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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4352/2022

DCSO/75/2023 du 08.03.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : lp.17.al1; lp.93.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4352/2022-CS DCSO/75/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MERCREDI 8 MARS 2023

 

Plainte 17 LP (A/4352/2022-CS) formée en date du 21 décembre 2022 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Appelé à procéder, dans le cadre de la série n° 1______, à la saisie des biens de A______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) l'a interrogé le 29 novembre 2022 sur sa situation personnelle et financière.

Selon les informations recueillies à cette occasion et les pièces fournies par le débiteur, celui-ci est célibataire, vit seul et n'a pas de charge de famille.

Il exploite en nom propre une entreprise de gypserie et peinture, ce qui lui a procuré en 2021, selon bilan et compte de profits et pertes non audités du 31 mars 2023, un revenu de 40'120 fr. Au cours de la même année, il a perçu de la société B______ SARL un salaire net de 8'340 fr. et, de la société C______ SARL, un salaire net de 7'522 fr. Ses revenus nets totaux ont ainsi atteint 55'982 fr. en 2021, soit un revenu mensuel net de 4'665 fr. par mois.

Ses charges mensuelles se composent de son entretien de base (1'200 fr.), de son loyer (2'250 fr. par mois, dont à déduire un montant mensuel de 1'000 fr. comptabilisé au titre de charges professionnelles et donc déjà pris en compte dans le calcul du revenu d'indépendant) et des primes d'assurance maladie (552 fr. 55), soit un total de 3'002 fr. 55. Ses frais de transport et de supplément pour repas pris à l'extérieur sont inclus dans le bilan de son entreprise individuelle et donc pris en compte dans la détermination du revenu net de son activité indépendante.

b. Par avis adressé le 13 décembre 2022 à A______, l'Office l'a informé que ses gains étaient saisis à hauteur de 1'660 fr. par mois, soit la différence (arrondie) entre ses revenus et ses charges incompressibles, à compter du mois de décembre 2022. Il lui incombait donc, sous la menace des sanctions pénales prévues par l'art. 169 CP, de s'acquitter mensuellement de ce montant en mains de l'Office.

B. a. Par courrier adressé le 21 décembre 2022 à la Chambre de surveillance, A______ a déclaré "faire opposition" à l'avis de saisie du 13 décembre 2022. Selon lui, l'Office s'était fondé à tort pour établir le montant de ses ressources sur les revenus qu'il avait réalisés en 2021, alors que ceux-ci avaient fortement diminué en 2022 "notamment en raisons de réorganisation au sein des régies en lien avec la pandémie du COVID-19".

Etait uniquement annexée à ce courrier une copie de l'avis de saisie du 13 décembre 2022.

b. Dans ses observations du 17 janvier 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Selon lui, la quotité saisissable avait été calculée conformément à la loi et à la jurisprudence et le plaignant ne rendait en aucune manière vraisemblable une diminution de ses revenus.

c. En l'absence de réplique spontanée, la cause a été gardée à juger le 2 février 2023.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.1.2 Lorsque la plainte est dirigée contre la saisie, le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP commence à courir avec la communication du procès-verbal de saisie (ATF 107 III 7 consid. 2), avec pour conséquence qu'il ne pourrait être entré en matière sur une plainte déposée avant cette communication (en ce sens : Jent-Sorensen, in BSK SchKG I, 3ème édition, 2021, N 19 ad art. 112 LP; Zondler, in Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], N 4 ad art. 114 LP).

Selon la jurisprudence de la Chambre de céans (DCSO/203/2019 cons. 1.2), les plaintes formées par le débiteur avant la communication du procès-verbal de saisie contre une saisie ou une mesure de sûreté sont toutefois recevables lorsque ce dernier fait valoir une atteinte à son minimum vital. Dans cette hypothèse en effet, l'impossibilité de contester la mesure litigieuse avant la communication du procès-verbal de saisie pourrait conduire à priver le débiteur pendant plusieurs semaines des moyens nécessaires à son existence.

1.1.3 L'autorité de surveillance constate les faits d'office, apprécie librement les preuves et ne peut, sous réserve de l'art. 22 LP, aller au-delà des conclusions des parties (art. 20a al. 2 ch. 2 et 3 LP). Celles-ci ont néanmoins une obligation de collaborer (art. 20a al. 2 ch. 2 2ème phrase LP), qui implique en particulier qu'elles décrivent l'état de fait auquel elles se réfèrent et produisent les moyens de preuve dont elles disposent (ATF 123 III 328 consid. 3). Il en est ainsi, notamment, lorsque la partie saisit dans son propre intérêt l'autorité de surveillance ou qu'il s'agit de circonstances qu'elle est le mieux à même de connaître ou qui touchent à sa situation personnelle, surtout lorsqu'elle sort de l'ordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_898/2016 du 27 janvier 2017 consid. 5.2; 5A_253/2015 du 9 juin 2015 consid. 4.1). A défaut de collaboration, l'autorité de surveillance n'a pas à établir des faits qui ne résultent pas du dossier (ATF 123 III 328 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_898/2016 précité consid. 5.2).

1.2 La plainte a en l'espèce été déposée en temps utile contre une mesure de l'Office – la saisie – pouvant être contestée (sans attendre la communication du procès-verbal de saisie puisqu'une violation du minimum vital est invoquée) par cette voie. Directement touché par cette mesure, le plaignant dispose de la qualité pour porter plainte. Son acte respecte la forme écrite et comporte une motivation, certes embryonnaire mais suffisante en ce qu'elle permet à la Chambre de céans de comprendre ce qui est reproché à l'Office. Une conclusion expresse fait défaut mais on comprend de la plainte que son auteur souhaite à tout le moins une diminution du montant de la quotité saisissable.

Il y a donc lieu d'entrer en matière.

2. Est en l'espèce litigieuse la détermination par l'Office du revenu réalisé par le plaignant.

2.1.1 Le revenu d'un indépendant est constitué par son bénéfice net, à savoir la différence entre les produits et les charges (cf. DCSO/383/2021 du 7 octobre 2021 consid. 2.1.2). Hormis les charges sociales, doivent encore être déduits du revenu brut tous les frais d'acquisition du revenu, communément appelés frais professionnels, pour autant qu'ils n'aient pas été déjà ajoutés au minimum vital et pour autant qu'ils soient indispensables à l'obtention du revenu. Entrent dans cette catégorie: les frais d'acquisition et d'entretien de l'outillage, le loyer professionnel, les frais de déplacement nécessités par l'exercice de la profession, etc. (Ochsner, in CR-LP, n. 163 ad art. 93 LP et l'arrêt cité).

Le caractère irrégulier des revenus d'un débiteur indépendant ne fait pas obstacle à la saisie d'un montant mensuel fixe, déterminé sur la base d'un revenu mensuel moyen. L'office, qui encaisse les mensualités fixes, ne pourra toutefois procéder à leur distribution en faveur des créanciers participant à la saisie qu'à la péremption de celle-ci et après détermination du montant effectivement saisissable (ATF 112 III 19 cons. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_16/2011 du 2 mai 2011 consid. 2.2). Le cas échéant, ce montant mensuel pourra être adapté à la hausse ou à la baisse conformément à l'art. 93 al. 3 LP.

C'est avant tout au débiteur qu'il incombe d'informer l'office de toute modification des circonstances propre à entraîner une modification de l'ampleur de la saisie (Winkler, Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n. 82 ad art. 93 LP). Dès qu'il a connaissance de telles circonstances, par le débiteur ou d'une autre manière, l'office doit immédiatement les élucider et, s'il y a lieu, rendre une nouvelle décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_675/2011 du 19 janvier 2012 consid. 3.2; Winkler, op. cit., N 83 ad art. 93 LP). Cette décision ne déploiera toutefois ses effets que pour le futur, la saisie antérieure continuant à s'appliquer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle décision de l'office (Kren Kostkiewicz, KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 72 ad art. 73; Winkler, op. cit., n. 85 ad art. 93 LP; DCSO/581/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

2.1.2 Conformément à l'obligation de renseignement qui lui incombe en vertu de l'art. 91 al. 1 ch. 2 LP, le débiteur doit fournir à l'Office toutes les informations et pièces permettant à celui-ci de calculer son minimum d'existence au sens de l'art. 93 al. 1 LP. Cette obligation doit être remplie au moment de l'exécution de la saisie déjà, et non au stade de la procédure de plainte (ATF 119 III 70 consid. 1; Vonder Mühll, in BSK SchKG I, n. 65 ad art. 93 LP). Lorsqu'elle est saisie d'une plainte, il appartient à l'autorité de surveillance de vérifier uniquement si la retenue fixée par l'office des poursuites ou le calcul qu'il a effectué est conforme aux faits déterminant la quotité saisissable des revenus du débiteur, compte tenu des circonstances existant au moment de l'exécution de cette mesure (ATF 121 III 20 consid. 3).

2.2 Dans le cas d'espèce, l'Office a arrêté les revenus du débiteur au moment de la saisie, soit au 13 décembre 2022, au même montant que celui – non contesté en tant que tel – réalisé par ce dernier en 2021. Cette manière de procéder est admissible dans son principe, puisqu'il s'agit de la période la plus récente pour laquelle l'Office disposait d'éléments de preuve (bilan et compte de profits et pertes, certificats de salaire).

Tout en alléguant que ses revenus 2022 seraient "fortement" inférieurs à ceux de 2021, le plaignant n'indique pas qu'il aurait signalé ce fait à l'Office lors de son audition intervenue le 29 novembre 2022, soit trois semaines avant le dépôt de la plainte et deux semaines avant l'envoi de l'avis de saisie. Il n'apparaît pas non plus qu'il aurait remis à l'Office à cette occasion, ou même qu'il aurait offert de lui remettre, des documents de nature à rendre vraisemblable une évolution à la baisse de ses revenus en 2022, tels que des décomptes mensuels de salaire, son grand livre, un extrait de son compte en banque professionnel, etc. Cette omission est d'autant plus inexplicable que son audition est intervenue à la fin de l'année 2022, soit à un moment où il devait déjà disposer d'une image relativement complète de la marche de ses affaires au cours de cette période. Dans la mesure où c'est au plaignant qu'il aurait incombé, conformément à son devoir de collaboration (cf. consid. 2.1.2 ci-dessus), de fournir ces informations et éléments de preuve à l'Office, il ne saurait être reproché à ce dernier de s'être fondé pour arrêter le revenu déterminant sur les valeurs les plus récentes dont il disposait.

Devant la Chambre de céans encore, le plaignant se limite à la simple allégation que ses revenus auraient baissé : il n'indique pas quels auraient été le montant et la composition de ses revenus en 2022 et ne produit aucune pièce y relative, alors que le dépôt de la plainte est intervenu dix jours avant la clôture de l'exercice et donc que ces éléments devaient lui être dans une large mesure connus.

Il doit ainsi être constaté que le plaignant a failli à son obligation de coopération résultant de l'art. 91 al. 1 ch. 2 LP de telle sorte que, à supposer même que ses revenus aient effectivement baissé en 2022 – ce que rien dans le dossier ne permet de penser et paraît au demeurant peu vraisemblable puisque l'année 2022 a vu la reprise d'une activité économique normale après la crise du COVID-19 – il ne pourrait en être tenu compte dans le cadre de la procédure de plainte.

Mal fondée, la plainte doit donc être rejetée. Dûment établie, une éventuelle baisse des revenus du débiteur pourra encore, le cas échéant, être prise en considération par l'Office dans le cadre d'une modification de la saisie au sens de l'art. 93 al. 3 LP.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 21 décembre 2022 par A______ contre l'avis de saisie établi le 13 décembre 2022 dans la série n° 1______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.