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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1215/2022

DCSO/331/2022 du 01.09.2022 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : lp.17.al1
Résumé : Absence de plainte (demande de réexamen de la situation). Examen de la saisie de gains sous l'angle de 22 al. 1 LP.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1215/2022-CS DCSO/331/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 1ER SEPTEMBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/1215/2022-CS) formée en date du 14 avril 2022 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1961, fait l'objet depuis plusieurs années de saisies successives portant pour l'essentiel sur ses revenus.

De nationalité italienne, elle est célibataire, vit seule et n'a pas de charges de famille.

Elle est sans emploi depuis le mois d'octobre 2019 et perçoit depuis le 2 mars 2020 des indemnités chômage estimées par l'Office à 3'260 fr. par mois. Depuis le mois d'octobre 2021 et pour une période indéterminée, ces indemnités chômage ont été remplacées par des prestations cantonales en cas de maladie de même montant.

b. Dans le cadre de la saisie, série N° 1______, qu'il a exécutée le 25 janvier 2021, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a arrêté à 2'221 fr. par mois le minimum vital de la débitrice, ce montant correspondant à l'addition de l'entretien de base mensuel de 1'200 fr., du loyer de 871 fr., des frais de transport de 70 fr. et d'autres frais à hauteur de 80 fr. Les primes d'assurance maladie obligatoire n'ont pas été prises en compte, leur paiement effectif n'étant pas établi et le fait qu'une partie des poursuites participant à la saisie ait été engagée par l'assureur maladie constituant un indice en sens contraire. Aucun frais médical n'a par ailleurs été pris en compte faute d'allégation et de preuve de paiement.

Selon le procès-verbal de saisie, les revenus de la débitrice étaient donc saisis à hauteur de 1'039 fr. par mois (3'260 fr. – 2'221 fr.) du 25 février 2021 au 25 janvier 2022.

La saisie a également porté, à hauteur de 1'117 fr. 45, soit la totalité des avoirs en compte, sur un compte bancaire dont la poursuivie était titulaire auprès de la banque B______ (ci-après : le compte B______).

c. Le calcul de la quotité saisissable effectué dans le cadre de la saisie, série N° 1______, a été repris sans changement dans le cadre de saisies subséquentes, séries N° 2______ (portant sur les revenus réalisés du 26 janvier au 19 avril 2022) et 3______ (portant sur les revenus réalisés du 20 avril au 5 juillet 2022).

d. Dans le courant des années 2021 et 2022, la poursuivie s'est à plusieurs reprises plainte auprès de l'Office de ne pas pouvoir s'acquitter de ses charges courantes. Elle a en particulier relevé devoir renoncer à des dépenses d'ordre médical (médicaments, traitements dentaires, lunettes, etc.) du fait qu'elle ne disposait pas des montants nécessaires pour les payer.

En réponse à ces doléances, l'Office a restitué à la débitrice, afin de lui permettre de couvrir son minimum vital, un montant de 454 fr. 50 en novembre 2021 et un montant de 500 fr. en décembre 2021.

B. a. Par courrier adressé le 19 avril 2022 à la Chambre de surveillance, A______ lui a demandé de "revoir [s]on dossier" afin qu'elle puisse vivre d'une manière adéquate en ayant accès à des soins médicaux et dentaires corrects.

Elle a exposé devoir régulièrement assumer des frais médicaux (factures de médecin, médicaments, factures de dentiste, lunettes, etc.) dont elle ne pouvait s'acquitter.

Elle était également dans l'incapacité de s'acquitter de ses impôts courants.

Enfin, son compte bancaire B______ n'aurait pas dû être saisi car les montants qui y étaient déposés étaient destinés à ses petits-enfants.

Aucune pièce justificative n'était jointe à la plainte.

b. Dans ses observations du 17 mai 2022, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, qui ne mentionnait aucune décision susceptible d'être contestée par cette voie et qui, en tant qu'elle était dirigée contre le procès-verbal de saisie, série N° 1______, était tardive.

La fixation à 1'039 fr. par mois de la quotité saisissable, laissant à la débitrice un montant de 2'221 fr. pour couvrir ses charges incompressibles, ne constituait pas une atteinte flagrante à son minimum vital et n'était donc pas nulle. En particulier, les impôts ne faisaient pas partie du minimum vital et ne pouvaient donc être pris en considération. Les frais médicaux allégués par la débitrice ne pouvaient en principe pas l'être non plus dès lors que celle-ci n'avait pas établi les acquitter effectivement; l'Office n'en avait pas moins restitué à plusieurs reprises des montants saisis à la poursuivie, de manière à ce que celle-ci puisse couvrir ses charges essentielles.

Enfin, le compte bancaire B______ devait être saisi dans la mesure où c'est bien la débitrice qui en était la titulaire.

c. En l'absence de réplique spontanée de la part de A______, la cause a été gardée à juger le 2 juin 2022.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.1.2 L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP). Tel est le cas, selon la jurisprudence, d'une saisie violant de façon manifeste le minimum vital du débiteur (ATF 114 III 78; arrêt du Tribunal fédéral 5A_680/2015 du 6 novembre 2015 consid. 3; Dieth/Wohl, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 2b ad art. 22 LP).

1.2 En l'occurrence, la poursuivie ne s'en prend pas, dans le courrier qu'elle a adressé le 19 avril 2022 à la Chambre de surveillance, à une mesure individualisée de l'Office. En particulier, elle ne formule aucune conclusion spécifique relative aux divers procès-verbaux de saisie qui lui ont été notifiés, se bornant à demander à la Chambre de céans de "revoir" son dossier, ce qui excède ses compétences en matière de plainte. Le courrier susvisé ne peut donc être considéré comme une plainte; le pourrait-il que son irrecevabilité pour tardiveté (le délai de plainte de dix jours contre les divers procès-verbaux de saisie n'ayant manifestement pas été respecté) et défaut de conclusions devrait être constatée.

Dans la mesure toutefois où la poursuivie se plaint d'une violation manifeste de son minimum vital et qu'un tel vice, pour autant qu'il soit avéré, entraînerait la nullité de la saisie au sens de l'art. 22 al. 1 LP, il y a lieu d'examiner ses griefs.

2. La poursuivie dénonce une violation de son minimum vital à plusieurs égards.

2.1 L'absence de prise en considération de sa charge fiscale est, contrairement à ce qu'elle soutient, bien fondée. De jurisprudence constante en effet, les impôts ne constituent pas des charges indispensables au sens de l'art. 93 al. 1 LP et ne peuvent en conséquence être pris en compte pour déterminer la quotité saisissable des revenus du débiteur (ATF 140 III 337 consid. 4.4).

2.2 C'est à tort également que la poursuivie reproche à l'Office d'avoir saisi les avoirs déposés sur le compte bancaire dont elle était titulaire : cette saisie a en effet porté sur un actif dont elle était la "propriétaire" apparente (et qui n'a du reste fait l'objet d'aucune revendication au sens des art. 106 ss. LP) et dans le respect des règles régissant l'ordre de saisissabilité des actifs (art. 95 LP). Elle ne saurait en tout état être atteinte de nullité puisque les revenus de la débitrice doivent lui permettre de couvrir son minimum vital.

2.3 La poursuivie fait pour l'essentiel valoir que la part de ses revenus laissée à sa disposition ne lui permettait pas de faire face à ses dépenses médicales.

2.3.1 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles la nourriture et les frais de vêtement. D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 des Normes d'insaisissabilité 2022) ou les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI-2022), doivent être ajoutés à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (Ochsner, in CR-LP, n° 82 ad art. 93 LP).

Doivent également être pris en compte les frais médicaux ou de médicaments au sens large (médicaments, dentiste, franchise, etc.), pour autant qu'ils soient effectifs, nécessaires et ne soient pas payés par une assurance (ATF 129 III 242 consid. 4.1). Le montant de la franchise de l'assurance maladie obligatoire et celui de la participation à la charge de l'assuré aux frais de médicaments peuvent être mensualisés et inclus dans les charges indispensables lorsqu'il apparaît certain que, pendant la durée de la saisie, le débiteur devra assumer des frais médicaux excédant ces montants, par exemple en cas de maladie chronique (ATF
129 III 242 consid. 4.3).

L'art. II.9 NI-2022 prévoit que si, au moment de la saisie, le débiteur doit faire face de manière imminente à des dépenses supplémentaires telles que des frais médicaux, il convient de tenir compte de ces dépenses, pour autant qu'elles soient raisonnables, en augmentant temporairement le minimum vital du montant correspondant. Les frais médicaux antérieurs à la saisie ne peuvent en revanche être pris en compte (ATF 85 III 67).

2.3.2 En l'occurrence, il ne résulte pas du dossier que l'Office aurait violé les principes rappelés ci-dessus et porté ainsi atteinte au minimum vital de la débitrice.

Celle-ci invoque certes – pêle-mêle et sans produire de pièces justificatives – divers frais de nature médicale, dont la prise en considération dans le cadre du calcul de la quotité saisissable n'est en soi pas exclue, mais demeure soumise à diverses conditions dont il n'est pas avéré qu'elles soient réalisées. C'est ainsi en particulier que la date et la nature (orthodontie ou traitement d'urgence) des frais de dentiste allégués ne sont pas clairement établies, alors que seuls des frais actuels ou futurs pouvaient être pris en considération au moment de l'exécution de la saisie. La débitrice n'a par ailleurs pas produit de décompte de son assurance maladie, de telle sorte que l'on ignore dans quelle mesure les frais de médicaments notamment lui ont été remboursés. Le caractère nécessaire et raisonnable de certaines dépenses (p. ex. lunettes et traitement d'orthodontie) n'a pas non plus été établi.

Il ressort par ailleurs du dossier que l'Office a bel et bien tenu compte dans une certaine mesure des frais invoqués par la poursuivie. Il a ainsi remboursé à cette dernière en décembre 2021 un montant de 500 fr. correspondant à sa franchise d'assurance maladie obligatoire. Il lui a également versé en novembre 2021 un montant de 454 fr. 50 correspondant vraisemblablement à des frais médicaux.

En résumé, il ne peut être retenu que l'Office aurait refusé de rembourser à la poursuivie les montants nécessaires à la couverture de ses frais médicaux raisonnables et effectifs, et aurait ainsi violé de manière manifeste son minimum vital. La saisie, série N° 1______, n'est ainsi pas nulle, de même que les saisies, séries N° 2______ et 3______, qui l'ont suivie.

2.3.3 L'attention de l'Office sera pour le surplus attirée sur le fait que l'avis au tiers débiteur (art. 99 LP) adressé le 5 novembre 2021 au Service des Prestations cantonales en cas de maladie (pièce 15 Office) fait état d'un minimum vital de 2'145 fr. alors que, selon les procès-verbaux de saisie, il s'élève à 2'221 fr. par mois. L'Office sera dès lors invité à investiguer les causes de cette divergence et, le cas échéant, à rembourser à la débitrice un éventuel trop-perçu.

3. La procédure est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Entre en matière, au sens de l'art. 22 al. 1 LP, sur le courrier adressé le 19 avril 2022 à la Chambre de surveillance par A______.

Au fond :

Constate que les saisies de revenus, séries N° 1______, 2______ et 3______, exécutées à son encontre ne sont pas nulles.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.