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Décisions | Chambre de surveillance

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C/3449/2021

DAS/164/2022 du 28.07.2022 sur DTAE/1761/2022 ( PAE ) , RENVOYE

Normes : CC.400.al1; CC.401.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3449/2021-CS DAS/164/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 28 JUILLET 2022

 

Recours (C/3449/2021-CS) formés en date du 25 avril 2022 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant d'abord en personne, puis par Me Yael AMOS, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile, d'une part, et par Madame B______, domiciliée ______ (Genève), et par Monsieur C______, domicilié ______[GE] (Genève), comparant tous deux par Me Frédéric SERRA, avocat, en l'Etude duquel ils élisent domicile, d'autre part.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 9 août 2022 à :

 

- Madame A______
c/o Me Yael AMOS, avocate
Rue Robert-Céard 13, 1204 Genève.

- Madame B______
Monsieur C______
c/o Me Frédéric SERRA, avocat
Route de Frontenex 46, case postale 6111, 1211 Genève 6.

- Maître D______
______ Genève.

- Maître E______
______[GE].

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information, dispositif uniquement, à :

- Monsieur le Procureur F______ (P/1______/21)
MINISTERE PUBLIC
Route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.

 


EN FAIT

A.                a. A______, née le ______ 1938, est l’épouse de C______, né le ______ 1938, avec lequel elle vit dans une villa sise à G______ (Genève). Le couple a une fille, B______, née en 1969, laquelle, domiciliée pendant quelques années aux Etats-Unis, est venue s’installer à Genève en avril 2017. C______ exerce la profession de médecin.

b. Le 24 février 2021, C______ et B______ ont requis du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) le prononcé d’une mesure de protection en faveur de A______, dès lors qu'ils n'avaient plus de nouvelles de cette dernière. Ils avaient observé, au fil des mois, une dégradation progressive de son état de santé: elle présentait de plus en plus de troubles mnésiques et était souvent désorientée dans l’espace et le temps, anxieuse et confuse; elle était prise de colères violentes et brusques à l'égard de son époux, dont l'une le 1er janvier 2021, qui avait nécessité une prise en charge aux urgences. Depuis cet épisode, son état de santé s’était encore péjoré; il lui arrivait de sortir pieds nus du domicile conjugal, appelant à l’aide, criant au secours et disant qu’il fallait appeler la police pour arrêter son mari. Elle refusait de consulter un psychiatre, convaincue que son époux et sa fille voulaient, selon ses termes, "l’interner chez les fous". Depuis cette époque, elle n’était plus en mesure de s’occuper de la gestion de ses affaires et du suivi administratif courant, alors que ces tâches avaient toujours été effectuées à parts égales entre les époux. C______ s'en occupait dorénavant seul.

Leur crainte résidait dans le fait que A______ avait quitté le domicile conjugal une première fois le 2 février 2021, puis une seconde fois le 9 février 2021, pour se réfugier chez sa sœur et son beau-frère, les époux H/J______. Ces derniers les empêchaient depuis lors de voir la concernée, laquelle prétendait avoir été victime d’une agression physique de la part de son époux. Leur fils, H______, médecin, l'avait accompagnée au poste de police de l’aéroport en vue du dépôt d’une plainte pénale à l’encontre de C______, pour des faits remontant à plus de trente ans. Il semblait alimenter le délire de la concernée, laquelle était venue au domicile conjugal chercher des effets personnels, avait insulté son époux et pris l’intégralité de l’argent se trouvant à la maison, soit 4'800 fr. environ, qu’elle avait remis à son beau-frère qui l'accompagnait. Ils craignaient que la famille H/J______ ne soutire de l’argent à la concernée et que celle-ci ne reçoive pas les soins dont elle avait besoin. Ils ne parvenaient plus à communiquer avec elle, de sorte qu’ils sollicitaient la prise d’une mesure de protection en sa faveur. La situation financière des époux A/C______ était aisée et permettait d’assumer les coûts d’un curateur privé si cela était nécessaire, bien qu'ils soient disposés à assumer cette charge.

c. Dans un constat médical du 9 février 2021, la Dre I______ a constaté que A______ présentait deux hématomes et était en proie à une détresse psychologique. Elle pleurait beaucoup lors de la visite et lui avait dit subir des violences physiques et psychologiques de la part de son mari depuis plusieurs années.

d. Par décision du 16 mars 2021, le Tribunal de protection a nommé une curatrice de représentation à A______, en la personne de E______, avocate, chargée de représenter ses intérêts dans le cadre de la procédure.

e. A______ n’a déposé aucun mandat pour cause d’inaptitude et ne fait l’objet d’aucune poursuite, ni acte de défaut de biens dans le canton de Genève.

f. Le 3 mars 2021, H______ a fait part au Tribunal de protection de son inquiétude quant à l’état de santé et aux conditions de vie de sa tante. Les violences physiques et verbales de C______ avaient motivé le départ du domicile conjugal de sa tante le 2 février 2021. Une plainte pénale avait été déposée à l’encontre de C______ suite au constat médical du 9 février 2021. Il avait accompagné sa tante au centre de violences conjugales des HUG et chez un médecin pour effecteur un bilan neuropsychologique, lequel avait permis de mettre en évidence qu’elle souffrait d’un état de dépression sévère en raison de son vécu. Sa tante manifestait cependant la peur de perdre sa maison, raison pour laquelle elle avait souhaité retourner au domicile conjugal. Son époux, grâce à l’aide de l’un de ses amis, médecin généraliste retraité, l’avait immédiatement fait hospitaliser en psychiatrie. Après examen, les médecins des urgences psychiatriques l’avaient toutefois laissée rentrer à son domicile. Depuis lors, les contacts avec sa tante étaient limités et uniquement lorsque son époux travaillait, l’intéressée disant ne plus savoir ni quel jour, ni quelle heure il était. H______ considérait que sa tante avait un besoin urgent d’antidépresseurs. Son époux contrôlait tout à domicile et n’organisait aucune prise en charge médicale. Il avait cependant pu constater que sa tante était compliante à un suivi. Elle était par ailleurs laissée dans l’ignorance la plus totale concernant ses finances. Il sollicitait dès lors du Tribunal de protection une évaluation urgente de la situation.

g. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 28 avril 2021.

h. Par ordonnance DTAE/2507/2021 du même jour, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, désigné D______, avocat, aux fonctions de curateur, lui confiant les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes, de veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre, de veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, de la représenter dans le domaine médical, et autorisé le curateur à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat, et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement.

i. Par décision DAS/228/2021 du 23 décembre 2021, la Chambre de surveillance de la Cour de justice a admis les recours formés par A______ ainsi que par B______ et C______ contre l’ordonnance du 28 avril 2021 et a annulé celle-ci, les frais de la procédure étant laissés à la charge de l’Etat.

En substance, la Chambre de surveillance a retenu qu’il n’était pas contesté que A______ souffrait de troubles psychiques au sens de l’art. 390 CC, qui l’empêchaient d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts. Toutefois, en ce qui concernait les domaines administratifs et financiers, elle disposait de l’aide nécessaire au sein de sa famille proche, de sorte que ces aspects étaient pris en charge, l’intéressée n’ayant aucune dette, ni poursuite, la fortune du couple étant gérée par son époux, avec lequel elle continuait de vivre. En ce qui concernait le bien-être et la santé, son époux et sa fille lui apportaient également le soutien dont elle avait besoin, aucun élément objectif ne permettant de retenir que A______ était victime de maltraitances de la part de son époux. Elle était suivie de manière adéquate, ce qu’attestait le nombre considérable de médecins consultés, afin de rechercher la pathologie dont elle souffrait et lui venir en aide par la mise en place d’un traitement approprié.

j. Le 4 janvier 2022, D______ a adressé au Tribunal de protection son état de frais, faisant état d’une activité totalisant 19 heures et 45 minutes.

k. Par courrier du 20 janvier 2022, le Tribunal de protection a relevé que D______ n’avait jamais pu entrer formellement en fonction en tant que curateur de A______, quand bien même il avait développé une certaine activité en sa faveur. Dès lors, le Tribunal de protection n’était pas en mesure de procéder à la taxation de son activité. Rien n’empêchait cependant D______ d’adresser ses honoraires à A______ directement.

l. Dans un courrier adressé le 7 février 2022 à D______, le conseil de C______ a relevé qu’aucune mesure de curatelle n’était jamais entrée en force, de sorte qu’il avait déployé son activité « à ses risques et périls », A______ refusant de payer ses honoraires. Il était par ailleurs relevé que D______ n’avait eu aucune entrevue avec A______, ni avec son mari ou sa fille. En revanche, il avait eu plusieurs entretiens avec la sœur et le neveu de A______, alors que la pertinence de leurs interventions avait toujours été contestée et leurs contacts avec l’intéressée vraisemblablement néfastes pour celle-ci.

m. Le 24 février 2022, D______ s’est à nouveau adressé au Tribunal de protection, en indiquant qu’il n’avait aucune chance d’obtenir une participation à l’activité qu’il avait déployée pour A______. Il se demandait par conséquent si le Tribunal de protection ne pouvait pas revenir sur sa position. Il avait en effet été prié par ordonnance du 28 avril 2021, reçue le 14 mai 2021, de préparer un inventaire d’entrée en fonction, un délai au 12 juillet 2021 lui ayant été imparti pour ce faire. Il n’avait appris le dépôt du recours contre l’ordonnance du 28 avril 2021 que le 11 août 2021, alors qu’il avait déposé son inventaire d’entrée dans le délai qui lui avait été fixé. Il avait par ailleurs été convoqué à une séance de synthèse à la Clinique K______ le 7 juin 2021.

B. a. Par courrier du 23 février 2022 adressé au Tribunal de protection, le Ministère public a indiqué qu’il lui semblait nécessaire qu’A______ soit pourvue d’un curateur de représentation dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2021 ouverte à l’encontre de C______ pour lésions corporelles simples, subsidiairement voies de fait et injures, pour des actes qui auraient été commis à l’encontre de son épouse A______. Leur fille B______ devrait vraisemblablement être entendue en qualité de témoin.

b. Par ordonnance DTAE/1761/2022 du 9 mars 2022, le Tribunal de protection a institué une curatelle en faveur d’A______ aux fins de la représenter dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2021 (chiffre 1 du dispositif), désigné Maître D______, avocat, aux fonctions de curateur (ch. 2), autorisé ce dernier à plaider et transiger dans le cadre de ladite procédure ainsi qu’à prendre des conclusions civiles dans ce cadre (ch. 3), invité le curateur à préaviser auprès du Tribunal l’adaptation de son mandat, en tant que de besoin (ch. 4), dit que la rémunération du curateur était provisoirement laissée à la charge de l’Etat (ch. 5), dit que la rémunération était fixée au tarif horaire de 200 fr./heure (ch. 6), autorisé le curateur à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat conféré (ch. 7), laissé les frais judiciaires à la charge de l’Etat (ch. 8) et déclaré l’ordonnance immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 9).

En substance, le Tribunal de protection a considéré qu’il y avait lieu de faire droit à la requête du Ministère public, puisqu’il était établi que A______ n’était plus en mesure de faire valoir ses droits dans la gestion de ses affaires et que dans le cadre de cette procédure, elle se trouvait en conflit d’intérêts avec celui « qui est considéré lui apporter une aide suffisante ». Un curateur de représentation, en la personne de D______, lequel connaissait déjà la situation, devait par conséquent être désigné aux fins de la représenter dans le cadre de la procédure pénale en cause. Dans le cadre de son mandat, D______ était invité à préaviser sans délai auprès du Tribunal de protection si une mesure de protection plus étendue lui paraissait nécessaire. Il était par ailleurs fait application de l’art. 10 al. 3 RRC, afin de garantir le paiement des honoraires de D______, l’ordonnance étant déclarée immédiatement exécutoire nonobstant recours. Enfin, D______ était également invité à faire valoir sa créance d’honoraires au titre d’élément du dommage dans le cadre de la procédure.

C.                a. Le 25 avril 2022, A______ a formé recours contre l’ordonnance DTAE/1761/2022 du 9 mars 2022, concluant à son annulation et à ce qu’une personne n’ayant aucun contact avec la famille H/J______ soit nommée curateur pour l’assister dans la procédure pénale.

Elle a précisé ne pas s’opposer à la nomination d’un curateur afin qu’il l’assiste dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre son époux. Elle souhaitait toutefois qu’un autre curateur que D______ soit désigné et a fait grief au Tribunal de protection de ne pas l’avoir consultée avant la nomination de ce dernier. Elle a précisé ne l’avoir rencontré qu’à une reprise, alors qu’elle était hospitalisée à la Clinique K______ et ne pas avoir confiance en lui. Elle s’était déjà opposée à sa désignation initiale et ne comprenait pas comment le Tribunal de protection avait pu le nommer à nouveau, en dépit de l’opposition qu’elle avait exprimée. Il ressortait en outre de la note d’honoraires que D______ lui avait adressée, qu’il avait eu des contacts avec sa sœur J______ et son neveu H______. Or, c’était précisément sous l’influence de ces derniers, avec lesquels elle était désormais en conflit, qu’elle avait déposé, en février 2021, une plainte pénale contre son mari, C______, plainte qu’elle avait retirée le 31 août 2021.

b. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée. Il s’est interrogé sur le fait de savoir comment une personne n’étant pas de langue maternelle française, sans aucune formation juridique et souffrant d’une pathologie neurologique dégénérative, avait pu rédiger un acte de recours tel que celui du 25 avril 2022. Le choix de D______ en qualité de curateur découlait de la prérogative du Tribunal de protection, ledit praticien du droit étant très expérimenté, connaissant la situation et disposant des compétences nécessaires pour faire face à la situation extrêmement délicate et conflictuelle. Il ressortait en outre de la note d’honoraires de D______ qu’il avait eu des contacts, dès sa désignation, même si celle-ci n’était pas encore définitive, avec l’entourage de la personne concernée, y compris avec le conseil de C______, ce qui le rendait exempt de toute prévention.

c. Par courrier du 1er juillet 2022 adressé à la Chambre de surveillance, Yael AMOS, avocate, a indiqué que A______ lui avait confié la défense de ses intérêts et souhaitait qu’elle soit nommée en qualité de curatrice de représentation dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2021.

Elle a joint à son courrier un document portant la date du 30 juin 2022 et la signature de A______, laquelle exprimait le souhait que Me Yael AMOS, en qui elle avait toute confiance, soit nommée curatrice de représentation dans la procédure pénale susmentionnée. A______ exprimait à nouveau son opposition à la nomination de D______ en cette qualité.

D.                a. Le 25 avril 2022, C______ et B______ ont également formé recours contre l’ordonnance DTAE/1761/2022 du 9 mars 2022 concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et principalement à son annulation, à ce qu’une curatelle en faveur de A______ aux fins de la représenter dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2021 soit instituée et à ce qu’une personne n’ayant aucun lien avec la cause C/3449/2021 et la procédure P/1______/2021 ou avec toute autre procédure pénale impliquant A______, C______ et/ou B______ soit désignée aux fonctions de curateur. Subsidiairement, ils ont conclu à l’annulation de l’ordonnance attaquée et au renvoi de la cause devant le Tribunal de protection pour nouvelle instruction dans le sens des considérants.

Les recourants ont notamment fait grief au Tribunal de protection d’avoir violé le droit d’être entendue de A______ et de ne pas avoir tenu compte de son opposition à la nomination de D______, déjà exprimée auparavant. La question de l’indépendance de D______ pouvait par ailleurs se poser, compte tenu notamment des contacts qu’il avait eus avec la famille H/J______, alors qu’il n’avait rencontré qu’à une reprise A______ lors d’une réunion de synthèse à la Clinique K______ et n’avait eu aucun contact direct avec les recourants. En outre, D______ s’était adressé au Tribunal de protection en faisant référence à la procédure pénale « dans laquelle elle (A______) intervient comme partie plaignante concernant les violences conjugales de son époux », prenant ainsi position sur lesdites violences, sans avoir entendu au préalable ni la plaignante, ni le mis en cause, ce qui donnait une apparence de partialité. A______ avait par ailleurs refusé de payer les honoraires réclamés par D______, ce qui risquait de rompre tout lien de confiance entre le curateur et la protégée.

b. Par décision du 28 avril 2022, la Chambre de surveillance a accordé l’effet suspensif au recours formé le 25 avril 2022 par C______ et B______ contre l’ordonnance du 9 mars 2022.

c. Le Tribunal de protection a derechef indiqué persister dans les termes de l’ordonnance attaquée, tout en s’interrogeant sur l’intérêt juridique de C______ à recourir, puisqu’en tant que mari accusé de violences sur son épouse, il s’opposait tout simplement au choix du Tribunal de protection de l’avocat chargé de représenter ladite épouse contre lui-même au pénal, ce qui était pour le moins paradoxal. Pour sa part, B______ n’avait aucun intérêt juridique à recourir, n’étant pas concernée par la procédure, dans laquelle elle avait visiblement pris fait et cause pour son père.

EN DROIT

1.                  1.1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Ont notamment qualité pour recourir les personnes parties à la procédure et les proches de la personne concernée (art. 450 al. 2 ch. 1 et 2 CC). Selon la doctrine et la jurisprudence, le proche est une personne qui connaît bien la personne concernée et qui, grâce à ses qualités et, le plus souvent, grâce à ses rapports réguliers avec celle-ci, paraît apte à en défendre les intérêts. Peuvent être des proches les parents, les enfants, d’autres personnes étroitement liées par parenté ou amitié à la personne concernée, le partenaire, mais également le curateur, le médecin, l’assistant social, le prêtre ou le pasteur, ou une autre personne qui a pris soin et s’est occupée de la personne concernée (Message du 28 juin 2006 concernant la révision du Code civil suisse [Protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation], FF 2006 6635, p. 6716).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

1.1.2 En l'espèce, la Chambre de surveillance est saisie d’un recours formé par A______ en personne, et d’un second recours interjeté par son époux et sa fille. Comme l’a relevé à juste titre le Tribunal de protection, on peut douter de la capacité d’A______, atteinte de troubles neurologiques, de formuler seule un tel recours. S’agissant de C______, visé par la procédure pénale initiée par A______, il n’est certes pas certain qu’en recourant il ait eu pour objectif principal de défendre les intérêts de son épouse. Il n’en demeure pas moins qu’il est, au sens de l’art. 450 al. 2 CC, un proche de A______, de même que l’autre recourante, B______, de sorte que la qualité pour recourir doit leur être reconnue et que la Chambre de surveillance entrera en matière sur le recours, la question de la recevabilité de celui formé par A______ pouvant demeurer indécise.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. La désignation d’un curateur ayant pour tâche de représenter les intérêts de A______ dans la procédure pénale qui l’oppose à son époux n’est pas contestée en tant que telle; il n’y sera par conséquent pas revenu. Seul le choix de la personne du curateur fera par conséquent l’objet d’un examen.

2.1.1 A teneur de l'art. 400 al. 1 CC, l'autorité de protection nomme curateur une personne physique qui possède les connaissances et les aptitudes nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne. Plusieurs personnes peuvent être désignées, si les circonstances le justifient. Celles-ci peuvent accomplir cette tâche à titre privé, être membre d'un service social privé ou public, ou exercer la fonction de curateur à titre professionnel. La loi, à dessein, n'établit pas de hiérarchie entre les personnes pouvant être désignées, le critère déterminant étant celui de leur aptitude à accomplir les tâches confiées. La complexité de certaines tâches limite d'ailleurs le recours à des non-professionnels, même si ceux-ci sont bien conseillés et accompagnés dans l'exercice de leur fonction (Message du Conseil fédéral, FF 2006, p. 6682/6683).

2.1.2 Lorsque la personne concernée propose une personne comme curateur, l'autorité de protection de l'adulte accède à son souhait pour autant que la personne proposée remplisse les conditions requises et accepte la curatelle (art. 401 al. 1 CC). L'autorité de protection de l'adulte prend autant que possible en considération les souhaits des membres de la famille ou d'autres proches (art. 401 al. 2 CC). Elle tient compte autant que possible des objections que la personne concernée soulève à la nomination d'une personne déterminée (art. 401 al. 3 CC).

2.1.3 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2).

2.2 En l’espèce, le Tribunal de protection, à réception du courrier du Ministère public, a rendu l’ordonnance attaquée, désignant D______ en qualité de curateur de représentation de A______ dans la procédure pénale dirigée contre C______. Ce faisant, le Tribunal de protection a toutefois omis d’interpeller l’intéressée, la privant ainsi de la possibilité, si elle le souhaitait et si elle était en capacité de le faire, de proposer la personne de son choix en qualité de curateur. Ce faisant, le Tribunal de protection a violé le droit d’être entendu de l’intéressée.

Par ailleurs, la désignation de D______ n’apparaît pas opportune. Il n’est certes pas contesté qu’en sa qualité d’avocat ce dernier dispose des connaissances et aptitudes nécessaires à l’exercice du mandat qui lui a été confié. Il résulte toutefois du dossier que D______, qui avait été désigné en qualité de curateur de représentation et de gestion de A______, avant que cette mesure de protection ne soit annulée par la Chambre de surveillance, a un contentieux avec l’intéressée, portant sur le paiement des honoraires qu’il considère lui être dus pour l’activité déployée alors que la mesure, contestée devant la Chambre de surveillance, n’était pas entrée en force. En effet, en dépit de ses demandes formulées à plusieurs reprises tant auprès du Tribunal de protection que de A______, D______ n’est pas parvenu à obtenir le paiement de ses frais et honoraires, qui représentent un montant de l’ordre de 4'000 fr. Or, dans l’ordonnance litigieuse, le Tribunal de protection a invité D______ à faire valoir sa créance d’honoraires au titre d’élément du dommage dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre C______. Cet état de fait place dès lors D______ dans un conflit d’intérêts, puisque devant défendre les siens outre ceux de A______. Il y a par conséquent lieu de craindre qu’il ne soit pas en mesure de garder la distance indispensable à l’exercice serein du mandat qui lui a été confié. Sa désignation apparaît dès lors inadéquate.

Au vu de ce qui précède, le chiffre 2 de l’ordonnance attaquée sera annulé sans qu’il apparaisse nécessaire d’examiner les autres arguments développés par les recourants et la cause renvoyée au Tribunal de protection afin qu’il désigne un autre curateur, après avoir recueilli sur ce point, si possible, l’avis personnel de A______.

3.                  Compte tenu de l’issue de la procédure, les frais judiciaires, arrêtés à 600 fr., seront laissés à la charge de l’Etat. L’avance de 400 fr. versée par A______ et celle en 600 fr. versée par C______ et B______ leur seront restituées.

Il n’est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par C______ et B______ contre l’ordonnance DTAE/1761/2022 du 9 mars 2022 rendue par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/3449/2021.

Au fond :

Admet ce recours et, dans la mesure de sa recevabilité, celui formé par A______ contre cette même ordonnance.

Annule le chiffre 2 du dispositif de ladite ordonnance.

Cela fait :

Retourne la cause au Tribunal de protection pour désignation d’un autre curateur.

Confirme pour le surplus l’ordonnance attaquée.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure à 600 fr. et les laisse à la charge de l’Etat.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance de frais en 400 fr.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à C______ et B______, pris conjointement et solidairement, leur avance de frais en 600 fr.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Nathalie LANDRY-BARTHE et Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.