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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3789/2020

ATAS/138/2023 du 02.03.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

Recours TF déposé le 27.04.2023, 9C_265/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3789/2020 ATAS/138/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 mars 2023

5ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié à MEYRIN

 

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A.      Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), ressortissant marocain, né en août 1961, a déposé une demande de prestations d’invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en date du 25 juin 2019. L’assuré se déclarait incapable de travailler à 100%, depuis le mois de décembre 2013, en raison d’une dépression et d’anxiété « depuis l’enfance (stable) et depuis 2013 (grave) ». Il indiquait avoir exercé la profession de chauffeur professionnel de limousine, sur appel, de mai 2003 à juillet 2013. S’agissant des médecins traitants, il mentionnait les docteurs B______, généraliste, et C______, psychiatre, depuis décembre 2013.

B.       a. À la demande de l’OAI, le Dr C______ a communiqué un rapport daté du 3 septembre 2019, faisant état d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (CIM-10) (F33.2), ainsi qu’un trouble anxieux sans précision (F40.9). Dans l’anamnèse, le médecin traitant mentionnait que, depuis 2013, l’assuré était à l’aide sociale ; il restait à la maison quasiment toute la journée et n’avait aucune vie sociale. C’était son épouse qui gérait les courses, le ménage, la cuisine et s’occupait des enfants. La relation de couple était, pour toutes ces raisons, devenue très difficile. Décrivant le déroulement d’une journée-type, le médecin traitant mentionnait que le patient se levait vers 7h00 pour amener les enfants à l’école et ensuite se recouchait, avant de se lever à nouveau vers 13h00-14h00 et passait sa journée sur son téléphone mobile à regarder les nouvelles. Il prenait son premier repas vers 21h00-22h00, puis retournait consulter son téléphone mobile et se couchait généralement vers 5h00-6h00 du matin. Le status psychiatrique était celui d’un homme âgé de 58 ans, ralenti, passif, orienté aux trois modes, avec un excès pondéral, une perte notable de motivation, anhédonie, tristesse, sommeil perturbé, diminution de la confiance et de l’estime de soi et retrait social sur fond d’anxiété, cours ralenti et contenu de la pensée caractérisée par des distorsions dépressives. Selon le psychiatre, le patient n’avait aucune motivation à part amener les enfants à l’école ; il n’arrivait à se mobiliser pour aucune activité, ni à la maison ni à l’extérieur. Il ne pouvait compter sur aucune ressource disponible ou mobilisation et d’un point de vue strictement psychiatrique, sa capacité de travail était nulle, aussi bien dans l’activité actuelle que dans une activité adaptée. Il était ajouté que le patient présentait très peu de capacités d’élaboration et de remise en question ; l’évolution était donc défavorable et le pronostic très réservé. S’agissant des médicaments, le patient prenait du Cipralex 15mg/jour et disposait en réserve de gouttes Sanalepsi N 25 et de Xanax 0,25mg.

b. Sur demande du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), le Dr C______ a complété son rapport, en date du 9 décembre 2019. Il a notamment mentionné que l’état du patient n’avait pas évolué depuis septembre 2019 et que le traitement médicamenteux était resté le même. Le médecin ajoutait à son précédent diagnostic des caractéristiques de personnalité paranoïaque (F60.0). S’agissant des limitations fonctionnelles, le médecin traitant décrivait un état dépressif récurrent invalidant, ainsi que de l’anxiété, le patient étant dans l’incapacité de se mobiliser dans son quotidien, ni dans des activités de type ménage ou administratif, ni dans des activités de plaisir. De surcroît, l’assuré était en grande difficulté au niveau de ses relations interpersonnelles, ce qui avait mené à un retrait social quasi total. Il était encore mentionné, au niveau de l’observance thérapeutique, que le patient était collaborant, mais ses limites faisaient qu’il bénéficiait peu de la psychothérapie.

c. Par avis médical du 28 janvier 2020, le SMR, sous la plume du docteur D______, a décrit l’état de l’assuré selon les rapports médicaux du Dr C______ du 3 septembre et du 9 décembre 2019, manifestant un certain étonnement du fait que le traitement médicamenteux n’avait pas été modifié, alors que le Dr C______ évoquait une symptomatologie dépressive sévère. En effet, l’antidépresseur Cipralex avait d’abord été augmenté à 20mg par jour, puis, sans réponse, aucune autre molécule n’avait été proposée par le médecin traitant. En conclusion, le SMR recommandait la réalisation d’une expertise psychiatrique.

d. En date du 28 février 2020, l’OAI a informé l’assuré qu’une expertise psychiatrique était nécessaire et qu’elle serait réalisée par le docteur E______, psychiatre FMH. Informé de la possibilité de récuser l’expert, l’assuré n’a pas réagi ; une copie des « motifs et circonstances de l’expertise » lui a été communiquée.

e. Le Dr E______ a rendu un rapport d’expertise psychiatrique daté du 28 mai 2020. Deux entretiens avaient eu lieu, le premier en date du 7 mai 2020, d’une durée de trois heures, et le second, en date du 14 mai 2020, de la même durée. L’expert mentionnait les sources utilisées, notamment les rapports médicaux du 3 septembre et du 9 décembre 2019 établis par le Dr C______, ainsi que les avis médicaux du SMR.

-        S’agissant de l’entretien avec l’expertisé, il était mentionné que l’assuré se plaignait spontanément et essentiellement d’un état de mal-être depuis janvier 2016, de difficultés d’adaptation et d’une tristesse modérée, parfois légère, mais présente la plupart de la journée, sans changement, en lien avec sa situation financière. Il précisait que son état était stationnaire, malgré le traitement depuis 2016 ; il regrettait de ne pas avoir réussi à trouver un emploi. Sur demande de l’expert, l’assuré se plaignait de difficultés d’endormissement avec des réveils nocturnes ponctuels, dans un contexte de tristesse légère, parfois moyenne, mais présente la plupart de la journée, depuis janvier 2016 jusqu’à présent, sans changement. Il se plaignait également d’une inappétence, sans changement pondéral récent, une faible estime de soi avec manque de confiance en lui, un isolement social partiel, d’idées noires passives sans désir de passage à l’acte, de troubles de la concentration, d’une fatigue et d’une attitude morose pour son avenir professionnel. Il n’y avait pas de plaintes de type obsessionnel compulsif ou de type psychotique, ni d’idées délirantes, ni hallucinations, flash-back, évitement, anhédonie, aboulie et idée de culpabilité pathologique et aucune autre plainte sur demande n’était retenue. L’assuré décrivait être soutenu par son entourage, surtout par son épouse ; il déclarait gérer son quotidien sans difficulté majeure, mais il était aidé au quotidien par son épouse, la situation étant comparable à celle précédant les arrêts maladie. S’agissant de l’évolution future, l’assuré déclarait avoir de l’espoir en ce qui concernait son évolution. L’assuré disait être suivi par le Dr B______, généraliste, depuis plusieurs années et être au bénéfice d’une prise en charge psychiatrique mensuelle, auprès du Dr C______, depuis 2013. À cela s’était ajouté un suivi psychologique auprès de Madame F______, psychologue, depuis 2013, à raison de deux fois par mois. S’agissant du traitement médicamenteux, celui-ci consistait en Cipralex 15 mg/jour, depuis 2013, avec une compliance variable et Xanax 25mg en réserve. Aucune dépendance aux cigarettes, alcool ou médicaments, n’était retenue. L’assuré décrivait les relations avec sa famille, notamment ses 10 frères et sœurs, et déclarait avoir de bonnes relations avec ses trois enfants, et entretenir une bonne relation de couple. Appelé à s’exprimer sur sa vie quotidienne, l’assuré déclarait gérer son quotidien seul, sans aide significative, mais regrettait ne pas pouvoir trouver un emploi à son âge, après une longue pause professionnelle. Il reconnaissait avoir des relations sociales, mais rares, et voir de temps en temps un ami, admettant un isolement social partiel, mais pas total, depuis janvier 2016 jusqu’à présent ; il répétait avoir de bonnes relations avec son épouse et ses enfants, être soutenu par son entourage, mais être capable de gérer seul son quotidien.

-        Appelé à décrire une journée type, l’assuré expliquait conduire ses enfants à l’école en voiture, puis prendre un café et faire une sieste. Par la suite, il faisait ses courses et aidait sa femme pour le ménage ; il faisait les démarches administratives sans difficulté. Il passait plusieurs heures par jour sur Internet, sur son téléphone portable, lisait les journaux, se promenait avec sa famille et parfois rencontrait un ami proche. Il reconnaissait avoir des relations sociales diminuées depuis janvier 2016, mais sans isolement social total. S’agissant des loisirs, il avait des activités positives en famille ou avec un ami proche, lisait et faisait des promenades. S’agissant des aides pour le ménage et dans la vie quotidienne, l’assuré déclarait ne pas avoir besoin d’aide, mais partageait les activités quotidiennes avec son épouse ; il conduisait son véhicule sans difficulté et était venu seul à l’entretien. S’agissant des vacances, il ne partait plus en vacances pour des raisons financières ; en ce qui concernait l’alimentation, son épouse s’en occupait et il faisait les courses en voiture sans difficulté, situation comparable à celle précédant les arrêts maladie. L’entretien du logement était assuré par son épouse, l’expertisé l’aidait pour les tâches lourdes et la situation était comparable à celle précédant les arrêts maladie. Pour les achats, l’assuré faisait des courses en voiture sans difficulté et c’est lui qui s’occupait des tâches administratives du couple. L’épouse de l’assuré s’occupait de la lessive, de l’entretien des vêtements et l’assuré s’occupait adéquatement de ses enfants cadets. En considérant les travaux habituels effectués dans le ménage, il était mentionné qu’une activité professionnelle à 100% pouvait être raisonnablement exigée de l’assuré. Interrogé sur une éventuelle activité professionnelle ou une réadaptation, l’assuré décrivait ne pas pouvoir retravailler, étant donné son âge, après une longue pause professionnelle, dans un contexte de dettes.

-        L’expert considérait qu’il n’y avait pas de discordances dans les explications données par l’assuré, hormis sa demande de rente d’invalidité à 100% en l’absence de limitations fonctionnelles objectivables ; l’expert notait également que l’assuré était conscient des avantages secondaires qu’il obtenait, difficulté à reprendre une activité professionnelle après une pause professionnelle, manque de formation qui rendait difficile de trouver un emploi à un âge proche de la retraite, ainsi que de ne pas avoir envie de retravailler dans un contexte de dettes. En revanche, l’expert notait des discordances importantes entre le diagnostic de trouble dépressif récurrent sévère, décrit par le psychiatre traitant, avec une capacité de travail nulle et des activités possibles durant une journée type chez un assuré, alors que celui-ci pouvait faire les courses, gérer seul les formalités administratives de la maison, lisait, conduisait la voiture, amenait ses enfants à l’école et s’occupait adéquatement de ceux-ci, rencontrait parfois un ami, sans isolement social total, mais partiel, etc. De surcroît, l’absence d’un suivi psychiatrique plus fréquent que mensuel, sans hospitalisation psychiatrique et sans changement du traitement antidépresseur, qui était pris seulement ponctuellement, plaidait indirectement contre des troubles psychiques significatifs et contre des limitations fonctionnelles significatives. L’expert mentionnait avoir eu une discussion téléphonique avec le psychiatre traitant.

-        S’agissant des constats psychiatriques, l’expert considérait que les fonctions cognitives étaient dans la norme, sans trouble de l’attention et de la concentration objectivable durant les entretiens, chez un assuré qui lisait et qui conduisait sa voiture sans difficulté. Il notait une tristesse modérée, parfois légère, présente la plupart de la journée depuis janvier 2016 jusqu’à présent.

-        Aux matrices de Raven, l’expertisé avait obtenu un score de 31/60, ce qui était dans la norme par rapport à son âge. Son intelligence était mesurée entre 51 et 75, ce qui dénotait une intelligence moyenne+. Son état psychotique, mesuré selon l’échelle PANSS se situait à 37, soit un état psychotique absent. Il était mentionné que l’examiné avait fait état de plaisirs conservés depuis janvier 2016 jusqu’à présent, dans le quotidien en famille et avec son ami, lors des sorties, des lectures, etc. ; il n’était donc pas retenu d’anhédonie. L’échelle de dépression de Hamilton se situait entre 7 et 17, soit 15, ce qui était un score correspondant à une dépression légère. L’échelle d’estimation de la sévérité de la manie Young montrait un score de 9, ce qui rendait absente ou improbable l’existence d’une manie. S’agissant de l’anxiété, l’expert n’en relevait pas, notant toutefois qu’il existait des traits de la personnalité émotionnellement labile, depuis le début de l’âge adulte, qui pouvait décompenser ponctuellement, ce qui pouvait donner le change pour des troubles anxieux ou dépressifs sévères. L’échelle d’anxiété de Hamilton révélait un score de 12, soit une anxiété mineure sur le plan quantitatif et une anxiété globale de 8 sur un plan qualitatif.

-        L’expert ne retenait aucun diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail de l’assuré, en application des critères de la jurisprudence de novembre 2017. Il retenait les diagnostics suivants n’ayant pas de répercussions sur la capacité de travail : les troubles dépressifs récurrents moyens et puis légers, depuis janvier 2016 jusqu’à présent, sans indice de gravité jurisprudentielle de novembre 2017 (F33.11/F33.0) ; des traits de la personnalité émotionnellement labile, mais sans influence sur la capacité de travail, car bien présents depuis le début de l’âge adulte et n’ayant pas empêché l’assuré de trouver un travail, sans limitation, dans le passé, ni la gestion du quotidien, sans limitation, sans isolement social total, avec une vie de famille stable (Z73.1).

-        Le degré de gravité fonctionnel au moment de l’expertise et depuis janvier 2016 conduisait à retenir des limitations fonctionnelles psychiatriques non significatives, dans le sens d’une tristesse légère, d’une intolérance au stress avec impulsivité, de difficultés de concentration subjective, d’une fatigue subjective sans ralentissement psychomoteur, sans aboulie, sans isolement social total, mais partiel et avec une impulsivité.

-        En ce qui concernait le succès du traitement et de la réadaptation ou de la résistance à cet égard, l’expert objectivait une évolution stationnaire des troubles dépressifs récurrents moyens puis légers, avec la présence d’un traitement psychotrope à des taux sanguins sous-dosés, mais sans suivi psychiatrique plus fréquent que mensuel. La motivation pour une réadaptation professionnelle était nulle selon l’anamnèse, en lien avec des avantages secondaires. En conclusion, les indices jurisprudentiels de novembre 2017 de gravité pour des troubles dépressifs récurrents moyens et légers avec traits de la personnalité n’étaient pas remplis, depuis janvier 2016 jusqu’à présent, en l’absence de limitations fonctionnelles objectivables.

-        Répondant aux questions du mandat, l’expert concluait que la capacité de travail dans l’activité exercée jusqu’alors était de 100% sans baisse de rendement, depuis janvier 2016, jusqu’à présent et que la dernière activité exercée par l’assuré était adaptée. La capacité de travail pouvait demeurer à 100% en cas d’absence d’aggravation ; la situation n’était pas stabilisée et devait être évaluée dans 12 mois, en fonction de l’évolution. L’expert ne constatait pas de limitations fonctionnelles significatives et recommandait la mise en place d’une prise en charge psychothérapeutique hebdomadaire, centrée sur les avantages secondaires. Il considérait que les chances de guérison étaient de 75% dans une année, en cas de traitement pharmacologique et psychothérapeutique adéquat, alors qu’en cas d’absence de traitement adéquat, le risque de rechute dépressive moyenne, voire sévère, était augmenté. L’état de l’assuré n’était pas stabilisé et devait être évalué dans une année, après amélioration de la prise en charge.

f. Le SMR a rendu son rapport final en date du 23 juin 2020. Le Dr D______ a commenté le rapport d’expertise du 28 mai 2020, considérant que la discussion était claire et étayée ; le SMR suivait les conclusions de l’expert selon lesquelles il n’y avait pas d’atteinte à la santé sévère et durable.

g. L’OAI a rendu un projet de décision du 26 juin 2020 de refus de droit à des prestations d’invalidité. La motivation en était que l’instruction fondée sur les renseignements médicaux et sur l’expertise médicale de mai 2020 n’avait pas montré de maladie invalidante justifiant une diminution de la capacité de travail à longue durée.

h. Par courriel du 26 août 2020, l’assuré s’est opposé au projet de décision, invoquant une santé mentale faible, voire très faible, la solitude, être renfermé, avoir très peu de sommeil, avoir perdu deux êtres chers, soit, respectivement, son père en 2016 et un très jeune frère en 2020, et être dans la déprime. L’OAI lui a répondu par courrier du même jour que des éléments médicaux étaient nécessaires pour que l’office puisse éventuellement modifier son point de vue, fixant un délai à l’assuré au 27 septembre 2020 pour communiquer lesdits éléments.

i. L’assuré a demandé et obtenu un délai supplémentaire et a requis la communication de l’expertise à son médecin traitant, le Dr C______, afin que ce dernier fasse valoir les objections médicales au projet de décision du 26 juin 2020.

j. Par courrier daté du 9 octobre 2020, le Dr C______ a fait valoir que, se fondant sur les déclarations de son patient, ce dernier lui rapportait que depuis plusieurs années, il n’arrivait pas à gérer son administratif, que les tâches ménagères étaient effectuées exclusivement par l’épouse du patient et que depuis la rentrée scolaire, il n’était plus capable d’emmener les enfants à l’école, qu’il ne dormait pas avant 4h00 du matin et se levait vers 12h00-13h00, passant le reste de la journée sur son canapé et sortant vers 1h00 du matin ; il ne prenait aucun repas en famille, n’ayant plus aucune envie et plaisir, il n’avait plus de sortie en famille, en raison de son état dépressif. Contrairement à ce qui était mentionné dans l’expertise, le couple était en crise, depuis maintenant trois ans, le médecin précisant qu’il avait reçu plusieurs appels de l’épouse lui rapportant que son mari était totalement désengagé au niveau de la vie de famille, à cause de son état, ce qui allait complètement dans le sens de ce que rapportait le patient, ainsi que des observations du médecin. En ce qui concernait sa vie sociale, le patient ne voyait plus qu’un seul ami marocain, trois fois par année en moyenne, il n’avait même plus la capacité de se rendre aux rendez-vous de l’hospice général et envoyait son épouse à sa place ; par conséquent, en ce qui concernait la gestion de son quotidien, le patient ne gérait pas du tout ce dernier sans aide, comme cela était mentionné dans l’expertise. Le médecin traitant ajoutait avoir fait les observations suivantes au regard du rapport d’expertise du 28 mai 2020 :

-        point 4.1 : l’expert n’avait validé aucun ralentissement, alors qu’il était excessivement manifeste tant sur le plan physique que sur le plan psychique ;

-        point 4.2 : l’affectivité paraissait grandement exagérée selon l’expert qui décrivait un homme qui avait des activités positives durant la plus grande partie de la journée, alors que les symptômes négatifs étaient pléthores dans sa vie, le patient évoluant essentiellement dans l’évitement, et sa tristesse, sans doute cachée par le masque souriant qu’il arborait, avait échappé à l’expert ;

-        point 5 A : le patient conduisait encore, mais il fallait se rappeler que c’était un ancien chauffeur de limousine ; il n’y avait donc rien de surprenant à cela ;

-        point 5 D : concernant son humeur, le médecin avait fait remplir le « Beck Depression Inventory » avec un résultat de 29, ce qui allait dans le sens d’une dépression sévère et non légère ou moyenne, comme décrit dans l’expertise, étant précisé que cela allait également dans le sens des observations (du médecin) et des plaintes du patient, à quoi s’ajoutaient : tristesse, anxiété, pleurs, perte de motivation, anhédonie, troubles du sommeil, idées suicidaires et diminution de la concentration et de la mémoire.

En conclusion, selon le Dr C______, le patient n’était pas en capacité de travailler.

k. En date du 20 octobre 2020, le SMR, sous la plume du Dr D______, a pris position sur le courrier du médecin traitant du 9 octobre 2020. Il a considéré que ce dernier n’apportait pas d’élément objectivant une modification significative de l’état de santé depuis l’expertise réalisée en mai 2020. Il n’y avait pas de status psychiatrique, le médecin traitant rapportait des éléments anamnestiques de son patient et c’était l’assuré qui, de manière subjective, cotait les items de l’échelle de Beck. L’expertise, quant à elle, s’était fondée sur une anamnèse complète, un status psychiatrique, un examen psychométrique et un examen des indicateurs de sévérité selon la jurisprudence de 2017 ; il n’y avait pas de limitations fonctionnelles significatives, pas plus qu’une atteinte à la santé incapacitante. En conclusion, le SMR se rapportait à ses précédentes appréciations dans son rapport du 23 juin 2020.

l. Par décision du 20 octobre 2020, l’OAI a écarté l’opposition et confirmé le projet de décision du 26 juin 2020 pour les motifs déjà exposés.

C.    a. Par écriture du 20 novembre 2020, déposée le même jour au guichet de la chambre de céans, l’assuré a interjeté recours contre la décision du 20 octobre 2020. Il a exposé que le rapport d’expertise, sur lequel la décision querellée était notamment fondée, était inexact en ce qui concernait la manière dont sa vie quotidienne était décrite. Il alléguait ne pas participer aux tâches sociales, aux activités ménagères et administratives ; il se couchait à 4h00 du matin, ne faisait rien de la journée, ne sortait marcher qu’à partir de minuit et ne voyait que quatre à cinq fois par année le seul ami intime qu’il avait gardé et qui était dans le même état psychique que lui. Il ajoutait encore que, depuis trois ans, il avait perdu tout sens à la vie et ne tenait à celle-ci qu’en raison de la présence de ses trois enfants. Il alléguait avoir des manies, notamment contrôler la cuisinière, les fenêtres et les portes à plusieurs reprises, vérifier et revérifier si ses enfants dormaient et respiraient bien et amener ses enfants à l’école, malgré que cette dernière se situât à cinq minutes à pied de son domicile, par crainte qu’il leur arrive quelque chose sur le chemin. En conclusion, il considérait que le rapport de l’expert allait à l’encontre de la réalité et demandait à la chambre de céans de statuer sur son cas, concluant à l’annulation de la décision querellée.

b. Par réponse du 14 décembre 2020, l’intimé a considéré que l’expertise psychiatrique devait se voir reconnaître une pleine valeur probante et que le recourant n’apportait aucun élément objectif permettant de remettre en cause les conclusions de l’expert. Il était également rappelé que selon la jurisprudence dite des « premières déclarations ou des déclarations de la première heure », il fallait retenir les premières déclarations faites par le recourant à l’expert et non pas celles mentionnées dans le recours qui pouvaient être, consciemment ou non, le fruit de réflexions ultérieures. L’OAI concluait au rejet du recours.

c. Par courrier du 15 janvier 2021, le recourant a répliqué, contestant une fois encore l’expertise psychiatrique, rappelant qu’il était en dépression depuis l’année 2013 et mentionnant que le contenu du rapport du Dr E______ « modifi[ait ses] dires » et contredi[sait] la réalité ».

d. L’intimé a dupliqué en date du 8 février 2021, prenant connaissance de l’écriture du recourant du 15 janvier 2021 et concluant que cette dernière n’apportait aucun élément permettant de modifier son appréciation.

e. Par observations du 2 mars 2021, le recourant a fait valoir qu’il avait été sélectionné pour une étude pilote « santé physique et psychique », réalisée par les hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) entre janvier et décembre 2019. Il a joint une copie du questionnaire en annexe. Le recourant a encore fait valoir que l’expert avait eu une conversation téléphonique avec son médecin, le Dr C______, au cours de laquelle il avait suggéré à ce dernier d’augmenter le dosage de l’antidépresseur, Cipralex, passant de 15 mg à 20 mg ou de changer de molécule après que son état psychique se soit détérioré suite au décès de son jeune frère en août 2020.

f. Par observations du 22 mars 2021, l’intimé s’est fondé sur l’avis médical du SMR du 15 mars 2021, joint en annexe, selon lequel les questionnaires remis par le recourant concernaient l’activité physique, l’alimentation et le mode de vie général, ainsi qu’un questionnaire sur la santé psychique. Il n’y avait eu aucun examen clinique par un médecin ou par un psychiatre. Dès lors, ces pièces correspondaient uniquement à des éléments subjectifs de l’assuré sur lesquels on ne pouvait se fonder. Reprenant les conclusions du SMR, l’intimé a considéré qu’il n’y avait aucun nouvel élément médical incapacitant et a confirmé ses conclusions visant au rejet du recours et à la confirmation de la décision litigieuse.

g. Lors de l’audience de comparution personnelle du 19 novembre 2021, l’épouse du recourant a été entendue à titre de renseignements et a confirmé que ses relations avec son époux étaient mauvaises et que, depuis que ce dernier était en dépression, les époux faisaient chambre séparée. L’épouse exposait qu’elle faisait tout, le ménage, les courses, l’accompagnement des enfants à l’école et que son époux ne faisait rien. Il restait dans sa chambre, dans l’obscurité et ne voulait pas être dérangé ; il était physiquement présent, mais il n’était pas là. À son avis, les choses allaient de mal en pis. L’épouse reconnaissait que le recourant essayait de se comporter comme un bon père, mais il ne s’impliquait pas dans la vie des enfants, ne se rendait pas aux réunions des parents d’élèves, ne voyait plus d’amis et n’avait plus de vie sociale. En 2016, il avait perdu son père, et, en 2020, il avait perdu son frère cadet et depuis lors, les choses s’étaient empirées. Selon l’épouse, l’assuré avait attendu jusqu’en 2019 pour déposer une demande de prestations d’invalidité auprès de l’OAI, car, dans l’intervalle, il pensait que les choses s’arrangeraient et elle-même l’encourageait en lui disant qu’il allait s’en sortir. Avec le recul, l’épouse pensait que c’était peut-être après la naissance des jumeaux que les troubles avaient commencés, car la famille avait un trois-pièces dans lequel tous étaient entassés, ce que son mari avait du mal à supporter. Par la suite, il avait perdu son travail, ce qui avait empiré les choses, puis il y avait eu le déménagement, le décès de son père et le décès de son frère cadet et les choses étaient allées de mal en pis. L’épouse rappelait que son époux avait vu son frère aîné se noyer sous ses yeux, lorsqu’il avait 8 ans, et ce drame l’avait profondément frappé, à telle enseigne que lorsqu’il avait perdu son père et son frère, c’était comme si ce drame était revenu à la surface et qu’il n’arrivait plus à l’oublier. Il se faisait en permanence du souci pour la famille, pour les enfants, de peur qu’il leur arrive quelque chose et avait une tendance à anticiper l’arrivée de malheurs et notamment la perspective de perdre un proche. L’épouse pensait que l’assuré n’avait jamais oublié le drame qu’il avait vécu dans son enfance et que cette souffrance semblait s’être superposée à la situation actuelle et être toujours présente. L’arrivée des enfants avait également, semble-t-il, réveillé chez lui les angoisses du drame qu’il avait vécu quand il avait 8 ans.

Le Dr C______ et le Dr E______ ont été entendus simultanément. Le médecin traitant a expliqué que, depuis huit ans qu’il s’occupait de l’assuré, l’état de ce dernier déclinait graduellement et il pensait qu’il était maintenant dans un état de dépression chronique. Il pensait qu’il aurait pu lui prescrire 5 mg de plus d’antidépresseurs, tout en relevant que cela n’aurait pas pu avoir un effet magique, car il n’existait pas de molécule qui, à sa connaissance, puisse redonner à quelqu’un le goût de vivre. Son patient s’était inséré dans un état où il dormait la plupart du temps, n’avait plus d’activité, plus de vie de couple, plus de vie professionnelle et ne s’occupait plus de rien. Après le drame qu’il avait vécu en voyant son frère de 10 ans se noyer sous ses yeux, sans pouvoir intervenir, le médecin pensait que l’assuré était quelqu’un qui avait essayé de prendre son envol, mais qui n’y était pas arrivé. Après son enfance au Maroc, il était allé à Paris, avait commencé des études non terminées, puis il était retourné au Maroc, n’avait pas trouvé de profession satisfaisante, il était alors venu à Genève et avait exercé différents métiers tels que huissier, employé dans la restauration, activité indépendante de chauffeur de limousine ; il y avait ainsi beaucoup de tentatives qui n’avaient pas abouti. De surcroît, l’assuré venait d’un milieu aisé, car son père était le chauffeur du roi Hassan II et cela avait été probablement très difficile pour lui d’accepter d’être soutenu par l’aide sociale, ce qui avait dû déclencher une blessure narcissique. Il relevait, qu’en apparence son patient était plutôt taiseux, mais lorsqu’on lui laissait un espace de parole et qu’il se sentait en confiance, il s’exprimait correctement. Il avait peu de capacité d’introspection et c’était des mouvements paroxystiques d’anxiété qui, par moments, pouvaient déclencher chez lui des poussées paranoïaques. Selon le médecin traitant, la paranoïa de l’assuré avait peu à peu disparu pour être remplacée par un sentiment de vide.

L’expert E______ a, quant à lui, précisé que la première fois qu’il avait rencontré le patient, ce dernier avait été entendu pendant environ 1h30 par la psychologue et environ 1h00 par lui-même. Au deuxième entretien, l’expertisé avait été entendu une heure par la psychologue et 45 minutes par lui-même. Une grande latitude avait été laissée au patient pour qu’il puisse s’exprimer et, à la fin de chaque entretien, soit à quatre reprises, l’expertisé avait été invité à s’exprimer s’il le souhaitait. L’anamnèse avait été réalisée à double, par le psychologue et par lui-même, afin de vérifier la cohérence des propos du patient de même que la description de la journée-type et des activités possibles de ce dernier.

Pendant l’audition de l’expert, l’assuré est intervenu pour donner ses impressions sur la manière dont l’expertise s’était déroulée ; selon lui, lors du premier entretien, l’expert lui avait tout de suite demandé comment il était venu et alors qu’il avait répondu qu’il était venu en voiture, il avait l’impression, dès cet instant, que l’expert en avait déduit qu’il avait en tous les cas 50% de capacité de travail. Lors du deuxième entretien avec l’expert, ce dernier avait laissé entendre que l’assuré ne prenait pas régulièrement ses antidépresseurs à la lecture des examens sanguins et il avait eu alors l’impression que c’était désormais 100% de sa capacité de travail qui était retenue par l’expert. Contredit par l’expert, l’assuré a maintenu que lors du premier entretien, ce dernier lui aurait dit que c’était « 50% de l’AI qui part ». L’assuré reconnaissait toutefois qu’il intériorisait ses émotions et qu’il ne réagissait pas tout de suite, raison pour laquelle il n’avait pas réagi, ni lors du premier entretien, ni lors du deuxième. Il maintenait que lors de ce second entretien, l’expert lui aurait dit que c’était encore « les autres 50% de l’AI qui partent », car il n’y avait pas suffisamment de traces de prise des médicaments dans l’examen sanguin. L’expert a nié avoir tenu ces propos, ce à quoi l’assuré lui a rétorqué qu’il avait tout de suite eu l’impression que l’expert était indigne de confiance et il ne voulait donc pas s’ouvrir devant lui, raison pour laquelle, en quelque sorte, il lui avait dit tout ce qu’il voulait entendre, mais il ne s’était pas vraiment livré. Avec son médecin traitant, le Dr C______, il était en confiance et se livrait beaucoup plus facilement. L’expert s’est déclaré désolé d’avoir été perçu de la sorte par l’assuré.

Une discussion entre les deux médecins s’en est suivie sur la molécule des antidépresseurs utilisés et sur son dosage, après quoi il a été établi que l’expert ne pouvait pas savoir, car cela ne figurait pas dans les pièces, que le médicament Cypralex avait été d’abord prescrit à raison de 15 mg par jour, puis la dose avait été augmentée à 20 mg par jour, dès le mois d’août 2021, après le décès du frère de l’assuré. Le médecin traitant a reconnu qu’il avait toujours eu quelques difficultés de communication et de clarté, car, parfois, l’assuré répondait à la question et parfois non. Le médecin traitant ne pouvait pas répondre à la question de savoir s’il y avait une pathologie qui poussait son patient à donner peut-être plusieurs versions différentes des mêmes faits ; en tous les cas, il ne le considérait pas comme mythomane.

L’assuré a ensuite reconnu qu’à l’heure actuelle, il ne faisait plus rien ; parfois, il se levait le matin en se demandant ce qu’il faisait encore là et le soir, il lui arrivait de prier pour que ce soit son dernier repas. Cela faisait des années qu’il avait ce sentiment, mais l’apogée était arrivée lors du décès de son deuxième frère en 2020. L’assuré laissait traîner le courrier et les factures, parfois pendant deux à trois mois, il évitait les regards et n’était même pas allé aux obsèques de son frère ; il sortait la nuit pour éviter de croiser des gens et à présent ne sortait même plus. Il avait une phobie administrative qui faisait que, même sortir la carte de rendez-vous de sa psychologue de son porte-monnaie était un effort, car tout cela était très lourd pour lui.

h. Par courrier du 16 décembre 2021, le recourant a communiqué plusieurs documents à la chambre de céans, notamment un échange de courriers avec la mairie de Meyrin, daté des années 2013-2014 dont il ressortait que l’assuré souffrait de vivre dans un logement trop exigu, ainsi que plusieurs attestations médicales, datées également de 2013, concernant l’insalubrité du logement, qui entraînait la présence de moisissures et de décompensation respiratoire chez l’assuré.

i. Par courrier du 24 mars 2022, la chambre de céans a informé les parties qu’elle avait l’intention de confier un mandat d’expertise au professeur G______. Dans le délai fixé, les parties ont répondu qu’elles n’avaient aucun motif de récusation à faire valoir.

j. Par courrier du 7 juin 2022, la chambre de céans a communiqué aux parties le projet de mission d’expertise en leur fixant un délai pour faire d’éventuelles remarques. Dans le délai accordé par la chambre de céans, les parties ont acquiescé au projet de mandat d’expertise.

k. En date du 29 décembre 2022, l’expert G______ a rendu son rapport d’expertise psychiatrique.

L’expertise se fondait sur l’ensemble des appréciations médicales présentes au dossier ainsi que sur trois entretiens avec l’expertisé qui s’étaient déroulés, respectivement, en septembre, octobre et novembre 2022 et avaient duré six heures en tout. L’expert avait également eu des entretiens téléphoniques avec l’épouse et la sœur de l’expertisé, ainsi qu’avec son médecin traitant psychiatre et la psychologue. Il avait complété son expertise par une évaluation neuropsychologique d’une durée d’environ cinq heures.

Le rapport d’expertise mentionnait une anamnèse familiale, personnelle et professionnelle, très complète retraçant, notamment, la vie de l’expertisé au Maroc et ses liens avec les différents membres de sa famille.

L’expertisé a expliqué qu’à partir de 2013 il avait arrêté de s’occuper des activités de la vie quotidienne, se décrivant comme déprimé et n’ayant plus aucun plaisir à faire quoi que ce soit. Il restait passif toute la journée, très irritable et supportait mal la moindre contrariété, ce que son épouse semblait supporter, à cause des enfants, dont elle s’occupait toute seule. Cependant, l’expert a noté et cité un certain nombre de contradictions dans le discours de l’assuré, (rapport d’expertise, p. 13).

Le bilan neuropsychologique a montré des déficits attentionnels et en matière de concentration ainsi que des résultats plutôt moyens. Néanmoins, de nombreux éléments indiquaient une exagération des symptômes, l’expertisé semblant considérer que l’accès à une rente invalidité était un droit dont il était privé (rapport d’expertise, ch. 4.6 et 5.2).

L’expert retenait comme diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail, un trouble de la personnalité narcissique (F60.6) de sévérité moyenne à sévère, dès 2013 et une dysthymie (F34.1) correspondant à des affects dépressifs chroniques d’intensité légère, dès 2013. Aucun changement significatif à l’état clinique ne s’était produit entre 2013 et le moment où le rapport d’expertise avait été rendu.

S’agissant des limitations fonctionnelles, le trouble de la personnalité narcissique impliquait une sensibilité accrue à la critique, une intolérance aux actes d’autorité, une difficulté à concilier les aspirations de grandeur relevée par la référence au passé de l’expertisé et à sa réalité d’homme obligé d’avoir recours à l’aide sociale. S’y ajoutaient des réactions colériques avec irritabilité et repli sur soi face aux impératifs de vie familiale et sociale. La dysthymie quant à elle ajoutait une vision pessimiste de l’avenir, une tristesse tenace sans possibilité de se projeter dans l’avenir et un repli sur soi qui empêche des interactions sociales.

L’expert estimait que le tableau clinique était cohérent avec les diagnostics retenus relevant que les deux pathologies avaient un caractère chronique, peu susceptible d’être modifié par des interventions pharmacologiques. Le travail psychothérapeutique était ici nécessaire et il était entrepris, mais chez un homme avec de faibles capacités de mentalisation et un attachement manifeste au bénéfice secondaire escompté.

Le trouble de la personnalité narcissique était un vecteur essentiel des limitations fonctionnelles de l’expertisé. Il limitait les ressources psychiques de ce dernier, dès lors que le recourant s’installait dans une position victimaire cherchant réparation.

S’agissant de la capacité de travail, l’expert estimait que l’incapacité de travail était restée stable des 2013 jusqu’à ce jour, sans aucune évolution et était valable pour tout milieu de travail, usuel ou adapté, en économie libre, la nature du travail n’étant pas en jeu dans ce cas de figure. Il évaluait l’incapacité de travail à 60 %, tenant compte de la limitation des ressources, de l’analyse fonctionnelle, des indicateurs jurisprudentiels et de la majoration des symptômes observés.

l. Les parties se sont prononcées sur le rapport d’expertise psychiatrique. L’intimé a considéré qu’il existait des contradictions manifestes entre le rapport de l’expert et celui du Dr E______, notamment au niveau des diagnostics et des ressources. Le SMR, dans un avis médical datant du 19 janvier 2023, considérait qu’il n’y avait pas assez d’éléments objectifs et que de nombreuses incohérences faisaient que les conclusions de l’expertise psychiatrique judiciaire ne pouvaient pas être suivies.

m. Le recourant, quant à lui, a confirmé dans un courrier du 25 janvier 2023 qu’il était absolument d’accord avec les conclusions du rapport d’expertise, tout en apportant quelques précisions quant à ses déclarations.

n. Sur ce, la cause a été gardée à juger ce dont les parties ont été informées.

o. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.        Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

6.        Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 20 octobre 2020, singulièrement sur le refus de l’OAI de verser des prestations d’invalidité.

7.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.         

8.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

8.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

9.        Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur "comorbidité" et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation ; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Etant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

 

 

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches [ ]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

10.    Selon la jurisprudence rendue jusque-là à propos des dépressions légères à moyennes, les maladies en question n'étaient considérées comme invalidantes que lorsqu'on pouvait apporter la preuve qu'elles étaient « résistantes à la thérapie » (ATF 140 V 193 consid 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 9C_841/2016 du 8 février 2017 consid. 3.1 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

Dans l'ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu'une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d'un point de vue objectif, la personne assurée d'effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

Dans les cas où, au vu du dossier, il est vraisemblable qu'il n'y a qu'un léger trouble dépressif, qui ne peut déjà être considéré comme chronifié et qui n'est pas non plus associé à des comorbidités, aucune procédure de preuve structurée n'est généralement requise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_14/2018 du 12 mars 2018 consid 2.1).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

11.    Selon la jurisprudence, une dysthymie (F34.1) est susceptible d'entraîner une diminution de la capacité de travail lorsqu'elle se présente avec d'autres affections, à l'instar d'un grave trouble de la personnalité. Pour en évaluer les éventuels effets limitatifs, ces atteintes doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée selon l'ATF 141 V 281 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2019 du 24 août 2020 consid. 5.1 et la référence).

12.    Des traits de personnalité signifient que les symptômes constatés ne sont pas suffisants pour retenir l’existence d’un trouble spécifique de la personnalité. Ils n'ont, en principe, pas valeur de maladie psychiatrique et ne peuvent, en principe, fonder une incapacité de travail en droit des assurances au sens des art. 4 al. 1 LAI et 8 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

13.     

13.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

13.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

13.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

13.4 Le fait qu'une expertise psychiatrique n'a pas été établie selon les nouveaux standards - ou n'en suit pas exactement la structure - ne suffit cependant pas pour lui dénier d'emblée toute valeur probante. En pareille hypothèse, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d'un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d'espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a lieu d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies - le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux - permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. Selon l'étendue de l'instruction déjà mise en œuvre, il peut s'avérer suffisant de requérir un complément d'instruction sur certains points précis (ATF 141 V 281 consid. 8 ; ATF 137 V 210 consid. 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2. et 9C_109/2018 du 15 juin 2018 consid. 5.1).

13.5 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

13.6 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2. et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

13.7 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

13.8 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

13.9 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

14.    En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

15.     

15.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

15.2 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

15.3 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

16.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

17.    Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

18.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

19.    En l’espèce, l’intimé considère que le rapport d’expertise judiciaire du Prof. G______ ne présente pas de valeur probante en raison du fait, notamment, que la description des activités quotidiennes de l’assuré a varié entre 2020 et 2022 et que les appréciations de l’expert judiciaire ne sont pas les mêmes que celles du Dr E______. Il est également relevé que, selon l’intimé, l’assuré avait montré des ressources jusqu’en 2013, ce qui s’opposerait à l’appréciation de l’expert judiciaire de même que le fait que le trouble de la personnalité relevé par l’expert n’a pas été retenu par le Dr E______. L’intimé persiste ainsi dans ses conclusions.

S’agissant du recourant, qui n’est pas assisté d’un mandataire, il déclare se retrouver dans le rapport d’expertise du Prof. G______ alors même qu’il s’était totalement distancé des appréciations de l’expert E______, comme il l’avait expliqué lors de l’audience de comparution personnelle du 19 novembre 2021.

19.1 L’audition du recourant et du Dr E______, par la chambre de céans, en date du 19 novembre 2021, a mis en lumière plusieurs anomalies de nature à mettre en doute les conclusions du Dr E______, dans la mesure où des tensions sont apparues, amenant l’assuré à ne pas répondre de manière authentique aux questions posées par l’expert mandaté par l’intimé.

Des divergences sont également apparues lors de l’audition simultanée du médecin traitant du recourant et du Dr E______.

Ainsi, l’appréciation médicale du médecin traitant, notamment quant aux ressources du recourant, est très éloignée de celle qui a été faite par le Dr E______.

Cet écart s’explique notamment par les déclarations du recourant en audience, qui a expliqué avoir d’emblée ressenti un sentiment de manque de confiance à l’égard du Dr E______, raison pour laquelle il ne lui a pas répondu de manière authentique.

Ce comportement a été observé par l’expert G______ dans son rapport d’expertise, ce dernier faisant plusieurs fois référence aux troubles de la personnalité narcissique du recourant qui amènent ce dernier à tenir des discours contradictoires où à se montrer irritable lorsqu’on n’épouse pas son point de vue. Dès lors que le Dr E______ n’a pas retenu de trouble de la personnalité narcissique, il semble ne pas s’être rendu compte du fait que l’expertisé lui disait « ce qu’il voulait entendre », comme l’a déclaré le recourant en audience.

Il résulte de ce qui précède que le rapport d’expertise du 28 mai 2020, rédigé par le Dr E______, est impropre à établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, la capacité de travail du recourant pour les raisons exposées supra.

19.2 Le rapport d’expertise psychiatrique du Prof G______ correspond en tous points aux exigences en la matière. Il a été établi en parfaite connaissance du dossier médical, dont la lecture a été complétée par trois entretiens avec l’expertisé, les 25 septembre, 11 octobre et 6 novembre 2022, totalisant six heures. L’expert s’est également entretenu téléphoniquement avec la sœur de l’expertisé, Madame H______, pendant dix minutes, avec l’épouse de l’expertisé, Madame I______, pendant six minutes, avec le psychiatre traitant de l’expertise, le Dr C______, pendant neuf minutes et avec Madame F______, psychologue, pendant quatre minutes. L’expert a également effectué avec Madame J______, psychologue, une évaluation neuropsychologique d’une durée de cinq heures.

Le rapport contient, en outre, une anamnèse personnelle, familiale et professionnelle très fouillée, et l’expert a tenu compte des plaintes du recourant et a rapporté ses observations de manière détaillée à la suite de trois entretiens approfondis.

Les diagnostics retenus sont soigneusement motivés et la capacité de gain du recourant a été correctement analysée à la lumière des indicateurs développés par la jurisprudence.

De surcroît, le Prof. G______ a exposé de manière détaillée et convaincante les raisons pour lesquelles il s’écartait de l’avis de l’expert E______ du 28 mai 2020.

S’agissant des incohérences dans les propos de l’expertisé, elles ont été plusieurs fois notées par l’expert, ce dernier semblant les intégrer dans le trouble de la personnalité narcissique dont souffre le recourant. En tout état, dès lors que lesdites incohérences ont été identifiées et expliquées par l’expert judiciaire et que ce dernier les a prises en compte dans son appréciation du taux d’incapacité de travail du recourant, elles ne sauraient conduire à un rejet de la valeur probante de l’expertise comme le soutient l’intimé, en conclusion de ses observations du 25 janvier 2023.

Dès lors qu’il n’y a pas de contradiction manifeste dans le rapport d’expertise judiciaire, la chambre de céans n’a pas de motif impératif de s'écarter de ses conclusions, étant rappelé que la tâche de l'expert est précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné.

19.3 Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise présente une pleine valeur probante et que les conclusions de l’expert judiciaire, selon lesquelles l’incapacité de travail du recourant est de 60% depuis 2013, doivent être retenues.

20. Selon une jurisprudence bien établie de la chambre de céans, le juge cantonal qui estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés doit, en principe, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire, soit renvoyer la cause à l’autorité sociale intimée pour qu’elle procède à une instruction complémentaire (ATAS/1109/2021 du 4 novembre 2021 consid. 11b ; ATAS/707/2021 du 30 juin 2021 consid. 9b ; ATAS/662/2021 du 23 juin 2021 consid. 9 ; ATAS/404/2021 du 29 avril 2021 consid. 9b ; ATAS/810/2020 du 28 septembre 2020 consid. 8 ; ATAS/283/2020 du 14 avril 2020 consid. 8d ; ATAS/1102/2019 du 27 novembre 2019 consid. 8). Vu la maxime inquisitoire de l’art. 61 let. c LPGA, la chambre de céans tente, dans la mesure du raisonnable, de procéder directement aux éclaircissements nécessaires dans un but de célérité et d’économie procédurale (en ce sens pour la mise en œuvre d’expertises : ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.4) ; cependant, un renvoi à l’administration apparaît en général approprié si celle-ci s’est soustraite à son devoir d’instruire, respectivement si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l’idée que le tribunal les éclaircirait en cas de recours (ATAS/707/2021 du 30 juin 2021 consid. 9b ; ATAS/662/2021 du 23 juin 2021 consid. 9 ; ATAS/404/2021 du 29 avril 2021 consid. 9b ; ATAS/833/2020 du 6 octobre 2020 consid. 10 ; ATAS/463/2020 du 4 juin 2020 consid. 10 ; ATAS/56/2020 du 30 janvier 2020 consid. 13b ; ATAS/960/2019 du 22 octobre 2019 consid. 9c ; ATAS/497/2019 du 4 juin 2019 consid. 7c ; ATAS/83/2019 du 1er février 2019 consid. 8c). Il ne revient un effet pas à la chambre de céans de procéder à une instruction détaillée en lieu et place du personnel spécialisé des autorités sociales compétentes (en ce sens : ATF 146 V 240 consid. 8.3.2), d’autant que cela aurait pour conséquence de priver les assurés concernés d’un degré de juridiction (comparer pour le Tribunal fédéral : ATF 147 I 89 consid. 1.2.5) et d’affaiblir le devoir constitutionnel de motivation sérieuse de l’autorité (en ce sens : ATF 146 V 240 consid. 8.3.2).

Dès lors qu’il avait conclu à l’absence d’incapacité de travail, l’OAI n’a pas procédé à une comparaison des revenus afin de déterminer le taux d’invalidité.

Pour cette raison, la cause lui sera renvoyée afin que l’OAI procède au calcul du taux d’invalidité, en effectuant une comparaison des revenus et en se fondant sur une incapacité de travail de 60%, depuis 2013, étant précisé que l’expert ne retient pas de baisse de rendement dans ce cas de figure.

21.    S’agissant du début de l’incapacité de travail de 60%, elle est fixée par l’expert judiciaire en 2013.

Néanmoins, l’assuré n’a déposé sa demande de prestations d’invalidité qu’en date du 25 juin 2019.

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance, au plus tôt, à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

En l’occurrence, conformément à l’art. 29 al. 1 LAI, la demande de prestations d’invalidité du recourant est tardive et ce n’est qu’à l’issue d’un délai de six mois, qu’une rente d’invalidité pourra lui être octroyée.

 

22. Reste à examiner la question des coûts de l'expertise qui peuvent être mis à la charge de l'assureur social (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents.

En l'espèce, bien que les appréciations de l’expert judiciaire soient différentes de celles de l’expert mandaté par l’OAI, rien ne permet de considérer que l'autorité administrative a diligenté une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées. Dès lors, les frais de l’expertise judiciaire seront laissés à la charge de l’État.

23.    Le recourant, qui n'est pas représenté en justice et qui n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n'a pas droit à des dépens.

24.    Etant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 20 octobre 2020.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le