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Décisions | Chambre de surveillance

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C/20510/2021

DAS/191/2022 du 29.08.2022 sur DJP/184/2022 ( AJP ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20510/2021 DAS/191/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 29 AOÛT 2022

 

Appel (C/20510/2021) formé le 2 mai 2022 par Monsieur A______, actuellement incarcéré à la Prison de B______, ______ (Genève), comparant par Me Vincent SPIRA, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 1er septembre 2022 à :

 

- Monsieur A______
c/o Me Vincent SPIRA, avocat,
Rue De-Candolle 28, 1205 Genève.

- Madame C______
Monsieur D______

c/o de Me Pierre DUCRET, avocat,
Rue Bovy-Lysberg 2, CP 5067, 1211 Genève 3.

- Monsieur E______
c/o de Me Pierre DUCRET, avocat,
Rue Bovy-Lysberg 2, CP 5067, 1211 Genève 3.

- Maître F______
_______ Genève.

- JUSTICE DE PAIX.


EN FAIT

A.           A______, ______[profession], a tué son épouse G______ à leur domicile de H______ (Genève), dans la nuit du 20 au 21 octobre 2021.

Ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. De leur union sont nés deux enfants, à présent majeurs.

B. Le 23 mai 2017, G______ avait fait dresser par devant notaire un testament public dans lequel, en particulier, elle désignait sa sœur et, à défaut, son père comme exécuteur testamentaire de sa succession.

Sa sœur ayant renoncé suite au décès de la testatrice à exercer la fonction, la justice de Paix a délivré une attestation en date du 20 janvier 2022, selon laquelle E______ avait été désigné exécuteur testamentaire de sa fille par testament de cette dernière et qu'il remplissait les conditions légales à l'exercice de cette charge.

C. En date du 24 janvier 2022, A______ a adressé à la justice de paix une "Plainte" visant la révocation de l'exécuteur testamentaire dans la mesure où celui-ci était son beau-père, estimant qu’il existait un conflit d'intérêts.

Le 16 février 2022, l'exécuteur testamentaire s'est opposé à cette requête, considérant qu'aucun élément concret ne laissait entrevoir qu'il ne s'acquitterait pas de sa mission avec diligence, le conflit d'intérêts abstrait invoqué par le plaignant ayant par ailleurs été créé par lui, de sorte que l'invoquer confinait à l'abus de droit.

D. Par ordonnance du 19 avril 2022 (DJP/184/2022), le juge de paix a débouté A______ de ses conclusions dans la mesure de leur recevabilité (ch. 1 du dispositif) et mis les frais en 800 fr. à sa charge (ch.2).

En substance, il a retenu que, dans la mesure de la mission de l'exécuteur testamentaire, au stade du bénéfice d'inventaire et sous sa surveillance, aucun acte de liquidation ne pouvait être effectué, les droits du plaignant ne pouvaient être mis en péril. Il a également relevé que le plaignant paraissait indigne de succéder, de sorte que l'on pouvait douter de sa qualité pour agir.

E. Le 2 mai 2022 A______ a formé appel de cette ordonnance concluant, à titre préalable, à la suspension de la procédure dans l'attente d'une expertise pénale et principalement à la constatation qu'il a la qualité d'héritier de feue son épouse.

Il fait exclusivement valoir le fait que le juge de paix aurait violé l'art. 540 CC en retenant qu'il serait frappé d'indignité. Il ne consacre plus une seule ligne à un éventuel conflit d'intérêts.

Le 1er juillet 2022, l'exécuteur testamentaire et les enfants de la défunte, héritiers, ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement à son rejet.

Sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions du juge de paix en matière successorale relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC). Le juge de paix établit les faits d'office (art. 255 let. b CPC).

Ces décisions sont susceptibles d'un appel dans les dix jours (art. 314 al.1 CPC).

L'appel, écrit et motivé, peut être formé pour violation du droit ou/et constatation inexacte des faits pertinents (art. 310 CPC).

Selon l'art. 311 al. 1 CPC, il incombe à l'appelant de motiver son appel, c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée; pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit pas de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée; sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément (ATF 138 III 374, 375); la motivation de l'appel constitue une condition de recevabilité, qui doit être examinée d'office; lorsque l'appel est insuffisamment motivé, l'autorité n'entre pas en matière (arrêts du Tribunal fédéral 5A_247/2013 c.3.1; 4A_651/2012 c. 4.2);

1.2 En l'espèce, déposé dans le délai légal, l'appel est recevable de ce point de vue.

1.3 Savoir s'il est motivé à satisfaction peut rester sans réponse au vu de ce qui suit.

L'appel doit en effet être déclaré irrecevable pour un autre motif.

1.3.1 Même si l’art. 311 CPC ne le mentionne pas, le mémoire d’appel doit contenir des conclusions. Elles doivent être formulées de telle sorte qu’en cas d’admission de la demande, elles puissent être reprises dans le jugement sans modification ; si elles tendent au versement d’une somme d’argent, elles doivent être chiffrées (ATF 137 III 617 c. 4).

1.3.2 Selon l'art. 518 CC, si le disposant n'en a ordonné autrement, les exécuteurs testamentaires ont les droits et les devoirs de l'administrateur officiel d'une succession (al. 1). Ils sont chargés de faire respecter la volonté du défunt, notamment de gérer la succession, de payer les dettes, d'acquitter les legs et de procéder au partage conformément aux ordres du disposant ou suivant la loi (al. 2).

L'exécuteur testamentaire est soumis à la surveillance de l'autorité qui a le pouvoir d'ordonner l'exécution ou d'interdire un acte déterminé et de prendre des mesures disciplinaires dont la plus grave est la destitution de l'exécuteur testamentaire pour cause d'incapacité ou de violation grossière de ses devoirs (arrêt du TF 5A_414/2012 c.4.1). L'autorité de surveillance vérifie les mesures prises ou projetées par l'exécuteur testamentaire; cependant les questions de droit matériel demeurent du ressort des tribunaux ordinaires (ATF 90 II 376 c.3), en sorte qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur une action en révocation de l'exécuteur testamentaire à cause d'une situation double créée par le testateur - ou du moins connue de lui - et d'un grave conflit d'intérêts qui en résulte. Une telle révocation ne peut être obtenue que par une action en nullité de la disposition à cause de mort instituant l'exécuteur testamentaire (art. 519 et 520 CC) à savoir une contestation de nature civile ordinaire qui doit être tranchée au cours d'une procédure contradictoire et dans laquelle l'exécuteur testamentaire a qualité de partie (ATF 90 II 376 c.3; arrêt du TF 5A_ 414/2012 cité).

Si l'existence d'un conflit d'intérêts créé ou connu du testateur (p. ex. legs à l'exécuteur testamentaire) ne peut être invoquée dans un but de révocation par devant l'autorité de surveillance, les motifs liés à la violation des devoirs de l'exécuteur testamentaire et l'existence de conflits d'intérêts apparus postérieurement au décès du testateur sont en principe recevables dans le cadre de la surveillance de l'autorité de surveillance (arrêt du TF 5A_414/2012 cité).

La révocation de l'exécuteur testamentaire n'entre en considération que lorsqu'il y a un danger concret pour les biens de la succession et qu'une mesure moins rigoureuse ne permet pas d'atteindre le but recherché, car elle a des conséquences majeures sur l'administration future de la succession, l'autorité de surveillance n'ayant pas le pouvoir de nommer un remplaçant à l'exécuteur testamentaire destitué, les héritiers devant liquider eux-mêmes la succession (arrêt du TF 5A_713/2011 c.3; arrêt du TF 5A_414/2012 cité). L'exécuteur testamentaire peut être révoqué en particulier s'il viole gravement les devoirs de sa charge, soit s'il commet une faute engendrant des risques graves pour les droits des héritiers ou pour leur réalisation matérielle, par une mauvaise administration, des malversations ou des lenteurs injustifiées (DAS 50/2014 c.2.1; DAS 159/207 c.4.5). Ces divers exemples supposent une faute ou une négligence grave de la part de l'exécuteur testamentaire. En revanche, une mésentente entre l'exécuteur et les héritiers ne constituera pas un motif de destitution puisque l'exécuteur a, tout comme l'administrateur, une position indépendante à leur égard. Dans la pratique, le Tribunal fédéral exige une faute particulièrement importante pour qu'un manquement grave aux obligations de l'exécuteur testamentaire soit admis (DAS/50/2014 citée).

1.3.3 L'exécuteur testamentaire est responsable de la bonne et fidèle exécution des tâches qui lui sont confiées; cette responsabilité s'apprécie comme celle d'un mandataire auquel on l'assimile; il appartient aux héritiers qui s'estiment lésés de prouver la violation de ses devoirs par l'exécuteur testamentaire, le dommage et la relation de causalité entre ces deux faits; la faute de l'exécuteur testamentaire est alors présumée et il lui appartient d'établir qu'il n'a commis aucune faute pour échapper à sa responsabilité (ATF 101 II 47; arrêt du TF 5C.311/2001 c.2b).

1.3.4 La Cour a admis de longue date que l'art. 1 aLaCC conférait également au juge de paix, autorité de nomination tant de l'administrateur d'office que du liquidateur officiel, la compétence d'exercer la surveillance à laquelle l'exécuteur testamentaire est soumis. Il ne peut toutefois statuer sur des questions de droit matériel, qui relèvent du juge ordinaire (SJ 2001 I 519; DAS/181/2013). Cette jurisprudence demeure d'actualité, la teneur de l'art. 3 LaCC qui a remplacé l'art. 1 aLaCC au 1er  janvier 2011, étant sur ce point identique.

1.4 En l'espèce, la seule conclusion prise par l'appelant vise à ce que soit "constatée la qualité d'héritier de A______". Cette conclusion excède l'objet du litige de la compétence du juge de paix, savoir la surveillance d'un exécuteur testamentaire, telle que rappelée dans les principes évoqués ci-dessus. Elle relève du droit matériel et par conséquent du juge civil. Dans la mesure où la seule conclusion prise excède la compétence du juge de paix, elle excède également celle de la Chambre de céans en sa qualité d'autorité de recours des décisions du juge de paix.

Par conséquent, dans la mesure où l'appelant ne prend aucune conclusion conforme à la procédure entamée pouvant être reprise dans le dispositif de la décision à rendre par l'autorité de recours le cas échéant, son appel est irrecevable.

2.  L'appelant supportera un émolument de décision de 1'000 fr. (art. 106 al. 1 CPC; art. 67A RTMFC) et des dépens en faveur des intimés, pris conjointement et solidairement, à hauteur de 1'500 fr. (art. 86 RTFMC).

L'émolument de décision est partiellement compensé par l'avance de frais effectuée par l'appelant à hauteur de 500 fr., qui reste acquise à l'Etat de Genève. Il sera condamné à verser le solde de 500 fr. aux Services financiers de l'Etat de Genève.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable l'appel formé le 2 mai 2022 par A______ contre l'ordonnance DJP/184/2022 rendue par le juge de paix le 19 avril 2022 dans la cause C/20510/2021.

Met à la charge de A______ un émolument de décision de 1’000 fr.

Dit que celui-ci est partiellement compensé par l'avance de frais effectuée par A______ à hauteur de 500 fr., qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser le solde de 500 fr. à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du pouvoir judiciaire.

Condamne A______ à des dépens en faveur de C______, D______ et E______, pris conjointement et solidairement, à hauteur de 1’500 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.