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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/1204/2018

ACST/19/2018 du 15.08.2018 ( ABST ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 17.09.2018, rendu le 25.03.2019, IRRECEVABLE, 1C_472/2018
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1204/2018-ABST ACST/19/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 15 août 2018

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

CONSEIL D'ÉTAT


EN FAIT

1.             Depuis une décennie, l’offre de prestations de services d’hébergement temporaires de courte durée faite notamment par des particuliers pour leur(s) appartement(s) a connu un essor considérable du fait de l’utilisation, à cette fin, de plates-formes en ligne, telles que celle d’Airbnb. Le système permet aux particuliers bailleurs ou sous-bailleurs de réaliser des revenus d’appoint par la mise de leur appartement contre paiement à la disposition de touristes ou autres hôtes pour des périodes durant lesquelles ils n’en ont pas l’utilisation et fournit une alternative hôtelière souvent à un bon rapport qualité/prix. Il a cependant vite suscité, dans de nombreuses villes et pays, des critiques liées à différentes problématiques, dont à celle d’une aggravation de la pénurie de logements, surtout dans les centres-villes.

2.             Sur le plan parlementaire genevois, la montée en puissance de telles plates-formes de location et réservation payantes de logements entre particuliers a donné lieu, le 13 novembre 2014, à une question écrite urgente intitulée « Les conséquences des plateformes comme Airbnb sur le marché du logement » (ci-après : QUE 280), ainsi que, le 27 septembre 2016, à une proposition de motion « pour la préservation du parc de logements face au développement des plateformes numériques du type AirBnB » (ci-après : M 2347).

3.             Par règlement du 7 mars 2018, le Conseil d’État a adopté un règlement modifiant le règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 29 avril 1996 (RDTR - L 5 20.01), dont l’art. 1 souligné introduisait dans le RDTR un art. 4A nouveau, intitulé « Plates-formes de location » et ayant la teneur suivante :

« La location de tout ou partie de logements au travers de plates-formes de location est considérée comme un changement d’affectation au sens de la loi [= la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20)] si elle excède 60 jours par an ».

4.             Cette modification réglementaire a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 13 mars 2018.

5.             Elle est entrée en vigueur le 1er avril 2018, conformément à l’art. 2 souligné dudit règlement du 7 mars 2018.

6.             a. Par acte du 12 avril 2018, Monsieur A______ (ci-après : le recourant), domicilié à Genève, a formé contre cette modification réglementaire un recours en contrôle abstrait par-devant la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), en concluant à l’annulation de l’art. 1 souligné dudit règlement, respectivement de l’art. 4A nouveau RDTR, et à l’octroi d’une indemnité de procédure de CHF 1'000.-.

b. Comme locataire d’un appartement à Genève, il était directement touché par « l’interdiction d’utiliser une plateforme de location » et, s’il devenait un jour propriétaire d’un immeuble ou d’une part d’immeuble, il serait « pleinement frappé par l’interdiction d’offrir en location ce bien immobilier sur des plateformes de location ».

c. La LDTR n’évoquant nullement l’interdiction des plates-formes en ligne, le Conseil d’État était allé, en adoptant la norme attaquée, au-delà de sa compétence constitutionnelle et légale d’édicter des dispositions d’application de la LDTR.

L’art. 4A RDTR était inintelligible, faute de définition de la notion de « plate-forme de location » et de la possibilité de se référer à ce sujet à une volonté du législateur exprimée dans la LDTR ou les travaux préparatoires. De très nombreuses personnes recouraient à des sites internet dédiés à l’offre de location de biens immobiliers afin de conclure des contrats de location immobilière, et de nombreuses agences immobilières et autres entités (comme la caisse de prévoyance professionnelle de l’État de Genève) proposaient sur leurs propres sites des biens immobiliers à louer ; on ne voyait pas pourquoi le Conseil d’État interdisait désormais l’utilisation de telles plates-formes.

L’interdiction litigieuse restreignait tant la garantie de la propriété que la liberté économique, sans que les conditions de telles restrictions ne soient remplies. Elle ne reposait pas sur une base légale ayant une densité normative suffisante ; elle ne poursuivait pas un but d’intérêt public ; elle ne respectait pas les exigences se déduisant du principe de la proportionnalité, en termes d’aptitude à atteindre l’intérêt poursuivi, de subsidiarité de la mesure prise et de rapport raisonnable entre le but poursuivi et le moyen utilisé pour le poursuivre.

7.             Par mémoire de réponse du 18 mai 2018, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

L’art. 4A RDTR contesté ne constituait pas une norme primaire, mais précisait la notion de changement d’affectation de maisons d’habitation figurant dans la LDTR, que cette dernière interdit sauf dérogation. Il prévoyait à cette fin qu’au-delà de soixante jours par année de mise effective d’un logement à la disposition d’un tiers pour une durée déterminée par le biais d’une plate-forme d’hébergement contre rémunération, le logement considéré doit être assimilé à une résidence meublée, autrement dit n’est plus destiné à l’habitation mais à une utilisation commerciale à titre de résidence meublée, en contradiction avec l’interdiction de principe, visant à préserver l’habitat, de remplacer des locaux à destination de logements par des résidences meublées ou des hôtels. Interprété, ainsi qu’il le fallait, dans le contexte spécifique de la LDTR, l’art. 4A RDTR n’avait pas le sens, absurde, d’entraver toute mise en location de biens immobiliers par les outils en ligne utilisés par les propriétaires et les agences immobilières de la place pour la location de logements pour des durées supérieures à soixante jours.

Les conditions de restriction de la garantie de la propriété et de la liberté économique étaient remplies. La disposition litigieuse précisait la portée d’une restriction légale existante, dont elle partageait la finalité d’intérêt public de préserver l’habitat, d’autant plus que la pénurie de logements atteignait un seuil critique. Elle respectait le principe de la proportionnalité en prévoyant une période de soixante jours par année durant laquelle la mise en location par le biais de plates-formes d’hébergement n’impliquait pas un changement d’affectation et était donc permise ; ladite période tenait compte de l’usage habituel d’un logement par un particulier.

8.             Le 13 juin 2018, le Conseil d’État a modifié la teneur de l’art. 4A RDTR, de façon à ne plus appréhender la location d’une partie de logements, mais uniquement celle de la totalité de logements, le reste de la disposition demeurant inchangé. Ainsi, publié dans la FAO du 19 juin 2018 et entré en vigueur le 20 juin 2018, l’art. 4A RDTR a pris la teneur suivante :

« La location de la totalité d’un logement au travers de plates-formes de location est considérée comme un changement d’affectation au sens de la loi (= la LDTR) si elle excède 60 jours par an ».

9.             Dans des observations du 20 juin 2018, le recourant a persisté dans les termes et conclusions de son recours.

La délégation de compétence figurant à l’art. 48 LDTR devait être interprétée restrictivement ; elle ne constituait pas un blanc-seing permettant à l’exécutif de créer de nouvelles restrictions ex nihilo. Allant au-delà d’une simple mise en œuvre de la LDTR, l’art. 4A RDTR empêchait un particulier possédant un logement de vacances à Genève et n’y passant que quelques semaines durant l’été de le louer le reste du temps à d’autres vacanciers par le biais d’une plate-forme d’hébergement.

En édictant l’art. 4A RDTR, le Conseil d’État avait confondu et mélangé le changement d’affectation de logements en résidences meublées, interdit par la LDTR, et la location de logements par le biais d’une plate-forme, dont l’utilisation ne causait pas en soi un changement d’affectation. Interdire de façon absolue les plates-formes – terme au demeurant non défini – n’était pas apte à mettre en œuvre l’interdiction posée par la LDTR.

La norme attaquée restreignait fortement la liberté des propriétaires de louer leurs logements, sans qu’un intérêt public le justifie, la simple mise en location d’un logement (meublé ou non, pour une durée déterminée ou indéterminée) ne causant pas forcément un changement d’affectation.

10.         Les observations du recourant ont été transmises au Conseil d’État par courrier du 22 juin 2018, ensuite de quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             a. La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître de recours interjetés, comme en l’espèce, contre un règlement du Conseil d’État aux fins de contrôle abstrait de sa conformité au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE -A 2 00 ; art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; ACST/3/2018 du 5 mars 2018 consid. 1a).

b. Le recours a été interjeté dans le délai légal de trente jours à compter de la publication du règlement litigieux dans la FAO, soit en temps utile (art. 62 al. 1 let. d et al. 2 phr. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; cf. au demeurant art. 63 al. 1 let. a LPA).

c. Il satisfait aux exigences de forme et de contenu prévues par l’art. 64 al. 1 et 65 LPA, y compris à celle d’un exposé détaillé des griefs (art. 65 al. 3 LPA).

d. Il n’est pas contestable que le recourant est touché par la norme attaquée en tant qu’il loue à Genève un logement qu’il pourrait souhaiter sous-louer plus de soixante jours par année par le biais d’une plate-forme d’hébergement, de même que, virtuellement, en tant qu’il est susceptible d’acquérir un jour la propriété d’un bien immobilier que, par le même canal, il pourrait souhaiter mettre contre rémunération à la disposition de touristes ou autres personnes de passage pour des périodes limitées dépassant au total soixante jours par année. Aussi a-t-il qualité pour recourir (ACST/22/2017 du 3 novembre 2017 consid. 2b et jurisprudence et doctrine citées).

e. La qualité pour recourir suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2017 du 5 février 2018 consid. 1.4.2 et les références citées ; ACST/16/2018 du 28 juin 2018 consid. 3b). En l’espèce, postérieurement au dépôt du recours, le Conseil d’État a modifié la disposition réglementaire attaquée, sur un point que le recourant ne discutait cependant pas, à savoir l’applicabilité de la norme considérée à la location d’une partie seulement d’un logement. Aussi y a-t-il lieu, en vertu de l’art. 67 al. 3 LPA, de traiter le recours dans la mesure où la disposition attaquée vise la location de la totalité d’un logement au travers de plates-formes de location, la qualifiant de changement d’affectation au sens de la LDTR si elle excède soixante jours par an. Le recours a conservé son objet.

f. Le recours doit donc être déclaré recevable.

2.             a. Pour l’interprétation des normes dont elle doit – comme en l’espèce – contrôler la conformité au droit supérieur, la chambre constitutionnelle utilise les diverses méthodes d’interprétation traditionnelles des lois, de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 consid. 4a). Ainsi, si l’interprétation littérale du texte considéré ne renseigne pas de façon absolument claire sur le sens de la norme, si plusieurs interprétations dudit texte sont possibles, elle cherche à dégager sa véritable portée de sa relation avec d’autres dispositions légales et de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 129 V 258 consid. 5.1 et les références citées). Si plusieurs interprétations sont admissibles, il lui faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a et les arrêts cités).

b. Lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, la chambre constitutionnelle s’impose une certaine retenue, de façon cependant moins marquée que celle dont le Tribunal fédéral fait montre pour des motifs liés au fédéralisme (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 138 I 321 consid. 2 ; 137 I 77 consid. 2 ; 136 I 316 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2016 du 1er novembre 2017 consid. 2, non publié in ATF 143 II 598 ; ACST/23/2017 du 11 décembre 2017 consid. 6b ; Florence AUBRY GIRARDIN, Cours constitutionnelles cantonales et Tribunal fédéral : apports mutuels d’un double contrôle de la constitutionnalité, RJJ, cahier spécial [Symposium 2017], p. 5 ss, 18 ss ; Bernard CORBOZ, in Bernard CORBOZ et al. [éd.], op. cit., n. 34 ad art. 95 LTF, n. 40 ad art. 106 LTF ; Yves DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal fédéral, Commentaire, 2008, n. 3525 ss). Elle n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent pas à une interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, elle tient compte notamment de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 137 I 131 consid. 2 ; 135 II 243 consid. 2 ; ACST/12/2017 du 6 juillet 2017 et jurisprudence citée).

3.             a. L’art. 4A RDTR assimile explicitement la location de logements par le biais de plates-formes de location à un changement d’affectation au sens de la LDTR lorsqu’elle excède soixante jours par an. Avant même que son sens et sa portée soient établis plus précisément, il appert que cette disposition touche aux biens juridiquement protégés par la garantie de la propriété et la liberté économique, ancrées aux art. 26 et 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), de même que – sans qu’il en résulte une protection plus étendue – aux art. 34 et 35 Cst-GE. Aussi suffit-il de rappeler succinctement le contenu de ces deux droits fondamentaux et des conditions de leur restriction.

b. Dans sa dimension institutionnelle, qui concerne au premier chef le législateur, la garantie de la propriété protège l’existence même de la propriété privée, comprise comme une institution fondamentale de l’ordre juridique suisse, soit la possibilité d’acquérir tous éléments patrimoniaux – les droits réels, dont la propriété mobilière et immobilière au sens étroit du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les droits personnels ou obligationnels, les droits immatériels, les droits acquis –, d’en jouir et de les aliéner. Dans sa fonction individuelle, elle protège les droits patrimoniaux concrets du propriétaire, d’une part leur existence, s’étendant à leur conservation, leur jouissance et leur aliénation, et d’autre part leur valeur, sous la forme, à certaines conditions, d’un droit à une compensation en cas de réduction ou de suppression (ATF 119 Ia 348 consid. 2a ; 113 Ia 126 consid. 6 ; 88 I 248 consid. II.3 ; Pascal MAHON, Droits constitutionnels, vol. II, 2015, n. 134 et 136 ; Klaus A. VALLENDER / Peter HETTICH, in Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], Die Schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 3ème éd., 2014, p. 569 ss et 575 ss ad art. 26 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2013, n. 807 ss et 810 ss).

La liberté économique comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice. Elle a une fonction institutionnelle, en tant qu’elle exprime, conjointement avec d’autres dispositions constitutionnelles (notamment l’art. 94 Cst.), le choix du constituant en faveur d’un système économique libéral, fondé sur la libre entreprise et la concurrence (ATF 138 I 378 consid. 6.1), et une fonction individuelle, en tant qu’elle assure une protection contre les mesures étatiques restreignant la liberté d’exercer toute activité économique privée, exercée aux fins de production d’un gain ou d’un revenu, à titre principal ou accessoire, dépendant ou indépendant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2016 précité consid. 5.1 ; Klaus A. VALLENDER, in Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], op. cit., p. 594 ss ad art. 27 ; Pascal MAHON, op. cit., vol II, n. 121 ss et n. 123 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 882 ss, 904 ss et 909 ss).

c. Comme les autres libertés publiques, tant la garantie de la propriété que la liberté économique peuvent faire l’objet de restrictions de la part de l’État, aux conditions cumulatives de reposer sur une base légale, de poursuivre un intérêt public et de respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 Cst. ; art. 43 Cst-GE).

4.             Pour le recourant, l’art. 4A RDTR ne constitue pas une base légale valable, pour le triple motif qu’elle serait inintelligible, n’aurait pas une densité normative suffisante et imposerait des obligations nouvelles incompatibles avec son rang de norme secondaire.

5.             a. Une norme inintelligible – c’est-à-dire incompréhensible, manquant totalement de clarté – serait non seulement contraire au principe de la légalité, mais devrait être qualifiée d’arbitraire, comme n’ayant pas de sens (art. 9 Cst. ; ATF 136 I 241 consid. 3.1 ; 134 I 23 consid. 8 ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. II, 2018, n. 3376 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 160 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 1144 s. ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 605).

b. Dans la norme contestée, le mot de « plate-forme » est utilisé dans sa connotation informatique ; il désigne donc un ensemble d'outils (logiciels, matériels, systèmes d’exploitation, etc.) destinés au stockage et au partage de contenus virtuels (audio, vidéo ou autres), selon Le Larousse (https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais-monolingue), autrement dit un environnement permettant la gestion et/ou l'utilisation de services applicatifs, d’après Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Plate-forme_[informatique]).

Le recourant en déduit que l’expression de « plates-formes de location » fait référence, à l’art. 4A RDTR, à des sites internet conçus et utilisés pour permettre à des bailleurs d’offrir à la location des immeubles ou parts d’immeubles et, réciproquement, à des locataires de les contacter afin de manifester leur intérêt à une telle location, comme cela se pratique couramment grâce aux nombreux sites internet exploités à cette fin, notamment par des agences immobilières ou d’importants propriétaires immobiliers. Or, poursuit le recourant, cela n’a pas de sens de limiter l’utilisation de tels sites internet, mais on ne voit pas quelle autre signification ladite expression pourrait avoir, faute pour le RDTR ou la LDTR de définir cette notion pourtant centrale pour l’application de ladite norme.

b. Une interprétation aussi étroitement littérale de l’art. 4A RDTR apparaît contraire au bon sens, car il ne fait pas de doute que cette norme n’entend pas viser l’ensemble des baux ou sous-locations portant sur des logements se concluant par le recours à des sites internet – plutôt que par le biais de petites annonces insérées dans des journaux, du bouche à oreille ou des demandes formulées au guichet d’agences immobilières – pour peu que ces relations contractuelles se nouent pour une durée supérieure à soixante jours, en particulier pour une durée indéterminée comme c’est fréquemment le cas pour les baux d’habitation (art. 255 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220).

Du texte même de l’art. 4A RDTR résulte que cette disposition entend préciser la notion de changement d’affectation figurant dans la LDTR, et du contexte de son adoption – en particulier de la QUE 280 et de la M 2347 – qu’elle vise à répondre à des préoccupations relevant du marché du logement générées par l’utilisation de plates-formes en ligne du type de celle d’Airbnb. Or, il est connu que de tels portails spécialisés visent à permettre les locations touristiques de courte durée d’appartements meublés constituant la résidence souvent principale mais éventuellement aussi secondaire de leurs propriétaires ou locataires.

L’interprétation systématique, téléologique et historique de ladite norme conduit à lui attribuer le sens et la portée de limiter – en tant qu’elles reviennent à transformer l’affectation de logements destinés à l’habitation en lieux d’hébergement commerciaux – la fourniture et l’obtention de prestations de services d’hébergement de courte durée dans des logements meublés destinés à l’habitation principale ou secondaire de leurs propriétaires ou locataires, lorsque ces relations contractuelles se nouent par le biais de telles plates-formes de location pour des durées limitées dès que, cumulées, elles dépassent un total de soixante jours par année.

C’est ainsi que le Conseil d’État a présenté ladite modification réglementaire lors de son point de presse du 7 mars 2018, et que les médias l’ont relayée dans les journaux, comme l’atteste par exemple l’extrait suivant d’un article de presse : « Le Conseil d’État genevois a présenté une modification réglementaire qui vise à faire la chasse à ceux qui font de la location de biens immobiliers aux touristes un commerce. Dès le 1er avril [2018], il sera interdit à Genève de louer un bien immobilier plus de 60 jours par an via des plates-formes de type Airbnb […]. Un Genevois qui loue son bien plus de 60 jours pratique en réalité une activité commerciale dans son logement, ce qui est interdit. Franchir cette limite revient de plus à soustraire ces biens immobiliers au parc locatif, ce qui n’est pas envisageable en période de pénurie » (article publié sur le site internet du Temps le 7 mars 2018, https://www.letemps.ch/).

c. L’art. 4A RDTR n’est pas inintelligible, mais peut et doit au contraire être compris dans le sens précité, respectueux du principe de l’interdiction de l’arbitraire.

6.             a. Se déduisant du principe de la légalité, l’exigence de densité normative suffisante renvoie au degré de clarté et de précision que des dispositions générales et abstraites doivent avoir pour que leur application soit prévisible (ATF 140 I 168 consid. 4 ; 119 Ia 362 consid. 3a ; 115 Ia 333 consid. 2a ; 108 Ia 33 consid. 3a ; Jacques DUBEY, op. cit., vol. I, n. 611 ss ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 193).

b. Sans doute la norme attaquée n’a-t-elle pas une densité normative optimale, dans la mesure où elle renvoie au moyen utilisé pour, respectivement, offrir et obtenir des prestations de service d’hébergement d’un type spécifique, plutôt que de décrire ces dernières, et se borne pour le surplus à fixer le nombre de jours par année au-delà duquel doit être réputé se produire la bascule d’une utilisation accessoire lucrative d’un logement estimée admissible, non sujette à autorisation, vers une utilisation incompatible avec la vocation d’habitation, non commerciale, d’un logement, interdite sauf dérogation.

Ainsi, cette norme n’indique pas explicitement que la mise à disposition du logement n’intervient que pour des durées très limitées, porte sur du meublé, s’adresse à des touristes ou autres personnes de passage, moyennant un loyer (notion certes incluse dans celle de location), mais aussi implique – comme le mentionne l’intimé dans sa réponse au recours (p. 5, ch. 15) – la fourniture par l’exploitant d’un certain nombre de prestations hôtelières (par exemple le nettoyage, le service de repas, une visite guidée de la ville). À titre comparatif, il sied d’indiquer que le ch. II ajouté à l’art. L.324-1-1 du code du tourisme français par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique évoque dans ce contexte « toute location pour de courtes durées d’un local meublé en faveur d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » (www.legifrance.gouv.fr/).

c. Le déficit de densité normative affectant l’art. 4A RDTR ne saurait cependant suffire à rendre cette norme trop imprécise pour pouvoir être appliquée de façon prévisible. Toutes les caractéristiques précitées (notamment le service de repas, une visite guidée de la ville) ne sont d’ailleurs pas forcément présentes dans des locations se concluant par le biais de plates-formes en ligne du type de celle d’Airbnb. La référence à ces dernières, par l’expression même imparfaite de « plates-formes de location », restreint l’applicabilité de cette disposition aux locations de courte durée, à des touristes ou autres personnes de passage, d’appartements meublés constituant la résidence souvent principale mais éventuellement aussi secondaire de leurs propriétaires ou locataires.

Il n’y a pas lieu de craindre que cette disposition soit appliquée dans le sens purement littéral évoqué par le recourant, qui reviendrait à avoir une compréhension arbitraire de la norme considérée. Un contrôle concret de son application serait par ailleurs possible. Aussi la chambre constitutionnelle, faisant preuve de retenue, ne la considère-t-elle pas comme ne répondant pas aux exigences de densité normative se déduisant du principe de la légalité.

7.             a. Le recourant prétend que la norme considérée ne saurait être de rang réglementaire, car, selon lui, elle va au-delà d’une règle d’exécution de la LDTR et constitue une restriction grave à des droits fondamentaux devant reposer sur une base légale formelle.

b. Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti au moins implicitement par toutes les constitutions cantonales ; dans le canton de Genève, il l'est explicitement par l’art. 2 al. 2 Cst-GE. Il impose le respect des compétences établies par la Constitution fédérale et interdit à un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe. En particulier, il interdit au pouvoir exécutif d’édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ; 138 I 196 consid. 4.1 ; 134 I 322 consid. 2.2 ; 130 I 1 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_251/2014 précité consid. 2.2). Toutefois, la loi ne peut et ne doit pas contenir tous les détails, mais seulement les règles essentielles et les principaux droits et obligations, la mise en œuvre, soit l’exécution, étant, quant à elle, de la compétence de l’exécutif (David HOFMANN, Le Conseil d’État dans la constitution genevoise du 14 octobre 2012, in David HOFMANN / Fabien WAELTI [éd.], Actualités juridiques de droit public 2013, 2013, p. 142).

Alors que le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif (art. 80 Cst-GE), le Conseil d’État exerce le pouvoir exécutif (art. 101 Cst-GE), compétence qui, selon l’art. 109 al. 4 Cst-GE, inclut celle de promulguer les lois et de les exécuter en prenant à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires. Le Conseil d’État peut ainsi adopter des normes d’exécution, secondaires, sans qu’une clause spécifique dans la loi soit nécessaire (David HOFMANN, op. cit., p. 140). Celles-ci peuvent établir des règles complémentaires de procédure, préciser et détailler certaines dispositions de la loi, éventuellement combler de véritables lacunes. Elles ne peuvent en revanche pas, à moins d’une délégation expresse, poser des règles nouvelles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles sont conformes au but de la loi (ATF 134 I 313 consid. 5.3 ; 130 I 140 consid. 5.1 ; 129 V 95 consid. 2.1 ; 124 I 127 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_251/2014 précité consid. 2.2 ; ATA/1587/2017 du 12 décembre 2017 et références citées). Pour que le Conseil d’État puisse édicter des normes de substitution, primaires, il faut qu’une clause de délégation législative l’y habilite, étant précisé que la constitution cantonale ne l’interdit pas et que la délégation doit figurer dans une loi au sens formel, se limiter à une matière déterminée et indiquer le contenu essentiel de la réglementation si elle touche les droits et obligations des particuliers (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1 ; 132 I 7 consid. 2.2 ; 130 I 1 consid. 3.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_744/2014 du 23 mars 2016 consid. 7 ; ACST/11/2017 du 30 juin 2017 consid. 9 ; David HOFMANN, op. cit., p. 140 s.).

c. Selon l’art. 36 al. 1 Cst., toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale ; les restrictions graves doivent être prévues par une loi ; les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. Ainsi – abstraction faite des cas d’application de la clause générale de police (hypothèse ici non pertinente) –, toute limitation apportée à un droit fondamental doit reposer sur une règle générale et abstraite, qui ne doit cependant pas forcément être du niveau d’une loi formelle. En revanche, une restriction grave doit être prévue par une loi formelle. La distinction entre les atteintes simples et les atteintes graves tient à l’intensité de la restriction ; plus celle-ci est haute, plus le rang hiérarchique de la base légale doit être élevé. Une atteinte tend à être grave lorsqu’elle prive les titulaires d’un droit fondamental d’une grande partie ou d’un grand nombre des prérogatives subjectives que ce droit leur procure, selon une perception objective de la situation prenant en compte toutes les circonstances du cas d’espèce (Jacques DUBEY, op. cit., vol. I, n. 424 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 33 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 190 s.). La base légale requise, matérielle ou formelle, doit avoir un degré de précision suffisant pour que son application soit prévisible (Jacques DUBEY, op. cit., vol. I, n. 611 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 33 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 192 s.).

8.             a. En l’espèce, la question qui se pose, en termes d’abord de rang normatif, est de savoir si la limitation litigieuse est ou non couverte par la LDTR, autrement dit si l’art. 4A RDTR ne fait que d’expliciter des restrictions que la LDTR apporte au changement d’affectation de logements d’habitation, en tant que norme secondaire, ou s’il impose des contraintes nouvelles, comme norme primaire.

b. La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.406/2005 du 9 janvier 2006 consid. 3.3 ; ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 5a). Pour qu’elle s’applique à un bâtiment, il faut d’une part que celui-ci soit situé dans les zones de construction prévues par l’art. 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) ou qu’il soit construit au bénéfice des normes de l’une des quatre premières zones de construction en vertu des dispositions applicables aux zones de développement, et il faut d’autre part qu’il comporte des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l’habitation, étant ajouté que ne sont pas assujetties à la LDTR les maisons individuelles ne comportant qu’un seul logement ainsi que les villas en 5ème zone comportant un ou plusieurs logements (art. 2 LDTR).

Pour atteindre son but, la LDTR prévoit notamment des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d’affectation des maisons d’habitation soumises à la loi (art. 1 al. 2 let. a LDTR). Elle définit comme un changement d’affectation toute modification, même en l’absence de travaux, qui a pour effet de remplacer des locaux à destination de logements par des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel (art. 3 al. 3 phr. 1 LDTR), et elle cite certaines opérations comme étant assimilées à un tel changement, en particulier le remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meublées ou des hôtels (art. 3 al. 3 phr. 1 let. a LDTR). L’art. 4 RDTR précise, à son al. 1, qu’une résidence meublée est un logement qui est loué meublé à des fins commerciales dans une maison d’habitation, et, à son al. 2, que les appartements meublés loués par un employeur au profit de ses employés ne sont pas assimilés à des résidences meublées dans la mesure où cette location n’implique pas de prise de bénéfice.

Sous réserve des cas ici non pertinents visés par l’art. 3 al. 4 LDTR, la LDTR interdit tout changement d’affectation de tout ou partie des maisons d’habitation soumises à la loi, sauf dérogation (art. 7 LDTR). Pour qu’une dérogation à l’interdiction d’un changement d’affectation soit accordée, il faut que, cumulativement, la suppression du logement soit justifiée et, sauf exception, compensée par des surfaces commerciales ou administratives réaffectées simultanément en logements dont les loyers doivent répondre aux besoins prépondérants de la population (art. 8 LDTR). L’art. 4 al. 3 RDTR prévoit que l’autorisation de remplacer des locaux à destination de logements par une résidence meublée est limitée à la durée maximum de dix ans et qu’elle est renouvelable.

c. La LDTR a pour but d’empêcher que des logements soient supprimés, notamment par un changement de leur affectation. Selon la jurisprudence, il y a changement d’affectation dès qu’une activité envisagée dans un logement est de nature à soustraire celui-ci du marché de l’habitation, au regard du type d’activité projetée et des conditions de son exercice (ATA/216/2003 du 15 avril 2003 consid. 6c ; Emmanuelle GAIDE / Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR, 2014, p. 341 ss, not. ch. 3).

Un logement n’est pas soustrait du marché de l’habitation du seul fait qu’il est loué meublé par son propriétaire à un locataire ou sous-loué meublé par un bailleur-locataire à un sous-locataire, dans la mesure où le locataire ou sous-locataire en fait son lieu d’habitation. Aussi l’opération de location meublée n’est-elle pas en tant que telle soumise à la LDTR, donc pas traitée comme un changement d’affectation (Emmanuelle GAIDE / Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 357 ss). Un touriste ou une autre personne de passage louant un appartement meublé par le biais d’une plate-forme d’hébergement le fait cependant pour une brève période, sans en faire son lieu d’habitation proprement dit, et moyennant un prix qui, s’il est généralement concurrentiel par rapport à celui d’un hôtel, n’en constitue pas moins une source de profit pour le bailleur ou sous-bailleur. De surcroît, une telle mise en location devient incompatible avec l’habitation du logement considéré, que ce soit par son propriétaire ou locataire, lorsqu’elle porte sur la totalité du logement et, le cas échéant de façon cumulée au cours de l’an, s’étend sur un nombre de jours relativement élevé, à telle enseigne qu’une utilisation commerciale dudit logement tend à devenir prépondérante et que ce dernier tend à perdre sa vocation de lieu d’habitation et donc à être soustrait au marché du logement.

d. La notion de remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meublées comporte immanquablement une part d’indétermination, qu’il incombe prioritairement à l’autorité exécutive de lever par la voie de normes d’exécution, ainsi qu’à la pratique et la jurisprudence par le biais des décisions d’application et du contrôle juridictionnel de ces dernières.

De même qu’il a précisé cette notion en qualifiant de résidence meublée le logement loué meublé à des fins commerciales dans une maison d’habitation (art. 4 al. 1 RDTR), et qu’il en a restreint la portée en excluant les appartements meublés loués par un employeur au profit de ses employés dans la mesure où cette location n’implique pas de prise de bénéfice (art. 4 al. 2 RDTR), le Conseil d’État, en adoptant l’art. 4A RDTR au titre des définitions d’un changement d’affectation visé par la LDTR (section 1 du chap. I du RDTR), a explicité ladite notion en traçant une ligne de démarcation entre la mise à la disposition de tiers de passage, à des fins d’hébergement de courte durée et moyennant une rémunération, de logements destinés à l’habitation qui reste compatible avec cette vocation-ci, et est donc admissible sans autorisation, et celle qui ne peut plus être considérée comme telle, qui est interdite sauf dérogation.

L’art. 4A RDTR peut être qualifié de norme secondaire. Il n’institue pas une limitation exorbitante aux normes considérées de la LDTR elle-même, mais en précise et détaille la portée.

e. Des atteintes d’une certaine gravité sont sans doute portées à la propriété et à la liberté économique par le biais de l’interdiction, sauf dérogation, des changements d’affectation (dont le remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meublées), ainsi que des mesures et sanctions pouvant être prises en cas d’opérations qui constitueraient des changements d’affectation interdits. Ces restrictions sont cependant fondées sur la LDTR elle-même, en particulier ses art. 3 al. 3, 7 s. et 44, et disposent dès lors d’une assise suffisante dans des normes ayant rang de loi formelle. En tant qu’il se limite à en préciser les contours sans imposer d’obligations nouvelles, l’art. 4A RDTR ne porte pas par lui-même une atteinte grave auxdits droits fondamentaux.

Il n’apparaît d’ailleurs pas exclu qu’avant même l’adoption de l’art. 4A RDTR, à la condition de totaliser un nombre relativement élevé de jours par année, des locations répétées de courtes durées à des personnes de passage de logements destinés à l’habitation soumis à la LDTR auraient pu être considérées, par voie de décisions, comme des opérations impliquant un changement d’affectation interdit sauf dérogation, et donc donner lieu non seulement à l’exigence de demandes de dérogation mais aussi au prononcé de mesures et sanctions, en application directe de la LDTR. Cette hypothèse reste au demeurant envisageable dans le cas – que le recourant cite dans son argumentaire – où le propriétaire ou le locataire de logements d’habitation soumis à la LDTR mettrait ces derniers en location ou sous-location sans passer par un portail internet dédié à ce genre de locations, mais par de petites annonces publiées dans des journaux ou l’affichage de pancartes sur les immeubles considérés ou leurs clôtures. C’est dire que l’art. 4A RDTR n’institue pas en lui-même de restriction nouvelle. Il peut donc être de rang réglementaire.

f. Le grief de violation du principe de la légalité que le recourant émet à l’encontre de la norme considérée n’est donc pas fondé.

9.             a. Le recourant nie que l’art. 4A RDTR poursuit un intérêt public suffisant.

b. La détermination de l’intérêt public, auquel toute activité étatique doit répondre (art. 5 al. 2 Cst.) et toute restriction aux droits fondamentaux satisfaire (art. 36 al. 2 Cst.), est une question de nature éminemment politique, qui est prioritairement du ressort des pouvoirs législatif et exécutif. Elle est susceptible de varier dans le temps et l’espace, mais aussi au regard des droits fondamentaux considérés. Est toujours d’intérêt public la protection de l’ordre public, englobant la sécurité, la tranquillité, la santé et la moralité publiques, ainsi que la bonne foi en affaires. L’intérêt public comprend aussi la promotion du bien-être général de la population, l’utilisation rationnelle du territoire, la sauvegarde des bases vitales de l’homme, des espèces animales et végétales, ainsi que la défense et le développement de valeurs esthétiques ou culturelles. La chambre constitutionnelle doit faire montre d’une certaine réserve dans l’examen de la question de l’intérêt public poursuivi (ACST/23/2017 précité consid. 14a ainsi que la jurisprudence et la doctrine citées ; Jacques DUBEY, op. cit., vol. I, n. 667 ss).

c. Tout comme les dispositions de la LDTR qu’il précise, à savoir celles sur les changements d’affectation des maisons d’habitation, l’art. 4A RDTR poursuit l’intérêt public de lutter contre la pénurie de logements, soit un intérêt maintes fois reconnu comme tel par le Tribunal fédéral (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4 ; 119 Ia 348 consid. 3b ; 113 Ia 126 consid. 7a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_428/2017 du 1er mars 2018 consid. 2.1 ; 1C_123/2017 ; 1C_124/2017 ; 1C_125/2017 et 1C_361/2017 du 23 novembre 2017 consid. 3.2 ; 1C_68/2015 du 5 août 2015 consid. 2.3 ; ATF 131 I 333 consid. 4.1 concernant le règlement communal du 30 mars 2004 sur les conditions d’occupation des logements construits ou rénovés avec l’appui de la commune de Lausanne, et arrêt du Tribunal fédéral 1C_259/2013 du 1er novembre 2013 consid. 3 concernant le règlement général du 20 février 2007 relatif aux plans d’utilisation du sol de la Ville de Genève). Il est en effet communément admis que l’essor des plates-formes d’hébergement en ligne considérées contribue à l’aggravation de la pénurie de logements, surtout dans les centres-villes.

C’est à tort que le recourant conteste l’existence d’un intérêt public, en paraissant au demeurant se fonder sur la compréhension arbitraire de la norme attaquée selon laquelle celle-ci limiterait drastiquement les possibilités des bailleurs d’offrir, de façon générale, leurs immeubles à la location par le biais de sites internet.

10.         a. C’est en considération de cette même compréhension erronée que le recourant paraît contester la proportionnalité de la norme contestée, en faisant valoir qu’à teneur de cette dernière, le propriétaire désireux de mettre en location son immeuble ou sa part d’immeuble peut le faire pour une durée supérieure à soixante jours, mais sans passer par une plate-forme de location.

Pour être conforme au principe de la proportionnalité (art. 36 Cst. ; art. 43 Cst-GE), la norme contestée n’en doit pas moins être apte à atteindre le but visé, être nécessaire à cette fin dans le sens que le but visé ne peut pas être atteint par une mesure moins incisive, et respecter un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public.

b. Il n’apparaît pas contestable qu’une limitation du nombre annuel de jours de location d’un logement par le biais d’une plate-forme d’hébergement est propre à la fois à respecter le souhait légitime du propriétaire ou du bailleur de valoriser son appartement durant un temps limité, en particulier pendant que lui-même n’en a pas l’utilisation en cas de résidence principale, et à éviter que son logement soit soustrait au marché de l’habitation pour tomber dans celui de la résidence meublée. En effet, au-delà d’un certain nombre de jours d’une telle mise à disposition de son logement (soit, dans la version ici pertinente de l’art. 4A RDTR, de la totalité de son logement), le propriétaire ou bailleur ne peut pas prétendre encore habiter ledit appartement, et celui-ci perd sa vocation d’habitation. Quant à des appartements qu’il n’occuperait pas parce qu’il habiterait lui-même ailleurs, il lui resterait loisible de les louer dans la durée, en sorte qu’ils conservent leur vocation de locaux d’habitation, plutôt que de les transformer en résidence meublée. Au regard de l’intérêt public poursuivi de maintien du parc locatif, cela ne représente pas une atteinte déraisonnable aux intérêts des propriétaires ou bailleurs desdits logements que de n’avoir que pour un nombre de jours limité le droit de fournir les prestations de services d’hébergement s’offrant de façon caractéristique par le biais des plates-formes de location considérées.

c. Le nombre de jours fixé suscite par contre des interrogations.

c/aa. La seule explication que l’intimé donne à ce propos dans sa réponse au recours est que la limite de soixante jours a été arrêtée « en tenant compte de l’usage habituel d’un logement par un particulier ». D’après les déclarations faites par les représentants de l’intimé lors du point de presse du 7 mars 2018 consacré notamment à l’adoption de l’art. 4A RDTR, « soixante jours, cela correspond à des périodes de vacances et à quelques week-ends » (Tribune de Genève, édition en ligne du 7 mars 2018, https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/Geneve-limite-a-60-jours-par-an-la-location-via-Airbnb/story/18377290) ; « la frontière de 60 jours est basée sur l’observation de ce que d’autres villes européennes pratiquent », dont Amsterdam (Le Temps, édition en ligne du 7 mars 2018, https://www.letemps.ch/suisse/geneve-1er-avril-sera-interdit-louer-appartement-plus-60-jours-plateformes-type-airbnb), soit à mi-chemin des plafonds situés, selon les villes, « entre 30 et 90 jours » (Le Matin, édition en ligne du 7 mars 2018, https://www.lematin.ch/geneve/Airbnb-le-Canton-serre-la-vis-/story/30727505).

c/bb. D’après un tableau comparatif publié sur internet (http://univers-airbnb.com/airbnb-france-legislation-laxiste-3405), à Amsterdam (Pays-Bas), la location d’un logement par l’intermédiaire de plates-formes d’hébergement du type d’Airbnb n’est admise que pour une durée maximale de soixante jours par an, tandis qu’elle l’est pour une durée de nonante jours à San Francisco (USA), cent vingt jours à Paris (France) et cent quatre-vingts jours à Tokyo (Japon) et à Toronto (Canada ; cf. aussi Cristelle ALBARIC, La réglementation des villes européennes face à Airbnb, article du 12 octobre 2017, accessible sur https://www.lettredesreseaux.com/P-2317-455-A1-la-reglementation-des-villes-europeennes-face-a-airbnb.html). De son côté, deux ans après avoir adopté une législation très stricte (dénommée Zweckentfremdungsverbot), la mairie de Berlin (D) a assoupli sa politique d’interdiction des locations temporaires via des plates-formes comme Airbnb, en autorisant, dès le 1er mai 2018, les particuliers à louer leur résidence principale sans limitation de temps (https://www.ouest-france.fr/economie/ entreprises/airbnb/airbnb-berlin-assouplit-sa-politique-d-encadrement-des-locations-temporaires-5638415).

Certes, les comparaisons avec les normes suivies dans d’autres villes ne peuvent guère fournir qu’un indice pour apprécier la proportionnalité de la limitation de la durée des locations susceptibles d’être faites par le biais de plates-formes d’hébergement du type de celle d’Airbnb. D’autres règles sont susceptibles de compléter de telles limitations, comme l’applicabilité ou non de cette tolérance à une utilisation commerciale de logements destinés à l’habitation aux seules résidences principales ou aussi aux résidences secondaires, aux seuls propriétaires ou aussi aux locataires de telles résidences, l’exigence ou non d’assurer une présence pour des services d’hébergement, l’obligation ou non de s’enregistrer en mairie, la responsabilité ou non de percevoir la taxe de séjour, l’applicabilité de normes sanitaires et de sécurité. De plus, la situation du marché du logement n’est pas la même dans toutes les villes. Et les fondements et objectifs juridiques de telles limitations peuvent différer d’un pays à l’autre. Il apparaît toutefois qu’une limite maximale de soixante jours seulement n’est que rarement retenue, et qu’il y a une préférence marquée pour une limite supérieure à ce nombre de jours.

c/cc. La démonstration n’est pas fournie qu’au-delà d’un total de soixante jours de location ou sous-location par an à des touristes ou autres personnes de passage, les appartements considérés perdent leur vocation d’habitation dans une mesure suffisante pour qu’un changement d’affectation puisse être retenu et pour que de telles opérations puissent entraîner des mesures et sanctions nullement négligeables puisqu’il s’agit de celles prévues par les art. 129 à 139 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05 ; art. 44 LDTR), dont des amendes administratives de CHF 100.- à CHF 150'000.- (art. 137 al. 1 LCI).

Les cas n’apparaissent ni rares ni extraordinaires dans lesquels des propriétaires ou des locataires de logements soumis à la LDTR auraient à la fois la possibilité et le besoin de mettre ces derniers en location pour une durée totale dépassant soixante jours par an tout en y conservant pour le surplus leur lieu d’habitation, même principal et a fortiori secondaire. On peut songer par exemple au cas de retraités ou d’indépendants désireux de passer plus de deux mois de vacances à l’étranger par année, en une ou en plusieurs fois, à celui de propriétaires ou locataires de tels logements qui devraient faire un séjour d’études ou de travail à l’étranger (ou à l’autre bout de la Suisse), ou encore à celui de personnes devant effectuer un ou plusieurs séjours hospitaliers, et qui auraient alors un intérêt légitime à mettre leur logement en location le plus aisément par le biais de plates-formes d’hébergement, plutôt que de le laisser inoccupé ou de respectivement le vendre ou d’en résilier le bail.

Une mesure moins incisive que celle fixée par la norme attaquée, qui se traduirait par une limite de nonante jours par an, offrirait davantage de garantie que la restriction considérée permette d’atteindre le seul but susceptible d’être visé, à savoir celui de lutter contre la pénurie de logements d’habitation, sans par ailleurs porter une trop forte atteinte aux intérêts des parties prenantes aux rapports contractuels se nouant par le biais des plates-formes de location du type ici en question.

L’exemple invoqué d’Amsterdam pourrait d’ailleurs trahir la prise en compte, en plus de l’intérêt public de lutter contre la pénurie de logements d’habitation, d’une visée ou à tout le moins d’un effet contraires à la liberté économique, à savoir celui de restreindre la concurrence que les plates-formes d’hébergement considérées font à l’hôtellerie. La limitation à soixante jours qui est pratiquée dans cette ville est en effet décrite comme s’inscrivant dans le contexte d’une politique « anti-Airbnb » servant les intérêts de l’hôtellerie traditionnelle, qui « résiste à Airbnb grâce aux restrictions imposées par la mairie aux loueurs de meublés », au point que les « locations Airbnb [y] sont plus chères que l’hôtel » (article publié sur le site internet du Temps le 23 février 2018, https://www.letemps.ch/).

Il ne serait pas non plus déterminant qu’un critère de soixante jours soit le cas échéant appliqué par la police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour apprécier le caractère professionnel d’une activité d’hébergement au sens de la législation sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement (« powerpoint » présenté lors de la conférence de presse du 7 mars 2018, p. 5). Il sied cependant de noter que, selon l’art. 2 al. 2 phr. 2 du règlement d'exécution du 28 octobre 2015 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement (RRDBHD - I 2 22.01), il y a assimilation à une entreprise vouée à l’hébergement « notamment lorsqu’un domicile est utilisé de manière régulière et continue pour héberger à titre onéreux des hôtes » ; une durée de deux mois est fixée dans cette disposition, toutefois nullement comme critère permettant de retenir le caractère professionnel d’un hébergement, mais comme délai dans lequel le service précité doit statuer sur une demande de décision sur le point de savoir si l’activité exercée est ou non soumise à la loi.

c/dd. La chambre constitutionnelle n’a pas vocation d’être juge de l’opportunité des actes attaqués devant elle (art. 61 al. 2 LPA ; ACST/6/2016 du 19 mai 2016 consid. 9c). Il apparaît cependant que la limite de soixante jours fixée par la norme attaquée ne satisfait pas aux exigences de nécessité et de rapport raisonnable qui résultent du principe de la proportionnalité, mais qu’à partir de nonante jours la question peut être considérée comme relevant de l’opportunité, sans qu’une atteinte au principe de la proportionnalité ne soit réalisée.

Dans sa version ici pertinente, l’art. 4A RDTR s’applique à la location de la totalité d’un logement soumis à la LDTR (et non déjà de chambres d’un tel logement), et il admet que non seulement des propriétaires mais aussi des locataires de tels logements puissent les louer ou sous-louer temporairement par le biais de plates-formes d’hébergement. Lorsqu’un tel logement est loué ou sous-loué plus de nonante jours par an, il peut être admis qu’il ne répond plus à une vocation prépondérante de locaux destinés à l’habitation, mais est transformé en une résidence meublée, et donc qu’il change d’affectation, quand bien même il resterait partiellement utilisé à des fins d’habitation, que ce soit à titre de résidence principale ou secondaire.

c/ee. Sans doute n’est-il pas inimaginable que des situations se présentent dans lesquelles le propriétaire ou le locataire d’un logement se trouverait empêché de l’habiter temporairement, pour une durée supérieure à nonante jours par an et qu’il ait alors un intérêt légitime à mettre son logement en location par le biais de plates-formes d’hébergement. Ce n’est toutefois pas en considération de situations exceptionnelles que la conformité d’une norme au droit supérieur (en l’espèce au principe constitutionnel de la proportionnalité) doit être jugée, d’autant plus lorsque le système légal ne s’oppose pas à la résolution des problèmes qu’elles soulèvent. En l’occurrence, si l’art. 7 LDTR pose le principe de l’interdiction d’un changement d’affectation, il réserve la possibilité de dérogations justifiées par les circonstances et octroyées à des conditions que l’art. 8 LDTR n’énumère pas exhaustivement, laissant au contraire au département en charge de l’exécution de ladite loi une marge d’appréciation permettant par exemple de tolérer une exception limitée dans le temps et de ne pas exiger de compensation, au regard des circonstances du cas d’espèce lui étant dûment exposées. Il subsiste la possibilité, notamment dans des cas-limites, d’obtenir un contrôle concret de l’application faite de la norme contestée.

c/ff. Il sied encore d’ajouter que les dispositions spécifiques interdisant la sous-location de logements d’habitation restent réservées, s’agissant en particulier des logements situés dans des immeubles soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05 ; art. 31B al. 1 LGL ; art. 5 al. 3 règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 - RGL - I 4 05.01).

11.         a Il doit être retenu, en conclusion, que pour peu que le nombre de jours qu’il fixe soit porté de soixante à nonante par an, l’art. 4A RDTR est propre, dans les situations normales sous-tendant l’adoption de cette disposition, à assurer une mise en œuvre conforme au droit supérieur des dispositions de la LDTR restreignant les changements d’affectation de maisons d’habitation, en particulier le remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meublées.

b. La chambre constitutionnelle admet qu’en application de l’art. 69 al. 3 phr. 1 LPA, elle puisse réformer une norme attaquée devant elle, plutôt que de l’annuler, lorsque la modification à apporter à la disposition attaquée pour la rendre conforme au droit supérieur est limitée à un point précis, qu’elle n’implique pas une nouvelle rédaction de la norme considérée, qu’elle permet mieux qu’une annulation de respecter, dans son esprit, la volonté de l’autorité ayant édicté ladite norme et que l’intérêt public le justifie (ACST/14/2018 du 28 juin 2018 consid. 10 ; ACST/13/2017 du 3 août 2017 consid. 27 ; cf. aussi ACST/22/2017 du 3 novembre 2017 consid. 13b).

Les conditions d’une réformation sont en l’espèce remplies. Plutôt que d’annuler l’art. 4A RDTR attaqué, il se justifie d’admettre partiellement le recours et de dire que la limite de soixante jours par an qu’il prévoit est portée à nonante jours par an, en sorte que ladite disposition prend la teneur suivante :

« La location de la totalité d’un logement au travers de plates-formes de location est considérée comme un changement d’affectation au sens de la loi (= la LDTR) si elle excède 90 jours par an ».

12.         Vu l’issue donnée au recours, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA), et, le recourant ayant plaidé en personne et n’ayant pas démontré avoir eu des frais générés par la procédure, il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

 

à la forme :

déclare recevable le recours de Monsieur A______ contre le règlement du 7 mars 2018 modifiant le règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 29 avril 1996, par l’introduction d’un art. 4A nouveau ;

au fond :

l’admet partiellement ;

réforme l’art. 4A du règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 29 avril 1996, au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure à Monsieur A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ et au Conseil d’État.

Siégeants : M. Verniory, président, Mmes Junod et Payot Zen-Ruffinen, M. Martin et Mme Tapponnier, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant:

 

 

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :