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Décisions | Chambre de surveillance

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C/7027/2020

DAS/172/2022 du 08.08.2022 sur DJP/150/2022 ( AJP ) , REJETE

Normes : CC.554.al1.ch3; CC.554.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7027/2020 DAS/172/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 8 AOÛT 2022

 

Appel (C/7027/2020) formé le 25 avril 2022 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant en personne.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 15 août 2022 à :

 

- Madame A______
______, ______[GE].

- Maître B______
______, ______[GE].

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A. a. Par décision DJP/150/2022 du 29 mars 2022, la Justice de paix a ordonné l’administration d’office de la succession de C______, décédée le ______ 2020 (chiffre 1 du dispositif), désigné B______, avocat, aux fonctions d’administrateur d’office (ch. 2), dit que celui-ci ne devait procéder qu’aux actes administratifs et conservatoires nécessaires, à l’exception de tout autre acte de disposition, qui ne pourrait s’effectuer qu’avec l’accord préalable de la Justice de paix (ch. 3), invité l’administrateur d’office à adresser à la Justice de paix, dans les quatre mois, un état des actifs et passifs de la succession, dressé, le cas échéant, en collaboration avec l’administration fiscale (ch. 4), invité l’administrateur d’office à rechercher tous les héritiers de la défunte (ch. 5) et mis les frais exposés par le greffe et un émolument de 250 fr. à la charge de la succession (ch. 6).

La Justice de paix a retenu que l’administration d’office de la succession de C______ devait être ordonnée du fait que les héritiers légaux n’étaient pas tous connus.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 25 avril 2022, A______, nièce de la défunte, a formé appel de cette décision reçue le 14 avril 2022, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté que la Fiduciaire D______ SA « remplit les compétences pour une administration d’office en lui attribuant ce mandat ». L’appelante a par ailleurs conclu à ce qu’il soit constaté que « l’attribution d’un expert généalogiste s’impose, afin de trouver rapidement les adresses des trois héritiers en question ».

En substance, elle a déclaré s’opposer à la nomination de B______ en qualité d’administrateur d’office de la succession de feu C______, dont il avait été le curateur. Il n’avait en effet eu aucun contact avec les trois héritiers connus et il ne les avait pas consultés au moment de la restitution du logement de la défunte ou de la vente de ses meubles. Les « nombreuses doléances » exprimées par les héritiers étaient demeurées sans réponse de la part de la Justice de paix. L’appelante a par ailleurs exprimé sa volonté de confier la liquidation de la succession de sa défunte tante à la Fiduciaire D______ SA, qui jouissait de sa confiance, ayant également établi les déclarations fiscales de la défunte avant sa mise sous curatelle.

Elle a produit un chargé de 16 pièces, dont 6 nouvelles, comprenant divers courriers de la Fiduciaire D______ SA des 23 mai 2016 (pièce 1), 6 mai 2020 (pièce 2) et 21 avril 2020 (pièce 3), la déclaration de succession de C______ (pièce 4), un courrier de l’EMS E______ du 1er avril 2021 (pièce 5) et un extrait de compte établi par la même institution, portant la même date (pièce 6).

b. Dans ses observations du 10 mai 2022, B______ a indiqué que depuis le décès de C______ les démarches successorales avaient peu avancé. Il avait en effet retrouvé de très nombreuses factures impayées et la déclaration fiscale au jour du décès, ainsi que la déclaration de succession, ne semblaient pas avoir été déposées. Le certificat d’héritiers n’avait par ailleurs pas encore été établi, tous les héritiers n’ayant pas été retrouvés. Selon B______, l’administration d’office était opportune et dans l’intérêt des héritiers; le fait qu’il ait été le curateur privé de la défunte allait faciliter les démarches successorales.

c. Par avis du greffe de la Cour du 16 mai 2022, l’appelante et B______ ont été informés de ce que la cause serait mise en délibération à l’échéance d’un délai de dix jours.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a. C______, originaire de F______ (Fribourg), G______ (Fribourg) et Fribourg, née le ______ 1920 à F______ (Fribourg), de son vivant demeurant à Genève, en dernier lieu au sein de la Résidence EMS de E______, est décédée le ______ 2020 à Genève, sans laisser de dispositions testamentaires.

C______ était célibataire, sans enfant. Elle avait à tout le moins deux neveux, H______ et I______ et une nièce, A______. Selon ce qui ressort du dossier, il est vraisemblable qu’il y ait d’autres héritiers.

b. Par décision du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant du 20 avril 2016, C______ avait été mise au bénéfice d’une mesure de curatelle de portée générale, B______, avocat, ayant été désigné aux fonctions de curateur.

Selon le rapport et comptes établi par B______ le 27 avril 2020, portant sur la période du 1er mai 2018 au 13 avril 2020, les actifs de la défunte s’élevaient à 2'479'947 fr. 83, les passifs étant de 10'624 fr. 45.

c. Par courrier du 11 mai 2020 adressé à la Justice de paix, J______, notaire, a indiqué être chargé d’établir un certificat d’héritiers dans le cadre de la succession de C______. Il sollicitait de la Justice de paix qu’elle lui fasse savoir si elle détenait des dispositions pour cause de mort établies par la défunte.

d. Par courrier du 26 mai 2020 adressé à la Justice de paix, H______, neveu de la défunte, a déclaré répudier la succession de sa tante.

Le même jour, H______ a adressé un courrier ayant la même teneur à la Fiduciaire D______ SA, soit pour elle son administrateur, K______.

e. Il ressort du dossier que K______ a eu des contacts avec l’EMS E______ postérieurement au décès de C______, concernant un montant réclamé par ladite institution.

Selon la gestionnaire administrative de E______, K______ aurait prétendu être en possession d’un testament de C______, dans lequel elle le mandatait pour s’occuper de sa succession.

f. Par courrier du 15 décembre 2021 envoyé à l’adresse de la Fiduciaire D______ SA, la Justice de paix a réclamé à K______ la remise des dispositions testamentaires de C______, la teneur de l’art. 556 al. 1 CC lui étant rappelée.

K______ n’ayant donné aucune suite à ce courrier, la Justice de paix l’a relancé par pli du 20 janvier 2022, également envoyé à l’adresse de D______ SA, sollicitant la remise des dispositions testamentaires de la défunte et l’indication de ses héritiers.

Une mise en demeure lui a été adressé le 24 février 2022, un ultime délai pour procéder au dépôt des dispositions testamentaires et à l’indication des coordonnées des ayants droit lui étant fixé au 23 mars 2022, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP.

g. Par courrier du 22 mars 2022, K______, pour la Fiduciaire D______ SA, a indiqué à la Justice de paix n’avoir jamais reçu aucun testament de C______, ni avoir entendu parler d’un tel document. Il n’avait pas reçu les courriers des 15 décembre 2021 et 20 janvier 2022 de la Justice de paix et avait été absent de Genève pour raisons de santé, ce qui expliquait qu’il ait tardé à répondre au pli du 24 février 2022. Il avait par ailleurs été chargé par trois héritiers de la défunte (A______, sa nièce, H______, son neveu et I______, son neveu) de liquider la succession. K______ a fourni à la Justice de paix les adresses des trois héritiers concernés et a sollicité « l’attribution d’un expert généalogiste », les adresses des autres héritiers n’étant pas connues.

K______ a notamment joint à son courrier une procuration en sa faveur signée de la seule A______, ainsi qu’une copie de courriers adressés les 24 avril 2020 et 5 juillet 2021 respectivement à l’Administration fiscale cantonale et à L______ SA, dans lesquels il indiquait être chargé de la liquidation de la succession de feu C______.

h. Le 29 mars 2022, la Justice de paix a rendu la décision attaquée.

 

EN DROIT

1. 1.1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse, sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC) et susceptibles d’un appel dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

L’appel doit être écrit et motivé (art. 311 al. 1 CPC).

1.1.2 En l’espèce, l’appel a été formé dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC) et la valeur de la succession est supérieure à 10'000 fr., de sorte que l’appel est recevable.

1.2 Le juge établit les faits d'office en application de la maxime inquisitoire (art. 255 let. b CPC). Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 1556, p. 283). La cognition du juge, qui revoit la cause en fait et en droit (art. 310 CPC), est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (Hohl, op. cit., n. 1072 et 1554 et ss, p. 198 et 282).

2. 2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte en appel que s’ils sont produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions étant cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

L'admissibilité des moyens de preuve qui existaient avant la fin des débats principaux de première instance est ainsi largement limitée en appel, dès lors qu'ils sont irrecevables lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient déjà pu être produits dans la procédure de première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; 143 III 43 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2017 du 5 février 2018 consid. 3.3).

2.2 En l’espèce, les pièces 7 à 16 produites devant la Cour figurent déjà au dossier de première instance. Elles ne sont donc pas nouvelles.

Concernant les pièces 1 à 6, celles-ci se rapportent à des faits antérieurs à la mise en délibération de la cause par la Justice de paix. En l’état, il n’est pas possible de déterminer à quel moment l’appelante en a eu connaissance et si celle-ci a eu la possibilité de les produire en première instance, en usant de toute la diligence requise. La question de leur recevabilité peut toutefois demeurer indécise, dans la mesure où elles ne sont d’aucune utilité pour l’issue du litige.

3. 3.1.1 Selon l’art. 554 al. 1 CC, l’autorité ordonne l’administration d’office de la succession notamment lorsque tous les héritiers du défunt ne sont pas connus (ch. 3).

Si une personne placée sous une curatelle englobant la gestion du patrimoine décède, le curateur administre la succession, à moins qu’il n’en soit ordonné autrement (art. 554 al. 3 CC). De la même manière, si un curateur gère le patrimoine de la personne concernée en vertu d’une curatelle de portée générale (art. 398 CC), l’administration de la succession lui est remise après le décès de la personne protégée (Meier/Reymond-Eniaeva, CR CC-II, 2017, n. 32 ad art. 554 CC).

L’autorité compétente peut assumer elle-même l’administration officielle, en charger l’un de ses membres ou une autre autorité ou confier cette tâche à un tiers indépendant (par ex. un avocat, un notaire, une fiduciaire ou une banque) (Schuler-Buche, L’exécuteur testamentaire, l’administrateur officiel et le liquidateur officiel : étude et comparaison, 2003, p. 19), qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale (décision de l’autorité de surveillance de Genève DAS/98/2011 du 19 mai 2011 consid. 2.2). Elle choisit librement l’administrateur d’office en fonction de ses qualités professionnelles et personnelles. Il doit avoir l’exercice des droits civils, posséder les connaissances professionnelles et les disponibilités nécessaires pour exécuter les tâches devant lui être confiées, être digne de confiance (par ex. ne pas avoir été condamné pour une infraction contre le patrimoine) et indépendant (en particulier ne pas avoir de conflit d’intérêts avec les personnes concernées) (Meier/Reymond-Eniaeva, CR CC-II, 2017, n. 24 ad art. 554 CC).

3.1.2 L’administration officielle poursuit le but de gestion conservatoire de la succession (Meier/Reymond-Eniaeva, CR CC-II, 2017, n. 1 ad art. 554 CC); l’administrateur officiel ne peut donc exécuter aucune mesure de liquidation (Braconi/Carron/Gauron-Carlin, Code civil et code des obligations annotés, 2020, ad art. 554 al. 1 CC).

3.2.1 En l’espèce, la condition de l’art. 554 al. 1 ch. 3 CC est remplie, puisqu’il ressort de la procédure que certains héritiers n’ont pas encore pu être localisés et contactés, de sorte que c’est à juste titre que la Justice de paix a procédé à la désignation d’un administrateur d’office. L’appelante ne conteste d’ailleurs pas ce point, seule la personne de l’administrateur d’office, désigné par la Justice de paix, étant remise en cause.

3.2.2 Les griefs soulevés par l’appelante à l’encontre de B______, qui feraient obstacle selon elle à sa désignation, sont non établis et inconsistants. Il sera rappelé qu’en sa qualité de curateur de C______, B______ devait agir dans le seul intérêt de celle-ci, sans en référer à ses héritiers. Pour le surplus, l’appelante n’a pas explicité en quoi consistaient les « nombreuses doléances » que la Justice de paix aurait ignorées. Dès lors, aucun motif objectif ne s’oppose à la désignation de B______ en qualité d’administrateur d’office de la succession de C______, dont il connaît la situation pour avoir été son curateur d’avril 2016 jusqu’à son décès. Ladite désignation est par ailleurs conforme à l’art. 554 al. 3 CC.

Pour le surplus, l’appelante n’a pas établi en quoi la désignation de la Fiduciaire D______ SA en qualité d’administrateur d’office serait préférable à celle de B______. Il appert d’une part que ladite fiduciaire, soit plus précisément son administrateur K______, ne s’est plus occupé des affaires de C______ depuis la mise sous curatelle de celle-ci au printemps 2016. Pour le surplus, la Justice de paix a dû attendre plusieurs mois pour obtenir de K______ la réponse à ses questions, les raisons invoquées par l’intéressé pour expliquer son silence n’étant guère convaincantes. Il est en effet pour le moins douteux qu’il n’ait pas reçu les deux premiers courriers envoyés à l’adresse de la Fiduciaire, alors qu’il reconnaît avoir reçu le troisième, expédié pourtant à la même adresse. Une telle attitude suscite la crainte que K______, s’il devait être désigné, peine à collaborer avec la Justice de paix. Il résulte enfin des pièces figurant à la procédure que K______ n’a pas hésité à prétendre, à l’égard de l’Administration fiscale, de M______ [la banque] et de l’EMS E______, être chargé de liquider la succession de C______, alors qu’il n’était en possession que de la procuration que lui avait remise l’appelante et qu’il n’ignorait pas que d’autres héritiers, dont certains non encore localisés, étaient concernés.

3.2.3 Au vu de ce qui précède, l’appel sera rejeté et la décision entreprise confirmée.

4. La procédure d’appel n’étant pas gratuite (art. 19 et 22 a contrario LaCC), les frais seront arrêtés à 500 fr. (art. 26 et 37 RTFMC), mis à la charge de l’appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l’avance de frais versée par cette dernière (art. 111 al. 1 CPC), qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l’appel formé par A______ contre la décision DJP/150/2022 rendue le 29 mars 2022 par la Justice de paix dans la cause C/7027/2020.

Au fond :

Le rejette et confirme la décision entreprise.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 500 fr., les met à la charge de A______ et dit qu’ils sont compensés avec l’avance fournie, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Dit qu’il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.