n° 22 ad art. 33 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_231/2012 du 21 mai 2012 consid. 2). Une impossibilité d'agir ou de se faire représenter subjective, due par exemple à des circonstances personnelles ou à une erreur excusable, peut également donner lieu à restitution de délai (arrêt du Tribunal fédéral 5A_896/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.2). Les actes du mandataire sont directement imputables au plaignant comme les siens propres, ce qui importe pour juger du caractère fautif ou non de l'empêchement (ATF 119 II 86, JdT 1994 I 55).

2.2.2 Il est établi en l'espèce que E______, alors directeur de la requérante et administrateur de la société dans les locaux de laquelle la requérante était domiciliée, était absent pour raison de maladie au moment de la notification du commandement de payer et que sa maladie s'est prolongée à tout le moins jusqu'au 22 septembre 2022, date à laquelle la requérante indique avoir pris connaissance de l'acte litigieux. Rien n'indique toutefois qu'il se soit agi d'une maladie soudaine : il résulte au contraire des allégations et pièces de la requérante que E______ était souffrant depuis le mois de mars 2022. Il ne peut non plus être retenu qu'elle aurait revêtu une gravité suffisante pour priver E______ de toute capacité d'agir, ce dernier ayant au contraire indiqué se rendre encore de temps à autre dans les bureaux de D______ SA. Il appartenait dans ces conditions aux organes de la requérante, et en particulier à E______ en sa double qualité d'administrateur de D______ SA et de directeur de la requérante, de prendre les dispositions nécessaires au traitement adéquat et en temps utile des actes de poursuite notifiés à la requérante auprès de D______ SA. Il est pour le surplus difficilement compréhensible que les autres organes de la requérante se soient accommodés de l'accumulation pendant plusieurs semaines en mains de D______ SA, sous forme de "pile", des courriers destinés à la société.

Le fait qu'aucun organe de la requérante n'ait pris connaissance du commandement de payer notifié le 1er septembre 2022 est ainsi dû à un défaut d'organisation et de diligence crasse, ce qui exclut toute restitution de délai.

La requête sera donc rejetée.

3. La procédure est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la requête de restitution du délai pour former opposition au commandement de payer formée le 27 septembre 2022 par A______ SARL dans la poursuite n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.