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Décisions | Chambre de surveillance

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C/16921/2015

DAS/170/2022 du 08.08.2022 sur DTAE/4367/2022 ( PAE )

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16921/2015-CS DAS/170/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 8 AOÛT 2022

 

Recours (C/16921/2015-CS) formé en date du 25 juillet 2022 par
Monsieur A______, domicilié c/o Monsieur B______, ______ (Genève), comparant par Me Pascal STEINER, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 9 août 2022 à :

- Monsieur A______
c/o Me Pascal STEINER, avocat
Rue de Saint-Jean 73, 1201 Genève.

- Madame C______
c/o Me Andres PEREZ, avocat
Avenue Vilbert 9, 1227 Carouge.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


Attendu, EN FAIT, que C______, née en 1976, et A______, né en 1969, sont les parents non mariés de D______, né le ______ 2007, E______, née le ______ 2009, et F______, né le ______ 2015;

Qu'ils n'exercent l'autorité parentale conjointe que sur leur fils F______, les deux aînés se trouvant sous l'autorité parentale exclusive de leur mère;

Que les parents ont convenu que le père bénéficierait d'un droit de visite d'un week-end par mois sur les trois enfants et verserait à la mère une contribution de 1'200 fr. par mois à l'entretien de ceux-ci;

Qu'en avril 2020, C______ a écrit à A______ qu'elle envisageait "un grand voyage d'un an, deux ans ou plus" avec les enfants et qu'elle souhaitait savoir ce qu'il en pensait;

Qu'en mai 2022, elle l'a informé qu'elle prévoyait de "partir une année scolaire à l'Île Maurice", où les enfants seraient scolarisés au lycée français";

Qu'en juin 2022, elle lui a demandé pour quel motif il s'opposait à ce voyage;

Que A______ lui a répondu qu'il était "totalement opposé à cet enlèvement d'enfants": il était certain que l'Île Maurice [était] un magnifique endroit et [que] cette expérience serait très enrichissante"; cependant cette "belle aventure" pouvait être programmée durant les vacances, voire pour un ou deux mois, exceptionnellement trois;

Que par requête du 17 juin 2022, C______ a sollicité du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) l'autorisation de modifier le lieu de résidence du mineur F______ pour une durée d'une année, à compter du 15 août 2022, son intention étant de s'établir provisoirement à l'Île Maurice (République de Maurice) avec les trois mineurs, ainsi qu'avec son compagnon et la fille de ce dernier;

Qu'à l'appui de sa requête, elle a fait valoir que A______ entretenait des relations personnelles épisodiques avec les mineurs, que ces derniers étaient enthousiastes à l'idée de partir vivre à l'étranger durant une année, qu'elle était disposée à revenir en Suisse durant les vacances scolaires, afin que le père puisse voir ses enfants, à condition qu'il prenne en charge les frais de déplacement, qu'elle ne s'opposait pas à ce que ce dernier se rende à l'Île Maurice pour les y rencontrer et qu'elle avait prévu un retour en Suisse aux alentours du 30 juin 2023 pour permettre aux mineurs de retrouver leurs marques avant le début de l'année scolaire suivante;

Qu'elle avait quitté en mai 2022 son logement de G______ [GE] et que depuis juin 2022, elle était domiciliée avec les trois enfants à H______ [GE], ce nouveau domicile étant toutefois "temporaire, en attente de trouver un logement aux alentours de G______";

Que F______ était scolarisé à l'école de G______ et devait commencer la 4P à la prochaine rentrée scolaire;

Qu'à l'Île Maurice, elle disposerait "des ressources nécessaires pour assumer les frais du ménage, en tenant compte notamment de la contribution d'entretien versée mensuellement" par A______;

Qu'afin de garantir aux enfants une place pour la rentrée scolaire prévue au 29 août 2022, elle avait procédé à leur pré-inscription au "Lycée I______" de J______ (Île Maurice), des tests d'évaluation étant organisés entre le 24 et le 26 août 2022;

Que lors de l'audience du Tribunal de protection du 23 juin 2022, le père, qui a remis en question la compétence rationae loci de celui-ci en raison du prétendu domicile en France de la mère et des mineurs, en soulignant que celle-ci avait indiqué une adresse fictive située à H______, alors que les mineurs étaient scolarisés à G______, a contesté entretenir des relations personnelles irrégulières avec eux et a expliqué qu'il s'interrogeait sur l'intérêt des enfants pour le voyage prévu;

Que C______ a déclaré que la maison qu'elle occupait avec les enfants à G______ avait été libérée en vue du voyage envisagé et qu'ils partageaient leur temps entre le domicile d'un ami à H______ et une maison située en France que son compagnon et elle-même étaient en train de rénover dans le but d'en faire une résidence secondaire;

Qu'elle était prête à renoncer à percevoir la contribution à l'entretien des mineurs durant un, voire deux mois, afin de permettre au père de financer un billet d'avion pour l'Île Maurice et avait prévu un retour des enfants à Genève durant les vacances de février 2023;

Qu'à l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger;

Que par ordonnance DTAE/4367/2022 du 23 juin 2022, reçue le 14 juillet 2022 par A______, le Tribunal de protection s'est déclaré compétent ratione loci pour connaître de la procédure (ch. 1 du dispositif), a autorisé la mère à déplacer en République de Maurice le lieu de résidence du mineur F______, dès le 15 août 2022 pour une durée maximale d'une année (ch. 2), a limité en conséquence le droit de A______ de déterminer le lieu de résidence de l'enfant pour la même durée (ch. 3), a pris acte de l'engagement de C______ d'organiser le retour à Genève de F______, ainsi que de D______ et E______, durant les vacances scolaires de février 2023 (ch. 4), a déclaré la décision immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 5), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7) et a arrêté les frais judiciaires à 400 fr., mis à la charge de C______;

Que le Tribunal de protection a considéré que les mineurs, tous nés à Genève et dont le domicile se situait à teneur des registres de l'Office cantonal de la population et des migrations à H______, effectuaient leur scolarité à G______ et partageaient actuellement leur temps entre H______ et la France, Etat dans lequel la mère et son compagnon avaient acquis une maison destinée à devenir leur résidence secondaire et qui était en cours de rénovation;

Que les attaches manifestes des mineurs, et en particulier de F______, avec la Suisse, fondaient la compétence ratione loci du Tribunal;

Que le Tribunal de protection a retenu que l'intérêt du mineur F______ commandait que celui-ci puisse suivre sa mère - personne de référence pour lui et dont la prise en charge était assumée avec bienveillance et adéquation - ainsi que son frère et sa sœur à l'Île Maurice pour le voyage projeté;

Que le lien entre le père et les mineurs, outre les contacts entretenus par l'entremise de Whatsapp, pourrait être maintenu dans la mesure où la mère avait prévu de revenir en Suisse durant les vacances de février 2023 et proposé de renoncer à la contribution alimentaire versée en faveur des enfants, afin de permettre à ce dernier de financier un billet d'avion en vue de pouvoir rendre visite aux enfants;

Que le Tribunal de protection a déclaré son ordonnance exécutoire nonobstant recours vu la proximité de la date de départ de Suisse prévue;

Que, par acte expédié le 25 juillet 2022 à la Cour de justice, A______ a interjeté recours contre cette ordonnance, dont il requiert l'annulation, en concluant, principalement, à l'incompétence à raison du lieu du Tribunal de protection et donc à l'irrecevabilité de la requête du 17 juin 2022 et, subsidiairement, au rejet de ladite requête;

Que A______ a allégué que la mère et les enfants vivaient à K______ (France), ce qui n'empêchait pas ces derniers d'être scolarisés à G______, soit à proximité de leur lieu de résidence effectif en France;

Que le domicile allégué par la mère à H______ correspondait à l'adresse de M______, un ami de son compagnon L______; que M______ occupait un logement de cinq pièces avec sa compagne, leur enfant commun, ainsi que ses deux enfants d'un premier mariage; qu'il n'était pas crédible que onze personnes cohabitent dans ce logement;

Que A______ a requis, préalablement, la restitution de l'effet suspensif à son recours, au motif du "départ prochain" de son fils F______;

Qu'il fait valoir que le déplacement à l'Île Maurice du lieu de résidence du mineur F______ et de ses deux autres enfants "pour une durée déterminée, ou indéterminée si la mère des enfants ne revenait plus, pourrait leur causer, à eux-mêmes ainsi qu'au recourant un préjudice difficilement réparable";

Qu'en outre, "le droit aux relations personnelles entre le père et les enfants ne saurait être préservé en cas de départ à l'étranger";

Que par déterminations du 2 août 2022, C______ a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif;

Qu'elle a produit un courrier du 15 juillet 2022 par lequel le Service organisation et planification de la Direction générale de l'enseignement obligatoire de Genève prend note du fait que les trois enfants des parties seront scolarisés au lycée français "I______" à l'Île Maurice pour la rentrée scolaire prochaine;

Que les parties ont été informées le 3 août 2022 de ce que la cause était gardée à juger sur la requête d'effet suspensif;

Considérant, EN DROIT, que selon l'art. 450c CC, le recours contre les décisions du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant est suspensif à moins que l'autorité de protection ou l'instance de recours n'en décide autrement;

Que la levée de l'effet suspensif prévu par la loi doit être appréciée de cas en cas et ne doit pas être prononcée de manière trop large ("nur ausnahmsweise und im Einzelfall") (Geiser, Basler Kommentar, Erwachsenenschutz, 2012, ad art. 450c, no 7 p. 655);

Que la nécessité de la mise en œuvre immédiate de la décision doit correspondre à l'intérêt du mineur (cf. notamment DAS/172/2017);

Qu'en l'espèce, le Tribunal de protection a déclaré la décision attaquée immédiatement exécutoire nonobstant recours;

Que l'effet suspensif peut être restitué au recours par l'instance supérieure en cas de risque d'un dommage difficilement réparable (art. 315 al. 5 CPC, par analogie; Steck, CommFam 2013, no 6 ad art. 450c CC);

Que si, de manière générale, la situation d'un enfant mineur prévalant au moment de la décision querellée doit être maintenue, la règle de base est celle de l'intérêt de l'enfant (ATF 138 III 565; DAS/88/2019, DAS/172/2017);

Que des changements trop fréquents peuvent être préjudiciables à l'intérêt de l'enfant (ATF 144 III 469 consid. 4.2.1; 138 III 565 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_792/2018 du 6 février 2019 consid. 3.2.2; 5A_648/2014 du 3 octobre 2014 consid. 3.2.2);

Qu'en l’espèce, la décision attaquée a pour effet de modifier la situation actuelle tant quant au lieu de résidence du mineur, que quant aux relations personnelles qu'il entretient avec son père sur la base de l'accord intervenu entre les parents;

Qu'en cas d'admission du recours, qui ne semble pas prima facie dépourvu de toutes chances de succès, l'enfant devrait revenir en Suisse, ce qui entraînerait un nouveau changement à court ou moyen terme;

Qu'alors que l'intimée a elle-même créé la situation d'urgence dont elle se prévaut, le fait de maintenir l'enfant dans son lieu de vie et de scolarité actuels n'apparaît pas contraire aux intérêts de celui-ci;

Qu'en outre, il n'appartient pas au juge de l'effet suspensif de trancher la question de la compétence à raison du lieu des tribunaux suisses, les arguments du recourant à ce sujet n'apparaissant pas prima facie dénués de tout fondement;

Que la situation prévalant avant le prononcé du jugement attaqué sera donc maintenue jusqu'à droit jugé sur le recours;

Que la requête d'octroi de l'effet suspensif formée par le recourant sera par conséquent admise;

Qu'il sera statué sur les frais de la requête avec le fond.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
Le président ad interim de la Chambre de surveillance :

Statuant sur effet suspensif:

Restitue l'effet suspensif au recours formé le 25 juillet 2022 par A______ contre l'ordonnance DTAE/4367/2022 rendue par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant le 23 juin 2022 dans la cause C/16921/2015.

Dit qu'il sera statué sur les frais avec le fond.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président ad interim; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (137 III 475 cons. 1) est susceptible d'un recours en matière civile, les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 à 119 et 90 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.