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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1078/2022

ATAS/94/2023 du 14.02.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1078/2022 ATAS/94/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 février 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michael ANDERS

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1974, originaire de la Macédoine et naturalisée suisse, est arrivée en Suisse en 2001. Elle est mariée et mère de deux enfants nés en 2001 et 2005. Sans formation, elle a travaillé en Suisse à temps partiel dans le nettoyage, comme patrouilleuse scolaire et en dernier lieu pendant 2-3 heures par jour dans la distribution de courrier dès le 1er septembre 2016 durant quelques semaines.

b. Suite à un accident survenu le 29 septembre 2016 avec chute sur le dos, l'assurée est en incapacité de travail totale.

B. a. En novembre 2017, elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité.

b. Dans son rapport du 15 février 2018, la doctoresse B______, généraliste FMH, a attesté une incapacité de travail de 100% dans l'activité actuelle. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était entre 40 et 50%. Elle a émis notamment les diagnostics de lombo-sciatalgies du côté gauche, discopathie en L4-L5, céphalées persistantes, cervicalgie, dorsalgie et trouble anxieux et dépressif. Dans son rapport du 19 octobre 2018, cette médecin a ajouté aux diagnostics une gonalgie gauche et des migraines. Elle a confirmé ses diagnostics dans ses rapports des 7 octobre 2019 et 11 mai 2020 et attesté une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, soit sans position debout prolongée, marches sur de longs trajets, montée et descente d'escaliers, port de charges, flexion du tronc, accroupissements et position de la tête en élévation.

c. Dans son rapport du 30 septembre 2019, la doctoresse C______, cardiologue FMH, a écarté une origine cardiaque des algies thoraciques dont se plaignait l'assurée.

d. Selon le rapport du 19 février 2020 du docteur D______, neurologue FMH, l'examen clinique-neurologique n'a révélé aucun déficit ni moteur ni sensitif, hormis un syndrome du tunnel carpien débutant au niveau du poignet droit.

e. Dans son avis médical du 24 novembre 2020, le docteur E______ du service médical régional de l'assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après : SMR) a considéré que l'assurée présentait une capacité de travail nulle dans l'activité habituelle, mais totale dans une activité adaptée, à savoir une activité sédentaire légère, permettant l'alternance des positions, sans usage fréquent d'échelles, d'escabeaux ou d'escaliers, sans charges supérieures à 5 kg, sans positions du rachis en porte-à-faux, sans usages de machines vibrantes et/ou percutantes.

f. Selon l'enquête économique sur le ménage du 22 février 2021, l'empêchement pondéré sans exigibilité était de 28,9% et avec exigibilité de 0%.

g. Dans sa note du 25 novembre 2020, l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI) a retenu un statut d'active de 30%.

h. Le 28 juin 2021, l'OAI a constaté que l'assurée n'avait pas de perte de gain dans l'exercice d'une activité adaptée.

C. a. Le 30 juin 2021, l'OAI a informé l'assurée qu'il avait l'intention de lui refuser ses prestations.

b. L'assurée a contesté ce projet le 11 août 2021, au motif qu'elle souffrait de douleurs persistantes et invalidantes au niveau cervical et des deux bras, ainsi que de douleurs lombaires et aux genoux. À cela s'ajoutaient une céphalée persistante, une tachycardie intermittente, des crises d'angoisse et un état dépressif.

c. Le 6 septembre 2021, les docteurs F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur, et B______ ont attesté que l'assurée présentait une fibromyalgie sévère et qu'elle était en incapacité totale de travailler. Sa capacité ménagère était de 5%.

d. Le 14 septembre 2021, la doctoresse G______, psychiatre-psychothérapeute, a posé les diagnostics de trouble dépressif récurrent et de syndrome douloureux somatoforme persistant. Les essais de plusieurs antidépresseurs s'étaient soldés par un échec, l'assurée interrompant les traitements après quelques jours en raison de leur intolérance. Cela constituait un obstacle majeur à une évolution favorable de son état. Son incapacité de travail était totale.

e. Depuis le 1er octobre 2021, l'assurée est assistée par l'Hospice général.

f. En décembre 2021, l'assurée a été soumise à une expertise pluri-disciplinaire à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR) par les docteurs H______, rhumatologue, I______, spécialiste en médecine interne, J______, psychiatre-psychothérapeute, et K______, neurologue. Les experts ont notamment posé les diagnostics de migraine épisodique, de trouble de l'adaptation avec réaction dépressive prolongée, de dysthymie et de trouble somatoforme douloureux indifférencié. Aucun diagnostic somatique n'entraînait une incapacité de travail. Sur le plan psychiatrique, celle-ci était également totale, hormis au cours de périodes pendant lesquelles la symptomatologie dépressive était plus marquée et où l'incapacité était de 20 à 30%.

g. Par décision du 4 mars 2022, l'OAI a confirmé son refus de prestations.

D. a. Par acte du 4 avril 2022, l'assurée a formé recours contre cette décision, par l'intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente entière, sous suite de dépens. Elle a allégué que sa capacité de travail était nulle dans le ménage et dans une activité professionnelle, déniant à l'expertise de la CRR toute valeur probante.

b. Dans sa réponse du 4 mai 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours, sur la base de l'expertise.

c. Dans son rapport médical du 25 mai 2022, la Dresse G______ a confirmé une incapacité de travail totale de la recourante. Au test de dépression Hamilton, le score était de 30 points, ce qui correspondait à un état dépressif sévère.

d. Le Dr F______ a attesté le 30 mai 2022 que la recourante présentait des douleurs ostéoarticulaires diffuses du dos et des quatre membres en continu, persistantes et invalidantes, des céphalées, un sommeil non réparateur, une incontinence urinaire/fécale et une dyspareunie. Elle était en incapacité de travail totale en raison de la fibromyalgie, cette atteinte étant sévère. Dans le ménage, sa capacité de travail était de 15%.

e. Dans sa réplique du 30 mai 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions, en se fondant sur les rapports médicaux précités des Drs G______ et F______. Selon la psychiatre traitante, le trouble dépressif était sévère et ce trouble avait déjà été diagnostiqué par les psychiatres des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en 2005 et 2007. Une hospitalisation du 2 au 4 août 2005 avait eu lieu. En 2007, un syndrome sacré avec des douleurs importantes, surtout de l'anus, probablement d'origine mixte essentiellement neurogène avait été diagnostiqué. La Dresse G______ avait par ailleurs mentionné un abus de médicaments motivant une hospitalisation pendant une semaine suivie d'un traitement de jour au centre de thérapie brève (ci-après : CTB) pendant deux semaines. L'intolérance aux médicaments était confirmée par cette dernière. Par ailleurs, l'expert rhumatologue avait constaté des scores importants pour la fibromyalgie, ce qui confirmait la sévérité de cette atteinte.

f. Dans son avis médical du 16 juin 2022, la doctoresse L______ du SMR a relevé que les plaintes étaient connues. L'experte psychiatre avait retenu une dysthymie et un trouble de l'adaptation avec une réaction dépressive prolongée et non un trouble dépressif récurrent. Selon cette experte, la collaboration de la recourante avait été moyenne avec de nombreuses discordances entre l'anamnèse et les éléments du dossier médical. À l'examen clinique, il n'y avait ni troubles cognitifs ni symptômes neurovégétatifs anxieux. Le test Hamilton utilisait en partie des autoévaluations qui pouvaient être surcôtées par la recourante. À l'analyse des critères standards, il s'avérait également que ceux-ci n'étaient pas remplis. Le caractère invalidant de la fibromyalgie devant être apprécié de la même manière, une invalidité ne pouvait être retenue.

g. Le 2 août 2022, le docteur M______, spécialiste en chirurgie orthopédique et réadaptation physique, a attesté que la recourante présentait une fibromyalgie avec un déconditionnement physique et psychique, ainsi que des troubles statiques. Comme comorbidité, il a mentionné un probable état dépressif. La recourante présentait des douleurs associées à un déconditionnement musculaire focal et global, se traduisant par des dysbalances musculaires. Les approches faites précédemment n'avaient pas apporté les résultats escomptés, ce problème musculaire n'ayant pas été abordé sous l'angle rééducatif actif. Une prise en charge globale pendant neuf à douze mois était nécessaire avec la continuation des exercices à domicile.

h. Par courriel du 3 août 2022, le Dr M______ a confirmé le diagnostic de fibromyalgie. Pour l'estimation de la capacité de travail, il a jugé nécessaire d'organiser une évaluation des capacités fonctionnelles pour avoir une mesure objective.

i. Par écritures du 30 août 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions et a relevé que ce dernier médecin a confirmé la présence d'une fibromyalgie. Ses conclusions et constatations différaient considérablement de celles de l'expert rhumatologue de la CRR. La non-admission du diagnostic de fibromyalgie par ce dernier au motif de la présence de plusieurs pathologies psychiatriques était infondée, les facteurs psychologiques semblant précisément favoriser la fibromyalgie. À cela s'ajoutait son état dépressif sévère, constaté déjà précédemment par les médecins des HUG.

j. Dans son avis médical du 26 septembre 2022, le SMR a relevé qu'il ne pouvait être tenu compte d'un déconditionnement musculaire pour l'évaluation de la capacité de travail et a répété que le caractère invalidant de la fibromyalgie devait être apprécié sur la base des indicateurs jurisprudentiels.

k. Par écritures du 27 septembre 2022, l'intimé a maintenu ses conclusions, en soulignant que les seuls avis des médecins traitants n'étaient pas propres à remettre en cause les constatations des experts.

l. Dans son rapport du 24 novembre 2022, la Dresse G______ a indiqué que la recourante était suivie à sa consultation entre octobre 2007 et janvier 2010 de manière sporadique et depuis mai 2017 de façon plus régulière. Suite à un accouchement traumatique, elle a commencé à souffrir de troubles psychiques. Suite à un abus médicamenteux, elle avait été hospitalisée durant une semaine. Après la naissance de son second fils, alors que la relation conjugale se dégradait, elle n'avait plus trouvé une thymie normale et avait commencé à ressentir des douleurs multiples. Elle n'arrivait pas à s'occuper de ses enfants. Plusieurs tentatives de reprises de travail s'étaient soldées par des échecs à cause des douleurs. Aujourd'hui, son état dépressif était grave avec une composante anxieuse très importante. Son incapacité de travail était totale.

m. Dans son avis médical du 13 décembre 2022, le SMR a maintenu sa position en l'absence d'un traitement antidépresseur et au vu des incohérences relevées dans l'expertise.

n. Par écritures du 14 décembre 2022, l'intimé a maintenu ses conclusions.

o. Dans son courriel du 20 janvier 2023, la Dresse G______ a contesté le diagnostic de dysthymie retenu par l'expert psychiatre et confirmé ses diagnostics précédents.

p. Dans ses écritures du 20 janvier 2023, la recourante a soutenu que les rapports de la Dresse G______ avait une plus grande valeur probante que le volet psychiatrique de l'expertise, dans la mesure où la recourante n'avait eu qu'un seul entretien de 2,5 heures avec l'experte psychiatre. Elle a ainsi persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Le recours déposé le 22 avril 2021 devant la chambre de céans est soumis au nouveau droit.

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, le droit éventuel à une rente est né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

5.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité.

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

6.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

6.4 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

7.              

7.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

En 2017, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7).

Le Tribunal fédéral a maintenu, voire renforcé, la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

7.2 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

7.3 La capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

8.              

8.1 Lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.2 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

9.              

9.1 En décembre 2021, l'assurée a été soumise à une expertise pluri-disciplinaire CRR. Les experts posent notamment les diagnostics de migraine épisodique, de trouble de l'adaptation avec réaction dépressive prolongée, de dysthymie et de trouble somatoforme douloureux indifférencié. Aucun diagnostic somatique n'entraîne une incapacité de travail. Sur le plan psychiatrique, la capacité de travail est également totale, hormis au cours des périodes pendant lesquelles la symptomatologie dépressive est plus marquée et où l'incapacité est de 20 à 30%.

Dans l'évaluation consensuelle, il est relevé que la recourante prend peu d'antalgiques, alors qu'elle estime que ses douleurs se situent entre 7 et 8 sur 10 selon l'échelle des douleurs. Avant la séparation de son conjoint (quelques mois avant l'expertise), elle était suivie mensuellement par sa psychiatre sans traitement psychotrope. Depuis la séparation, le suivi est hebdomadaire. Il y a d'importantes incohérences sur le plan somatique, la recourante déclarant ne rien pouvoir faire, alors que les données cliniques objectives sont strictement normales. Tous les experts jugent que le descriptif des plaintes est flou et que les réponses sont amplifiées et inductibles.

Sur le plan de la cohérence, il ressort de cette expertise que lors de l'entretien avec le Dr H______, la participation à l'interrogatoire de la recourante est moyenne et qu'elle est très démonstrative lors de l'examen clinique. Elle se relève vite lorsqu'on lui demande de ses dévêtir, se dévêtit et se rhabille sans aucune difficulté réelle. La marche s'effectue normalement sans boiterie. À l'examen du rachis, des douleurs diffuses sont réveillées, mais sans véritable contracture au niveau cervical ou dans la région trapézienne. Il n'y a pas de signe de Lasègue, mais une incohérence caricaturale entre les positions couchée et assise.

L'experte en médecine interne note que durant la première demi-heure de l'entretien, la recourante se présente avec une certaine inhibition psychomotrice, bougeant péniblement, répondant lentement aux questions avec un regard invasif et ne quittant pas son masque de souffrance. Puis, elle est capable de moduler la gestuelle et la mimique, la fluidité verbale et l'interaction. Les données anamnestiques restent souvent floues et les réponses inductibles. Aucune épargne n'est constatée lors du déshabillage et du rhabillage. Elle déclare une intolérance à divers médicaments sans pourvoir la préciser, ce qui met en doute l'observance thérapeutique. Le comportement douloureux a été peu notable.

L'expert neurologue constate que les mouvements spontanés sont relativement fluides, ce qui contraste avec les mouvements plus lents lors de l'examen. Il relève également le caractère très inductible des réponses de la recourante.

Selon l'experte psychiatre, la description d'une journée type est laborieuse avec des réponses souvent vagues et difficiles à préciser. L'hygiène est soignée. La recourante se déplace avec lenteur et adopte une attitude démonstrative. Lors de l'entretien, elle ne manifeste pas d'inconfort. Elle donne à plusieurs reprises l'impression d'amplifier la symptomatologie et les troubles sur le plan psychique. La vigilance est maintenue pendant tout l'entretien. Il n'y a pas de sentiment de culpabilité exprimé ni d'élément probant pour une baisse de l'estime de soi. Sur le plan anxieux, on ne constate ni agitation ni fébrilité ni signe de tension intérieure.

9.2 Cette expertise a été établie en connaissance de l'intégralité du dossier médical, comprend les plaintes de la recourante, repose sur des examens cliniques approfondis et contient des conclusions motivées. Les experts tiennent également compte des critères jurisprudentiels pour l'appréciation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques. Cette expertise remplit ainsi tous les réquisits jurisprudentiels pour lui reconnaitre une pleine valeur probante.

9.3 La recourante met en cause la valeur probante de cette expertise sur la base des certificats de ses médecins traitants qui diagnostiquent un état dépressif et une fibromyalgie sévères.

Toutefois, les rapports des médecins traitants ne font pas état d'éléments qui ont été ignorés des experts. Il est vrai que les médecins des HUG diagnostiquent en 2005 et 2007 un état dépressif sévère. Toutefois, il s'agit de rapports anciens et d'un contexte particulier (éventuel renvoi en Macédoine). Par ailleurs, ce n'est pas parce que la psychiatre traitante a eu plus d'entretiens avec sa patiente que son rapport a une plus grande valeur probante qu'une expertise.

Quant aux différences dans l'anamnèse entre la version de la recourante et celle résultant du dossier médical concernant un abus médicamenteux en 2005, la Dresse G______ atteste certes d'un tel abus dans son rapport du 25 mai 2022. Cependant, cette médecin a commencé à suivre la recourante seulement deux ans plus tard, si bien que cet élément anamnestique repose sur les dires de celle-ci. En effet, un tentamen n'est pas mentionné dans les rapports médicaux. Il en va de même du nombre et de la durée des hospitalisations rapportés par la recourante et confirmés par la psychiatre traitante. Seule une hospitalisation de deux jours est mentionnée par le docteur N______ des HUG dans son rapport du 16 août 2005 et non deux ou trois hospitalisations comme rapportées par la recourante.

Concernant l'absence de médication, la recourante souligne les effets secondaires importants du Risperdal. Il ne s'agit toutefois pas d'un antidépresseur, mais d'un antipsychotique qui a été prescrit seulement en 2005. Les effets secondaires des antidépresseurs ne sont pas comparables à ceux du Risperdal.

Sur le plan somatique, même si les médecins des HUG ont fortement soupçonné en 2002 une pathologie neurologique sous-jacente, ces soupçons ne se sont pas vérifiés selon l'expertise de la CRR, laquelle comprend un volet neurologique.

Quant au diagnostic de fibromyalgie retenu par les Drs F______ et M______, mais non par l'expert rhumatologue, cette question peut rester ouverte, dans la mesure où le caractère invalidant aussi bien des troubles psychiques que de la fibromyalgie doit être évalué sur la base des mêmes critères. Il est à noter toutefois que le Dr M______ n'atteste pas une incapacité de travail de la recourante et relève surtout un déconditionnement physique important.

Les arguments de la recourante ne sont ainsi pas propres à mettre en doute les conclusions de l'expertise.

9.4 Il est à relever par ailleurs qu'indépendamment des éléments d'exagération relevés ci-dessus, la recourante ne prenait pas d'antidépresseurs. Il est impossible de vérifier si ces médicaments ont effectivement provoqué les effets secondaires allégués (palpitations, vertiges, maux de tête, brûlures diverses). Depuis peu de temps, une tentative d'introduction d'un traitement a été instaurée. Il y a cependant un doute sur le dosage réellement pris. Selon l'entretien de l'experte psychiatre avec la Dresse G______, celle-ci décrit une observance thérapeutique peu fiable. Le suivi psychothérapeutique était espacé avant la séparation de la recourante de son mari, à savoir mensuel. Depuis lors, il est hebdomadaire. Certes, la recourante suit la psychothérapie avec régularité. Cependant, au vu de la gravité de l'atteinte psychique alléguée, le suivi était auparavant d'une intensité insuffisante.

Quant au contexte social, la recourante a deux fils nés en 2001 et 2005 qui vont bien dans l'ensemble et vivent avec elle. Elle voit aussi ses nièces environ trois fois par semaine et n'a pas des relations conflictuelles avec son mari dont elle est séparée. Régulièrement, elle retourne dans sa famille en Macédoine en avion. La recourante est ainsi bien entourée par sa famille et son environnement social doit être qualifié comme soutenant, même si la recourante déclare n'avoir pas d'amis ou de connaissances proches.

Aucun trouble de la personnalité n'est mis en évidence.

Concernant le poids de la souffrance, il est difficile de comprendre, sur la base des éléments anamnestiques, pourquoi la recourante a développé une dépression et des douleurs, du moins avant la séparation de son mari. En effet, elle n'a subi aucun traumatisme ni des violences dans l'enfance et n'explique pas pourquoi elle est triste. Certes, elle a vécu son premier accouchement comme très traumatisant en 2001 et a bénéficié par la suite d'un suivi psychiatrique pendant huit ans. Toutefois, elle déclare avoir stoppé ce suivi, car elle allait mieux (expertise p. 8). Le développement d'un trouble dépressif et d'un trouble somatoforme douloureux ne paraît ainsi pas cohérent avec l'anamnèse.

Partant, il sied de constater que les indicateurs ne sont pas remplis pour admettre une incapacité de travail en raison des troubles psychiques et de la fibromyalgie allégués.

10.         Par conséquent, le recours sera rejeté.

11.         La recourante plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, il est renoncé à percevoir un émolument de justice.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir un émolument de justice.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le