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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1233/2021

DCSO/529/2022 du 16.12.2022 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Notification; Publication; Ile Maurice
Normes : LP.66.al4.ch3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1233/2021-CS DCSO/529/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 15 DECEMBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/1233/2021-CS) formée en date du 12 avril 2021 par A______, comparant en personne.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- A______

______

______

MAURICE.

- B______

c/o Me FAILLOT Edouard

Faerus SA

Rue De-Candolle 16

1205 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 7 mars 2019, sur requête de B______, le Tribunal de première instance a ordonné au préjudice de A______, domicilié à l'Île Maurice, le séquestre, à concurrence de 249'626 fr. 71 plus intérêts à 5% l'an dès le 4 juillet 2015, des biens de ce dernier en mains de la [banque] C______.

Le séquestre, fondé sur l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, a été exécuté le jour même par l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office).

b. Le 12 mars 2019, l'Office a communiqué au conseil de B______ le procès-verbal de séquestre, n° 1______.

c. Par courrier daté du 15 mars 2019, adressé au Tribunal et à l'Office, A______ a indiqué qu'il avait été informé du séquestre par son banquier. Il n'avait pas encore reçu le procès-verbal de séquestre mais formait d'ores et déjà opposition au séquestre, contestant l'existence de toute créance à son encontre en Suisse.

d. Par jugement du 6 novembre 2019, le Tribunal de première instance a rejeté l'opposition à séquestre formée par A______, représenté par Me D______, avocat à Lausanne. Par arrêt du 28 janvier 2020, confirmé par le Tribunal fédéral, la Cour de justice a accueilli partiellement le recours de A______, en ce sens qu'elle a confirmé le séquestre à hauteur de 28'435 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 31 décembre 2018 et ordonné la levée du séquestre pour le surplus.

e. Le 29 août 2019, l'Office a transmis le procès-verbal de séquestre n° 1______ à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'OFJ), en vue de sa communication à A______ à l'Île Maurice.

f. Le 3 juin 2020, l'OFJ a informé l'Office que l'Autorité centrale de l'Île Maurice estimait qu'elle ne pouvait pas traiter la demande d'entraide judiciaire, laquelle ne remplissait pas les exigences requises, qui avaient changé dans l'intervalle. L'Office était invité à attendre le retour formel du dossier avant de déposer une nouvelle requête de notification.

g. Le 15 décembre 2020, l'Office a écrit à A______ à son adresse à l'Île Maurice, afin d'organiser la communication du procès-verbal de séquestre, la notification par les voies diplomatiques ne pouvant être accomplie dans un délai convenable.

h. Par courrier du 23 février 2021, l'Office a informé le conseil de B______ de ce que la notification par les voies diplomatiques du procès-verbal de séquestre ne pouvait intervenir dans un délai convenable. A défaut d'une nouvelle adresse de notification, la créancière était invitée à se porter fort des frais de publication du procès-verbal de séquestre dans la Feuille d'avis officielle (ci-après: FAO) et la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC).

i. Le conseil de B______ a répondu à l'Office que l'épouse du poursuivi et ses filles résidaient à E______ [VD], A______ alléguant ne pas y être domicilié.

j. Par lettre du 11 mars 2021, l'Office a demandé à Me D______, avocat à Lausanne ayant représenté A______ dans la procédure d'opposition à séquestre, s'il y avait une élection de domicile en son étude pour la notification du procès-verbal de séquestre.

k. Le 23 mars 2021, Me D______ a répondu qu'il représentait A______ dans une procédure civile ouverte dans le canton de Vaud mais pas aux fins de la notification d'actes de poursuite. Les conditions pour procéder à une notification par voie édictale n'étaient pas réunies.

l. Par lettre du 30 mars 2021, l'Office a indiqué à Me D______ qu'il maintenait sa décision de procéder à la notification du procès-verbal de séquestre par voie édictale, dès lors qu'il n'avait pas eu de retour de la notification par les voies diplomatiques.

B. a. Par acte expédié le 9 avril 2021 par [l'entreprise de transport de colis et courriers] F______ depuis l'Île Maurice, reçu par la Chambre de surveillance le 12 avril 2021, A______ a formé plainte contre la décision de l'Office du 30 mars 2021 adressée à Me D______ et qu'il avait reçue "au plus tôt" le 1er avril 2021.

Il n'avait pas désigné un domicile de notification en Suisse et la notification à l'Île Maurice par les voies diplomatiques était possible, de sorte que les conditions pour procéder par voie de publication n'étaient pas réunies.

b. L'Office a conclu au rejet de la plainte. Selon le guide de l'entraide judiciaire, la notification à l'Île Maurice était réputée difficile et pouvait prendre entre trois et 10 mois. Or, dans le cas d'espèce, après 21 mois, la demande de notification n'avait toujours pas abouti, l'Office n'ayant rien reçu en retour. De plus, les conditions posées par les autorités mauriciennes avaient changé, rendant la notification impossible, de sorte que seule la publication entrait en considération.

L'Office a produit en annexe à son rapport notamment des échanges de courriels avec l'OFJ. Aussi, par courriel du 17 décembre 2020, l'OFJ a informé l'Office qu'il n'était à "l'heure actuelle" pas possible de recevoir des actes en retour (de l'Ile Maurice). En date du 22 février 2021, l'OFJ avait fait savoir qu'une solution avait été trouvée avec l'Île Maurice, pays vers lequel il était de nouveau possible d'envoyer des demandes de notification. Par courriel du 21 avril 2021, l'OFJ a informé l'Office que l'Île Maurice avait prononcé un lockdown complet, qui empêchait toute notification.

c. B______ a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet.

La décision attaquée avait été reçue le 1er avril 2021 par le conseil du plaignant, de sorte que le délai de plainte de dix jours était arrivé à échéance le 11 avril 2021. Or, la plainte avait été reçue par la Cour le 12 avril 2021, soit le lendemain de l'échéance du délai, de sorte qu'elle était tardive.

La durée de la procédure de notification par la voie diplomatique avait été exceptionnellement longue, de sorte que l'Office avait à raison décidé de procéder par voie de publication.

d. A______ s'est déterminé en date des 4 et 19 juin 2021. Il a notamment exposé que la notification à l'Île Maurice était possible, preuve en était qu'un autre procès-verbal de séquestre, n° 2______, lui avait été notifié à l'Île Maurice en juin 2021. Les documents relatifs à cette notification étaient joints à cette détermination.

e. Par courrier du 12 janvier 2022, la Chambre de céans a invité à l'Office à confirmer la notification par les voies diplomatiques du procès-verbal de séquestre n° 2______ et à indiquer si, entretemps, il y avait eu des retours concernant la notification du procès-verbal de séquestre n° 1______.

f. Par courrier du 25 mars 2022, l'Office a répondu qu'il avait reçu en octobre 2021, un retour de l'OFJ concernant la notification d'un acte de poursuite à A______. Il s'agissait d'un document du Ministre des affaires étrangères mauricien du 28 juillet 2021, accompagné d'annexes, soit une ordonnance du juge du 7 juin 2021, un avis de dénonciation du 15 juin 2021 et un avis de retour d'un huissier du 16 juin 2021.

Interpellé à nouveau, l'OFJ n'avait pas été en mesure de fournir des réponses claires concernant les actes qui avaient été le cas échéant pu être notifiés à A______. Cette situation démontrait que la notification par voie édictale s'imposait.

g. B______ a observé que le procès-verbal de séquestre n° 1______ n'avait toujours pas pu être notifié, selon les indications de A______. Les conditions pour procéder par voie de publication étaient donc réunies.

h. Par courriers des 23 et 29 avril 2022, A______ a communiqué à la Chambre de céans la correspondance qu'il avait reçue en lien avec la notification à son adresse à l'Île Maurice du procès-verbal de séquestre n° 3______. Il était évident que les procédures de notifications par voie diplomatique fonctionnaient.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.1.2 Les actes doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai soit au tribunal soit à l'attention de ce dernier, à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 143 al. 1 CPC par renvoi de l'art. 31 LP).

Hormis celui du Liechtenstein, les offices postaux étrangers ne sont pas assimilés à un bureau de poste suisse; pour que le délai soit sauvegardé en cas de dépôt auprès d'un office postal étranger, il faut que le pli contenant l'écriture arrive le dernier jour du délai au plus tard ou que la Poste Suisse en prenne possession avant l'expiration du délai (arrêts du Tribunal fédéral 5A_427/2018 du 2 juillet 2018 consid. 4.1; 4A_468/2013 du 21 octobre 2013 consid. 3.1). Lorsque le destinataire d'une décision est domicilié à l’étranger, l’indication des voies de droit doit mentionner que le mémoire de recours doit être remis, au plus tard le dernier jour du délai, à La Poste suisse ou auprès d’une représentation diplomatique ou consulaire suisse. A défaut, si le recourant n'avait pas connaissance de cette règle, l'acte déposé dans les délais à la poste étrangère est réputé remis en temps utile, une partie ne devant pas subir de préjudice du fait d'une notification irrégulière d'une décision (ATF 145 IV 259 consid. 1 = JdT 2019 IV 323; Abbet, Petit commentaire CPC, 2020, n. 4 ad art. 143 CPC).

1.2 En l'espèce, l'intimée fait valoir que la plainte, expédiée depuis l'Ile Maurice le 9 avril 2021, serait tardive, dès lors qu'elle est parvenue à la Chambre de céans le 12 avril 2021, soit le lendemain de l'expiration du délai de dix jours, échéant le 11 avril 2021.

Or, la décision querellée, notifiée au demeurant par courrier A+ à un avocat qui n'était pas constitué pour la notification d'actes de poursuite, ne contient aucune indication sur la voie et le délai de recours, de sorte que le plaignant, qui agit en personne et est domicilié à l'étranger, ne saurait subir aucun préjudice en lien avec l'absence de ces indications. La plainte est ainsi recevable.

2. 2.1.1 Lorsque le débiteur demeure à l'étranger, il est procédé à la notification par l'intermédiaire des autorités de sa résidence (art. 66 al. 3 LP). S'il existe un traité international, l'office des poursuites doit se conformer à ses dispositions (ATF 122 III 395 consid. 2a p. 396).

L'art. 66 al. 4 LP autorise la notification par publication lorsqu'un débiteur n'a pas de domicile connu (ch. 1), lorsqu'il se soustrait obstinément à la notification (ch. 2) ou encore lorsqu'une notification à l'étranger ne peut pas être obtenue dans un délai raisonnable (ch. 3).

En raison du risque élevé que le débiteur ne prenne pas effectivement connaissance de la publication et parce qu'elle est susceptible de porter atteinte à la bonne réputation du débiteur, il n'est possible de recourir à la notification par voie édictale qu'en ultima ratio, lorsqu'il n'y a pas d'autres moyens d'atteindre le débiteur. Ainsi, il faut qu'en dépit des recherches et des efforts raisonnablement exigibles de la part du créancier requérant et de l'office, une notification effective au débiteur par l'une des voies prévues notamment à l'art. 66 al. 1 à 3 LP s'avère impossible. Cette stricte subsidiarité est une condition générale applicable aux trois hypothèses dans lesquelles l'art. 66 al. 4 LP autorise une notification par voie de publication (Jeanneret/Lembo, Commentaire romand, Poursuite pour dette et faillite, 2005, n. 19 ad art. 66 LP et les références citées).

2.1.2 L'art. 66 al. 4 ch. 3 LP vise non seulement le cas où les autorités étrangères refusent expressément la notification et renvoient les documents non notifiés, mais également celui où elles ne retournent pas l'acte de poursuite notifié dans un délai convenable, sans pour autant refuser formellement la notification (arrêt du Tribunal fédéral 7B.209/2002 du 27 novembre 2002 et les références citées).

Déterminer ce qu'est un délai convenable au sens de l'art. 66 al. 4 ch. 3 LP est une question d'appréciation que l'office doit résoudre de cas en cas, en considération notamment du pays concerné (Jeanneret/Lembo, op. cit., n. 22 ad art. 66 LP).

Selon le Guide de l'entraide judiciaire de l'Office fédéral de la justice, la notification à l'Ile Maurice, réputée très difficile, s'effectue par le biais de l'Ambassade de Pretoria (Afrique du Sud) et peut prendre entre trois et dix mois.

Le Tribunal fédéral a considéré qu'un délai de cinq à quinze mois prévu pour la notification d'un acte de poursuite à l'étranger, en l'occurrence au Panama, où la notification est réputée difficile, devait être considéré comme convenable au sens de l'art. 66 al. 4 ch. 3 LP et que la notification par voie édictale n'était par conséquent pas ouverte (ATF 129 III 556 consid. 4, in SJ 2004 I 53).

2.2 En l'espèce, au moment de prononcer la décision attaquée, la procédure de notification durait depuis plus de 19 mois. La question de savoir si l'Office pouvait, à ce moment-là, procéder par voie de publication, souffre de rester indécise. En effet, l'Office, qui n'a pas donné suite à sa décision de publier le procès-verbal de séquestre visé par la plainte, a continué à notifier les procès-verbaux de séquestre suivants par voie diplomatique, que le plaignant a effectivement reçus, ainsi que l'attestent les justificatifs y relatifs qu'il a produits, l'Office ayant de son côté reçu en retour, en octobre 2021, des documents de l'OFJ relatifs à une de ces notifications. Les difficultés supplémentaires rencontrées par l'Office en relation avec la notification du procès-verbal de séquestre visé par la plainte semblent ainsi résulter, en partie du moins, de la situation sanitaire qui prévalait en 2020 et en 2021. Il est en effet notoire que l'Île Maurice a décrété des lockdown très stricts au cours de ces deux années.

Compte tenu de ce qui précède et dès lors que la voie de la notification par publication n'est ouverte qu'en dernier ressort, l'Office est tenu de procéder à une nouvelle tentative de notification du procès-verbal de séquestre litigieux.

Il découle de ce qui précède que la plainte doit être admise.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 30 mars 2021 de notifier le procès-verbal de séquestre, n° 1______, par voie de publication.

Au fond :

L'admet.

Ordonne à l’Office cantonal des poursuites de procéder à une nouvelle notification du procès-verbal de séquestre susmentionné.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.