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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3041/2022

DCSO/10/2023 du 19.01.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Séquestre LP; séquestre pénal; estimation des actifs
Normes : lp.275; lp.276; lp.97; lp.44
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3041/2022-CS DCSO/10/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 19 JANVIER 2023

 

Plainte 17 LP (A/3041/2022-CS) formée en date du 19 septembre 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me B______, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me B______

______

______.

- C______

c/o Me BOBILLIER Sophie

BOLIVAR BATOU & BOBILLIER

Rue des Pâquis 35

1201 Genève.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Par arrêt du 6 janvier 2017, la Chambre des Prud'hommes de la Cour de justice a condamné B______ et son épouse A______ à payer à leur ancienne employée de maison, C______, les montants bruts de 52'640 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2006, 22'107 fr. 40, plus intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2008, et 85'951 fr. 80, plus intérêts à 5% l'an dès le 31 août 2008, sous déduction d'un montant net de 20'400 fr.

b. B______ et A______ font par ailleurs l'objet de la procédure pénale n° P/1______/2018, ouverte à leur encontre des chefs d'usure, contrainte, traite d'êtres humains, emploi d'étrangers sans autorisation, incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux ainsi que d'infractions aux assurances sociales.

C______, et trois autres personnes, se sont constituées parties plaignantes dans cette procédure, l'une d'elles ayant fait valoir des prétentions civiles à hauteur de quelques 250'000 fr.

Dans ce cadre, à la suite d'une perquisition, le Ministère public a séquestré des objets se trouvant dans un coffre situé dans la résidence genevoise utilisée par B______ et A______, soit les pièces 1 à 202 de l'inventaire du 11 avril 2019. Selon un rapport de police du 18 novembre 2019, il s'agissait de bijoux et de montres de très grande valeur, estimés par le service des bijoux de la police à quelques 8 millions de francs suisses, sur la base notamment des prix de catalogue pour les bijoux et montres de marque.

Les époux D______/A______ ont par ailleurs versé des sûretés à hauteur de 150'000 fr. dans la procédure pénale.

c. Le 18 juin 2019, sur requête de C______, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre, au préjudice de "A______", des sûretés versées dans la procédure pénale n° P/1______/2018 d'un montant de 150'000 fr. et des objets séquestrés dans cette même procédure, et ce à hauteur des montants alloués par l'arrêt de la Chambre des Prud'hommes précité.

Le procès-verbal de séquestre indique que "A______" est sans domicile connu mais qu'elle a sa résidence habituelle au no. ______, route 2______ à D______ (GE).

d. Le même jour, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a exécuté le séquestre (n° 3______) auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire, et ce à hauteur de 165'749 fr. 30, plus intérêts et frais.

e. Par courrier du 19 juin 2019, les Services financiers du Pouvoir judiciaire ont informé l'Office de ce que le séquestre avait porté, sous réserve des décisions qui seraient prises quant au sort des sûretés et des biens séquestrés dans le cadre de la procédure pénale.

f. Le 25 juin 2019, l'Office a établi le procès-verbal de séquestre, lequel mentionne que le séquestre a porté en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire, dont le courrier a été annexé.

g. Le 5 juillet 2019, C______ a introduit la poursuite en validation de séquestre contre A______.

La réquisition de poursuite indique comme adresse professionnelle de la débitrice rue 4______ no. ______ à F______ (République Démocratique du Congo).

h. Le procès-verbal de séquestre a été expédié à "A______" à l'adresse de sa résidence de D______, par courrier recommandé du 31 juillet 2019. L'Office n'a fourni aucun élément permettant de savoir ce qu'il est advenu de ce pli recommandé, étant relevé que les informations de suivi ne sont plus accessibles sur le site de La Poste passé un délai de 360 jours suivant l'envoi d'un recommandé.

Par pli du 16 décembre 2019, Me B______, avocat de A______, a indiqué à l'Office que la fille de sa cliente lui avait transmis la copie d'un avis – concernant une autre poursuite "n° 5______" – qui avait été déposé dans la boîte aux lettres du logement dont elle était propriétaire à E______ [GE]. L'avocat rappelait que sa mandante n'était toutefois pas domiciliée à cette adresse, mais qu'elle vivait de longue date à l'avenue 6______ n° ______ à F______ en République Démocratique du Congo. Il attirait également l'attention de l'Office sur le fait que cette dernière ne portait pas le nom de son époux. Me B______ demandait dès lors à l'Office de ne pas donner suite à la réquisition de poursuite susmentionnée, qui contenait des indications erronées, ou de la notifier au domicile de A______ en République Démocratique du Congo.

Une procuration était jointe à cette missive, confirmant les pouvoirs de l'avocat pour représenter et assister A______ dans le cadre de la procédure pénale et des poursuites, sans mention d'une élection de domicile.

i. L'Office a modifié la page 3 du procès-verbal de séquestre le 12 décembre 2019 et prolongé le délai d'opposition à 60 jours, pour tenir compte du domicile étranger de la débitrice.

j.a Le 14 février 2022, A______ et son époux ont formé plainte au sens de l'art. 17 LP auprès de la Chambre de surveillance contre le procès-verbal de séquestre n° 7______ émis le 25 juin 2019 à l'encontre de B______ dans le cadre d'une procédure parallèle à la présente, l'acte en cause ayant été notifié au conseil de B______ le 4 février 2022 (cause A/8______/2022). Les plaignants avaient conclu à l'annulation du procès-verbal de séquestre en tant qu'il visait les objets séquestrés par le Ministère public dans la procédure pénale, listés sous numéros 1 à 202 de l'inventaire de la police du 11 avril 2019.

B______ a notamment reproché à l'Office de n'avoir effectué aucune estimation des objets séquestrés, en violation de l'art. 97 LP, et d'avoir par conséquent séquestré beaucoup plus que nécessaire, au vu de la valeur globale des bijoux. A______ a quant à elle fait valoir que les bijoux lui appartiendraient, s'agissant d'objets destinés à être portés par une femme, de sorte qu'il ne s'agissait pas d'actifs du débiteur séquestré.

j.b Par décision DCSO/267/22 du 30 juin 2022, la Chambre de céans a rejeté la plainte formée par les époux susvisés.

Il a été retenu que le procès-verbal de séquestre ne mentionnait certes pas la valeur estimée des bijoux et montres séquestrés et ne permettait donc pas de déterminer si le séquestre serait excessif, comme le soutenaient les plaignants. Cela étant, le procédé de l'Office n'était en l'occurrence pas critiquable, dès lors qu'au moment d'établir le procès-verbal de séquestre, cette question était prématurée. En effet, d'une part, l'Office ne pouvait pas partir de l'idée que les sûretés versées par les époux dans la procédure pénale, à hauteur de 150'000 fr., seraient finalement affectées au séquestre LP et suffiraient donc à couvrir l'assiette provisoire du séquestre. En fonction de l'issue de la procédure pénale, les sûretés versées pourraient être intégralement utilisées pour payer les éventuelles peines pécuniaires, les amendes, les frais et les indemnités mises à la charge des prévenus, conformément à l'art. 239 al. 2 CPP, et échapperaient ainsi au séquestre LP. De plus, l'Office avait fixé l'assiette provisoire du séquestre à 320'000 fr., montant que les plaignants ne critiquaient pas et qui était nettement supérieur à celui des sûretés, qui n'étaient dès lors pas suffisantes en tout état de cause. D'autre part, il n'était pas possible de savoir comment l'Office aurait pu déterminer sur quelle partie des objets en mains du Pouvoir judiciaire il devait faire porter le séquestre. Au moment de prendre la décision attaquée, l'Office ignorait en effet dans quel but le séquestre pénal avait été ordonné – en vue de confiscation, de restitution au lésé, de paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités ou en garantie d'une éventuelle créance compensatrice - et donc s'il était censé primer ou pas le séquestre LP. Il ignorait également quelle partie de ces objets serait, le cas échéant, affectée par les autorités pénales au paiement notamment des frais, peines pécuniaires, amendes ou indemnités et donc soustraite définitivement au séquestre LP. En effet, dans cette hypothèse, les autorités pénales décideraient le moment venu quels objets réaliser, rendant ainsi mal aisé pour l'Office de faire porter le séquestre sur une partie seulement de ces actifs.

La Chambre de céans a aussi considéré que les bijoux et montres séquestrés faisaient – aussi – partie du patrimoine de B______, et ce quand bien même son épouse s'en prétendait seule propriétaire, ce qui ne résultait pas du dossier.

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral et est donc entrée en force.

k. Le 8 juillet 2022, Me B______ a informé l'Office de ce que A______ élisait domicile en son étude pour la notification des actes de poursuite.

l. Le 6 septembre 2022, le procès-verbal de séquestre n° 3______ a été communiqué à Me B______, qui l'a reçu le lendemain.

B. a. Par acte posté le 19 septembre 2022 à la Chambre de surveillance, A______ a formé plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de séquestre n° 3______. Elle conclut à son annulation en tant qu'il vise les objets séquestrés par le Ministère public dans la procédure pénale, listés sous numéros 1 à 202 de l'inventaire de la police du 11 avril 2019. Elle demande en outre qu'il soit ordonné à l'Office de requérir une expertise afin de déterminer la valeur des bijoux séquestrés, puis d'établir un nouveau procès-verbal de séquestre se limitant à séquestrer ce qui est nécessaire au recouvrement de la créance de C______.

A______ reproche à l'Office de n'avoir effectué aucune estimation des objets séquestrés, en violation de l'art. 97 LP, et d'avoir par conséquent séquestré beaucoup plus que nécessaire, la valeur globale des bijoux étant de 7'942'312 fr. selon l'estimation effectuée par la police en novembre 2019. Elle fait en outre grief à l'Office de ne pas avoir procédé à une expertise après que la décision DCSO/267/22 susmentionnée du 30 juin 2022 ait été rendue, comme il s'y était engagé dans ses déterminations du 10 mars 2022 dans le cadre de la procédure y relative.

b. Aux termes de son rapport, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet. Il a préalablement relevé que la plainte semblait tardive, car le procès-verbal de séquestre présentement litigieux aurait été valablement notifié à la plaignante le 25 juin 2019. En outre, il apparaissait peu probable que l'avocat de la plaignante – qui était également le conseil de l'époux de cette dernière – n'ait pas inféré des circonstances qu'un séquestre avait également été prononcé en 2019 contre sa cliente, qui était solidairement codébitrice et co-prévenue avec son époux. L'Office a par ailleurs fait valoir que la plaignante ne disposait d'aucun intérêt digne de protection pour agir par la voie de la plainte. Pour le surplus, l'Office s'est engagé à procéder à une expertise dans le cas où la procédure pénale apporterait des réponses sur le sort des objets séquestrés.

c. C______ a conclu au rejet de la plainte. Elle a rappelé que le séquestre pénal primait le séquestre civil, de sorte que les actifs séquestrés pénalement devaient prioritairement servir à couvrir notamment les frais de la procédure pénale, d'éventuelles indemnités ainsi que les prétentions civiles de toutes les parties plaignantes. Il n'était par conséquent pas possible de déterminer la valeur des biens qui subsisteraient à l'issue de la procédure pénale.

d. Par courrier du 21 octobre 2022, les parties et l'Office ont été avisés de ce que l'instruction de la cause était close.


 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), à savoir un procès-verbal de séquestre, et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable, contrairement à ce que fait valoir l'Office.

D'une part, dans la mesure où la présente procédure de plainte concerne un procès-verbal de séquestre émis au préjudice de la plaignante – au contraire de la procédure A/8______/2022 qui concernait le mari de la plaignante, chacun des époux faisant l'objet d'une procédure d'exécution forcée distincte – l'intéressée dispose en soi d'un intérêt propre à former plainte contre cette mesure de l'Office.

D'autre part, la question de savoir si le conseil de la plaignante pouvait avoir connaissance, avant le mois de septembre 2022, de l'existence d'un éventuel séquestre prononcé à l'encontre de sa cliente n'est pas déterminante, puisque c'est la communication effective du procès-verbal de séquestre à la débitrice qui fait courir le délai de plainte de l'art. 17 al. 2 LP contre l'exécution du séquestre (cf. DCSO/418/2021 du 21 octobre 2021 consid. 1.2; DCSO/277/2009  du 25 juin 2009 consid. 2b; Kren Kostkiewicz, in Kommentar zum SchKG, 4ème édition 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n. 8 ad art. 276 LP). Or, aucun élément concret du dossier ne permet d'établir que la plaignante se serait vu notifier le procès-verbal de séquestre litigieux avant qu'il n'ait été communiqué à son conseil en date du 7 septembre 2022. En particulier, il n'est pas démontré que l'acte litigieux aurait été notifié à la plaignante le 25 juin 2019 (date où il a été établi) ou à une date ultérieure, notamment courant 2019. La plainte déposée le 19 septembre 2022 n'est dès lors pas tardive.

2. La plaignante reproche à l'Office d'avoir établi le procès-verbal de séquestre sans procéder – même a posteriori – à une quelconque estimation des bijoux et montres séquestrés, au besoin en recourant à un expert, et d'avoir séquestré beaucoup plus que nécessaire, au regard de l'assiette du séquestre et de la valeur de ces biens.

2.1.1 Selon l'art. 97 al. 2 LP, applicable par analogie à l'exécution du séquestre en vertu de l'art. 275 LP, l'Office ne saisit - respectivement ne séquestre - que les biens nécessaires pour satisfaire les créanciers saisissants (ou séquestrants) en capital, intérêts et frais. Il en résulte que, lorsqu'il procède à l'exécution d'un séquestre (art. 274 al. 1 LP), l'Office doit fixer l'assiette du séquestre, soit le montant nécessaire et suffisant pour satisfaire le créancier séquestrant et au-delà duquel les avoirs visés dans l'ordonnance de séquestre ne peuvent plus être séquestrés (Meier-Dieterle, in KUKO SchKG, n. 7 ad art. 275 LP).

Selon le texte légal, le montant de l'assiette du séquestre comporte trois éléments, à savoir le capital de la créance pour laquelle le séquestre a été ordonné, les intérêts sur cette créance et les frais de poursuite, qui comprennent les frais judiciaires de l'ordonnance de séquestre, ceux d'exécution du séquestre, les frais de poursuite futurs (y compris les frais liés à une procédure sommaire de mainlevée; Ochsner, Exécution du séquestre, in JT 2006 II 77, p. 111).

2.1.2 Le procès-verbal de séquestre, que l'Office doit dresser, contient la désignation des biens séquestrés et de leur valeur (art. 276 LP).

L'estimation de la valeur des biens et son indication dans le procès-verbal de séquestre (cf. art. 276 al. 1 LP) est une condition de validité de l'exécution du séquestre (ATF 113 III 104 consid. 4). Le fonctionnaire procède à cette estimation, au besoin en s'adjoignant des experts (art. 97 al. 1 LP applicable par analogie en vertu du renvoi de l'art. 275 LP).

Le procès-verbal de séquestre doit mentionner toutes les opérations entreprises par l'office pour l'exécution ainsi que les évènements survenus postérieurement. Par exemple, le procès-verbal mentionnera : la date à laquelle les avis prévus à l'art. 99 LP ont été expédiés ou communiqués aux tiers; les réponses obtenues de leur part; les démarches subséquentes entreprises par l'office en vue de déterminer les actifs visés; les décisions de l'office relatives aux mesures de sûretés prises en application des art. 98 ss LP; ou encore la substitution des actifs par des sûretés en vertu de l'art. 277 LP (Ochsner, op. cit., p. 116).

Compte tenu des aléas de l'exécution, toutes ces informations ne pourront pas être mentionnées immédiatement. L'office ne peut toutefois pas attendre de toutes les avoir en sa possession avant d'expédier le procès-verbal. Il faut donc admettre que le procès-verbal puisse être complété après une première expédition qui devra au moins contenir les mesures d'exécution prises par l'office, ainsi que la portée de ces mesures pour autant qu'elle soit connue ou les raisons pour lesquelles elle ne peut pas être établie (Ochsner, op. cit., p. 117).

2.2. Selon les termes de l'art. 44 LP, la réalisation d'objets confisqués en vertu des lois fédérales ou cantonales en matière pénale ou fiscale s'opère en conformité avec ces lois.

La jurisprudence applique cette disposition au séquestre pénal, lorsque celui-ci a pour but de garantir la confiscation, la restitution au lésé, le paiement des frais de procédure, le paiement des peines pécuniaires, le paiement des amendes ou le paiement des indemnités (art. 265 CPP). Un séquestre pénal ordonné dans l’un ou l’autre de ces buts "prime" le séquestre LP "en cas de conflit" (cf. Pahud, Le séquestre et la protection provisoire des créances pécuniaires, AISUF - Travaux de la Faculté de Droit de l'Université de Fribourg, note de bas de page n° 786 et les références). Il en découle que tant que le séquestre pénal n’a pas été levé, le créancier ne saurait obtenir la réalisation des biens qui font également l’objet du séquestre LP. Le séquestre peut être converti en saisie mais le créancier ne saurait requérir la réalisation. Lorsqu’une décision de l’autorité pénale entre en force et que les droits patrimoniaux sont confisqués, restitués au lésé ou utilisés pour payer les frais, peines pécuniaires, amendes ou indemnités, le séquestre LP ou la saisie perdent leur objet dans cette mesure. Cette "disparition" de tout ou partie des droits patrimoniaux doit être constatée d’office par chaque autorité chargée de l’exécution du séquestre, de la saisie ou de la faillite. Sauf nullité de la décision pénale, les autorités de poursuite et de faillite sont liées et ne peuvent pas refuser de la reconnaître (Pahud, op. cit., p. 165). Le séquestre aux fins de garantie ou de couverture des frais et indemnités à verser, ou des peines pécuniaires et des amendes peut être ordonné sur tous les biens du prévenu, même ceux sans rapport avec l'infraction (Moreillon / Parein-Reymond, Petit commentaire CPP, 2013, ad art. 263 et 268 CPP).

En revanche, le séquestre pénal ordonné en garantie de la créance compensatrice ne fait pas obstacle à la réalisation des droits patrimoniaux au terme d’une saisie ou d’une faillite. L’exécution forcée de la créance compensatrice s’opère selon la LP et l’Etat – ou le lésé auquel la créance compensatrice a été allouée – doit s’y conformer comme tout autre créancier (Pahud, op. cit., p. 165).

2.3 En l'occurrence, le séquestre a porté sur des actifs en mains du Pouvoir judiciaire, à savoir les sûretés en 150'000 fr. versées dans le cadre de la procédure pénale et les montres et bijoux saisis dans la même procédure.

Il est avéré que le procès-verbal de séquestre ne mentionne pas la valeur estimée des bijoux et montres séquestrés.

Toutefois, à l'instar de ce que la Chambre de céans a retenu dans le cadre du séquestre de ces mêmes actifs au préjudice de l'époux de la plaignante, le procédé de l'Office n'est pas critiquable. En effet, d'une part, l'Office ne pouvait pas partir de l'idée que les sûretés versées par la plaignante dans la procédure pénale, à hauteur de 150'000 fr., seraient finalement affectées au séquestre LP et suffiraient donc à couvrir l'assiette provisoire du séquestre. En fonction de l'issue de la procédure pénale, les sûretés versées pourraient être intégralement utilisées pour payer les éventuelles peines pécuniaires, les amendes, les frais et les indemnités mises à la charge de la plaignante et de son époux, et échapperaient ainsi au séquestre LP. De plus, l'Office a fixé l'assiette provisoire du séquestre à 320'000 fr., montant qui n'est pas critiqué pas et qui est nettement supérieur à celui des sûretés, qui ne sont dès lors pas suffisantes en tout état de cause.

D'autre part, l'on ne voit pas comment l'Office aurait pu déterminer sur quelle partie des objets saisis pénalement, et qui se trouvent en mains du Pouvoir judiciaire, il devait faire porter le séquestre. Au moment de prendre la décision attaquée, l'Office ignorait en effet dans quel but le séquestre pénal avait été ordonné – en vue de confiscation, de restitution au lésé, de paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités ou en garantie d'une éventuelle créance compensatrice - et donc s'il était censé primer ou pas le séquestre LP. Il ignorait également quelle partie de ces objets serait, le cas échéant, affectée par les autorités pénales au paiement notamment des frais, peines pécuniaires, amendes ou indemnités et donc soustraite définitivement au séquestre LP. En effet, dans cette hypothèse, les autorités pénales décideront le moment venu quels objets réaliser, rendant ainsi mal aisé pour l'Office de faire porter le séquestre sur une partie seulement de ces actifs, étant encore observé que la plaignante n'allègue pas que la procédure pénale dirigée contre elle et son époux serait depuis lors suffisamment avancée pour permettre de connaître le sort des actifs séquestrés pénalement.

En fonction de l'évolution de la situation, en particulier de la procédure pénale, l'Office pourra procéder à l'estimation des bijoux et montres à leur valeur de réalisation dans le cadre d'une exécution forcée, qui est inférieure aux prix de catalogue, puis le cas échéant compléter le procès-verbal de séquestre.

Il s'ensuit que la présente plainte, infondée, sera rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 19 septembre 2022 par A______ contre le procès-verbal de séquestre n° 3______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.