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Décisions | Chambre de surveillance

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C/15258/2021

DAS/128/2022 du 20.06.2022 sur DTAE/1654/2022 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15258/2021-CS DAS/128/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 20 JUIN 2022

 

Recours (C/15258/2021-CS) formé en date du 27 avril 2022 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant par Me B______, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 21 juin 2022 à :

- Madame A______
c/o Me B______, avocate.
______

- Monsieur C______
Centre ______
______ Genève.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a. Par courrier du 26 avril 2021, l’Hôpital de D______ a signalé au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) la situation de A______, née le ______ 1936, laquelle séjournait dans cet établissement depuis le 6 avril 2021. L’équipe soignante avait constaté chez la patiente la présence de troubles cognitifs importants touchant principalement les fonctions mnésiques et exécutives, dont la patiente était anosognosique. Lesdits troubles entraînaient une dépendance partielle pour les activités de base de la vie quotidienne. Le diagnostic de troubles cognitifs majeurs d’origine neurodégénérative sur une maladie d’Alzheimer cliniquement probable, avec une composante vasculaire, a été posé. Du point de vue social, A______  était assez isolée, n’ayant plus de famille et vivant seule, avec l’aide d’une amie, proche-aidante. De l’avis de l’équipe soignante de l’Hôpital de D______, A______ avait besoin d’une curatelle administrative et de soins. Elle n’avait par ailleurs plus la capacité de discernement suffisante pour se prononcer sur la mesure ou sur le choix du mandataire, dont elle ne pourrait contrôler l’activité.

b. A______ n’a pas établi de mandat pour cause d’inaptitude ; elle ne fait l’objet d’aucune poursuite.

c. Par courrier du 3 septembre 2021, le Dr E______, médecin traitant de A______ depuis octobre 2016, a confirmé que celle-ci souffrait d’une démence mixte sur maladie d’Alzheimer dégénérative, associée à un état dépressif secondaire, outre quelques problèmes somatiques. La patiente n’était plus en mesure de gérer seule ses affaires administratives. Par contre, pour les questions d’ordre médical, sa capacité de discernement était conservée, mais elle avait besoin d’aide pour la préparation de ses médicaments. Le Dr E______ a relevé que le maintien à domicile de sa patiente n’était possible que grâce à l’investissement personnel de F______ (ci-après : F______), laquelle agissait comme une aide-soignante privée, soutien et confidente, ainsi que comme aide à la gestion du quotidien.

d. Par courrier du 10 décembre 2021, le conseil mandaté par A______, soit B______, a indiqué au Tribunal de protection que cette dernière envisageait d’intégrer la maison de retraite de G______. Elle souhaitait que F______ puisse la représenter dans la gestion de ses biens et de ses affaires administratives et juridiques, ainsi que dans le domaine médical. A______  allait notamment devoir prendre des décisions importantes concernant notamment son appartement, dont elle était propriétaire.

e. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 18 janvier 2022.

A______ a expliqué que F______, qui habitait à côté de chez elle et venait dès que cela était nécessaire, ouvrait son courrier et lui expliquait ce qu’elle devait faire.

F______ a indiqué pour sa part organiser tout le quotidien de A______, y compris ses rendez-vous médicaux, auxquels elle l’accompagnait. Les repas étaient livrés par l’Institution de maintien et d’aide à domicile. Trois personnes, dont la fille de F______, se relayaient par ailleurs sept jours sur sept afin d’assurer une présence permanente au domicile de A______, pour un salaire global, non déclaré aux assurances sociales, de 5'420 fr. par mois. F______ a indiqué être personnellement rémunérée à hauteur de 600 fr. à 800 fr. par mois pour ses services, montants qu’elle ne déclarait pas. Elle a admis faire l’objet de poursuites ; des actes de défaut de bien à hauteur de plus de 26'000 fr. avaient été délivrés à ses créanciers et elle avait contracté un emprunt de 75'000 EUR afin de financer des travaux dans sa maison en France.

A______ pour sa part percevait une rente AVS et une rente LPP pour un total de l’ordre de 3'500 fr. par mois, pour des charges de 4'000 fr., hors rémunération de ses aides à domicile ; elle disposait d’une fortune de 400'000 fr.

A l’issue de l’audience, la cause a été mise en délibération.

B.            Par ordonnance DTAE/1654/2022 du 18 janvier 2022, le Tribunal de protection a instauré une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (chiffre 1 du dispositif), désigné C______ aux fonctions de curateur (ch. 2), lui a confié les tâches suivantes : représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques ; gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes ; veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre ; veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical (ch. 3). Le Tribunal de protection a également autorisé le curateur à prendre connaissance de la correspondance de A______ dans les limites de son mandat et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 4). Les frais judiciaires ont été arrêtés à 300 fr. et mis à la charge de A______ (ch. 5).

Le Tribunal de protection a notamment retenu que compte tenu de son état, A______ nécessitait une mesure de protection, soit d’une curatelle de représentation et de gestion étendue à l’assistance personnelle et à la représentation médicale. Compte tenu de la fortune dont disposait l’intéressée, un curateur privé devait être désigné. En raison des poursuites et actes de défaut de biens dont elle faisait l’objet, F______ ne remplissait pas les conditions pour fonctionner en qualité de curatrice. Elle ne déclarait par ailleurs pas les montants qu’elle percevait de A______ et elle faisait intervenir sa propre fille pour prendre soin de cette dernière, de sorte qu’il existait un conflit d’intérêts empêchant sa désignation. Il convenait dès lors de désigner un curateur privé indépendant, soit C______, lequel possédait les aptitudes nécessaires à l’exercice du mandat.

C.           Selon ce qui ressort du dossier, C______ est médiateur auprès du Centre H______.

D.           a. Le 27 avril 2022, A______, représentée par B______, a formé recours contre l’ordonnance du 18 janvier 2022, reçue le 28 mars 2022, concluant à l’annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif et cela fait à ce que B______ soit désignée aux fonctions de curatrice de représentation en lieu et place de C______, les tâches suivantes devant lui être confiées : représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques ; gérer ses revenus et ses biens et administrer ses affaires courantes. La recourante a par ailleurs conclu à ce que F______ soit également désignée aux fonctions de curatrice, les tâches suivantes devant lui être confiées : veiller au bien-être social de la personne concernée et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre ; veiller à l’état de santé de la personne concernée, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical.

La recourante a exposé qu’elle refusait qu’un « tiers étranger » puisse la représenter dans le cadre de ses affaires administratives, veiller à son bien-être social et la représenter dans le domaine médical. Elle a réitéré son souhait que F______ puisse demeurer à ses côtés pour la gestion de ses affaires médicales à tout le moins, en raison du lien de confiance qui s’était construit tout au long des années et que Me B______ la représente dans le cadre de la gestion de ses affaires administratives, si la désignation de F______ ne devait pas s’avérer possible. La recourante a fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir tenu compte des souhaits qu’elle avait exprimés s’agissant de la désignation d’un curateur et de ne pas avoir examiné la possibilité de nommer une autre personne de confiance, qui lui soit familière.

b. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée.

c. La cause a été mise en délibération le 31 mai 2022.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai imparti et suivant la forme prescrite par la loi (art. 450 al. 3 CC), devant l'autorité compétente et par la personne faisant l’objet de la mesure.

Il est, partant, recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

2. La recourante fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir désigné la curatrice de son choix. Elle ne conteste pas en revanche la nécessité de la mesure instituée.

2.1.1 A teneur de l'art. 400 al. 1 CC, l'autorité de protection nomme curateur une personne physique qui possède les connaissances et les aptitudes nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne. Plusieurs personnes peuvent être désignées, si les circonstances le justifient. Celles-ci peuvent accomplir cette tâche à titre privé, être membre d'un service social privé ou public, ou exercer la fonction de curateur à titre professionnel. La loi, à dessein, n'établit pas de hiérarchie entre les personnes pouvant être désignées, le critère déterminant étant celui de leur aptitude à accomplir les tâches confiées. La complexité de certaines tâches limite d'ailleurs le recours à des non-professionnels, même si ceux-ci sont bien conseillés et accompagnés dans l'exercice de leur fonction (Message du Conseil fédéral, FF 2006, p. 6682/6683).

2.1.2 Lorsque la personne concernée propose une personne comme curateur, l'autorité de protection de l'adulte accède à son souhait pour autant que la personne proposée remplisse les conditions requises et accepte la curatelle (art. 401 al. 1 CC). L’autorité de protection tient compte autant que possible des objections que la personne concernée soulève à la nomination d'une personne déterminée (art. 401 al. 3 CC).

2.2.1 En l’espèce, la recourante ne conteste pas le fait que, compte tenu de sa fortune, un curateur privé soit désigné. Elle conteste la nomination de C______ et sollicite celle de F______ ou de B______, voire des deux, avec un partage des tâches.

Il résulte du dossier et ce point n’est pas contesté, que F______ fait l’objet de poursuites et d’actes de défaut de biens. Compte tenu de sa situation obérée, c’est à raison que le Tribunal de protection a renoncé, en dépit du souhait de la recourante, à la désigner curatrice pour tout ce qui concerne la gestion des affaires administratives, ainsi que des revenus et des biens de l’intéressée. De telles tâches, qui nécessitent précision et rigueur, ne sauraient en effet être confiées à une personne ayant de la difficulté à gérer ses propres affaires. F______ est toutefois présente auprès de la recourante de manière quotidienne et dévouée depuis un certain temps déjà et elle a noué avec elle un lien de confiance. Il apparaît par conséquent souhaitable qu’elle puisse continuer à s’occuper du bien-être et de la santé de la recourante. Le Tribunal de protection lui a certes fait le reproche de ne pas déclarer sa rémunération et d’avoir mandaté sa propre fille pour prendre soin de la recourante. Ces faits ne s’opposent toutefois pas à la désignation de F______ en tant que curatrice chargée de veiller au bien-être et à la santé de la recourante. En effet, le fait que F______ ne déclare pas, le cas échéant, ses propres revenus à l’administration fiscale ne l’empêchera pas de mener à bien sa mission. Le fait que la fille de F______ fasse partie des personnes prenant soin de la recourante n’apparaît pas non plus comme un obstacle à sa désignation en qualité de curatrice. Pour le surplus, il appartiendra au curateur auquel seront confiées les tâches administratives de faire en sorte que les cotisations sociales soient versées sur tous les salaires perçus par les personnes entourant la recourante et rémunérées par celle-ci. Ce point perdra par ailleurs toute actualité à partir du moment où la recourante intégrera un EMS, ce qui est d’ores et déjà prévu.

2.2.2 Il reste à déterminer si c’est à juste titre que les tâches administratives ont été confiées à C______.

Dans son signalement au Tribunal de protection, l’Hôpital de D______ avait certes indiqué que la recourante ne disposait plus de la capacité de discernement suffisante pour se prononcer sur le choix d’un mandataire, dont elle ne pourrait contrôler l’activité.

Il résulte toutefois de la procédure que la recourante est parvenue à désigner un mandataire pour la représenter devant le Tribunal de protection, en la personne de B______, avocate. Il est dès lors regrettable que le Tribunal ait décidé de désigner C______ aux fonctions de curateur sans avoir au préalable donné la possibilité à la recourante de s’exprimer en toute connaissance de cause et de fournir, le cas échéant, le nom d’une autre personne de confiance qu’elle aurait souhaité voir exercer cette fonction, si d’aventure F______ ne pouvait être nommée.

Les compétences de C______, dont on sait seulement qu’il exerce la profession de médiateur, ne sont pas remises en cause par la recourante. Celle-ci a toutefois manifesté le souhait que la fonction de curateur pour la gestion de ses affaires administratives soit exercée par son avocate, B______, au motif qu’elle représente, pour elle, une personne de confiance. Il se justifie, conformément à l’art. 401 al. 1 CC, de donner une suite favorable à ce souhait, un avocat inscrit au barreau disposant manifestement des compétences nécessaires pour remplir une mission de curatelle de représentation.

Au vu de ce qui précède, les chiffres 2 et 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée seront annulés et il sera statué conformément à ce qui précède.

3. Les frais de la procédure, arrêtés à 400 fr., seront mis à la charge de l’Etat, compte tenu de l’issue de la procédure. L’avance de frais sera par conséquent restituée à la recourante.

Il n’est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre l'ordonnance DTAE/1654/2022 rendue le 18 janvier 2022 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/15258/2021.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée et cela fait, statuant à nouveau :

Désigne B______, avocate, aux fonctions de curatrice de A______ et lui confie les tâches suivantes :

-          représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques ;

-          gérer les revenus et biens de la personne concernée et administrer ses affaires courantes.

Désigne F______ aux fonctions de curatrice de A______ et lui confie les tâches suivantes :

-          veiller au bien-être social de la personne concernée et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre ;

-          veiller à l’état de santé de la personne concernée, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical.

Confirme l’ordonnance attaquée pour le surplus.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 400 fr. et les laisse à la charge de l’Etat.


 

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance de frais en 400 fr.

Dit qu'il n'y a pas lieu à allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.