Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/3386/2022

DCSO/65/2023 du 16.02.2023 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Minimum vital
Normes : lp.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3386/2022-CS DCSO/65/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 16 FEVRIER 2023

 

Plainte 17 LP (A/3386/2022-CS) formée en date du 14 octobre 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Justine KAMM, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me KAMM Justine

Etude de Me Philippe JUVET

Rue de la Fontaine 2

1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Dans le cadre des opérations de saisie relatives à la série n° 1______, A______, débiteur poursuivi, a été auditionné par l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) le 3 mars 2022.

Il a déclaré à cette occasion que ses revenus mensuels étaient composés de sa rente de l'assurance-invalidité, en 1'200 fr., de prestations complémentaires, en 1'100 fr., de 424 fr. de rente complémentaire pour chacun de ses enfants et 1'600 fr. d'allocations familiales pour ses quatre enfants. Son épouse percevait également des prestations complémentaires à hauteur de 2'700 fr. par mois. A______ a ajouté qu'il percevait une aide financière de la part de B______.

Concernant ses charges, il a déclaré un loyer de 1'620 fr.

b. Selon les relevés du compte bancaire de A______ auprès [de la banque] C______, pour la période allant du 1er septembre 2021 au 1er mars 2022, celui-ci a perçu de la part de B______ un montant total de 31'000 fr., décomposé comme suit: 6'000 fr. le 21 décembre 2021, 3'200 fr. le 3 janvier 2022, 4'800 fr. le 10 janvier 2022, 13'000 fr. le 19 janvier 2022 et 4'000 fr. le 1er février 2022.

c. Aux termes du procès-verbal de saisie du 25 avril 2022, dans la série
n° 1______, l'Office a ajouté aux revenus de A______ un montant de 5'166 fr. par mois correspondant à la moyenne des versements effectués par B______ sur une durée de six mois (31'000 fr. / 6). Sur cette base, il a saisi en mains de A______ des gains à hauteur de 5'012 fr. par mois.

B. a. Le 2 août 2022, l'Office a adressé à A______ un avis de saisie dans la poursuite n° 2______, engagée à son encontre par l'Administration fiscale cantonale en paiement d'une créance de 581 fr. 30. A______ n'était invité à se présenter à l'Office que si sa situation avait changé.

b. Le 30 septembre 2022, l'Office a établi un procès-verbal de saisie, dans la série n° 3______, à laquelle participe la poursuite n° 2______. Il a repris le calcul du minimum vital effectué dans la précédente série, n° 1______, et fixé la saisie des gains de A______ à 5'012 fr. par mois.

C. a. Par acte déposé le 14 octobre 2022, A______ a porté plainte auprès de la Chambre de surveillance contre le procès-verbal de saisie du 30 septembre 2022, qu’il a reçu le 4 octobre 2022.

Il expose que les montants versés par B______ ne sont pas réguliers et le sont à bien plaire, sans aucune contrepartie, s’agissant de dons. Ils ne peuvent être assimilés à des revenus saisissables au sens de l’art. 93 LP.

b. Dans sa détermination, l’Office a indiqué que les versements effectués par B______ permettaient au plaignant de subvenir à ses besoins, de sorte qu’ils constituaient un revenu de substitution destiné à couvrir une perte de gains. Ils étaient par conséquent saisissables, ce que la Chambre de surveillance avait constaté dans une décision portant sur un état de fait similaire (DCSO/170/2022 du 5 mai 2022). Les versements de B______ s’étaient poursuivis après le 1er mars 2022, pour une moyenne de 5'165 fr. par mois.

Les relevés bancaires du compte de A______ pour la période du 1er mars au
27 octobre 2022, produits par l’Office, font état des versements suivants de la part de B______ : 4'000 fr. le 2 mars 2022, 4’484 fr. 30 le 27 juin 2022,
2'000 fr. le 21 juillet 2022, 3'200 fr. le 3 août 2022, 4'800 fr. le 23 août 2022, 3'000 fr. le 2 septembre 2022 et 5'000 fr. le 7 septembre 2022.

c. Par courrier du 17 novembre 2022, A______ a indiqué que la situation à l’origine de la décision DCSO/170/2022 n’était pas comparable à la sienne. Dans cette affaire, il était question du versement d’un montant régulier de l’ordre de 4'000 fr. par mois, fondé sur un engagement écrit. Or, les versements de B______ ne reposaient sur aucun engagement de sa part et n’étaient pas réguliers, de sorte qu’il ne s’agissait pas de gains saisissables, comme l’avait du reste constaté le Ministère public dans son ordonnance de classement du 24 mai 2022. Il a produit une attestation de B______, à teneur de laquelle il cessait de soutenir la famille [de] A______, qu’il avait aidée à bien plaire.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3;
129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. En droit des poursuites et faillites, l'autorité de la chose jugée a une portée limitée: elle ne vaut que pour la procédure d'exécution en cause et pour autant que l'état de fait reste le même. La saisie réalisée dans le cadre d'une nouvelle série selon l'art. 110 al. 2 LP est opérée dans une autre procédure d'exécution forcée; elle ouvre la voie de la plainte sans que l'on puisse exciper de l'autorité de chose jugée de décisions rendues dans le cadre de séries précédentes (ATF 133 III 580 consid. 2).

En l’espèce, le précédent procès-verbal de saisie, qui n'a pas été attaqué par voie de plainte et est entré en force, n'a pas d'autorité de chose jugée dans le cadre des opérations de saisie de la série suivante, de sorte que le plaignant peut attaquer aussi les éléments pris précédemment en considération dans le calcul du minimum vital de débiteur.

3. 3.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail, les rentes viagères, les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse, respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

3.1.2 Dans le cadre tracé par les dispositions légales et les nombreux principes dégagés par la jurisprudence, l'Office dispose, dans la détermination du minimum vital du débiteur, d'un pouvoir d'appréciation étendu (art. 93 al. 1 LP; ATF 134 III 323 consid. 2; Ochsner, in CR LP, n. 79 ad art. 93 LP), qui lui permet de prendre en considération aussi bien les intérêts des créanciers que ceux du débiteur (ATF 119 III 70 consid. 3b; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, n. 17 ad art. 93 LP). La garantie du minimum vital prévue par l'art. 93 LP ne vise pas à permettre au débiteur de préserver un train de vie correspondant aux standards communément admis, mais à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à ses intérêts fondamentaux, le menace dans sa vie ou sa santé ou lui interdise tout contact avec l'extérieur (ATF 134 III 323 consid. 2; décision de la Chambre de surveillance DCSO/308/18 du 24 mai 2018 consid. 3).

3.1.3 Les pourboires ou la rémunération pour le travail fourni à l'occasion d'une mesure d'intégration professionnelle, même si, en raison de son faible montant, elle apparaît plutôt comme une aide sociale que comme un salaire, représentent des revenus saisissables au sens de l’art. 93 LP (arrêt du Tribunal 5A_589/2014 du 11 novembre 2014, consid. 3.2). Il en va de même d’une bourse d’études (ATF 105 III 50), qui est une sorte de revenu de substitution.

Peuvent également être saisis en tant que créances pécuniaires futures les paiements de soutien d'un tiers que le débiteur a reçus avant la saisie, pour autant qu'il faille s'attendre avec une grande probabilité à ce qu'ils soient générés périodiquement à l'avenir. Ce n'est pas le cas des versements de soutien occasionnels effectués à intervalles irréguliers (Kren Kostkiewicz, OFK SchKG, 20ème édition, n° 3 ad art. 93 LP).

3.2 En l’espèce, il est constant que le plaignant a reçu d’un tiers, avant la saisie, des montants totalisant plusieurs milliers de francs sur son compte bancaire. Il est toutefois admis qu’il ne s’agit pas de rémunérations pour une quelconque activité lucrative mais de dons, soit des paiements de soutien effectués à bien plaire. De plus, ces paiements ne sont pas réguliers, dès lors que sur la période de septembre 2021 à février 2022, aucun virement n’a été effectué en septembre, octobre et novembre 2021, les virements s’étant concentrés sur la période allant du
21 décembre 2021 au 1er février 2022. Il s’agit en outre à chaque fois de montants différents.

Les relevés bancaires pour la période allant du 1er mars au 27 octobre 2022, fournis par l’Office au cours de la procédure de plainte, montrent aussi des versements irréguliers de montants différents, étant observé que le tiers a indiqué, dans une attestation du 20 octobre 2022, qu’il cesserait de soutenir la famille du plaignant.

Il s’ensuit que le cas d’espèce diffère de celui à l’origine de la décision DCSO/170/2022 du 5 mai 2022. En effet, dans cette affaire, le tiers avait confirmé par écrit qu’il fournissait une aide financière régulière au poursuivi de l’ordre de 4'000 fr. par mois, censée perdurer jusqu’en décembre 2023, de sorte qu’il fallait s'attendre avec une grande probabilité à ce que cette aide soit versée périodiquement durant la période de la saisie, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Bien fondée, la plainte sera ainsi admise et le procès-verbal de saisie attaqué sera annulé.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 14 octobre 2022 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 30 septembre 2022, série n. 3______.

Au fond :

L'admet.

Annule le procès-verbal de saisie attaqué dans le sens des considérants de la présente décision.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Monsieur Luca MINOTTI et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.