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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2190/2022

DCSO/46/2023 du 02.02.2023 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Saisie de gains; investigations insuffisantes de l'Office
Normes : lp.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2190/2022-CS DCSO/46/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 2 FEVRIER 2023

 

Plainte 17 LP (A/2190/2022-CS) formée en date du 27 juin 2022 par A______ SA, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______ SA

______

______

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ SA a requis, le 19 novembre 2019, la poursuite de B______ pour un montant de 3'250 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 29 octobre 2019, à titre de remboursement d'un prêt de 4'000 fr. octroyé le 15 juillet 2019, selon reconnaissance de dette.

La poursuite porte le n° 1______.

b. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a rencontré des difficultés pour procéder à la notification du commandement de payer en raison de l'adresse incertaine de la débitrice, les indications fournies par la créancière s'étant révélées erronées. Elle a finalement eu lieu le 21 janvier 2020, après trois tentatives infructueuses.

c. En l'absence d'opposition, A______ SA a requis la continuation de la poursuite le 17 février 2020.

d. L'Office a envoyé un avis de saisie à la débitrice le 27 avril 2020 et l'a convoquée à trois reprises pour un interrogatoire, sans succès. La débitrice s'est finalement présentée à l'Office le 16 septembre 2020 après menace d'ouverture de son logement.

e. L'Office a émis, en faveur de A______ SA, le 25 septembre 2020, un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens n° 1______, pour un découvert de 3'630 fr. 65 (créance de 3'250 fr., intérêts de 146 fr. 70, frais de 233 fr. 94).

Cette décision mentionnait que la débitrice, célibataire, mère d'une fille âgée de 4 ans, vivait en collocation et assumait une participation au loyer de 700 fr. Elle travaillait à 50 % en qualité d'employée de maison chez une particulière, C______, haute fonctionnaire au sein d'une organisation internationale, et percevait un revenu mensuel net de 1'400 fr. (insaisissable en application de l'art. 93 LP), plus 300 fr. d'allocations familiales. Elle ne justifiait pas du paiement de ses primes d'assurance maladie – il ressort du procès-verbal d'interrogatoire que l'employeuse de la débitrice payait ses primes d'assurance maladie – et prenait ses repas à domicile. Elle ne disposait d'aucun véhicule et assumait des frais mensuels de transports publics de 70 fr.

f. A______ SA s'est adressée le 30 septembre 2020 par email à la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU à Genève (ci-après la Mission suisse), pour vérifier si B______ était bien titulaire d'une carte de légitimation l'autorisant à travailler en qualité de personnel de maison pour un diplomate ou un fonctionnaire international pour un salaire mensuel net de 1'400 fr., et si elle était soumise à l'ordonnance fédérale sur les domestiques privés (ci-après ODPr).

La Mission suisse a répondu le jour même que B______ était bien titulaire d'une carte de légitimation de type "F" en qualité de domestique auprès de C______.

g. A______ SA a contesté, auprès de l'Office, le 30 septembre 2020, la teneur du procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens du 25 septembre 2020, puisqu'au vu de son statut et de sa nationalité philippine, il était impossible que B______ ne réalise qu'un revenu limité à 1'400 fr. nets par mois si l'ODPr était respectée. En outre, A______ SA exposait que B______, bien que formellement domiciliée dans un appartement à la rue 2______ no. ______, sous-louait en réalité celui-ci, en tirait un revenu, et vivait en réalité en collocation avec sa sœur à la rue 3______ no. ______. En conclusion, A______ SA estimait que sa débitrice obtenait des revenus supérieurs à ceux déclarés à l'Office, ce qui pouvait être vérifié en investiguant ses transferts d'argent à l'étranger grâce à divers organismes actifs à Genève dans les transferts internationaux. Elle concluait par conséquent à ce que l'Office reconsidère sa décision d'émettre un acte de défaut de biens et complète ses investigations.

h. Parallèlement, A______ SA a poursuivi son enquête sur la situation professionnelle et administrative de B______ auprès de la Mission suisse, qui lui a confirmé le 12 novembre 2020 que sa débitrice était déclarée comme domiciliée à la rue 3______ no. ______ et travaillait, à sa connaissance, à plein temps pour C______ aux conditions de l'ODPr. Elle devait donc percevoir une rémunération mensuelle minimale de 1'200 fr. plus une indemnité pour le logement et une indemnité pour la nourriture si ces prestations n'étaient pas fournies en nature par l'employeur.

i. A______ SA a relancé l'Office le 30 octobre 2020 en l'invitant à modifier la teneur de son procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens, sous la menace d'une plainte auprès de l'autorité de surveillance.

j. L'Office a répondu le 9 novembre 2020 qu'il avait enquêté sur les allégations de A______ SA concernant des gains tirés par la débitrice de la sous-location d'un appartement à la rue 2______ no. ______: B______ était inconnue de la bailleresse de cet immeuble et n'y louait ou sous-louait aucun appartement. Par ailleurs, les renseignements obtenus auprès de l'employeuse de la débitrice confirmaient qu'elle lui versait une rémunération nette de 1'400 fr. par mois, sans indemnité pour le logement ou la nourriture. L'Office persistait donc dans le procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens du 25 septembre 2020. En outre, il observait que même en tenant compte de la perception par la débitrice d'une indemnité pour le logement et pour la nourriture, ses revenus se situeraient toujours au-dessous du minimum vital.

k. L'Office a néanmoins convoqué une nouvelle fois B______ le 3 décembre 2020 pour vérifier et préciser ses déclarations. Il en est ressorti que la débitrice disposait d'une chambre chez son employeuse, dans laquelle elle avait vécu jusqu'à la naissance de sa fille; elle avait ensuite préféré loger chez sa sœur pour ne pas imposer l'enfant à son employeuse. Elle participait au loyer à concurrence de 555 fr. et non pas de 700 fr. comme indiqué initialement. S'agissant d'une adresse à la rue 2______ no. ______, elle y avait vécu deux ou trois ans entre 2009 et 2010, mais n'avait plus aucun lien avec ce logement. La débitrice avait également corrigé ses premières déclarations selon lesquelles elle ne travaillait qu'à mi-temps pour C______; elle travaillait pour elle à plein temps et pouvait manger sur place. S'agissant de ses primes d'assurance maladie, elle confirmait que sa prime personnelle était payée par son employeuse et elle payait elle-même la prime de sa fille. La débitrice a déposé en mains de l'Office des copies de ses fiches de paie reflétant ces conditions de rémunération. Finalement, B______ a contesté envoyer de l'argent aux Philippines depuis la naissance de sa fille; elle destinait tout son argent à l'entretien de cette dernière.

L'Office a estimé, à l'issue de cette audition, que les quelques rectifications dans les déclarations de la débitrice ne modifiaient pas son appréciation ayant conduit à l'émission du procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens du 25 septembre 2020. Notamment, le fait qu'il y ait un doute sur l'obligation de l'employeuse de verser des indemnités de logement et de nourriture en plus de la rémunération nette en espèces était sans portée car la débitrice n'avait en tout état concrètement pas touché ces indemnités et elles ne pouvaient être admises au titre de revenu hypothétique.

B. a. Par acte expédié le 16 novembre 2020 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ SA s'est plainte du fait que l'Office se satisfaisait des déclarations de la débitrice sans les vérifier et n'investiguait pas les pistes qu'elle avait suggérées. Elle concluait au constat d'un déni de justice ou d'un retard injustifié dans le traitement de la poursuite.

b. Cette plainte a conduit à l'ouverture de la procédure A/4______/2020.

c. Dans ses observations du 7 décembre 2020, l'Office a persisté dans sa position antérieure, exposé la teneur de la dernière audition de la débitrice et confirmé les conclusions qu'il en avait tirées.

d. A______ SA a répliqué les 14 et 22 janvier 2021 en contestant la véracité des fiches de salaires remises par la débitrice et en demandant leur vérification par la Mission suisse, car elles n'étaient pas conformes à l'ODPr. Elle a par ailleurs exigé que le calcul des revenus et charges de B______ soit repris avec le nouveau loyer déclaré et les indemnités pour logement et nourriture. Elle estimait que le revenu de la débitrice aurait dû s'élever à 3'565 fr. à l'instar de ce que gagnait une compatriote, selon un procès-verbal d'audition établi dans une poursuite conduite par l'Office des poursuites du district de D______ [VD].

A l'appui de ses répliques, elle a produit un échange de mails des 11 et 19 janvier 2021 entre elle et la Mission suisse dans lequel elle dénonçait les conditions contractuelles de rémunération de la débitrice et la seconde annonçait qu'elle allait prendre contact avec l'employeuse de B______.

e. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du 10 février 2021 que la cause était gardée à juger.

f. L'Office a informé la Chambre de surveillance par courrier du 17 février 2021 que, suite aux démarches de la plaignante auprès de la Mission suisse, la débitrice avait repris contact avec lui pour déclarer qu'elle n'avait pas annoncé tous ses revenus lors des précédents entretiens; en plus de la rémunération de 1'400 fr. nets par mois, elle touchait une indemnité de 100 fr. pour les frais de transport et une indemnité de 1'000 fr. pour le logement; en outre, elle mangeait chez son employeuse; la débitrice avait déposé de nouvelles fiches de paie modifiées, mentionnant un total net versé de 2'500 fr. ("net salary in cash : 1'400 fr.; accommodation allowance : 1'000 fr.; food allowance : (provided in kind); travel costs (e.g. bus) : 100 fr.; total net salary for the month : 2'500 fr.") et mentionnant dans la rubrique "remarque" une valeur minimale de la nourriture en nature de 635 fr. Il avait donc annulé le procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens du 25 septembre 2020 et annonçait avoir établi un nouveau calcul de la quotité saisissable des gains de B______ :

Revenus de la famille :

- salaire net de B______ 2'500 fr.

(repris sans discussion de la fiche de paie)

Charges de la famille :

- Bases mensuelles d'entretien 1'750 fr.

(1'350 fr. pour une personne seule avec une personne à charge, 400 fr. pour l'enfant)

- Logement 555 fr.

- Assurance maladie B______ 0 fr.

- Assurance maladie fille 0 fr.

- Frais médicaux non couverts 0 fr.

- Repas à l'extérieur 0 fr.

- Transports 70 fr.

Total des charges incompressibles de la famille (minimum vital) 2'375 fr.

Quotité saisissable mensuelle

B______ : 2'500 fr. – 2'375 fr. = 125 fr.

g. Invitée par le greffe de la Chambre de surveillance à confirmer si elle maintenait sa plainte sur le vu du courrier du 17 février 2021 de l'Office, A______ SA a contesté, par courrier du 22 février 2021, le calcul de la quotité saisissable des revenus de B______, car il ne tenait pas compte du salaire en nature constitué par la nourriture fournie par l'employeur en 645 fr., le paiement par l'employeuse de la prime d'assurance maladie de la débitrice et le paiement intégral par l'employeur des primes d'assurances sociales et le paiement d'allocations familiales pour la fille de la débitrice.

h. L'Office a émis, le 12 avril 2021, un nouveau procès-verbal de saisie, poursuite n° 1______, série n° 5______ fondé sur la fiche de calcul de la quotité saisissable des gains de la débitrice ci-dessus, imposant à cette dernière une retenue de gain de 125 fr. par mois valable du 10 février 2021 au 10 février 2022. Il était précisé dans le procès-verbal de saisie qu'il annulait et remplaçait celui du 25 septembre 2020 et qu'aucune saisie n'était en cours. En outre, la saisie était effectuée non pas en mains de l'employeuse de la débitrice, haute fonctionnaire dans une organisation internationale jouissant de l'immunité d'exécution, mais en mains de la débitrice (saisie "extraterritoriale").

i. Par courrier du 23 avril 2021, A______ SA a informé la Chambre de surveillance de ce nouveau procès-verbal de saisie.

Elle stigmatisait également les fiches de paie fluctuantes produites par la débitrice à l'Office et craignait que la dernière version produite ne soit toujours pas conforme à la vérité, au vu des éléments fantaisistes qui la composaient.

j. Par décision DCSO/192/21 du 12 mai 2021, la Chambre de surveillance a déclaré irrecevable la plainte de A______ SA du 16 novembre 2020, ainsi que les griefs complémentaires développés dans ses écritures en réplique, au motif que ces actes n'avaient pas été formés dans le délai de dix jours suivant la notification du procès-verbal de saisie attaqué. Elle a également constaté d'office que le procès-verbal de saisie du 12 avril 2021 dans la série 5______ était nul et que le procès-verbal de saisie antérieur, valant acte de défaut de biens n° 1______, du 25 septembre 2020, était entré en force; l'Office avait en effet modifié la décision attaquée au-delà du délai prévu à l'art. 17 al. 4 LP.

C. a. A______ SA a requis une nouvelle poursuite contre B______, n° 6______, laquelle a participé à de nouvelles opérations de saisies, dans le cadre de la série n° 7______, qui concernait également deux poursuites de [la caisse maladie] F______ (n° 8______ et 9______).

b. L'Office a établi le 4 octobre 2021 un nouveau procès-verbal de saisie du salaire de B______, à concurrence de 140 fr. par mois, portant sur le revenu de la débitrice du 11 février 2022 au 19 août 2022.

Il a calculé la quotité saisissable des revenus de la débitrice comme suit :

Revenus de la famille :

- salaire net de B______ 2'500 fr.

(repris de la fiche de paie)

Charges de la famille :

- Bases mensuelles d'entretien 1'750 fr.

(1'350 fr. pour une personne seule avec une personne à charge, 400 fr. pour l'enfant)

- Logement 500 fr.

- Assurance maladie B______ 0 fr.

- Assurance maladie fille 0 fr.

- Frais médicaux non couverts 0 fr.

- Repas à l'extérieur de l'enfant 108 fr.

- Transports 0 fr.

Total des charges incompressibles de la famille (minimum vital) 2'358 fr.

Quotité saisissable mensuelle

B______ : 2'500 fr. – 2'358 fr. = 142 fr.

c. A______ SA allègue avoir reçu le procès-verbal de saisie le 6 octobre 2021.

d. Elle a écrit le jour même à l'Office pour se plaindre du fait que le revenu mentionné dans le procès-verbal de saisie ne correspondait pas au revenu réel de la débitrice qui comprenait également des prestations en nature et la prise en charge des assurances sociales (AVS, LPP, LAMAL, LAA). Il n'était pas conforme au salaire mensuel minimal imposé par l'ODPr, soit 3'565 fr. Le calcul du minimum vital ne tenait pas compte des allocations familiales perçues par la débitrice pour sa fille (pourtant indiquées dans l'acte de défaut de biens n° 1______).

A______ SA invitait l'Office à rectifier le procès-verbal en ce sens ou à transmettre son courrier à la Chambre de surveillance pour valoir plainte.

e. L'Office a répondu le 12 octobre 2021 à A______ SA qu'il ne comprenait pas la motivation de la requête. Il avait notamment établi le gain de la débitrice sur la base des fiches de salaires qui lui avaient été remises. Il précisait que la débitrice payait mensuellement à l'Office le montant de la saisie et qu'il s'était avéré, après vérification, que la débitrice ne touchait pas d'allocations familiales pour sa fille.

f. L'Office n'a pas transmis à la Chambre de surveillance le courrier du 6 octobre 2021 de A______ SA pour valoir plainte.

D. a. Par acte déposé au greffe de la Chambre de surveillance le 20 octobre 2021, A______ SA a formé une plainte contre le procès-verbal de saisie pour "déni de justice". Elle reprenait en substance les arguments développés dans le courrier du 6 octobre 2021 à l'Office. Elle précisait qu'elle avait des doutes sur les constatations de l'Office s'agissant des allocations familiales en faveur de la fille de la débitrice car il avait soutenu des positions contradictoires dans deux documents. En outre, elle ne se faisait pas confiance aux certificats de salaire produits par la débitrice car elle avait été condamnée le 10 juin 2021 par le Ministère public pour fausses déclarations en raison de la production de fausses fiches de salaires dans la saisie précédente.

b. Cette plainte a conduit à l'ouverture de la procédure A/10______/2021.

c. Dans ses observations du 10 novembre 2021, l'Office a conclu à la recevabilité de la plainte et à son rejet.

Depuis le dépôt de la plainte, il avait procédé à deux nouvelles auditions de B______ et obtenu des extraits de son compte auprès de [la banque] G______, afin de confronter ses déclarations aux flux financiers établis par ces documents. Ces investigations avaient permis de confirmer que l'employeuse de la débitrice lui versait effectivement une rémunération en espèces de 2'500 fr. par mois. L'Office avait également obtenu la confirmation par les administrations concernées que la débitrice ne percevait pas d'allocations familiales pour sa fille.

e. A______ SA a déposé les 6 et 17 décembre 2021 des répliques dans lesquelles elle évoquait l'existence d'une activité professionnelle non déclarée de la débitrice auprès d'un employeur à H______ (VD). Elle en voulait pour preuve les achats de billets de train documentés par les extraits bancaires de la G______ et les constats de son administrateur qui avait suivi la débitrice lors de ses déplacements hebdomadaires dans le canton de Vaud. La plaignante soulignait également qu'il n'existait aucune preuve du paiement d'un loyer de 500 fr. pour son logement dans les extraits bancaires.

f. Par décision DCSO/233/22 du 9 mai 2022, la Chambre de surveillance a déclaré recevable la plainte de A______ SA dans sa teneur des 6 et 20 octobre 2021 et l'a rejetée. Elle a considéré que l'enquête de l'Office, conduite à satisfaction, avait permis de constater désormais de manière certaine, que B______ avait perçu une rémunération mensuelle nette de 2'500 fr. en espèces de C______, notamment en raison de la concordance entre les extraits bancaires de la débitrice, les déclarations des parties et les dernières fiches de paie produites. Les autres griefs de la plaignante portant sur les cotisations sociales et des primes d'assurance maladie versées par l'employeuse de la débitrice étaient sans portée, l'Office n'ayant pas introduit ces postes dans les charges de B______. Finalement, il n'appartenait pas à l'Office d'intervenir pour que la débitrice soit mise au bénéfice d'un salaire conforme à l'ODPr; il devait uniquement se fonder sur le revenu réel perçu.

La Chambre de surveillance n'a en revanche pas examiné les circonstances nouvellement alléguées par la plaignante dans ses répliques des 6 et 17 décembre 2021, irrecevables pour avoir été formulées au-delà du délai de 10 jours pour déposer une plainte. Elle invitait par contre l'Office à les vérifier et cas échéant modifier le procès-verbal de saisie.

E. a. A______ SA a déposé le 27 juin 2022 à l'Office un courrier pour se plaindre à nouveau du fait que celui-ci se satisfaisait, dans le cadre des opérations de saisie contre B______, des déclarations de la seule débitrice et ne procédait à aucune investigation sur la base des circonstances qu'elle dénonçait. Ainsi, elle persistait à demander une enquête auprès d'organismes de transfert internationaux d'argent pour déterminer les sommes d'argent envoyées par B______ aux Philippines; un envoi d'un montant de 450 fr. apparaissait en effet dans le décompte bancaire produit par la débitrice. Elle mettait également en doute le montant du loyer allégué par cette dernière et retenu par l'Office en l'absence de toute preuve telle qu'un extrait bancaire ou une quittance. Enfin, elle rappelait que la Chambre de surveillance avait invité l'Office à vérifier ses allégations quant à une activité lucrative déployée par B______ à H______, alors qu'elle prétendait travailler exclusivement et à plein temps pour C______.

A______ SA achevait son courrier en demandant sa transmission à la Chambre de surveillance pour valoir plainte pour déni de justice si l'Office refusait d'entrer en matière sur ses doléances.

b. L'Office a transmis ce courrier le jour même à la Chambre de surveillance, qui a ouvert la présente procédure sous n° de cause A/2190/2022.

Il a par ailleurs répondu le 1er juillet 2022 à A______ SA qu'il n'entendait par reconsidérer sa position puisqu'une décision de la Chambre de surveillance avait été récemment rendue.

c. A______ SA a complété sa plainte par un courrier adressé directement à la Chambre de céans le 25 juillet 2022 pour reprocher à l'Office de ne pas vouloir obtempérer à l'invitation de la Chambre de surveillance de vérifier les circonstances qu'il dénonçait. Elle considérait que l'Office tardait délibérément à investiguer, sachant que la saisie, série n° 7______, prenait fin le 19 août 2022. Ce faisant, il favorisait les intérêts de la débitrice au détriment des créanciers.

d. Dans ses déterminations du 12 août 2022 l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte qui ne visait pas une mesure au sens de l'art. 17 LP, mais un avis de l'Office par lequel il confirmait ne pas vouloir revenir sur une décision antérieure. Pour le surplus, aucune mesure n'avait été prise par l'Office dans les dix jours précédant la plainte, permettant de justifier celle-ci. Subsidiairement, l'Office contestait avoir commis un déni de justice. A______ SA était en réalité mécontente du résultat des investigations de l'Office.

e. A______ SA a répliqué et persisté dans ses conclusions le 23 août 2022.

f. Elle a encore fait parvenir à la Chambre de surveillance, le 5 septembre 2022, l'acte de défaut de biens n° 6______ émis le 1er septembre 2022 par l'Office à l'issue de la saisie de gain, série n° 7______.

g. La Chambre de surveillance a informé les parties, par courrier du 9 septembre 2022, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3).

1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

1.3 Il y a déni de justice au sens de l'art. 17 al. 3 LP lorsque l'Office (ou un autre organe de l'exécution forcée) refuse de procéder à une opération alors qu'il en a été régulièrement requis ou qu'il y est tenu de par la loi. Cette disposition vise ainsi le déni de justice formel – soit la situation dans laquelle aucune mesure n'est prise ou aucune décision rendue alors que cela devrait être le cas – et non le déni de justice matériel – soit la situation dans laquelle une décision est effectivement rendue, mais qu'elle est arbitraire (Erard, op. cit., n° 52 à 54 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, op. cit., n° 32 ad art. 17 LP).

La délivrance aux créanciers d'un acte de défaut de biens définitif au sens des art. 149 et 149a LP met fin à la poursuite et provoque le dessaisissement de l'Office (art. 115 al. 1 LP; DCSO/113/2021 du 18 mars 2021 consid. 2.4). Ainsi, l'Office n'a donc plus rien à faire après cette délivrance et le reproche de retard injustifié ou de déni de justice ne peut plus lui être adressé. Ce grief devient donc en principe sans objet et sans intérêt pour le plaignant après la délivrance d'un acte de défaut de biens au créancier. Il devrait par conséquent être déclaré irrecevable dans de telles circonstances.

1.4 Les revenus du travail ne peuvent être saisis que pour une durée d'une année à compter de l'exécution de la saisie (art. 93 al. 2 LP). Si, durant ce délai, l'Office a connaissance d'une modification déterminante pour le montant de la saisie, il adapte l'ampleur de celle-ci aux nouvelles circonstances (art. 93 al. 3 LP). L'application de cette disposition suppose ainsi un changement dans la situation du poursuivi par rapport à celle qui existait – et qui avait été constatée par l'Office – au moment de la saisie (GILLIERON, Commentaire LP, n° 140 ad art. 93 LP).

Dès qu'il a connaissance de telles circonstances, par le débiteur ou d'une autre manière, l'Office doit immédiatement les élucider et, le cas échéant, rendre une nouvelle décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_675/2011 du 19 janvier 2012 consid. 3.2).

Si le créancier souhaite invoquer des faits nouveaux, il lui appartient de les faire valoir par la voie de la révision de la saisie auprès de l'Office et non par la voie de la plainte (art. 93 al. 3 LP; ATF 108 III 10; VONDER MÜHLL, Basler Kommentar SchKG I, n° 54 ad art. 93 LP; DCSO/243/2015 du 20 août 2015 consid. 2.2 et 2.3).

1.5 L'Office doit adopter un comportement actif et une position critique dans l'exécution de la saisie, de sorte qu'il ne peut s'en remettre, sans les vérifier, aux seules déclarations du débiteur quant à ses biens et revenus. Afin de pourvoir au meilleur désintéressement possible des créanciers, l'Office doit procéder avec diligence, autorité et souci de découvrir les droits patrimoniaux du poursuivi. Il est doté à cette fin de pouvoirs d'investigation et de coercition étendus. Il doit donc interroger le poursuivi sur la composition de son patrimoine, sans se contenter de vagues indications données par ce dernier, ni se borner à enregistrer ses déclarations. Il doit les vérifier en exigeant, et en obtenant, les justificatifs correspondants. Si le créancier mentionne des pistes concernant les biens saisissables du débiteur, l'Office doit les creuser (arrêt du Tribunal fédéral 7B.212/2002 du 27 novembre 2002; Gilliéron, Commentaire de la LP, n° 12 et ss ad art. 91 LP; ATF 83 III 63).

2. En l'espèce, la plaignante fait grief à l'Office de ne pas avoir investigué trois pistes qu'elle lui avait suggérées dès le mois de décembre 2021 s'agissant de déterminer les ressources de sa débitrice et lui reproche un déni de justice. L'Office lui a confirmé par courrier du 1er juillet 2022 ne pas vouloir poursuivre son enquête sur ces objets, invoquant le fait que la Chambre de surveillance avait rendu une décision sur ses plaintes.

2.1 La plaignante invoquant un déni de justice, la question du respect du délai de plainte et de l'existence d'une mesure attaquable par la voie de la plainte au sens de l'art. 17 LP sont sans pertinence pour statuer sur la recevabilité de la plainte. Cette dernière est par conséquent recevable dans la mesure où l'Office aurait commis un déni de justice.

En l'occurrence, en ne procédant pas aux investigations expressément requises par la plaignante jusqu'au dépôt de plainte, puis en les refusant expressément dans un courrier du 1re juillet 2022 adressé à la plaignante, l'Office s'expose au reproche de déni de justice. Reste à déterminer si les pistes évoquées par la plaignante étaient suffisamment sérieuses pour justifier une intervention de l'Office.

2.2 S'agissant d'enquêtes auprès d'organismes de transferts internationaux d'argent, la plaignante s'en prévaut de longue date et l'Office, à la connaissance de la Chambre de céans, n'est jamais entré en matière. La Chambre ignore également si l'Office a manifesté expressément et motivé son refus d'instruire ce point.

La plaignante a invoqué cette piste au motif qu'il était notoire que les travailleurs étrangers employés en Suisse envoient de l'argent dans leur pays d'origine par le biais d'organismes de transferts internationaux. Elle invoque également, en l'espèce, la présence d'un unique transfert de ce genre dans les décomptes bancaires de la débitrice. De telles circonstances sont insuffisantes pour constituer des indices sérieux susceptibles de déclencher une enquête fastidieuse et coûteuse auprès de divers organismes de transferts, dont le résultat sera de surcroît aléatoire et peu probant s'agissant de déterminer les gains de la débitrice. C'est ainsi avec raison que l'Office a refusé de longue date de donner suite à cette requête et l'on ne saurait lui reprocher aujourd'hui un déni de justice.

2.3 Concernant l'absence de preuve documentaire du loyer versé par la débitrice, il s'agit d'un grief nouvellement invoqué par la plaignante à la connaissance de la Chambre de surveillance.

Le refus de l'Office d'investiguer cette piste est justifié par le fait que l'on voit mal ce qu'il pourrait obtenir de plus si le loyer est versé de la main à la main au bailleur et qu'il n'existe donc aucune preuve documentaire du paiement. Il ne saurait inventer de telles preuves. Il ne peut donc que se satisfaire des déclarations des intéressés.

Les charges de logement de la débitrice avaient d'ailleurs fait l'objet d'investigations par l'Office dans le cadre de la première plainte de A______ SA (cf. supra, "En fait", A.k) pour aboutir à leur fixation à hauteur de 550 fr. La plaignante n'a, depuis lors, plus formulé de grief à ce propos à la connaissance de la Chambre de céans. Le reproche de déni de justice formulé aujourd'hui est par conséquent infondé – s'il n'est pas irrecevable pour tardiveté –, dans la mesure où la plaignante n'apporte aucun indice nouveau et sérieux permettant de douter des charges de logement de la débitrice retenues par l'Office depuis longtemps.

2.4 En ce qui a trait à une activité lucrative déployée par la débitrice à H______, soupçonnée sur la base d'indices non négligeables par la plaignante, l'Office semble n'avoir entrepris aucune investigation et il a clairement refusé d'y procéder dans le courrier du 1er juillet 2022.

Il peut lui être reproché de ne pas avoir creusé une piste qui aurait permis de constater des revenus plus importants que ceux annoncés par la débitrice, dans l'intérêt de ses créanciers, alors que des indices suffisants existaient.

Les déclarations de la débitrice et de C______ ont été fluctuantes et se sont révélées fausses à plusieurs reprises depuis que l'Office traite de poursuites contre B______. Des doutes sont permis sur le fait que cette dernière déploie réellement une activité à plein temps auprès de cette employeuse et qu'elle ne complète pas son temps de travail ainsi que ses revenus par une activité auprès d'autres employeurs. La débitrice a même expressément déclaré à l'Office, le 3 décembre 2020, travailler à mi-temps pour C______, avant de se rétracter (cf. supra "En fait" A.k et B.f), vraisemblablement en raison du fait qu'elle avait mis son employeuse en délicatesse avec la Mission suisse, les conditions d'engagement de B______ n'étant pas conformes à l'ODPr.

Un déni de justice doit par conséquent être constaté à cet égard, ce d'autant plus que la Chambre avait expressément invité l'Office à investiguer cet élément nouveau dans sa décision du 9 mai 2022. C'est ainsi à tort que l'Office affirme, dans son courrier du 1er juillet 2022, que la décision du 9 mai 2022 réglait tous les griefs de la plaignante et qu'il n'y avait plus lieu d'y revenir.

2.5 Compte tenu du fait que la saisie litigieuse est désormais terminée, ce constat ne présente plus d'intérêt en l'espèce et pourrait justifier que la plainte soit déclarée devenue sans objet. Il importe toutefois que l'attention de l'Office soit attirée de manière plus marquée sur cette problématique pour les futures saisies de gain de la débitrice qui ne manqueront pas d'intervenir. La Chambre de surveillance constatera par conséquent un déni de justice, ce constat n'ayant pas perdu tout intérêt.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte du 27 juin 2022 de A______ SA pour déni de justice dans le cadre de la saisie, série n° 7______, au préjudice de B______.

Au fond :

Constate un déni de justice de l'Office cantonal des poursuites dans la mesure où il n'a pas investigué, sur requête justifiée de la plaignante, l'existence de revenus complémentaires de la débitrice.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.