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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2222/2006

DCSO/487/2006 du 04.08.2006 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : LP.221, LP.242, LP.240, LP.243.2, LP.256, LP.227, LaLP.7
Résumé : Plaintes formées par une entreprise individuelle sous le nom des raisons individuelles, déclarées recevables comme plaintes de la personne physique les exploitant, qui les a signées. Estimation des biens inventoriés ; expertise ; pouvoir d'appréciation de l'Office. Vente d'urgence d'actifs mobiliers (matériels et immatériels). Biens sujets à dépréciation rapide. Formulation d'offres supérieures et assentiment des créanciers gagistes. Cession d'actifs en contre-partie non simplement d'un versement d'espèces à la masse, mais aussi d'autres prestations avantageant globalement la masse, en particulier par une diminution de la masse passive, sans continuation de bail ni sauvetage d'emplois. Rachat d'une créance chirographaire et abandon de sa production dans la faillite ; procédé susceptible de trahir grossièrement l'esprit du droit de la faillite, en tant qu'elle favorise des créanciers chirographaires au détriment des créanciers privilégiés. La nécessité de veiller aux intérêts de la masse implique la prise en compte des intérêts de chacun des créanciers, et pas seulement des intérêts globaux de la masse. Une revendication portant sur des actifs à réaliser d'urgence bloque le processus, à moins qu'elle ne procède d'un exercice manifestement abusif du droit d'émettre une revendication ou que le produit de la réalisation puisse être substitué à l'actif revendiqué sans réelle lésion des intérêts du revendiquant. La Commission de surveillance ne peut réformer une convention.
En fait
En droit

 

DÉCISION

DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES

SIÉGEANT EN SECTION

DU VENDREDI 4 AOÛT 2006

Cause A/2222/2006, plainte 17 LP formée le 19 juin 2006 par M______ SA,

Cause A/2223/2006, plainte 17 LP formée le 19 juin 2006 par Mme B______,

Cause A/2226/2006, plainte 17 LP formée le 19 juin 2006 par L______ Sàrl,

Cause A/2232/2006, plainte 17 LP formée le 19 juin 2006 par M. P______ (Entreprise J E______ M. P______),

Cause A/2233/2006, plainte 17 LP formée le 19 juin 2006 par M. P______ (Entreprise J C______ M. P______),

Cause A/2234/2006, plainte 17 LP formée le 20 juin 2006 par G & V______ SA,

dirigées toutes six contre la vente d’urgence à O______ SA d’actifs de la faillite de N______ SA du 31 mai 2006 (n° 2006 xxx22 H - OFA 7).

 

Décision communiquée à :

- M______ SA

- Mme B______

 

- L______ Sàrl

 

- M. P______

Entreprise J E______ M. P______

- M. P______

Entreprise J C______ M. P______

- G & V______ SA

Télécommunications

- O______ SA

- Q______ Sàrl

- Office des faillites

Faillite de N______ SA (n° 2006 xxxx22 H - OFA 7)

Chemin de la Marbrerie 13

Case postale 1856

1227 Carouge


 

EN FAIT

A.a. N______ SA a été créée le 7 janvier 2003, avec siège à Genève, pour le financement de sociétés suisses et étrangères, la gestion de patrimoine et l’investissement mobilier et immobilier en Suisse et à l’étranger (CH-XXX-XXXXXXX-X). Elle avait repris certains actifs et passifs et des activités de l’entreprise D______ M. L______ peu avant que cette entreprise individuelle, ayant encore pris la raison individuelle Planification-Conseil M. L______, ne soit mise en faillite, le 31 août 2004 (CH-xxx-xxxxxxx-x).

Depuis le 16 août 2005, N______ SA avait pour administrateur unique M. P______, qui avait été antérieurement consultant puis employé de N______ SA et qui a ensuite conservé cette qualité-ci. Elle exerçait, depuis des locaux situés à Gland (VD), une activité consistant notamment en l’envoi à ses abonnés d’informations routières (telles que ralentissements ou bouchons dus à des travaux ou à des accidents, contrôles radar, contrôles de police) via la téléphonie mobile, par SMS.

A.b. A la fin août 2005, N______ SA a demandé à son principal prestataire de services informatiques (pour le support, le développement de fonctionnalités et la mise à disposition de produits sous licence), Q______ Sàrl (CH-xxx-xxxxxxx-x), du groupe A______ Holding Sàrl (CH-xxx-xxxxxxx-x), d’adapter à ses besoins des applications qu’elle avait développées pour elle-même, soit une application de base dénommée QFCMobile - écrite en langage Java et permettant l’affichage sur des téléphones portables de résultats en mode graphique - et une application QFCLocalizer - utilisable seulement pour des téléphones portables haut de gamme, dont le système d’exploitation appelé Symbian est écrit en langage C++, et servant à localiser les utilisateurs de ces téléphones par rapport aux antennes des opérateurs servant à la transmission des messages.

Les besoins de N______ SA consistaient à passer à un autre mode de transmission de ses messages, soit du mode SMS (impliquant une facturation à l’expéditeur des messages de nature textuelle) au mode GPRS (reportant sur les abonnés le coût des messages, susceptibles d’être de nature textuelle, graphique, musicale, phonique), à transmettre des informations routières s’affichant sous forme graphique et à limiter ces transmissions en fonction de la localisation des abonnés. Q______ Sàrl a effectué des développements dans ce sens, jusqu’à la phase des tests pour certains d’entre eux, développements se trouvant d’une part sur un serveur localisé à Plan-les-Ouates (GE) chez DFI Services SA, hébergeant les infrastructures de communication de N______ SA et assurant leur bon fonctionnement, et d’autre part sur un serveur de développement et de tests situé dans les locaux mêmes d’exploitation de N______ SA à Gland (VD).

A.c. En automne 2005, N______ SA est entrée en contact avec une autre société informatique, L______ Sàrl (CH-xxx-xxxxxxx-x), qui avait développé une application grand public en langage Java mobile, dénommée GO SMS. Sans attendre d’être mandatée par N______ SA, L______ Sàrl, gérée par M. M______, a développé un prototype d’application écrite en langage Java mobile lui paraissant répondre aux besoins de N______ SA d’envoyer en mode GPRS des messages s’affichant sur les téléphones portables sous forme graphique, avec la carte routière de la Suisse et des icones.

En novembre 2005, N______ SA a accepté la proposition de L______ Sàrl de développer cette application « Mobile et proxy » supportée par au moins cent modèles de téléphones portables, comportant la fonctionnalité de communiquer avec le serveur QFCMobile Server, offre comportant d’une part la mention d’une étroite collaboration nécessaire avec Q______ Sàrl et d’autre part une clause de propriété intellectuelle aux termes de laquelle L______ Sàrl conserverait « tous les droits sur le code source du logiciel vendu, en particulier ceux liés à la propriété et au droit d’auteur ».

N______ SA a alors résilié le mandat qu’elle avait donné à Q______ Sàrl en tant qu’il portait sur le développement de QFCMobile pour l’affichage des données en mode graphique, afin - lui a-t-elle dit - de ne pas dépendre d’un seul et même fournisseur. Elle a demandé à L______ Sàrl d’affecter toutes ses ressources à la réalisation de l’application précitée, qui lui a été livrée au cours du premier trimestre 2006 et qu’elle a appelée « Freeway ». N______ SA a aussitôt commencé à démarcher ses clients en vue de leur faire souscrire des abonnements à cette nouvelle prestation, démarches apparemment mal préparées qui n’ont guère été couronnées de succès.

A.d. L______ Sàrl développera par ailleurs, en interne pour elle-même, une série de prototypes d’applications visant à permettre la localisation précise de téléphones mobiles en service, par leur longitude et latitude exactes données par satellite grâce au système GPS, développements qui ont abouti à l’application dénommée Mobiroad, actuellement en phase de tests et que doit utiliser M______ Sàrl, une société créée le 26 avril 2006 notamment par M. M______ (cf. let. C).

A.e. Déjà précaire, la situation financière de N______ SA s’est détériorée durant le premier trimestre 2006. N______ SA n’a pas honoré diverses factures que Q______ Sàrl, notamment, lui a adressées pour de multiples prestations, telles que du support, des redevances d’utilisation d’applications, la livraison d’un serveur, des développements, en particulier des applications QFCMobile et QFCLocator (autre nom de QFCLocalizer).

B.a. La faillite de N______ SA a été prononcée le 4 avril 2006 par le Tribunal de première instance.

L’Office des faillites de Genève a aussitôt fait dresser l’inventaire des actifs de N______ SA, avec l’entraide de l’Office des poursuites et des faillites de la Côte s’agissant des biens se trouvant dans les locaux de Gland (VD), dont les serrures ont été changées, sauf, dans un premier temps, pour des locaux attenant dont il ne s’est révélé qu’ultérieurement qu’ils faisaient aussi partie de l’entreprise.

Lors de son interrogatoire, le 11 avril 2006, M. P______ a cité, au nombre des actifs mobiliers de N______ SA, du matériel informatique, du mobilier de bureau et quelques téléphones portables dans les locaux de l’entreprise à Gland (VD), le nom de domaine du site Internet de la faillie « ayant peut-être de la valeur env. quelques milliers de francs » et un fichier clients, en plus d’un petit solde en caisse de 181,85 fr. Il a signé l’inventaire des actifs de N______ SA dressé avec l’entraide de l’office des poursuites et des faillites de la Côte, qui comporte trois cents neuf objets d’une valeur totale estimée à 5'535 fr., étant précisé que quelques actifs y ont été mentionnés pour mémoire, dont un fichier clients d’environ 30'000 abonnés estimé à 200'000 fr. par M. P______.

L’Office a fait publier un avis préalable d’ouverture de la faillite de N______ SA dans la Feuille officielle suisse du commerce et la Feuille d’avis officielle du 28 avril 2006.

B.b. A la suite d’un contact pris avec l’Office des faillites de Genève par A______ Holding Sàrl en vue de récupérer des programmes Framework servant de base aux développements de produits notamment de Q______ Sàrl, un rendez-vous a réuni sur place, à Gland (VD) le 3 mai 2006, des représentants de l’Office des faillites de Genève et de l’office des poursuites et des faillites de la Côte, M. L______ de Q______ Sàrl et un M. B______ de la société Note Base, convié à cette rencontre comme expert chargé de garantir que Q______ Sàrl ne prenne que les programmes Framework en question.

Il s’est avéré à cette occasion que le serveur de développement et de tests de Q______ Sàrl avait disparu, comportant notamment l’application MMM customer pour N______ SA avec les derniers développements en cours de tests, le fichier clients complet avec les historiques, la facturation et les services datant de janvier 2006, les interfaces vers les services GPRS et des morceaux de son Framework commun à nombre de ses applications, alors qu’une équipe de Q______ Sàrl avait travaillé sur ce serveur encore la veille du prononcé de la faillite de N______ SA. Il a également été constaté que d’autres actifs de N______ SA avaient disparu desdits locaux de Gland (VD), en particulier un beamer, des téléphones portables haute définition, une imprimante couleur. Aussitôt contacté par téléphone, M. P______ a indiqué que le disque dur de ce serveur s’était abîmé au point que toutes les données s’y trouvant étaient illisibles et inutilisables, mais qu’il en existait une sauvegarde faite le 20 mars 2006.

A nouveau convoqué pour interrogatoire, M. P______ a déclaré à l’Office des faillites de Genève, le 11 mai 2006, qu’une semaine avant le prononcé de la faillite, il avait fait changer les serrures des locaux de Gland (VD) pour sécuriser ces derniers durant les nuits, mais que lesdits locaux étaient ouverts le matin et fermés le soir par plusieurs personnes sans qu’il n’y ait, la journée, de contrôles des entrées et des sorties.

B.c. M. P______ exploitait déjà et exploite toujours deux entreprises sous les raisons individuelles Entreprise J C______ M. P______ et Entreprise J E______ M. P______.

Le 19 avril 2006, il a revendiqué pour Entreprise J C______ M. P______ une dizaine d’objets inventoriés dans la faillite de N______ SA, répertoriés sous les n° 43, 44, 45, 46, 47, 48, 107, 125 et 250.

B.d. Par un écrit du 19 avril 2006 enregistré le 25 avril 2006 par l’Office des faillites de Genève (ci-après : l’Office), Q______ Sàrl a produit une créance de 236'975,60 fr. dans la faillite de N______ SA, pour « développement informatique, helpdesk, licences de logiciel entre septembre 2005 et mars 2006 », avec différents relevés de comptes et factures.

C.a. Le 26 avril 2006, une société M______ Sàrl s’est inscrite au registre du commerce (CH-xxx-xxxxxxx-x). Il s’agit d’une société ayant son siège à Ecublens (VD) et ayant pour but la réalisation d’études de marché liées au domaine de la télécommunication, la création et la gérance d’applications, notamment informatiques y relatives au moyen de téléphonie mobile, et la diffusion d’informations à travers ces moyens (CH-xxx-xxxxxxx-x). M. M______ (par ailleurs associé gérant de L______ Sàrl) en est l’associé gérant (unique depuis le 7 juin 2006, après l’avoir été durant quelques semaines avec M. R______, un ancien employé de N______ SA). M. P______ n’apparaît pas formellement dans les organes de M______ Sàrl.

C.b. Auparavant déjà, soit le 19 avril 2006, M______ Sàrl avait informé l’Office de sa création par une partie des ex-employés de N______ SA, en lui précisant que les investissements nécessaires à la reprise de services équivalents à ceux que cette dernière fournissait avaient été consentis à cette fin, que le début de ses activités aurait lieu le 1er mai 2006, que les anciens clients de N______ SA bénéficieraient d’une offre spéciale prenant en compte le nombre de trimestres restant à courir sur leur abonnement s’ils s’inscriraient jusqu’au 30 juin 2006, et, tout en indiquant qu’elle bénéficiait, par l’intermédiaire des anciens vendeurs de N______ SA qu’elle avait repris, d’une grande partie des adresses et des numéros de téléphone mobile des anciens clients de cette société faillie, elle a demandé à l’Office, au besoin contre participation financière, de lui communiquer des fichiers informatiques de N______ SA facilement exploitables comportant les dates d’échéance et de paiement de ses abonnés, pour lui permettre de vérifier si de tels clients remplissent bien les conditions de cette offre spéciale mais aussi de les contacter tous.

C.c. Dès mai 2006, M______ Sàrl a offert un service d’informations routières dont Q______ Sàrl affirmera, le 17 mai 2006, qu’il était très semblable à celui qu’elle avait développé pour N______ SA, en précisant que le serveur de développement et de tests ayant disparu des locaux de N______ SA à Gland (VD) contenait toutes les informations nécessaires au lancement d’un tel service, à savoir tant les programmes que les données clients, et que les protections entourant ses programmes pouvaient être cassées en quelques jours par un expert en informatique, étant encore précisé que L______ Sàrl disposait en son sein de telles compétences techniques et qu’un travail avait dû être entrepris bien avant la faillite de N______ SA pour réaliser le programme et le site Web de M______ Sàrl. Nombre d’anciens clients de N______ SA sont devenus clients de M______ Sàrl.

D.a. Par un fax du 1er mai 2006 faisant suite à un entretien téléphonique du 28 avril 2006, A______ Holding Sàrl (dont Q______ Sàrl fait partie) a confirmé à l’Office qu’elle s’engageait à retirer sa production et à transférer toutes les informations clients de l’application Natel Futé vers sa solution MMM en faveur de toute société qui, souhaitant continuer les activités de N______ SA, fournirait un service équivalent à ses anciens clients ayant payé leur abonnement, proposerait la reprise d’une partie de son personnel, signerait l’achat de sa solution MMM, QFCMobile et QFCLocator et verserait la provision correspondante, et elle lui a signalé qu’elle avait eu un contact dans ce sens avec une société O______ SA.

L’Office avait alors déjà été approché par des entreprises intéressées à la reprise d’actifs de N______ SA en faillite, en particulier de son fichier clients.

D.b. Déjà le 4 avril 2006, O______ SA - créée le 20 août 1998, avec siège à Neuchâtel, pour la mise en œuvre de toute application du marketing, l’étude, la réalisation et la vente de concepts promotionnels et publicitaires et tous développements et activités liés à Internet (CH-xxx-xxxxxxx-x) - avait indiqué à l’Office qu’elle avait pris contact, le 31 mars 2006, avec M. P______ en vue d’une éventuelle reprise de N______ SA, et elle lui a fait l’offre de reprendre les actifs matériels (applications informatiques, serveurs, centraux, etc) et les actifs immatériels (base de données, base abonnés, etc) de N______ SA en contrepartie de l’engagement de reprendre le plus grand nombre possible de collaborateurs sur un site qui serait ouvert à Yverdon-les-Bains (VD) et de tout mettre en œuvre pour fournir aux abonnés encore actifs un service similaire et d’égale valeur à celui auquel ils s’étaient abonnés, en soulignant la nécessité de prévenir ou limiter une nouvelle interruption des prestations dues auxdits clients et en relevant que M. P______ l’avait assurée de sa pleine collaboration.

O______ SA a complété son offre le 12 mai 2006, en proposant d’acheter le fichier clients de N______ SA à un prix de 20'000 à 40'000 fr., de reprendre l’exploitation du service en faveur des abonnés ayant déjà payé leur abonnement, de reprendre progressivement le personnel de N______ SA en faillite et de retirer la production dans la faillite de N______ SA de la créance précitée de 236'976 fr. que Q______ Sàrl lui cédait (apparemment pour environ 120'000 fr.) avec les applications QFCMobile et QFCLocator. O______ SA limitera son prix à 20'000 fr. après avoir appris que M______ Sàrl paraissait disposer des données tant commerciales que techniques de N______ SA et pouvait dès lors fournir un service d’informations routières très semblable.

D.c. Le 24 avril 2006, après avoir pris quelques contacts avec l’Office, une société Q______ AG (CH-170.3.027.548-3) avait offert 17'000 fr. en échange des droits sur le fichier clients complet de N______ SA, d’une déclaration d’agrément que le numéro 0800 et le numéro court SMS 910 de N______ SA lui soient transférés ainsi que d’une liste complète des anciens fournisseurs de données et d’une copie des principales coopérations publicitaires.

Après avoir été relancé par Q______ AG, l’Office avait indiqué à cette dernière, le 4 mai 2006, qu’elle examinait les offres enregistrées et qu’une expertise des actifs interviendrait prochainement.

Le 23 mai 2006, aussitôt qu’elle sera informée des points principaux de l’offre précitée d’O______ SA, Q______ AG indiquera à l’Office n’être pas en mesure de formuler une offre concurrentielle.

D.d. Le 11 mai 2006, DFI Service SA (CH-xxx-xxxxxxx-x), qui hébergeait le site Internet de N______ SA dont elle détenait quatre serveurs d’application, a fait part à l’Office de son intérêt à reprendre partiellement les activités de N______ SA, en s’engageant à remettre en service la plateforme afin d’honorer tous les contrats en cours dans le mode GPRS et à reprendre au moins une partie du personnel de N______ SA, contre le rachat du fichier d’adresses pour 30'000 fr., la signature d’un accord avec A______ Holding Sàrl portant sur le logiciel permettant l’exploitation de l’installation au prix de 230'000 fr., le retrait de la production de Q______ Sàrl et l’abandon de sa propre créance de 4'992,60 fr.

DFI Service SA retirera cependant sa proposition en date du 19 mai 2006, pour le motif qu’elle n’avait pu conclure d’accord avec A______ Holding Sàrl, motif complété par l’indication que M______ Sàrl était sur le marché avec un produit constituant « en fait la copie conforme de Natel Futé, ce qui signifie - a-t-elle précisé - que les sources du programme ainsi que les adresses sont dans la nature, (…) que dans les Ex de Natel Futé, il (y avait) eu une réelle volonté et l’action de sortir le cœur du business et de le remettre en route ailleurs » et que même si elle était devenue l’ayant droit exclusif de tels actifs, elle aurait « dû commencer par une action civile pour faire valoir (ses) droits ».

D.e. L’Office a fait évaluer la valeur du fichier clients de N______ SA par la fiduciaire Michel de Preux & Associés SA, membre de la Chambre fiduciaire. Cette fiduciaire a établi, en date du 15 mai 2006, une attestation aux termes de laquelle une vente aux enchères publiques serait très aléatoire, d’une part parce que la valeur du fichier clients considéré est étroitement liée à la capacité de la société reprenante d’assurer un service comparable dans un marché très resserré, et d’autre part parce que le temps que nécessiterait l’organisation d’une vente aux enchères publiques risquerait d’anéantir tout espoir de récupérer une quelconque valeur. Elle a estimé qu’un meilleur produit serait dégagé d’une vente de gré à gré comportant le fichier clientèle sur la base d’un minimum de 20'000 fr., la diminution de la masse en faillite par reprise des engagements à l’égard du plus gros créancier connu, la reprise du service auprès de la clientèle réglant ainsi le problème des forfaits payés en avance sans que le service y relatif n’ait pu être fourni, et la diminution éventuelle de créances privilégiées en cas de reprise de certains contrats de travail.

D.f. Le 29 mai 2006, M______ Sàrl a rappelé à l’Office sa demande précitée du 19 avril 2006 (cf. let. C.b), en précisant que ses employés repris de N______ SA en faillite disposaient, comme outil de travail, des listes justificatives annexées à leurs anciennes fiches de salaire comportant des indications lacunaires sur les clients, et qu’il lui fallait pouvoir vérifier les données sous l’angle des conditions posées pour bénéficier de l’offre spéciale qu’elle faisait à ces derniers. Elle lui a par ailleurs indiqué avoir appris qu’une autre société au moins était également intéressée à la reprise du fichier clients dans sa globalité et elle l’a prié de la tenir informée de l’avancement de ce dossier.

E.a. Le 31 mai 2006, l’Office, pour le compte de la masse en faillite de N______ SA, et O______ SA ont passé une convention prévoyant la cession à cette dernière, moyennant le paiement de 20'000 fr. plus l’éventuelle taxe sur la valeur ajoutée et les 2'152 fr. de frais d’expertise facturés par la fiduciaire Michel de Preux & Associés SA, d’une part du fichier inventorié, comportant environ 30'000 abonnés actifs et 100'000 abonnés passifs, et d’autre part de tous les droits de propriété intellectuelle tels que, notamment, les droits d’utilisation du nom de domaine Internet www.xxxx-xxxx.ch, les marques, les services et les concepts commerciaux, tous les droits résultant de contrats signés avec les clients, les débiteurs de N______ SA en faillite pour les dettes devenant exigibles et dues après la date du « closing » de la convention, les quatre serveurs contenant les bases de données du fichier clients, le serveur de développement et de tests non localisé, ainsi que les applications nécessaires pour délivrer le service aux abonnés, soit NFPortal (StarFrameWork), SMSEditor (StarFrameWork, MMM), FreeSMS (StarFrameWork, MMM), QFCLocalizer (Bl++, QFYMobile), Freeway (GPRS Link-U) et Oracle Database standard Edition - Processeur, licence perpétuelle.

Ladite convention prévoit par ailleurs une exclusion de toute garantie relative aux actifs cédés, l’extinction de la créance de Q______ Sàrl à l’encontre de N______ SA en faillite (créance que Q______ Sàrl représentée par A______ Holding Sàrl avait cédée à O______ SA par un contrat de cession du 19 mai 2006), et l’engagement d’O______ SA de tout mettre en œuvre pour fournir aux abonnés encore actifs un service similaire et d’égale valeur à celui qu’ils avaient contracté avec N______ SA. Son préambule précise qu’O______ SA a pour objectif de relancer l’activité exercée préalablement par N______ SA et envisage d’engager à cet effet et graduellement une trentaine d’employés.

L’exécution de la convention était différée jusqu’au moment où les parties auraient constaté, en principe le 3 juillet 2006 au plus tard, que les conditions mentionnées ci-après seraient satisfaites. Ce constat (appelé « closing ») interviendrait - précise encore la convention - aux quatre conditions cumulatives, premièrement qu’aucune plainte ne soit formée contre la conclusion de cette vente d’urgence ou alors qu’un jugement définitif déboute le plaignant de toutes ses conclusions, en second lieu qu’aucune offre supérieure d’au moins 5'000 fr. à 20'000 fr. ne soit formulée dans un délai échéant le 27 juin 2006 à la suite d’une publication parue dans la Feuille officielle suisse du commerce et la Feuille d’avis officielle, troisièmement que le préposé de l’Office donne son accord à cette vente de gré à gré et en informe la Commission de céans, et quatrièmement qu’aucune revendication dûment établie par preuve ou par jugement, y compris droit de rétention, sur les éléments essentiels des actifs cédés ne soit émise qui empêcherait l’exploitation de l’entreprise remise. En cas de plainte d’un créancier contre la conclusion de cette convention, O______ SA aurait l’option de renoncer à faire valoir la condition résolutoire précitée et « tenir le closing » ou de résoudre le contrat, dans un délai de trente jours à compter de la communication de l’existence d’une plainte, tandis qu’en cas de formulation d’une offre supérieure et de l’apport par l’enchérisseur d’une garantie bancaire en couverture du montant de l’offre, l’Office mettrait en œuvre des enchères privées entre O______ SA et le(s) enchérisseur(s), O______ SA ayant de son côté le choix, dans un délai de dix jours, de surenchérir ou de résoudre le contrat.

E.b. L’Office a fait publier dans la Feuille officielle suisse du commerce et la Feuille d’avis officielle du 7 juin 2006 un avis, intitulé « Vente d’urgence », avisant les créanciers de N______ SA en faillite de la conclusion de la convention de cession précitée en date du 31 mai 2006, leur disant de s’annoncer jusqu’au 27 juin 2006 s’ils voulaient faire valoir un droit de propriété sur des biens faisant partie de la convention, et les informant de leur possibilité de formuler une offre supérieure, dans le même délai, en exposant par courrier recommandé le montant proposé tant pour la reprise de l’activité et des actifs énumérés dans la convention que pour le retrait de la créance d’un fournisseur de N______ SA en faillite, en communiquant à l’Office un document attestant de l’existence d’un accord avec le fournisseur relativement au retrait de sa créance, ainsi qu’un document attestant de la reprise d’une partie du personnel de N______ SA avec le détail du nombre des salariés repris, et en déposant à l’Office, jusqu’au 29 juin 2006, le montant de l’offre supérieure ou une garantie bancaire équivalente.

Cet avis précisait encore que des enchères privées seraient organisées en cas d’offre supérieure, que par ailleurs la décision de l’Office de réaliser d’urgence les actifs considérés était sujette à plainte dans les dix jours « dès sa réception », et qu’enfin tout renseignement pouvait être obtenu auprès des chargés de faillites compétents (dont le numéro de téléphone était indiqué).

E.c. Le 8 juin 2006, le préposé de l’Office a informé la Commission de céans, en application de l’art. 7 in fine LaLP, qu’il avait donné son accord à la vente de gré à gré urgente d’actifs immatériels, dont un fichier de clients, de N______ SA en faillite à O______ SA.

F. Le 12 juin 2006, O______ SA a saisi l’office d’instruction pénale de l’arrondissement de la Côte, à Morges (VD), d’une plainte pénale contre inconnu pour abus de confiance (art. 138 ch. 1 CPS), subsidiairement appropriation illégitime (art. 137 ch. 1 CPS), inobservation par le débiteur des règles de la procédure de poursuite pour dettes ou de faillite (art. 323 ch. 4 CPS), vol (art. 139 ch. 1 CPS) ou recel (art. 160 ch. 1 CPS), soustraction de données (art. 143 CPS), détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 CPS), subsidiairement soustraction d’objets mis sous main de l’autorité (art. 289 CPS), violation de secrets de fabrication ou d’affaires (art. 23 et 6 LCD), exploitation d’une prestation d’autrui (art. 23 et 5 let. a et b LCD), violation des droits d’auteur (art. 67 LDA), gestion déloyale (art. 158 CPS), banqueroute frauduleuse (art. 163 ch. 1 CPS) ou diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers (art. 164 ch. 1 CPS), subsidiairement gestion fautive (art. 165 CPS). Elle a indiqué que des personnes ayant participé directement ou indirectement aux activités de N______ SA avaient mis en place une société concurrente en utilisant des outils informatiques et des bases de données appartenant à N______ SA et rachetés par O______ SA, des dispositions ayant été prises dans cette perspective dès décembre 2005, y compris la non-facturation des services de N______ SA dès janvier 2006.

G.a. Le 19 juin 2006, M______ SA a formé plainte auprès de la Commission de céans contre la décision de l’Office « de réaliser une vente d’urgence aux conditions stipulées dans le dossier de reprise (convention du 31 mai 2006) ». Se déclarant créancière de N______ SA en faillite, elle a fait valoir d’une part que le fichier clients, le matériel informatique et les licences valaient beaucoup plus que les 20'000 fr. proposés par O______ SA, ajoutant qu’une vente aux enchères publiques serait mieux à même de protéger les intérêts des créanciers et que certains des actifs vendus rapporteraient probablement plus en étant vendus séparément lors d’enchères publiques, et d’autre part qu’une vente d’urgence ne se justifiait pas pour permettre de relancer rapidement des services dont le public aurait besoin dès lors que d’autres services analogues existaient déjà, mais au contraire fausserait la concurrence pour les nouveaux fournisseurs de ce type de services.

Cette plainte a été enregistrée sous le n° A/2222/2006.

G.b. Par une écriture du 19 juin 2006 dont ressort implicitement qu’elle était une employée de N______ SA et, à ce titre, créancière privilégiée, Mme B______ a formé plainte contre la décision de l’Office « de réaliser une vente d’urgence aux conditions stipulées dans le dossier de reprise (convention du 31 mai 2006) ».

Contestant les raisons invoquées pour justifier la vente, elle a expliqué que N______ SA avait essayé de proposer un service GPRS tel que prévu par O______ SA mais que les clients n’en avaient pas voulu et qu’on ne saurait leur imposer ce service en pensant réduire leurs créances, seule une prestation d’égale nature (fourniture du service par SMS) pouvant la compenser. Elle a indiqué que le fournisseur A______ Holding Sàrl (pour Q______ Sàrl) avait fait valoir une créance nettement exagérée, que N______ SA disposait d’une première version d’un programme informatique lui appartenant qui permettait l’utilisation du fichier clients et méritait d’être valorisé, et que cette vente d’urgence permettait à un créancier de troisième classe de récupérer indirectement de l’argent alors que les créanciers de première classe (soit les travailleurs) ne toucheraient rien.

A propos du prix de vente, Mme B______ a estimé que le fichier clients cédés comprenant 130'000 clients potentiels valait plus que les 20'000 fr. retenus par l’expertise pour les seuls 30'000 clients actifs, que l’ensemble des droits immatériels avaient une valeur non négligeable, que les droits portant sur les contrats signés avec des clients représentaient plusieurs dizaines de milliers de francs à eux seuls, que les cinq serveurs (y compris celui de développement et de tests), dont l’un était pratiquement neuf, avaient une valeur à neuf avoisinant 20'000 fr., qu’une licence Oracle data base standard Edition - Processeur perpétuelle avait une valeur marchande de 30'000 fr. et pouvait facilement être revendue au minimum au tiers de sa valeur, en plus de l’ensemble des applications cédées. Elle a indiqué qu’un grand nombre de sociétés commencent une activité de type info-trafic, si bien que les produits cédés pourraient être vendus séparément aux sociétés en question et rapporter beaucoup plus pour autant que l’offre soit publique, le temps ne jouant aucun rôle pour une vente à une société reprenante proposant des services dont les ex-abonnés de N______ SA en faillite ne veulent pas.

Mme B______ a encore objecté que l’emplacement géographique d’O______ SA n’était pas propice à une reprise du personnel de N______ SA en faillite et qu’au surplus ledit personnel n’était dans sa majorité pas prêt à essayer de convaincre à nouveau les ex-clients de cette dernière à s’abonner à un service GPRS qu’ils avaient déjà refusé en compensation d’un service SMS qu’ils ont déjà.

Cette plainte a été enregistrée sous le n° A/2223/2006.

G.c. Le 19 juin 2006, L______ Sàrl a formé plainte contre la décision de l’Office « de réaliser une vente d’urgence aux conditions stipulées dans le dossier de reprise ». Elle a fait grief à l’Office de réaliser le logiciel Freeway GPRS Link-U, qu’elle dit être sa propriété exclusive.

Cette plainte a été enregistrée sous le n° A/2226/2006.

G.d. Par une écriture datée du 14 juin 2006 envoyée par recommandé le 19 juin 2006, Entreprise J E______ M. P______, sous la signature de M. P______, a formé plainte contre la décision de l’Office « de réaliser une vente d’urgence aux conditions stipulées dans le dossier de reprise (convention du 31 mai 2006) », en tant qu’elle comporte les droits et la propriété de QFCLocator, dont il serait - prétend-il - le concepteur et dont il revendique la propriété. Il indique que Q______ Sàrl a tenté de se l’approprier lorsqu’il en a programmé le concept (ce qui expliquerait l’utilisation de l’abréviation QFC pour QualiFlowCheck), et que cette société ne saurait avoir conçu elle-même ce logiciel, son utilisation étant liée à celle des cellules des opérateurs qu’elle n’aurait pas pu se procurer ailleurs qu’auprès de lui, qui - affirme-t-il - est seul habilité à utiliser les cellules Sunrise, seules disponibles à cette fin.

Cette plainte a été enregistrée sous le n° A/2232/2006.

G.e. Également par une écriture datée du 14 juin 2006 et expédiée le 19 juin 2006 et sous la signature de M. P______, Entreprise J C______ M. P______ a formé plainte contre la décision de l’Office « de réaliser une vente d’urgence aux conditions stipulées dans le dossier de reprise (convention du 31 mai 2006) », pour le motif que les actifs cédés comportaient un fichier d’adresses d’environ 30'000 clients actifs et 100'000 clients inactifs, qui - prétend-il - lui appartient en grande partie, ayant été mandaté pendant l’année 2000 par DMS Publication M. L______ pour collecter les numéros de téléphone et/ou adresses de clients potentiels exclusivement à l’intention de cette dernière, seules lesdites données ayant conduit à la souscription d’un abonnement ayant été facturées. Il affirme que ces données-ci ont été transférées illégalement par l’entreprise D______ M. L______ à N______ SA et que les autres - soit environ 84% - n’auraient pas dû subsister dans la banque de données de l’entreprise D______ M. L______ au-delà d’un essai d’une durée de dix jours. Il s’est inquiété qu’O______ SA soit déjà en possession dudit fichier clients, dont - dit-il - il possède un exemplaire sur support papier.

Cette plainte a été enregistrée sous le n° A/2233/2006.

G.f. Le 20 juin 2006, G & V______ SA a adressé à la Commission de céans une contestation concernant la décision « de réaliser une vente d’urgence aux conditions stipulées dans le dossier de reprise (FAO de Genève n° 64 du 7 juin 2006) », pour le motif que les raisons invoquées à l’appui de cette vente d’urgence « ne sont pas corrects compte tenu de la demande sur le marché pour ce genre de produits » et que le montant proposé est dérisoire et ne correspond pas à la réalité économique. Elle s’est déclarée lésée en tant que créancière ayant assuré la maintenance téléphonique sans avoir été payée.

Cette plainte a été enregistrée sous le n° A/2234/2006.

H.a. Le 22 juin 2006, sans préjudice d’une éventuelle jonction de causes, la Commission de céans a invité l’Office et O______ SA à se déterminer sur ces six plaintes, pièces justificatives à l’appui, en précisant qu’O______ SA devait considérer que cette communication valait communication par l’Office de l’existence de plaintes contre la vente d’urgence en question au sens de l’art. 10 al. 3 de la convention de cession du 31 mai 2006.

H.b. Le 23 juin 2006, sous la signature de M. P______, Entreprise J C______ M. P______ a attesté avoir cédé les droits d’utilisation du fichier clients dont il est propriétaire à M______ Sàrl et a déclaré libérer l’Office de l’obligation « de trier et de retirer du fichier clients Natel Futé les quelques 80'000 adresses qui sont sa propriété et qui se trouvent actuellement illégalement dans le fichier de la société faillie ».

M______ Sàrl en a informé l’Office par une lettre recommandée du 26 juin 2006, comportant l’offre d’acheter le fichier clients de N______ SA pour 1'000 fr., en précisant qu’à défaut d’acceptation Entreprise J C______ M. P______ exigerait le tri des adresses se trouvant respectivement à bon et mauvais droit dans ledit fichier et la restitution de ses adresses. Elle lui a précisé avoir déjà compensé la perte d’environ 2'000 anciens clients de N______ SA en leur offrant des mois gratuits et avoir déjà repris des membres du personnel de cette société faillie. Elle a demandé à l’Office d’inviter O______ SA à ne pas se présenter comme le repreneur de N______ SA sur un site Internet qu’elle exploitait.

H.c. Par une lettre recommandée du 27 juin 2006 répondant aux courriers précités de M______ Sàrl des 19 avril et 29 mai 2006, l’Office a indiqué à cette dernière que le fichier clients d’une société de services déclarée en faillite constitue un actif devant être réalisé au profit des créanciers, si bien que le fait de démarcher systématiquement les clients liés contractuellement à la société venant d’être mise en faillite portait préjudice aux créanciers de cette dernière. Par ailleurs, il a fait le double constat d’une part qu’à peine un mois après sa création, M______ Sàrl, dont le capital social du minimum légal de 20'000 fr. avait été libéré par un versement en espèces, offrait une plateforme Internet sophistiquée et identique à peu de choses près à celle de N______ SA, qui, quant à elle, avait mis des mois à la mettre au point, et d’autre part qu’un serveur de développement et de tests (contenant l’application MMM customer pour N______ SA, les interfaces vers les services GPRS et le fichier clients complet avec les historiques et la facturation) avait disparu des locaux de N______ SA peu après sa faillite, ajoutant qu’il ne pouvait s’empêcher « de faire le lien entre cette disparition inexpliquée et le développement instantané et sans efforts de M______ Sàrl ». Relevant que le transfert de l’entier des actifs de N______ SA en faillite s’en était trouvé fortement compromis sinon rendu illusoire et qu’O______ SA avait en conséquence abaissé son offre de reprise de 40'000 fr. à 20'000 fr. eu égard au caractère partiel des actifs remis, il a fait savoir à M______ Sàrl qu’il inscrivait à l’inventaire une prétention à son encontre à concurrence de cette diminution de valeur de 20'000 fr., montant dont il l’invitait à s’acquitter jusqu’au 30 juin 2006.

H.d. Le 28 juin 2006, l’Office a indiqué à M______ Sàrl que son offre de rachat précitée du fichier clients de N______ SA ne remplissait pas les conditions énumérées dans l’avis aux créanciers du 7 juin 2006, si bien qu’il ne pouvait entrer en matière sur son offre, et que la Commission de céans déterminerait en statuant sur les plaintes dont elle avait été saisie s’il y avait un fichier de 80'000 clients qui serait la propriété de Entreprise J C______ M. P______.

H.e. Répondant le 4 juillet 2006 au courrier susmentionné de l’Office du 27 juin 2006, M______ Sàrl a fait part à l’Office de son étonnement que le fichier clients et l’ensemble des actifs de N______ SA en faillite aient été vendus à une société ne connaissant pas le domaine et offrant un produit très différent des SMS dus par la société faillie à ses clients, de plus au moyen d’un produit inexistant à l’époque de la transaction. Elle lui a répété que la liste des clients cédée à O______ SA n’appartenait dans sa grande majorité pas à N______ SA, qu’elle en avait acquis les droits et était de ce fait seule habilitée à utiliser cette partie de fichier. Elle a précisé que les données conservées par d’anciens employés de N______ SA résultaient d’annexes à leurs fiches de salaire, qui leur appartenaient, et qu’elle n’avait pas concentré ses efforts sur d’anciens clients de N______ SA en faillite, plusieurs d’entre eux ayant été intéressés à son nouveau produit à la suite d’articles de presse et d’annonces à la radio, celui-ci ne s’apparentant d’ailleurs pas à des SMS et touchant dès lors une clientèle différente. Elle s’est insurgée contre l’insinuation qu’elle aurait volé un serveur appartenant à N______ SA en faillite. En conclusion, elle a rejeté la prétention que l’Office faisait valoir à son encontre et lui a reproché de prendre unilatéralement le parti d’O______ SA, alors qu’elle-même avait contribué à sauvegarder les intérêts de certains ex-employés de N______ SA et entendait participer à la vente aux enchères de façon équitable.

I. En date du 4 juillet 2006, l’Office pour la masse en faillite de N______ SA et O______ SA ont procédé au « closing » de la convention de cession du 31 mai 2006, en signant un procès-verbal constatant que « toutes les conditions stipulées dans la Convention (étaient) satisfaites » et attestant « la remise effective des actifs dès ce jour ».

J.a. O______ SA s’est déterminée sur les six plaintes précitées par une seule écriture, datée du 11 juillet 2006. Elle a estimé que les plaintes de Entreprise J C______ M. P______, Entreprise J E______ M. P______ et G & V______ SA sont irrecevables, les deux premières parce que les plaignantes n’ont pas la personnalité juridique et la troisième parce qu’elle est tardive.

De son côté, l’Office a présenté des rapports séparés pour chacune des six plaintes, en date du 12 juillet 2006.

J.b. En réponse à la plainte A/2222/2006 de M______ SA O______ SA n’a pas contesté que la valeur des actifs cédés est supérieure à 20'000 fr., mais elle a ajouté qu’il faut aussi tenir compte que la reprise de la créance d’A______ Holding Sàrl (c’est-à-dire de Q______ Sàrl) de 234'975,79 fr. ainsi que la garantie de la continuation du service aux clients de N______ SA au prorata de leur abonnement valide (soit 30'000 clients) impliquaient un allègement de la masse passive de N______ SA en faillite bien au-delà de 20'000 fr. Notant au passage que d’autres actifs n’étaient pas repris et seraient donc réalisés en plus, elle a relevé que la convention litigieuse n’excluait nullement que des tiers se portent acquéreurs pour un montant supérieur, mais qu’aucune offre supérieure n’avait semble-t-il été adressée à l’Office. Elle a souligné la nécessité d’une vente d’urgence pour relancer le service assuré par N______ SA en faillite, dès lors que le fichier clients en question était exploité sans droit par un tiers (M______ Sàrl), qui faisait des offres ciblées auxdits clients, et qu’il perdait de ce fait tous les jours de sa valeur.

De son côté, l’Office a relevé que les actifs cédés, inventoriés pour mémoire quant à leur valeur, étaient des biens sujets à dépréciation rapide, dont le potentiel de valorisation ne pouvait se concrétiser qu’en cas de rapide reprise de l’activité considérée, qu’il faut se référer à des valeurs de liquidation et non d’exploitation, et qu’en l’espèce le prix convenu est complété par l’extinction de la plus importante des créances à l’encontre de N______ SA en faillite, estimée à 236'975,60 fr., et par la reprise des abonnés ayant payé leur abonnement annuel sans recevoir la contre-prestation convenue, ouvrant la perspective d’une réduction des créances qu’ils produiraient. Il a indiqué qu’en matière de faillite c’est le principe du plus offrant qui s’applique, que la possibilité de faire une offre supérieure a été offerte aux créanciers et qu’il n’avait enregistré au total que trois offres d’achat, dont l’une ne portait que sur le fichier clients pour une somme inférieure à celle retenue dans la convention litigieuse et une autre a été retirée, la troisième étant celle qui a abouti à la signature de la convention attaquée. L’Office a précisé que la vente d’urgence contestée ne vise pas à relancer rapidement des services dont le public aurait besoin, mais à diminuer le passif de la masse en permettant au repreneur de fournir dans les meilleurs délais la prestation dont les abonnés sont privés depuis des mois et en évitant qu’avec l’écoulement du temps la réalisation des actifs considérés ne devienne hautement improbable et ne rapporte plus rien à la masse. Il a rejeté l’argument que ladite vente fausserait la concurrence, en faisant remarquer que « les nouveaux fournisseurs » n’avaient pas attendu longtemps avant de démarcher les abonnés de N______ SA en faillite par des moyens douteux. Il a encore démontré que les actifs en question ne pourraient être réalisés avant qu’ils ne perdent toute valeur si la procédure normale de liquidation de la faillite était suivie, ajoutant que la procédure de la vente d’urgence avec la possibilité offerte aux créanciers de formuler une offre supérieure permettrait d’organiser des enchères privées. Il a encore précisé que M______ Sàrl avait profité illicitement des données de la masse cédées à O______ SA et que le « closing » de la convention litigieuse est intervenu le 4 juillet 2006, si bien que celle-ci déploie depuis lors tous ses effets.

J.c. Indiquant à titre liminaire que Mme B______ est actuellement employée de M______ Sàrl, O______ SA a relevé que cette société-ci a été la première entreprise à fournir un système d’information routière par GPRS suite à la faillite de N______ SA, dans des conditions suspectes évoquées dans la plainte pénale formée le 12 juin 2006 par O______ SA. Elle estime Mme B______ mal venue d’affirmer, dans sa plainte A/2223/2006, que le service basé sur une application GPRS tel que prévu par O______ SA ne rencontrerait pas de succès alors qu’elle travaille aujourd’hui pour la société concurrente fournissant un service identique. Elle maintient que le rachat pour 118'500 fr. de la créance d’A______ Holding Sàrl (représentant Q______ Sàrl) en contrepartie de la reprise des produits non payés développés pour N______ SA et la renonciation à faire valoir la créance de 234'975,79 fr. de Q______ Sàrl dans la faillite de cette dernière diminue d’autant la masse passive et compense la modicité du prix convenu dans la convention litigieuse, étant précisé au surplus que la valeur du fichier clients de N______ SA en faillite a fortement diminué du fait qu’il a été dérobé par d’anciens employés de cette dernière et est utilisé par M______ Sàrl, qu’il n’y a pas de marque Natel Futé mais un nom dont la valeur est négligeable eu égard à l’impact négatif de la faillite, que les prétentions contre les débiteurs de N______ SA en faillite pour les dettes dues et exigibles à la date du « closing » ne font pas partie des actifs cédés, que les quatre serveurs récupérés sont obsolètes, le cinquième à faire partie des actifs cédés ayant disparu des locaux sans avoir été retrouvé, et que personne n’est en mesure de lui fournir la licence Oracle cédée. Elle a souligné qu’aucun concurrent en matière de fourniture d’informations routières ne rachèterait les actifs cédés à de meilleures conditions en sachant que M______ Sàrl utilise déjà le fichier clients et la technologie GPRS développée spécifiquement pour N______ SA. Elle a encore déclaré que son intention de départ était de reprendre le maximum de personnel de N______ SA en faillite, mais qu’elle a dû se rendre compte que tout était fait, notamment par M. P______, pour faire obstacle à une telle reprise et pour inciter ledit personnel à continuer son activité pour M______ Sàrl.

En réponse à cette plainte, l’Office a fait valoir que le fichier clients cédé est constitué d’abonnés ne recevant plus de prestations depuis plusieurs mois alors même qu’ils avaient payé leur abonnement d’avance, et que sa valeur disparaissait s’il ne pouvait être à nouveau exploité à bref délai, ajoutant que les applications cédées, développées spécifiquement pour N______ SA afin d’améliorer le service fourni aux clients, n’avaient de valeur qu’en lien avec le fichier clients, si bien que leur vente séparée serait illusoire. Il a indiqué qu’une relance de l’activité de N______ SA avec un service nouveau (l’envoi d’informations routières par GPRS plutôt que par SMS), n’ayant pas été fructueuse par le passé, avait des chances de succès dans des circonstances et avec un partenaire commercial ayant changé, impliquant que les clients puissent tester gratuitement le nouveau système proposé, si bien que la cession litigieuse offrait de réelles perspectives de réduire les prétentions que les abonnés feraient valoir pour la période payée restée sans contre-prestation. Il a indiqué que la cession à O______ SA de la créance de Q______ Sàrl contre N______ SA, intervenue en dehors de la faillite, impliquait que sa cession dans le cadre de la convention litigieuse était possible dans la mesure où, en l’absence d’un transfert de propriété du produit correspondant à cette créance, il devrait y avoir une cession d’un contrat de licence supposant l’accord de Q______ Sàrl. A propos du prix de vente, l’Office a fait valoir que le fichier clients et le goodwill, comprenant une licence Oracle et divers logiciels informatiques, avaient été inventoriés pour mémoire eu égard à leur dépréciation rapide, rendant nécessaire leur réalisation d’urgence dans une optique de reprise d’exploitation de l’activité concernée, ajoutant qu’il faut faire référence à des valeurs de liquidation et non d’exploitation. Il a souligné que les serveurs vendus n’étaient pas neufs, que le matériel informatique se vend le cas échéant bien en dessous de sa valeur à neuf, et que la licence Oracle Database standard Edition - Processeur ne se retrouvait pas dans les affaires de N______ SA en faillite et était dépourvue de valeur en l’absence de licence physique susceptible d’être remise à l’acquéreur. L’Office a encore souligné qu’en matière de faillite c’est le principe du plus offrant qui s’applique, que la possibilité de faire une offre supérieure a été donnée aux créanciers et qu’il n’avait enregistré au total que trois offres d’achat - dont l’une ne portait que sur le fichier clients pour une somme inférieure à celle retenue dans la convention litigieuse et une autre a été retirée, la troisième étant celle qui a abouti à la signature de la convention attaquée -, et qu’en dépit de la publicité donnée à cette affaire par les médias et l’Office, aucune société évoluant dans le secteur de l’information routière n’a manifesté d’intérêt pour l’achat des actifs cédés. Quant à la reprise du personnel - a poursuivi l’Office -, O______ SA avait envisagé de créer un site dans la région lémanique pour le cas où un nombre suffisant d’anciens employés de N______ SA s’intéresseraient à être engagés par elle, elle avait demandé à M. P______ d’en informer lesdits anciens salariés, mais la seule personne ayant fait acte de candidature ne s’est même pas présentée au rendez-vous qui lui avait été fixé, raison pour laquelle O______ SA n’avait pas créé de site dans cette région, mais elle conserve la volonté d’engager d’anciens employés de N______ SA. Il a encore précisé que M______ Sàrl avait profité illicitement des données de la masse cédées à O______ SA et que le « closing » de la convention litigieuse est intervenu le 4 juillet 2006, si bien que celle-ci déploie depuis lors tous ses effets.

J.d. A propos de la plainte A/2226/2006 de L______ Sàrl, O______ SA a relevé à titre liminaire que cette société est propriété de M. M______, par ailleurs le « seul actionnaire » de M______ Sàrl. Contestant la revendication qu’émet L______ Sàrl par le biais de sa plainte, elle a indiqué que la mise en œuvre du service d’informations routières au moyen d’une application GPRS par M______ Sàrl à peine un mois après la faillite de N______ SA n’avait été possible que grâce à la reprise du programme informatique Freeway, développé par L______ Sàrl pour N______ SA, reprise que seule la présence de M. M______ dans ces deux entreprises pouvait expliquer. Cette reprise et l’utilisation de ce logiciel - poursuit O______ SA - étaient incompatibles avec le fait que celui-ci avait été vendu à N______ SA, vente ayant comporté une cession complète des droits sur ce logiciel.

Dans son rapport, l’Office a affirmé que l’application Freeway fait partie des actifs de N______ SA en faillite au même titre que les autres applications cédées, comme M. P______ l’avait déclaré à l’huissier lors de l’établissement de l’inventaire et comme Q______ Sàrl l’avait confirmé en sa qualité de partenaire commercial de N______ SA ayant développé divers programmes et assuré leur maintenance pour cette dernière. Il a indiqué que le contrat du 15 novembre 2005 sur lequel L______ Sàrl s’appuyait pour, subitement le 16 juin 2006, revendiquer ladite application porte sur une application et non sur un logiciel et, de plus, sur une application n’ayant pas fait l’objet d’un contrat de licence et ayant dès lors pu être cédée, indépendamment du code source resté propriétaire de L______ Sàrl.

J.e. Selon O______ SA, la plainte A/2232/2006 de Entreprise J E______ M. P______ comporte une revendication infondée d’un applicatif dénommé QFCLocator, que Q______ Sàrl, principal partenaire informatique de N______ SA, avait développé, parmi d’autres produits, sur la base d’un système modulaire commun dénommé StarFrameWork. Elle a indiqué que cet applicatif était la propriété originaire de Q______ Sàrl, et elle a contesté qu’un opérateur d’envergure nationale tel que Sunrise ait choisi Entreprise J E______ M. P______, pas même inscrite au registre du commerce, comme partenaire unique.

Qualifiant ladite plainte d’irrecevable parce que tardive et dépourvue de conclusions, l’Office a contesté que Entreprise J E______ M. P______ soit propriétaire des droits sur le logiciel QFCLocator, qui porte dans son nom même l’indice de l’identité de son concepteur, Q______ Sàrl, soit d’une société créancière de N______ SA en faillite pour une somme estimée à 236'975,60 fr. mais dont la créance ne figurera pas à l’état de collocation grâce à la convention litigieuse.

J.f. Pour O______ SA, la plainte A/2233/2006 de Entreprise J C______ M. P______ (qui serait inscrite au registre du commerce en tant qu’entreprise individuelle) comporte une revendication sur le fichier d’adresses cédé qui apparaît curieuse si l’on songe au fait que M. P______ était administrateur de N______ SA depuis août 2005 et qu’il aurait eu tout loisir de mettre fin à l’utilisation de ce fichier clients par N______ SA si, comme il le prétend, ces données avaient été transférées illicitement par DMS Publication M. L______ à N______ SA. O______ SA ajoute que Entreprise J C______ M. P______ fournit, à titre de prétendues preuves de ses dires, des documents qu’il interprète faussement ou qui démontrent que les adresses collectées à l’époque pour DMS Publication M. L______, fournies à cette dernière contre facturation de cette prestation, appartenaient bien à l’entreprise D______ M. L______, donc à N______ SA en tant que repreneur de cette dernière.

L’Office a souligné que pas plus lors de son interrogatoire en tant qu’ancien administrateur de N______ SA en faillite que dans son courrier du 19 avril 2006 à l’Office, M. P______ n’avait mentionné le fichier clients au nombre des quelques actifs appartenant à un tiers, qu’il avait signé l’inventaire comportant précisément cet actif estimé par lui à 200'000 fr., et que ce n’était qu’après avoir appris la signature de la convention litigieuse qu’il avait émis cette revendication, sans apporter la moindre preuve de son prétendu droit, puis qu’il avait cédé les droits d’utilisation dudit fichier à M______ Sàrl, cession qui priverait d’ailleurs Entreprise J C______ M. P______ de la qualité de créancier nécessaire au maintien d’un intérêt de sa part à l’examen de sa plainte, qui serait au demeurant tardive. L’Office a rejeté l’hypothèse que Entreprise J C______ M. P______ soit propriétaire de la liste des clients potentiels qu’elle avait établie pour DMS Publication M. L______, contre rémunération et laissée effectivement et entièrement à la disposition de N______ SA, y compris pour les quelque 80'000 adresses intégrées prétendument à tort dans ledit fichier.

J.g. O______ SA s’est prononcée sur la plainte A/2234/2006 de G & V______ SA, à ses yeux tardive, par renvoi aux faits et arguments qu’elle a développés dans ses déterminations respectivement sur la plainte A/2222/2006 de M______ SA s’agissant du montant proposé et sur la plainte A/2223/2006 de Mme B______ s’agissant de l’intérêt limité que cette vente présente dès lors que M______ Sàrl utilise déjà illicitement le fichier clients et la technologie GPRS ainsi que de la valeur réduite des équipements techniques et des applications.

L’Office a relevé que le fichier clients et le goodwill de N______ SA en faillite sont des actifs sujets à dépréciation rapide, le potentiel de valorisation qu’ils comportent ne pouvant se concrétiser qu’en cas de reprise rapide de l’exploitation de l’activité considérée, mais que pour juger du prix demandé, il y a lieu de se baser sur des valeurs de liquidation et non d’exploitation. Il a rappelé que la convention litigieuse ne prévoit pas que le versement de 20'000 fr. mais encore l’extinction de la plus importante créance (estimée à 234'975,60 fr.) à l’encontre de la masse, la reprise de tous les abonnés ayant pour la plupart payé leur abonnement annuel et ayant donc potentiellement la qualité de créanciers de la masse, ainsi que l’engagement des anciens salariés le souhaitant, et que M______ Sàrl avait profité illicitement des données de la masse cédées à O______ SA. Il a précisé que le « closing » de la convention litigieuse est intervenu le 4 juillet 2006 et que celle-ci déploie depuis lors tous ses effets.

K.a. La Commission de céans a convoqué les plaignants, O______ SA et l’Office à une audience de comparution personnelle fixée au 28 juillet 2006, à laquelle elle a aussi convoqué Q______ Sàrl, DFI Services SA, M______ Sàrl et M. R______ pour audition à titre de témoins.

Se sont présentés à cette audience M. P______ pour Entreprise J E______ M. P______ et Entreprise J C______ M. P______, M. M______ pour L______ Sàrl et M______ Sàrl, M. D’A______ pour O______ SA, M. L______ pour Q______ Sàrl, M. F______ pour DFI Services SA, ainsi que, pour l’Office, Mme R______, chargée de faillites, Mme G______, analyste financière, et M. W______, huissier. Sous réserve de ce qui suit, les renseignements qu’ils ont fournis lors de cette audience ont été, dans la mesure utile, intégrés ci-dessus au présent exposé des faits.

K.b. M. P______ a précisé, à propos de sa plainte A/2232/2006 pour Entreprise J E______ M. P______, qu’il ne revendique pas l’application QFCLocalizer mais le concept que cette dernière tend à réaliser, qui consiste à pouvoir localiser des téléphones portables grâce aux données relatives aux antennes de transmission des messages, données dont le décodage était possible grâce aux informations que Sunrise lui fournissait pour N______ SA et lui-même en vertu d’un accord, dont il n’était nullement exclu que la conclusion soit obtenue par d’autres intéressés. O______ SA a indiqué qu’elle avait obtenu un accord semblable de Sunrise et que les données fournies par Sunrise qui seraient sur les supports informatiques compris dans la vente d’urgence litigieuse étaient très vraisemblablement périmées dès lors qu’elles sont fréquemment modifiées. L’Office a précisé que la vente d’urgence contestée porte notamment sur l’application QFCLocalizer développée par Q______ Sàrl, mais aucunement sur un accord avec un opérateur (comme Sunrise) donnant accès auxdites données de décodage des informations relatives aux antennes de transmission des messages. M. P______ a alors déclaré retirer sa plainte A/2232/2006 formée pour Entreprise J E______ M. P______.

K.c. L’Office a par ailleurs indiqué que suite à une intervention que L______ Sàrl a faite auprès de lui, parallèlement au dépôt de sa plainte A/2226/2006, pour revendiquer l’application Freeway, il avait pris contact avec O______ SA, dont un interlocuteur lui avait alors dit qu’elle disposait d’une autre application plus performante et qu’elle n’avait pas utilisé l’application Freeway, qui pouvait dès lors être exclue de la vente par le biais d’un avenant, ce dont l’Office avait informé L______ Sàrl par un fax du 21 juin 2006, mais que lors de la signature du « closing » de la convention en date du 4 juillet 2006, O______ SA avait déclaré que l’application Freeway faisait partie des actifs de N______ SA en faillite et qu’il lui importait d’en faire l’acquisition, et que l’Office avait alors informé L______ Sàrl, par un fax du 4 juillet 2006, qu’au vu des éléments portés à sa connaissance l’application Freeway était bien la propriété de N______ SA en faillite et pouvait de ce fait être cédée, si bien que sa télécopie précitée du 21 juin 2006 était nulle et non avenue et que le « fond du litige (serait) tranché par la Commission de surveillance » dans le cadre de la plainte pendante devant elle. L’Office a précisé qu’une première analyse du contrat passé en novembre 2005 entre L______ Sàrl et N______ SA pour le développement de l’application « Mobile et proxy » que N______ SA dénommera Freeway (cf. let. A.c), joint au courrier de L______ Sàrl, l’avait conduit à considérer que N______ SA pouvait utiliser ladite application au bénéfice d’un contrat de licence et donc que, d’après un jugement rendu à propos d’une vente comportant une application informatique conclue dans une autre faillite, il ne pouvait inclure cette application dans la vente sans qu’un accord ne soit passé avec le fournisseur de l’application eu égard à la substitution de parties au contrat de licence que la vente impliquait dans un tel cas, si bien qu’il s’était approché d’O______ SA en vue d’exclure cette application par le biais d’un avenant ; l’Office a ajouté qu’il avait toutefois été convaincu par l’analyse divergente, niant la qualification de contrat de licence, qu’O______ SA lui avait exposée lors de la signature du « closing ».

O______ SA a déclaré qu’elle savait que l’application Freeway avait été développée par L______ Sàrl, qu’elle affirmait que cette application avait été vendue à N______ SA sur la foi d’un avis de droit fait en interne par son juriste, et qu’en dépit du fait qu’elle a une solution informatique propre comme alternative à l’application Freeway, elle n’entend pas renoncer à cette dernière pour le cas où elle rencontrerait un problème technique avec cette solution alternative et par ailleurs parce que cette application Freeway permet de rendre l’activité de N______ SA en mode GPRS rentable et pérenne et est le « cœur commercial » du système.

L______ Sàrl a fait remarquer que l’application Freeway ne pouvait être utilisée sans être connectée à l’adresse de localisation dans les locaux mêmes de DFI Services SA au serveur sur laquelle elle est installée, à moins de subir des modifications impliquant une intervention sur le code source de cette application, que L______ Sàrl détient comme propriétaire en vertu de la clause de propriété intellectuelle qu’il avait tenu à insérer dans le contrat conclu avec N______ SA, d’autant plus que cette dernière ne lui avait pas caché ses difficultés financières et lui avait demandé un échelonnement des paiements qui lui seraient dus. Il a précisé qu’une perquisition était intervenue dans ses locaux à la suite de la plainte pénale d’O______ SA.

Q______ Sàrl a indiqué que, abstraction faite du droit de le faire, un technicien en informatique pourrait opérer la modification du code source que nécessiterait le changement d’adresse de localisation du serveur hébergeant l’application Freeway.

EN DROIT

1.a. La Commission de céans est compétente pour connaître des plaintes dirigées contre des mesures prises par des organes de l’exécution forcée qui ne sont pas attaquables par la voie judiciaire ou des plaintes fondées sur un prétendu déni de justice ou retard injustifié (art. 17 LP ; art. 10 al. 1 et art. 11 al. 2 LaLP ; art. 56R al. 3 LOJ).

La conclusion d’une vente d’urgence d’actifs d’une faillie représente une mesure sujette à plainte (art. 17 al. 1 LP). Les six plaintes considérées en l’espèce sont dirigées contre la vente d’urgence signée le 31 mai 2006 entre l’Office pour le compte de la masse en faillite de N______ SA et O______ SA, vente à propos de laquelle un avis a été publié dans la Feuille officielle suisse du commerce et la Feuille d’avis officielle du 7 juin 2006. La Commission de céans retient que tel est aussi le cas, implicitement, de la plainte A/2226/2006 de L______ Sàrl, qu’une lecture plus littérale conduirait à ne comprendre que comme une plainte pour un déni de justice réalisé dans le fait que l’Office n’aurait pas répondu à la demande de cette société de retirer l’application Freeway (logiciel Freeway GPRS Link-U) de la liste des actifs cédés.

1.b. Bien qu’elles ne soient pas toutes fondées sur les mêmes griefs, les six plaintes s’inscrivent dans un même complexe de faits et soulèvent des problèmes juridiques analogues ou voisins, et elles sont toutes en état d’être jugées. Aussi la Commission de céans les joindra-t-elle en une même procédure (art. 70 LPA et art. 13 al. 5 LaLP), des considérations de protection de la sphère privée ne faisant pas en l’occurrence obstacle à cette mesure (DCSO/250/04 consid. 1.b du 19 mai 2004 ; DCSO/311/04 consid. 1.b du 28 mai 2004), d’autant moins dans le mode d’exécution générale qu’est la faillite.

1.c. Soit en tant qu’ils se prétendent créanciers de la faillie, soit en tant qu’ils revendiquent des actifs faisant l’objet de la convention de cession attaquée, les six plaignants peuvent se prévaloir d’un intérêt digne de protection suffisant à l’appui de leur plainte, et ont donc qualité pour former plainte.

Ils conservent un intérêt actuel à l’examen de leurs plaintes en dépit du fait que le « closing » de la vente litigieuse est intervenu le 4 juillet 2006, au demeurant de façon fort contestable (consid. 9.a). La renonciation qu’a dû faire O______ SA à se prévaloir de la condition résolutoire réalisée par le dépôt de plaintes contre la vente litigieuse ne prive pas les plaignants du bénéfice potentiel qu’ils obtiendraient en cas d’admission desdites plaintes (DCSO/92/06 consid. 1.a du 21 février 2006). Une annulation de la vente impliquerait que les parties au contrat se rétrocèdent réciproquement les prestations qu’elles ont échangées ; et cela apparaît encore possible. Le « closing » de la vente est intervenu aux risques et périls de l’acquéreur des actifs considérés, en dépit du fait que la Commission de céans n’a pas spontanément ordonné de mesures provisionnelles.

La mission de surveillance qui incombe à la Commission de céans justifierait au demeurant que l’exigence ordinaire d’actualité de l’intérêt aux plaintes cède la place à celle, satisfaite en tout état, d’un intérêt au moins virtuel à l’examen des plaintes, l’exigence d’actualité comportant le risque que le seul écoulement d’un temps pourtant bref ne prive régulièrement de telles plaintes de leur sens, la Commission de céans pouvant elle-même n’être pas d’emblée suffisamment renseignée pour pouvoir, par une mesure provisionnelle, prévenir ce risque sans en fait sceller le sort à leur réserver, dans un sens pouvant s’avérer finalement erroné.

1.d. Deux des plaignants ne sont pas inscrits au registre du commerce, à savoir Entreprise J E______ M. P______ et même Entreprise J C______ M. P______. L’entreprise individuelle inscrite au registre du commerce sous le n° CH-550-0035884-0, qu’O______ SA cite dans sa détermination, est en réalité différente de l’entreprise individuelle ici pertinente qu’est Entreprise J C______ M. P______ à Forel-Lavaux (VD), puisqu’il s’agit de Entreprise J C______ M. P______ ayant son siège à Aubonne (VD). Si, sous réserve d’exceptions, elle est une condition d’acquisition de la personnalité juridique pour les sociétés organisées corporativement et les établissements (art. 52 CC), l’inscription au registre du commerce n’emporte pas acquisition de la personnalité morale pour une entreprise individuelle exploitée sous une raison individuelle, qui n’a pas une existence propre distincte de celle de son exploitant, même quand ladite inscription est obligatoire (art. 934 CO ; art. 52 ss ORC). Dépourvue de la personnalité juridique, l’entreprise individuelle n’a certes pas, en tant que telle, qualité pour former plainte, cette qualité supposant la capacité d’être partie, qui découle de la jouissance des droits civils, et la capacité d’ester en justice, qui résulte de l’exercice des droits civils (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 17 n° 94 ss ; Pauline Erard, in CR-LP, ad art. 17 n° 23 ; Flavio Cometta, in SchKG I, ad art. 17 n° 36 ss ; Franco Lorandi, Betreibungsrechtliche Beschwerde und Nichtigkeit. Kommentar zu den Artikeln 13-30 SchKG, Bâle-Genève-Munich 2000, ad art. 17 n° 144 ss). En l’espèce, il appert toutefois que c’est M. P______ en personne qui agit sous les deux raisons individuelles précitées, dans lesquelles il fait d’ailleurs figurer non seulement ses initiales mais aussi ses prénoms et nom en entier ; c’est le cas notamment pour les deux plaintes A/2232/2006 et A/2233/2006, qu’il a signées lui-même. Il y a lieu de considérer que ces deux plaintes sont celles de M. P______ lui-même, soit d’une personne physique ayant en l’espèce qualité pour former plainte en tant qu’exploitant de ses deux entreprises individuelles.

1.e. Quoique sommaires pour les unes, les six plaintes satisfont aux exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 13 al. 1 et 2 LaLP). Compte tenu de la pluralité des plaintes dirigées contre la vente considérée et de leur jonction en une même procédure (consid. 1.b), la Commission de céans n’entend pas faire montre de formalisme à propos de l’une ou l’autre d’entre elles, notamment parce qu’elles ne comporteraient pas de conclusions formelles, dès lors qu’il lui faut de toute façon entrer en matière sur ce contentieux, qu’elle n’est pas liée par les griefs invoqués (art. 69 al. 1 phr. 2 LPA et art. 13 al. 5 LaLP) et que l’omission de conclusions ou l’insuffisance d’une motivation ne justifieraient de prononcer l’irrecevabilité de telles plaintes que faute pour les plaignants concernés de remédier à ces défauts dans un délai qu’il faudrait leur impartir à cette fin sous peine d’irrecevabilité (art. 13 al. 2 et art. 64 s. LPA ; DCSO/127/05 consid. 2 du 3 mars 2005).

L’avis relatif à la vente contestée ayant été publié le 7 juin 2006, le délai de plainte, qui est de dix jours (art. 17 al. 2 LP), arrivait à échéance le lundi 19 juin 2006, compte tenu du report dudit délai au premier jour utile suivant le dixième jour tombant sur un samedi, un dimanche ou un jour légalement férié (art. 31 al. 3 LP). A l’exception de la plainte A/2234/2006 de G & V______ SA, formée le mardi 20 juin 2006, donc tardivement, les cinq autres plaintes ont été interjetées le 19 juin 2006, soit en temps utile.

1.f. Ainsi, la Commission de céans déclarera irrecevable la plainte A/2234/2006 de G & V______ SA et recevables les plaintes A/2222/2006 de M______ SA A/2223/2006 de Mme B______, A/2226/2006 de L______ Sàrl, A/2232/2006 de M. P______ (Entreprise J E______ M. P______) et A/2233/2006 de M. P______ (Entreprise J C______ M. P______).

1.g. La plainte A/2232/2006 de M. P______ (Entreprise J E______ M. P______) a été retirée par M. P______ lors de l’audience du 28 juillet 2006. Il en sera pris acte et cette plainte sera radiée du rôle.

2.a. Dès que l’Office a reçu communication de l’ouverture d’une faillite (art. 176 al. 1 ch. 1 LP), il procède à l’inventaire des biens du failli et prend les mesures nécessaires pour leur conservation (art. 221 LP). Ces mesures comprennent les mesures de sûretés énumérées à l’art. 223 LP, comme la fermeture et la mise sous scellés des magasins, dépôts de marchandises, ateliers « à moins que ces établissements ne puissent être administrés sous contrôle jusqu’à la première assemblée des créanciers » (art. 223 al. 1 LP), la prise sous sa garde de l’argent comptant, des valeurs, des livres de comptabilité (art. 223 al. 2 LP), la désignation d’un gardien pour les objets et documents se trouvant hors des locaux du failli (art. 223 al. 4 LP).

Après que le mode de liquidation de la faillite a été déterminé et que l’ouverture de la faillite a été publiée (art. 232 LP), c’est l’administration qui est chargée des intérêts de la masse et pourvoit à sa liquidation (art. 240 LP). Si la liquidation est confiée à l’Office plutôt qu’à une administration spéciale (art. 231 al. 3 ch. 1 et art. 237 al. 2 LP), celui-ci continue donc à mener la procédure qu’il avait dû engager en vertu de sa mission légale et assumer déjà dans la perspective de défendre les intérêts de la masse (DCSO/604/04 consid. 3.b du 16 décembre 2004).

La tâche de l’administration consiste à poursuivre la formation de la masse active, débutée par la prise d’inventaire, à former la masse passive, à gérer les actifs composant la masse active, à les réaliser et à distribuer le produit de leur réalisation entre les créanciers admis à l’état de collocation, selon leur rang.

Afin de départager le patrimoine du failli de celui de tiers, la procédure de formation de la masse active comporte une sommation à ceux qui ont des revendications à faire valoir d’annoncer leurs revendications à l’Office et de lui remettre leurs moyens de preuve (art. 232 al. 2 ch. 2 LP). L’administration rend une décision sur la restitution des objets revendiqués par des tiers (art. 242 al. 1 LP) ; si elle conteste une revendication, elle fixe au revendiquant un délai de vingt jours pour ouvrir action en revendication contre la masse ou, le cas échéant, contre le créancier qui a demandé cession du droit de contester la revendication (art. 242 al. 2 LP ; cf. art. 45 ss OAOF).

2.b. En cas de liquidation ordinaire, les créanciers, réunis en assemblée ou consultés par circulaire, peuvent prendre des décisions concernant la continuation du commerce ou de l’industrie du failli, l’ouverture de ses ateliers, magasins ou débits, les procès pendants et les ventes de gré à gré (art. 238 LP). La réalisation intervient après le dépôt de l’état de collocation et la deuxième assemblée des créanciers, par les soins de l’administration, aux enchères publiques ou de gré à gré si les créanciers le jugent préférable (art. 256 al. 1 LP) ; les biens sur lesquels il existe des droits de gage ne peuvent être réalisés de gré à gré qu’avec l’assentiment des créanciers gagistes (art. 256 al. 2 LP) ; les biens de valeur élevée et les immeubles ne sont réalisés de gré à gré que si l’occasion a été donnée aux créanciers de formuler des offres supérieures (art. 256 al. 3 LP).

En cas de liquidation sommaire, soit en pratique dans la très grande majorité des cas (Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 11 n° 32 ; Urs Lustenberger, in SchKG III, ad art. 231 n° 2), la faillite est administrée uniquement par l’Office, qui la liquide selon les règles de la procédure ordinaire, toutefois assouplies et simplifiées, en règle générale sans convoquer d’assemblée des créanciers mais en les consultant au besoin par voie de circulaire. L’Office procède à la réalisation des actifs à l’expiration du délai de production, au mieux des intérêts des créanciers et en observant les art. 256 al. 2 à 4 LP, les immeubles ne pouvant être réalisés qu’une fois l’état des charges dressé (art. 231 al. 3 LP ; Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 11 n° 38 ss ; François Vouilloz, in CR-LP, ad art. 231 n° 15 ss et 24 ss ; Urs Lustenberger, in SchKG III, ad art. 231 n° 17 ss et 25 ss).

2.c. Il y a toutefois des situations dans lesquelles la réalisation d’actifs peut intervenir, en procédure ordinaire, sans attendre la deuxième assemblée des créanciers ou, en procédure sommaire, avant l’expiration du délai pour les productions. D’après l’art. 243 al. 2 LP, l’administration de la faillite doit en effet réaliser sans retard les biens sujets à dépréciation rapide, dispendieux à conserver ou dont le dépôt occasionne des frais disproportionnés ; elle peut en outre ordonner la réalisation immédiate des valeurs et objets cotés en bourse ou sur le marché (243 al. 2 LP ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 221 n° 42, ad art. 223 n° 6 et 9 ss, ad art. 243 n° 21 ss). L’Office a aussi la compétence de procéder à une réalisation d’urgence dans l’exercice de sa mission légale antérieure à l’existence d’une masse en faillite à proprement parler.

Selon une interprétation restrictive de l’art. 243 al. 2 LP, une réalisation d’urgence suppose l’existence de circonstances particulières justifiant de déroger au cours ordinaire de la procédure, comme la nécessité de prévenir un dommage, notamment lorsqu’il est établi que les perspectives d’une réalisation favorable d’actifs de la masse se réduisent notablement avec l’écoulement du temps, eu égard à la nature ou aux caractéristiques des biens considérés (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 238 n° 10 ; Marc Russenberger, in SchKG III, ad art. 243 n° 8). Une interprétation plus souple permet la prise en compte de motifs économiques à l’appui de décisions de procéder à des réalisations d’urgence, si bien qu’au sens de l’art. 243 al. 2 LP, un fonds de commerce peut représenter un actif soumis à dépréciation rapide et donc être vendu d’urgence lorsque se présente une occasion favorable de le remettre à un repreneur dans de bonnes conditions sauvant des emplois et permettant la continuation du bail (DCSO/92/06 consid. 2.c du 21 février 2006 ; DCSO/314/05 consid. 2.b du 26 mai 2005 ; DCSO/600/04 consid. 2.c du 16 décembre 2004 ; DAS/08/2002 du 9 janvier 2002 ; Marc Russenberger, in SchKG III, ad art. 243 n° 10 ; Georges Vonder Mühll, Der wirtschaftlich begründet Dringlichkeitsverkauf von Mobilien im Konkurs, in BlSchK 1995 p. 1 ss ; contra : Nicolas Jeandin / Philipp Fischer, in CR-LP, ad art. 243 n° 15). Le Tribunal fédéral a admis cette seconde interprétation (ATF 131 III 280 consid. 2.1 rendu sur recours contre la DCSO/600/04 du 16 décembre 2004).

2.d. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si l’occasion doit être donnée aux créanciers de formuler des offres supérieures en cas de vente d’urgence, lorsque les actifs ainsi cédés sont de valeur élevée (ce qui est en principe le cas d’un fonds de commerce), et il ne s’est pas non plus prononcé sur le point de savoir si l’assentiment des créanciers gagistes est nécessaire à la passation d’un tel acte (cf. aussi ATF 105 III 72 consid. 2b, rés. in JdT 1982 II 20).

Une vente d’urgence d’actifs de valeur élevée peut se concevoir à un stade assez initial de la procédure de faillite, alors que l’Office agit encore en vertu de sa mission légale et non à proprement parler comme administration d’une masse encore juridiquement inexistante, c’est-à-dire avant même que le mode de liquidation de la faillite ne soit défini et que l’ouverture de la faillite n’ait été publiée en sa forme légale de l’appel aux créanciers (art. 232 LP ; Nicolas Jeandin / Philipp Fischer, in CR-LP, ad art. 243 n° 14 ; Hans Fritzsche / Hans Ulrich Walder-Bohner, SchK II, § 48 n° 24). Or, à ce stade, tous les créanciers ne sont pas connus, n’ayant pas déjà dû s’annoncer à l’Office même si, grâce à la publication d’un avis préalable d’ouverture de faillite (intervenue en l’occurrence le 28 avril 2006), ils sont censés être au courant de la faillite (DCSO/161/06 consid. 6.b et 6.c du 9 mars 2006 ; DCSO/298/05 consid. 3.a du 17 mai 2005 ; DCSO/78/05 consid 2.a du 1er février 2005), et tous les créanciers gagistes ne sont pas non plus connus de l’Office. Il paraît donc a priori logique d’admettre que les créanciers ne puissent pas forcément être consultés et que l’assentiment des créanciers gagistes ne puisse pas forcément être requis pour la conclusion d’une vente d’urgence.

Selon Pierre-Robert Gilliéron (Commentaire, ad art. 243 n° 26 in fine), la réalisation de gré à gré d’un droit patrimonial inventorié de valeur élevée doit être possible - si la faillite est liquidée selon le mode sommaire, indique-t-il - sans en référer aux intervenants. Nicolas Jeandin / Philipp Fischer (in CR-LP, ad art. 243 n° 9 in fine) disent qu’en cas de vente d’urgence de gré à gré, « l’administration de la faillite n’est pas tenue de consulter les créanciers, l’art. 256 al. 1 in fine n’étant pas applicable vu la situation spécifique (l’urgence) visée par l’art. 243 al. 2 LP » (mais ils ne font pas mention de l’art. 256 al. 2 et 3 LP). Sans se prononcer explicitement sur le sujet, Bénédict Foëx (in CR-LP, ad art. 256 n° 5) rappelle, au titre des généralités relatives à l’art. 256 LP, que la loi soumet la réalisation de certains biens à des règles particulières, au nombre desquelles il cite précisément les biens pouvant faire l’objet d’une réalisation d’urgence au sens de l’art. 243 al. 2 LP. Marc Russenberger (in SchKG III, ad art. 243 n° 12) s’en remet à la jurisprudence future sur le point de savoir si, en cas de vente d’urgence, les droits de participation des créanciers doivent ou non subsister pleinement au regard des obligations de diligence et d’efficience incombant à l’administration de la faillite dans la recherche du meilleur produit possible de réalisation des actifs de la faillie, en paraissant partagé entre le légalisme défendu par Isaak Meier / Jürgen Brönnimann / Rudolf Ottomann / Christoph Stäubli / Hans Ulrich Walder (Aktuelle Fragen des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts nach revidiertem Recht, Bâle 1996) et le réalisme lui semblant de bon aloi de Georges Vonder Mühll (Der wirtschaftlich begründet Dringlichkeitsverkauf von Mobilien im Konkurs, in BlSchK 1995 p. 1 ss).

Dans la DCSO/600/04 du 16 décembre 2004 (consid. 2.c in fine), la Commission de céans a émis l’avis qu’en cas de vente d’urgence, l’administration de la faillite doit respecter « dans la mesure du possible » les dispositions de l’art. 256 LP, s’agissant en particulier de recueillir l’assentiment des créanciers gagistes pour des biens constitués en gage (art. 256 al. 2 LP) et d’offrir aux créanciers l’occasion de formuler des offres supérieures (art. 256 al. 3 LP). Cette approche implique une mise en balance des intérêts en jeu, en particulier d’une part ceux des créanciers gagistes et autres créanciers connus ou probablement existants pris individuellement et d’autre part ceux de l’ensemble des créanciers à une efficace liquidation de la faillite en termes de probables dividendes susceptibles d’être finalement distribués mais aussi de prévisibles temps et coût de liquidation de la faillite. Elle intègre le pouvoir d’appréciation étendu reconnu à l’Office en matière de vente d’urgence (BlSchK 1999 p. 67 ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 243 n° 25 ; Thomas Bauer, in SchKG-Ergänzungsband, ad art. 243 n° 8 et 10).

La Commission de céans a confirmé cette approche dans deux décisions, soulevant l’une la question de l’assentiment des créanciers gagistes (DCSO/92/06 du 21 février 2006, ayant fait l’objet d’un recours au Tribunal fédéral, que ce dernier a déclaré irrecevable par un ATF 7B.41/2006 du 19 juillet 2006, dont une expédition complète n’a pas encore été notifiée à ce jour) et l’autre celle de la possibilité de formuler des offres supérieures (DCSO/91/06 du 21 février 2006). Elle a précisé que la mesure du possible dans laquelle il y a lieu de respecter les droits précités normalement reconnus aux créanciers gagistes et autres créanciers doit se déterminer au regard du degré d’urgence et des enjeux (y compris économiques) de la vente considérée, mais aussi de la protection que visent à conférer les droits normalement reconnus aux créanciers gagistes et autres créanciers, ce qui peut justifier de parvenir à un résultat différent selon qu’il s’agit de l’assentiment des créanciers gagistes ou de la possibilité de formuler une offre supérieure, et elle a ajouté que l’appréciation qu’il y a lieu de faire des intérêts en présence ne peut reposer à ce stade sur des certitudes mais ni non plus sur de simples conjectures, qu’elle doit pouvoir s’appuyer sur des vraisemblances fiables et hautement crédibles. Elle a indiqué que l’importance qu’il y a lieu a priori d’accorder à l’assentiment des créanciers gagistes (DCSO/600/04 consid. 6.a in initio du 16 décembre 2004) peut devoir être pondérée par une appréciation attentive quoique prima facie et sans force de chose jugée de la réalité de leur statut, afin de ne pas faire échouer, au détriment des intérêts de la masse, une intéressante vente d’urgence en raison de la position d’un créancier gagiste qui, finalement, n’aurait pas cette qualité ou qui, lorsqu’il peut être joint, refuserait son assentiment en considération d’intérêts insuffisamment dignes de protection.

3.a. En l’espèce, il doit être admis que les actifs cédés étaient et restent sujets à dépréciation rapide au sens de l’art. 243 al. 2 LP, même interprété strictement (consid. 2.c).

Peut-être n’est-ce pas le cas de chacun d’eux pris isolément. A des degrés divers, ils constituent cependant un tout dans la perspective de permettre une reprise rapide des activités de la faillie, qui, elle, doit prévenir une dévalorisation desdits actifs et, en plus, limiter la masse passive, et suppose un transfert sans tarder à la fois d’un accès facilité à la clientèle de la faillie et des moyens technologiques, en termes de machines et d’applications informatiques, d’exploiter son fichier clients et de fournir mais aussi développer les prestations auxquelles ces derniers étaient abonnés.

Contrairement à ce que certains des plaignants prétendent - dans un but dont on ne saurait se cacher qu’il est aussi sinon exclusivement d’empêcher le repreneur de faire concurrence à M______ Sàrl, qui a été constituée concurremment à la mise en faillite de N______ SA pour fournir le même type de services que cette dernière et à l’existence et au développement de laquelle ils sont plus ou moins directement intéressés -, tant le fichier clients que les applications et serveurs de la faillie, de même que ses droits de propriété intellectuelle et ses droits résultant de contrats signés avec les clients perdraient de leur valeur avec l’écoulement du temps dès lors que les activités de la faillie étaient et resteraient interrompues.

3.b. La vente d’urgence litigieuse n’implique certes pas la continuation d’un bail et, finalement, elle ne paraît pas sauver des emplois. Il faut néanmoins mentionner qu’elle était propre à sauver quelques emplois ; le repreneur a eu une intention apparaissant réelle d’ouvrir un site à Yverdon-les Bains (VD), soit à une distance raisonnable de Gland (VD) où se trouvaient les locaux de la faillie, pour y fournir les prestations reprises de la faillie en engageant d’anciens employés de cette dernière, mais il n’a pu la réaliser eu égard à l’absence d’intérêt témoigné par les anciens employés de la faillie, apparemment davantage séduits par l’offre de M______ Sàrl, voire mal informés ; l’offre d’engagement du repreneur subsiste d’ailleurs, quoique pour des locaux plus lointains.

Quoi qu’il en soit, la continuation d’un bail et le sauvetage d’emplois peuvent compenser le cas échéant un impact négatif insuffisamment marqué ou certain de l’écoulement du temps sur la valeur des actifs à réaliser. Ils autorisent une interprétation souple des conditions auxquelles une vente d’urgence peut intervenir (consid. 2.c). Ils ne sauraient en revanche permettre de conclure une vente d’urgence dont l’effet pour la masse apparaîtrait probablement moins favorable qu’une réalisation intervenant à un stade ultérieur ordinaire de la procédure, où - sied-il cependant de rappeler - elle peut intervenir généralement à tout prix, aussi faible soit-il (art. 258 LP ; Bénédict Foëx, in CR-LP, ad art. 258 n° 4), car ce sont les intérêts des créanciers que l’administration de la faillite doit défendre, et non des intérêts de bailleurs ou travailleurs sans rapport avec ceux de la masse. L’effet que la vente d’urgence a pour la masse doit, dans cette perspective, se mesurer plus largement qu’en termes de produit de réalisation des actifs considérés ; il s’agit d’intégrer d’autres avantages relativement substantiels qu’elle amène le cas échéant, en particulier des économies de frais liées à la dispense en résultant pour l’Office de gérer les actifs considérés et d’en organiser la réalisation notamment par voie d’enchères publiques (cf. art. 243 al. 2 LP, qui évoque la notion de frais), ainsi qu’une diminution de la masse passive. A noter, à ce dernier égard, qu’une continuation de bail et la reprise de rapports de travail peuvent précisément, suivant les cas, être de nature à diminuer le montant des productions de bailleurs et de salariés, si bien que les intérêts d’ordre économique pris en compte coïncident alors en partie avec ceux de la masse.

L’absence de continuation d’un bail ou de sauvetage d’emplois n’est pas un obstacle à l’admissibilité d’une réalisation d’urgence, d’une part si la condition de la rapide dépréciation d’un fonds de commerce ou d’éléments importants d’un fonds de commerce (ou l’une des conditions alternatives du caractère dispendieux de la conservation de tels actifs ou disproportionné des frais de leur dépôt) est réalisée pour elle-même de façon suffisante, ou d’autre part, dans l’hypothèse où cette condition légale serait réalisée moins nettement, si les conditions de la vente induisent pour la masse d’autres avantages faisant apparaître qu’elle sert les intérêts des créanciers.

3.c. En l’occurrence, si les conditions strictes d’une vente d’urgence n’étaient pas réalisées, contrairement à ce que juge la Commission de céans (consid. 3.a), il y aurait lieu de retenir que la cession litigieuse déploie des effets globalement positifs pour la masse.

En effet, en premier lieu, la réalisation considérée est susceptible de limiter les prétentions des clients de la faillie qui avaient payé leur abonnement mais ne recevaient plus les prestations correspondantes, dans la mesure où elle met l’acquéreur en position de leur fournir lesdites prestations, ainsi que la convention contestée l’y contraint, au demeurant dans son intérêt à réussir à relancer les activités reprises de la faillie.

Par ailleurs et surtout, l’acquisition des actifs considérés s’accompagne indissociablement de l’abandon de la plus importante des créances qui seraient colloquées dans la faillite, soit d’une créance de l’ordre de 236'000 fr. produite de façon anticipée mais que le repreneur a acquise du créancier en question (Q______ Sàrl) et qu’il s’est engagé à retirer. Rien n’autorise à retenir qu’à défaut ladite créance, étayée par des décomptes et des factures et d’ailleurs non contestée par la faillie avant la faillite, serait fictive ou exagérée et donc qu’elle ne serait pas admise à l’état de collocation.

Dans ces conditions, non seulement il est évident que le prix de la vente d’urgence contestée ne se limite pas aux 20'000 fr. que le repreneur doit payer en espèces à l’Office (consid. 4.b), mais aussi il faut admettre que, pris globalement, les créanciers y trouvent leur compte et voient donc leurs intérêts bien servis par une substantielle diminution de la masse passive.

3.d. En conclusion sur ce point, mais sans préjudice de l’examen des autres griefs émis à l’encontre de la vente litigieuse, il y a donc lieu de considérer que les conditions d’une vente d’urgence étaient et restent remplies.

4.a. Plusieurs des plaignants estiment que le prix payé par le repreneur est insuffisant.

Ce grief vient d’être rejeté en tant qu’il entrait en considération pour juger de l’admissibilité de principe de la vente d’urgence contestée. Il est cependant soulevé aussi à propos des conditions ou modalités de cette dernière.

4.b. Avant la conclusion de la vente litigieuse, l’Office a disposé de trois offres de rachat notamment du fichier clients de la faillie. Si deux d’entre elles - dont celle du repreneur, avec lequel la convention contestée a donc été conclue - ont été faites initialement pour un prix supérieur aux 20'000 fr. arrêtés dans ladite convention (soit entre 20'000 et 40'000 fr. pour O______ SA et 30'000 fr. pour DFI Services SA, tandis que Q______ AG n’avait offert que 17'000 fr. pour ledit fichier), force est de relever d’une part que ces deux offres comportaient d’autres contre-prestations que le paiement du seul prix offert, et d’autre part que l’effet dépréciatif du défaut d’exclusivité effectif de la disponibilité des données relatives à la clientèle de la faillie a vite pesé sur ce prix comme sur les chances de conclure une vente d’urgence, au point que le repreneur finalement retenu a limité ce prix à 20'000 fr. et que l’auteur de l’autre offre supérieure a retiré la sienne, l’auteur de la troisième offre inférieure ayant quant à lui indiqué ne pas pouvoir formuler d’offre concurrentielle au regard des autres contre-prestations prévues.

C’est là un indice que ce prix ne peut être tenu pour insuffisant, indice qui se trouve renforcé par le fait qu’aucune offre n’a été formulée après la publication de l’avis relatif à cette vente d’urgence dans la Feuille d’avis officielle, sinon l’offre de M______ Sàrl de racheter ledit fichier pour 1'000 fr., offre dérisoire qui discrédite d’ailleurs le grief précité en tant qu’il est émis par des plaignants plus ou moins directement intéressés à l’existence et au développement de cette société, qui n’a elle-même formé plainte ni contre la vente d’urgence ni contre le rejet de son offre. M. P______ s’est gardé de faire une offre supérieure, avant ou après la conclusion de la vente litigieuse, lui qui, pourtant, prétendait que le seul fichier clients valait 200'000 fr., estimation qui n’a pas réussi à inciter les interlocuteurs avec lesquels il avait pour le moins contact, comme L______ Sàrl ou M______ Sàrl, à se porter acquéreurs desdits actifs à un prix supérieur à ces 20'000 fr.

Il n’est au demeurant pas contesté que les seuls actifs cédés pourraient valoir à eux seuls plus que 20'000 fr., quand on prend en considération les serveurs et les applications de la faillie ainsi que ses droits de propriété intellectuelle et ses droits résultant de contrats signés avec les clients. Encore faut-il pondérer cette appréciation par le fait qu’elle fait référence à une valeur d’exploitation desdits actifs, et non à une valeur de liquidation, en principe moindre mais plus décisive en matière de faillite, ainsi que par le fait que la valeur de tels actifs tend à diminuer assez rapidement, sous la pression de considérations commerciales (s’agissant en l’espèce surtout du fichier clients) et technologiques (s’agissant des serveurs et des applications informatiques), si bien qu’il est aléatoire d’affirmer qu’une vente ultérieure de ces actifs, que ce soit aux enchères publiques ou de gré à gré, rapporterait bien davantage au stade auquel une réalisation interviendrait ordinairement dans la procédure de faillite.

4.c. L’Office a par ailleurs pris soin de faire estimer les actifs devant être compris dans la vente considérée. S’il n’a pas démontré en quoi la fiduciaire choisie à cette fin était experte en la matière, l’attestation qu’elle a établie sur la base d’un entretien avec la chargée de faillites, de l’inventaire dressé et du procès-verbal d’interrogatoire de l’administrateur de la faillie comporte des éléments qui corroborent l’appréciation qu’une vente aux enchères publiques desdits actifs « semble très aléatoire pour deux raisons essentielles », à savoir d’une part que « la valeur d’un tel fichier est essentiellement liée à la capacité de la société reprenante d’assurer un service comparable (… alors que) le marché est très étroit » et d’autre part que « le facteur temps est essentiel », et elle affirme qu’une offre d’achat complète couvrant le fichier clientèle pour au moins 20'000 fr., la diminution de la masse passive par une reprise des engagements de la faillie à l’égard du plus gros créancier connu (près de 237'000 fr.), la reprise du service auprès des clients ayant payé leurs abonnements et la diminution éventuelle de créances privilégiées en cas de reprise de certains contrats de travail « serait supérieure au produit que pourrait dégager une vente aux enchères » au sens de l’art. 256 al. 1 LP.

L’avis qu’exprime cette attestation paraît reposer sur des considérations raisonnables et plausibles. A défaut, le cas échéant, d’être l’avis d’un expert à proprement parler, il n’en est pas moins celui d’un tiers, qui, à l’inverse de plusieurs des plaignants, n’a au surplus aucun intérêt à ne pas estimer lesdits actifs à la valeur qu’il juge authentiquement correcte. Aucune conséquence ne pourrait d’ailleurs être tirée du fait que, le cas échéant, cette estimation ne vaudrait pas « dires de professionnels compétents » au sens de l’art. 7 phr. 2 LaLP, dans la mesure où le droit fédéral, seul décisif, n’impose pas systématiquement le recours à un expert pour l’estimation des biens, de façon générale ou en cas de vente de gré à gré, et qu’en l’occurrence il entre dans le pouvoir d’appréciation de l’Office non seulement de décider de procéder à une vente d’urgence mais aussi d’en fixer et apprécier les conditions et modalités.

4.d. Enfin et surtout, il faut répéter ici que le prix de la cession des actifs considérés ne se limite pas aux 20'000 fr. arrêtés par la convention litigieuse. Il intègre en effet la diminution de la masse passive due au rachat et à l’abandon de la plus importante des créances connues à l’encontre de la faillie et à la réduction escomptée, difficilement chiffrable, des prétentions des abonnés aux prestations promises par la faillie et fournies par le repreneur, en plus d’une réduction des créances privilégiées des travailleurs.

4.e. Le grief que la contre-valeur globale des actifs cédés est insuffisante doit donc être rejeté.

5.a. L’une des plaignantes (Mme B______) conteste la vente d’urgence en question précisément pour le motif que cette contre-valeur réside bien moins dans le versement d’espèces à la masse (ici 20'000 fr.) que dans une diminution substantielle (plus de 236'000 fr.) des créances de troisième classe par le biais de l’abandon d’une créance chirographaire acquise hors faillite pour plus de 100'000 fr., au détriment des créanciers privilégiés de première et deuxième classes, dont elle fait partie en tant que créancière de prétentions salariales (art. 219 al. 4 LP).

5.b. Si, en tant que mode d’exécution forcée générale, la faillite prend en compte l’ensemble des actifs et passifs du failli et tend à garantir l’égalité de traitement des créanciers, on ne peut ignorer qu’au regard de considérations de droit matériel et d’ordre social, tous les créanciers ne doivent pas être mis sur un pied d’égalité. C’est pourquoi la LP prévoit un ordre de désintéressement des créanciers, c’est-à-dire respecte les droits préférentiels fondés sur le droit matériel (comme les droits de gage) et institue ensuite un système de classes, limité à trois classes dont les deux premières sont les classes dites privilégiées et la troisième la classe des créances chirographaires (art. 219 LP ; Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 9 n° 6 ss et §10 n° 121 ss).

Les deniers obtenus par la réalisation des actifs servent premièrement à payer les frais de la procédure de faillite (art. 262 LP), puis à éteindre, dans l’ordre et dans la mesure du disponible, les créances garanties par gage sur le produit de la réalisation des gages (art. 219 al. 1 à 3 LP), les créances privilégiées de première classe (comprenant notamment des créances issues de contrats de travail) puis celles de deuxième classe, puis enfin les créances chirographaires (art. 219 al. 4 LP). Les créanciers non payés intégralement reçoivent un acte de défaut de biens pour le montant impayé (art. 265 LP).

Les cas dans lesquels les deniers suffisent à désintéresser intégralement tous les créanciers sont rares. Et il est fréquent que les créanciers chirographaires ne reçoivent aucun dividende ou qu’un faible dividende.

5.c. La créance dont l’abandon constitue - faut-il souligner - une des conditions de la vente d’urgence litigieuse et de la possibilité de formuler une offre supérieure (cf. En fait, let. D.a, E.a et E.b) est une créance chirographaire, et - selon les indications disponibles en l’état de la procédure, qui n’a pas encore franchi l’étape de la détermination du mode de liquidation ni, partant, celui de l’appel aux créanciers (art. 232 LP) - elle est proportionnellement importante, puisqu’il s’agit de la plus grosse créance connue à ce jour dans cette faillite. Il appert par ailleurs que des créances privilégiées seraient produites dans cette faillite, dont celle, non chiffrée, de la plaignante Mme B______.

Sans doute n’est-il pas inconcevable qu’une vente d’urgence d’un fonds de commerce comporte, dans ses conditions, l’abandon d’une créance de troisième classe acquise hors faillite alors même qu’existeraient des créances privilégiées, et que cet abandon de créance contribue à rendre ladite réalisation favorable à la masse et, donc, admissible (consid. 3). Encore faut-il, toutefois, qu’une telle vente ne trahisse pas grossièrement l’esprit du droit de la faillite, en particulier qu’elle ne favorise pas de façon importante des créanciers chirographaires au détriment de créanciers privilégiés, sauf accord de ces derniers s’ils sont déterminables et le donnent. L’obligation incombant à l’Office (puis à l’administration de la faillite) de veiller aux intérêts de la masse implique la prise en compte, dans l’analyse des effets et, en conséquence, de l’admissibilité d’une vente d’urgence, des intérêts de chacun des créanciers, et pas seulement des intérêts globaux de la masse (cf. DCSO/600/04 consid. 3 du 16 décembre 2004 sur les limites assignées au large pouvoir d’appréciation de l’Office notamment par la norme directrice de l’action de l’administration que représente le devoir de veiller aux intérêts de la masse).

Or, en l’espèce, si elle suppose certes pour le repreneur le rachat (à un prix renchérissant indirectement mais de façon sensible le prix global de la cession, soit de l’ordre de 120'000 fr.) puis l’abandon de la créance de troisième classe de Q______ Sàrl (qui est de l’ordre de 236'000 fr.), la cession contestée n’en revient pas moins à privilégier - aussi de façon indirecte mais sensible - un créancier chirographaire (Q______ Sàrl), qui cesserait de l’être contre le rachat de sa créance à un montant substantiel que, très probablement, il n’obtiendrait de loin pas sous la forme d’un dividende si la liquidation de la faillite suivait son cours normal, de plus au probable détriment des créanciers privilégiés, que ne permettraient de désintéresser que faiblement, dans des proportions respectives toutefois indéfinies en l’état, les maigres deniers constitués essentiellement des 20'000 fr. versés à la masse par le repreneur et non augmentés d’un prix de vente des actifs considérés susceptible d’être plus élevé en l’absence de ces rachat et abandon de créance (consid. 4.b).

Une telle solution ne saurait se justifier par le fait que le rachat de la créance ensuite abandonnée par le repreneur intervient hors faillite, dès lors qu’il conditionne la vente d’urgence litigieuse et est d’ailleurs lui-même logiquement conditionné par l’aboutissement de cette dernière. S’il est conclu hors faillite, ledit rachat intervient manifestement dans le contexte et en prévision de la réalisation contestée, non seulement de facto mais aussi de jure dans la mesure où l’abandon de la créance considérée, inimaginable sans son rachat, est érigée en condition de la vente.

5.d. On sait qu’avec le montant de la transaction qui serait payé à la masse, il y aurait 20'000 fr., plus 181,85 fr. de solde en caisse et le produit des biens inventoriés estimés à 5'535 fr., pour payer les frais puis, à supposer qu’il n’y ait pas de créanciers gagistes, commencer à désintéresser les créanciers privilégiés. Mais on ignore notamment le montant des créances privilégiées qui seraient colloquées ; d’après les déclarations faites à l’Office par l’administrateur de la faillie, il y aurait un découvert d’environ 1'300'000 fr. pour cinquante à cent cinquante créanciers. L’abandon d’une créance de 236'000 fr. présenterait a priori un intérêt non négligeable, puisqu’il correspondrait à plus du 18% du total des créances prévisibles, mais il n’en est pas moins susceptible de créer une distorsion excessive au détriment des créanciers privilégiés, le désintéressement dudit créancier chirographaire, certes indirect mais néanmoins partie intégrante de la réalisation litigieuse, avoisinant le 50% de sa créance, alors qu’il paraît des plus douteux que celui des créanciers privilégiés atteigne une proportion aussi élevée.

Compte tenu de la taille modeste de la faillie, il ne devrait pas être trop difficile de mieux cerner l’ampleur des créances privilégiées, notamment par l’analyse des pièces comptables qu’a dû produire l’administrateur de la faillie et au besoin un nouvel interrogatoire de ce dernier, voire une interpellation des anciens employés de la faillie, afin de mieux pouvoir évaluer l’impact de la réalisation litigieuse sur un probable quoique approximatif dividende qui pourrait être attribué aux créanciers privilégiés et le comparer, dans la mesure du possible, avec celui qui serait probablement susceptible de revenir aux créanciers privilégiés en l’absence de la réalisation d’urgence contestée.

La Commission de céans n’affirme pas que les conditions de la réalisation litigieuse, avec en particulier le rachat et l’abandon d’une créance de troisième classe qui la caractérisent, ne puissent être admissibles dans le cadre de la vente d’urgence des actifs considérés. Force est toutefois de retenir qu’en l’état le grief précité soulevé par la plaignante Mme B______ n’est pas dénué de pertinence, au point même qu’il justifie l’annulation de la vente considérée, sans préjudice d’une nouvelle conclusion à des conditions éventuellement similaires - en tout état sous réserve d’un point (consid. 7.c) - ou plus probablement à des conditions modifiées dans la mesure utile à supprimer ou atténuer la distorsion existante, après le complément d’instruction évoqué ci-dessus, qu’il incombe d’autant plus à l’Office d’effectuer que la réalisation litigieuse soulève encore un autre problème et appelle une autre solution impliquant une action de l’Office (consid. 7.c).

6.a. Préalablement à l’examen de cet autre problème, il sied de constater qu’aucune des présentes plaintes jointes ne conteste la vente d’urgence considérée sous l’angle de la formulation d’offres supérieures.

L’Office ne s’était pas trouvé dans l’impossibilité de respecter l’art. 256 al. 3 LP (consid. 2.d), et il avait donné la possibilité de formuler des offres supérieures à tout le moins aux créanciers à s’en tenir à la lettre de l’avis que l’Office a fait paraître à ce propos dans la Feuille d’avis officielle du 7 juin 2006 (cf. DCSO/91/06 consid. 3.a du 21 février 2006 sur l’offre de cette possibilité aussi à des tiers, au-delà des exigences légales, et ATF 131 III 280 consid. 3 et 4 sur l’interprétation d’une convention de cession n’étendant pas cette possibilité à des tiers et, dans ces conditions, l’exclusion d’une vente aux enchères privées à la suite de la formulation d’une offre par un non-créancier).

Seule une offre a été faite postérieurement à la conclusion de la convention de cession attaquée et à la parution de cet avis. Elle proposait un montant nettement inférieur à celui de la convention litigieuse, et elle a été écartée par l’Office (cf. partie En fait, let. H.b et H.d), sans que son auteur - M______ Sàrl, dont l’associé gérant est le même que celui de la plaignante L______ Sàrl - ne forme de plainte à l’encontre de ce rejet.

6.b. La Commission de céans attire néanmoins l’attention de l’Office sur l’opportunité de soigner la rédaction de telles conventions de cession et des avis publiés à leur propos dans la Feuille d’avis officielle, en relevant non seulement qu’il serait judicieux d’y préciser, le cas échéant, si les offres de non-créanciers seraient susceptibles d’être prises en considération, comme les intérêts de la masse pourraient le justifier lorsque cela n’occasionnerait pas un retard incompatible avec l’urgence à vendre effectivement les actifs considérés (DCSO/91/06 consid. 3.b du 21 février 2006 ; DCSO/604/04 consid. 6 du 16 décembre 2004), mais aussi de réserver explicitement l’issue des plaintes qui seraient formées contre la vente d’urgence nonobstant un « closing » de la vente à la suite d’une renonciation du repreneur à se prévaloir de la condition résolutoire tenant au dépôt de plaintes (consid. 1.c), et, par ailleurs, de mieux cerner la notion de prix de la cession qu’une offre supérieure pourrait dépasser avec l’effet de nécessiter l’organisation d’enchères privées.

Sur ce dernier point, la Commission de céans avait déjà relevé, dans la cause tranchée par sa décision précitée du 16 décembre 2004 (DCSO/604/04), à son considérant 6.b, qu’il y avait dans cette affaire ambiguïté sur le point de savoir à partir de quel montant une offre supérieure serait formulée au sens de l’art. 256 al. 3 LP, en d’autres termes quel était le montant déterminant effectif de l’offre retenue par l’Office qu’une offre de créanciers (voire de tiers) surpasserait, eu égard au fait que divers engagements s’ajoutaient en réalité au montant de la reprise des actifs cédés et devaient aussi être pris ou obtenus par les auteurs d’offres supérieures. Or, dans la présente affaire, une certaine ambiguïté affecte la notion de prix offert par le repreneur, et par conséquent celle d’offre supérieure que les créanciers étaient invités à formuler. De plus, l’avis publié dans la Feuille d’avis officielle à propos de cette vente d’urgence subordonne la formulation ou la prise en compte d’offres supérieures à des conditions en réalité plus sévères que celles que le repreneur remplissait, notamment en ce qui concerne une reprise d’une partie du personnel de la faillie ; en effet, à teneur de la convention de cession litigieuse, le repreneur envisageait d’engager d’anciens employés de la faillie, mais selon ledit avis, les auteurs d’offres supérieures devaient communiquer à l’Office un document attestant de la reprise d’une partie d’entre eux avec le détail du nombre de salariés repris.

Des griefs à ce propos ne sont toutefois pas formulés dans les présentes causes jointes, et, bien que la Commission de céans ne soit pas liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 phr. 2 LPA et art. 13 al. 5 LaLP), il n’y a pas lieu d’en tenir compte d’office, dès lors qu’ils ne constitueraient pas des motifs de nullité de la vente d’urgence litigieuse (art. 22 LP) et qu’il n’apparaît d’ailleurs pas même qu’ils justifieraient une annulation de ladite vente, dans la mesure où l’avis publié dans la Feuille d’avis officielle à propos de la vente d’urgence considérée ne pouvait être explicite et détaillé et comportait les indications permettant aux intéressés de compléter leur information auprès de l’Office.

7.a. La présente affaire ne soulève pas non plus la question de savoir dans quelle mesure des créanciers gagistes disposent d’un droit de veto à l’encontre d’une vente d’urgence. Elle pose en revanche le problème de la portée d’une revendication faite à propos d’actifs compris dans la cession litigieuse.

Si l’assentiment de créanciers gagistes peut n’être pas requis ou le refus de le donner ne pas constituer un obstacle à une vente d’urgence (consid. 2.d ; DCSO/92/06 consid. 4.b du 21 février 2006), une revendication portant sur des actifs à réaliser d’urgence risque fort de bloquer le processus, à moins qu’elle ne procède d’un exercice manifestement abusif du droit de faire valoir que des actifs inventoriés ne sont pas la propriété du failli ou que, suivant les cas, le produit de la réalisation puisse être substitué à l’actif revendiqué sans réelle lésion des intérêts du revendiquant (cf. p. ex. le cas de marchandises périssables devant de toute façon être vendues à bref délai). La revendication vise à faire sortir de la masse active des biens qui ne doivent pas en faire partie parce qu’ils appartiennent à des tiers ; elle doit être traitée selon une procédure qui, en cas de contestation, implique que la question de la propriété des biens soit tranchée par les tribunaux (consid. 2.a in fine). L’enjeu n’est rien moins que l’Office (ou, à un stade ultérieur, l’administration de la faillite) vende un actif qui n’appartiendrait pas au failli.

7.b. En l’espèce, dans sa plainte A/2233/2006, M. P______ prétend que le fichier clients cédé comporte des adresses de clients dits inactifs qui lui appartiendraient, parce qu’il les aurait collectées sur mandat de L’entreprise D______ M. L______ durant l’année 2000 exclusivement pour cette entreprise et sans que ce travail n’aboutisse à la souscription d’abonnements, si bien qu’elles n’auraient pas dû être cédées ensuite à la faillie.

Or, M. P______ a été administrateur de la faillie dès août 2005. Il aurait pu et dû, si véritablement lesdites adresses étaient utilisées abusivement par cette dernière, les faire retirer du fichier clients lorsqu’il avait encore la maîtrise de celui-ci, ou prendre d’autres mesures, même administratives, qui attestent clairement que ces adresses lui appartenaient même s’il les prêtait en quelque sorte à la société qu’il administrait. De plus, lors de son interrogatoire comme administrateur de la faillie, ledit plaignant a mentionné le fichier clients au titre des biens de la faillie, et il a signé l’inventaire le comportant, sans faire de réserve. Enfin, les revendications qu’il a émises peu après (le 19 avril 2006) n’ont porté que sur une dizaine d’objets inventoriés, dûment identifiés, ne comportant pas ledit fichier (cf. En fait let. B.a et B.c).

Sans doute ledit plaignant a-t-il fait valoir cette revendication dans le délai imparti par l’avis relatif à la vente contestée paru dans la Feuille d’avis officielle, qui invitait les intéressés (les créanciers, selon cet avis, alors que des tiers étaient susceptibles d’être concernés) à faire valoir leurs revendications. Il n’en était pas moins bien placé pour faire valoir plus tôt une revendication sur une grande partie des adresses contenues dans le fichier clients si celles-ci lui appartenaient vraiment.

L’émission de cette revendication, éminemment douteuse, après la conclusion de la vente litigieuse apparaît comme une manœuvre tendant au blocage de la réalisation d’urgence en question, pour des motifs étrangers à la finalité de cette institution du droit de l’exécution forcée. Elle représente l’exercice manifestement abusif d’un droit procédural, qui ne mérite pas protection.

Dès lors qu’elle est fondée sur ce seul motif, la plainte A/2233/2006 de M. P______ (Entreprise J C______ M. P______) doit être rejetée.

7.c. Dans sa plainte A/2226/2006, L______ Sàrl fait valoir que l’application Freeway lui appartient et ne saurait donc être comprise dans la réalisation d’urgence litigieuse.

Lors de l’audience du 28 juillet 2006, l’Office a indiqué qu’après avoir reçu la revendication mentionnée dans ladite plainte et pris connaissance du contrat joint à cette dernière, il avait estimé que seul un droit d’utilisation, et non la propriété, de l’application Freeway avait été accordé à la faillie, et qu’il avait approché le repreneur pour proposer la signature d’un avenant excluant ladite application de la cession contestée, d’autant plus que le repreneur déclarait ne pas l’utiliser. Il a précisé avoir ensuite changé d’avis, lors de la signature du « closing », sur la base des arguments du repreneur (cf. En fait let. K.c).

Contrairement à ce que l’Office a alors écrit à L______ Sàrl le 4 juillet 2006, il n’appartient pas à la Commission de céans de trancher le fond du litige, qui devrait l’être, s’il y a lieu, par les tribunaux sur une action en revendication qu’intenterait L______ Sàrl à la masse ou à un créancier qui aurait demandé la cession du droit de contester la revendication (art. 242 al. 2 LP ; art. 46 et 52 OAOF ; Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 11 n° 74 ss). La Commission de céans doit en revanche dire si cette revendication fait ou non obstacle à la réalisation d’urgence contestée en tant qu’elle porte aussi sur cette application.

Il n’est pas contesté que l’application dénommée « Freeway » par la faillie a été développée par L______ Sàrl - ainsi que le repreneur a d’ailleurs déclaré le savoir -, et qu’en novembre 2005 la faillie avait accepté à cette fin une proposition de L______ Sàrl comportant explicitement une clause de propriété intellectuelle aux termes de laquelle L______ Sàrl conserverait « tous les droits sur le code source du logiciel vendu, en particulier ceux liés à la propriété et au droit d’auteur ». Lors de son audition, L______ Sàrl a déclaré, sans être contredite (notamment par M. P______), qu’avant d’accepter cette offre, la faillie (représentée par M. P______) s’était enquise de la portée de cette clause et qu’il lui avait été précisé que l’application considérée resterait la propriété de L______ Sàrl. Elle a ajouté qu’elle entendait d’autant plus conserver la propriété de cette application qu’elle en avait besoin pour le développement d’applications parentes et qu’au surplus la faillie lui avait exposé avoir des difficultés financières et lui avoir demandé un échelonnement des paiements qu’elle devrait lui verser.

Si la qualification dudit contrat passé entre L______ Sàrl et N______ SA peut néanmoins prêter à discussion et supposerait que d’autres éléments soient encore pris en compte (comme les factures qui doivent avoir été adressées), il s’impose ici de constater d’une part qu’elle devrait être débattue devant les tribunaux ordinaires et d’autre part que la possibilité que ladite application n’appartienne pas à la faillie doit pour le moins être envisagée sérieusement sinon apparaît fort vraisemblable. Il s’ensuit que cette revendication fait obstacle à ce que cette application soit comprise dans la vente d’urgence litigieuse.

La plainte A/2226/2006 de L______ Sàrl doit donc être admise. Il faut en tirer la conséquence que la vente d’urgence contestée doit être annulée pour ce seul motif. L’importance effective de ladite application dans le contexte de la vente considérée paraît certes discutable, à en croire au moins une des versions qu’en a donnée le repreneur ; il n’est toutefois pas exclu que cette application représente pour le repreneur un élément essentiel de la cession considérée. Il n’est au surplus pas concevable que la Commission de céans réforme plutôt qu’annule une convention attaquée devant elle (DCSO/314/06 consid. 6.b in fine du 16 mai 2006).

8. L’annulation de la vente attaquée est aussi justifiée par le bien-fondé en l’état du grief soulevé par la plainte A/2223/2006 de Mme B______ (consid. 5), qui sera admise au sens des considérants, solution qu’il y a lieu de retenir aussi pour la plainte A/2222/2006 de M______ SA dans la mesure où le grief considéré peut être rattaché à la contestation de la valeur attribuée aux actifs cédés.

9.a. Enfin, sied-il de préciser, c’est de façon fort contestable que l’Office a admis que les conditions du « closing » étaient remplies, de plus avant même que l’Office et le repreneur ne se soient déterminés sur les plaintes.

L’une des quatre conditions fixées par la convention de cession litigieuse était en effet qu’aucune revendication dûment établie par preuve ou par jugement, y compris droit de rétention, sur les éléments essentiels des actifs cédés ne soit émise qui empêcherait l’exploitation de l’entreprise remise, et il n’était pas prévu que le repreneur pourrait renoncer à se prévaloir de cette condition résolutoire (comme cela était prévu pour la condition résolutoire du dépôt de plainte contre la décision de signer la convention de cession). Or, en plus que la légalité même de cette condition est critiquable au regard des dispositions légales régissant la procédure de revendication, il y avait en l’espèce une revendication - celle de L______ Sàrl -, qu’il n’était pas admissible d’écarter comme n’étant, du moins en l’état, pas établie à satisfaction de droit au regard du niveau de preuve décisif à cet égard pour l’Office, notamment au vu de la clause de propriété intellectuelle comprise dans l’offre acceptée par la faillie de faire développer cette application par L______ Sàrl, et au surplus comme ne portant pas sur un élément essentiel des actifs cédés dans la perspective de l’exploitation de l’entreprise remise, eu égard à l’insistance du repreneur à la conserver au nombre des biens vendus, « cœur commercial » du système selon ses déclarations faites en audience, et nonobstant son autre déclaration qu’il n’en avait en réalité pas besoin.

En tout état, le « closing » de cette vente d’urgence est intervenu aux risques et périls des parties à ladite convention (consid. 1.c).

9.b. L’annulation de la vente litigieuse implique que l’Office doit agir en vue de la rétrocession des actifs cédés, sans préjudice d’une nouvelle négociation de ladite vente dans la mesure où les intéressés trouveraient un terrain d’entente compatible avec les intérêts de la masse. La cause sera donc renvoyée à l’Office.

10. Sous réserve d’exceptions non réalisées en l’espèce, la procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 1 LP ; art. 61 al. 2 let. a OELP). Il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

SIÉGEANT EN SECTION :

A la forme :

1. Joint en une même procédure les plaintes A/2222/2006 de M______ SA A/2223/2006 de Mme B______, A/2226/2006 de L______ Sàrl, A/2232/2006 de M. P______ (Entreprise J E______ M. P______), A/2233/2006 de M. P______ (Entreprise J C______ M. P______) et A/2234/2006 de G & V______ SA, dirigées toutes six contre la vente d’urgence à O______ SA d’actifs de la faillite de N______ SA du 31 mai 2006 .

2. Déclare irrecevable la plainte A/2234/2006 de G & V______ SA.

3. Déclare recevables les plaintes A/2222/2006 de M______ SA A/2223/2006 de Mme B______, A/2226/2006 de L______ Sàrl, A/2232/2006 de M. P______ (Entreprise J E______ M. P______), A/2233/2006 de M. P______ (Entreprise J C______ M. P______).

4. Prend acte que la plainte A/2232/2006 de M. P______ (Entreprise J E______ M. P______) a été retirée et la raye du rôle.

Au fond :

5. Rejette la plainte A/2233/2006 de M. P______ (Entreprise J C______ M. P______).

6. Admet la plainte A/2226/2006 de L______ Sàrl.

7. Admet les plaintes A/2222/2006 de M______ SA et A/2223/2006 de Mme B______ au sens des considérants.

8. Annule la vente d’urgence à O______ SA d’actifs de la faillite de N______ SA du 31 mai 2006.

9. Renvoie la cause à l’Office des faillites.

10. Déboute les parties de toute autre conclusion.

Siégeant : M. Raphaël MARTIN, président ; M. Didier BROSSET et Mme Florence CASTELLA, juges assesseur-e-s.

Au nom de la Commission de surveillance :

 

Paola DI DIO Raphaël MARTIN

Commise-greffière : Le président :

 

 

 

La présente décision est communiquée par courrier A à l’Office concerné et par recommandé aux autres parties par la greffière le